Texte intégral
Je suis particulièrement heureux que nous nous retrouvions ce matin dans les salons du ministère de la Culture et de la Communication pour la signature de deux conventions qui marquent une étape importante de la politique culturelle pour la Guyane.
Vous le savez, j’ai tenu, depuis mon arrivée rue de Valois, à donner une nouvelle impulsion à l’action culturelle dans les Outre-mer. Malgré la richesse considérable de leur patrimoine matériel et immatériel, du spectacle vivant, de la création artistique ultramarine, les cultures ultramarines sont trop souvent restées pour l’Etat dans une sorte d’angle mort. J’ai donc tenu à faire des déplacements réguliers pour pouvoir construire une collaboration la plus étroite possible avec les collectivités territoriales ultramarines, entrer en contact avec les professionnels de la culture et les associations afin de mieux prendre la mesure de ce à quoi l’Etat peut contribuer et de lancer un plan d’action. L’Année des Outre-mer en a été l’occasion. La création de l’agence de promotion et diffusion des cultures d’outre-mer, que je viens de lancer avec Marie-Luce Penchard, en est l’un des résultats ; il y a également la mise en place d’outils spécifiques de partenariat entre l’Etat et les collectivités, dont les deux conventions que nous allons signer ensemble pour la Guyane sont un moment important.
Le Conseil général de Guyane, la Région Guyane et le ministère de la Culture et de la Communication avaient signé le 3 septembre 2010 une convention-cadre visant à restaurer et à valoriser le site historique de l'ancien hôpital Jean-Martial à Cayenne et à y créer la « maison des cultures et des mémoires de la Guyane Jean-Martial ».
Situé au cur de la ville historique de Cayenne, entre la place des Palmistes et la mer, l’ancien hôpital Jean-Martial, ensemble monumental du XIXème siècle, était en voie de destruction, et n’avait pour l’instant aucune destination d'utilisation : l'idée directrice du projet de Maison des cultures et des mémoires de la Guyane est de le sauver en lui donnant une vocation culturelle, et plus particulièrement patrimoniale, afin d’y créer un véritable pôle de conservation et de vulgarisation des mémoires orales, écrites et matérielles des peuples de Guyane, en réunissant les collections existantes :celles du Musée Franconie et des Archives départementales qui appartiennent au Conseil général, du Musée des cultures guyanaises appartenant à la Région, et du Service régional de l'inventaire du patrimoine. La Maison des cultures et des mémoires de Guyane intégrera également des services en cours de conception comme le pôle du multilinguisme, dont la création a été préparée par les États généraux du multilinguisme en Outre-mer tenus en décembre 2011 à Cayenne et par l'étude-action du cabinet Tertius), le Fonds régional d'art contemporain et une Cinémathèque.
En dehors de son implantation cayennaise qui regroupera l'ensemble de ses parties publiques - avec des présentations permanentes, des expositions temporaires, des services de médiation et d'action culturelle, un auditorium, un centre de documentation, une boutique et un restaurant), cette nouvelle institution comprendra des réserves dotées des espaces nécessaires aux opérations techniques d’inventaire et de restauration des collections, ainsi que des espaces de consultation spécialisée ; ce second bâtiment, à construire, et dont l'architecte a déjà été choisi au terme d'un concours par le Conseil général maître d'ouvrage, se situe dans la commune qui jouxte la métropole guyanaise, Rémire-Montjoly.
L'ancien hôpital Jean Martial est protégé au titre des Monuments historiques : inscrit, il est en voie de classement. Il constitue un lieu essentiel de la mémoire collective guyanaise en même temps qu'un patrimoine architectural majeur, élément déterminant de l'urbanisme cayennais. La future Maison des cultures et des mémoires de la Guyane mettra en valeur la diversité culturelle exceptionnelle de la Guyane, qu'il faut faire mieux connaître des Guyanais et notamment des jeunes Guyanais, mais également des touristes.
L'étude de programmation confiée au Cabinet Isabelle Crosnier a débuté en mai 2011 : c'est sur cette base qu'a été conçue la convention pluriannuelle qui unit désormais le ministère de la Culture et de la Communication au Conseil général de Guyane et à la Région Guyane. Le projet scientifique et culturel du futur établissement sera rendu au premier semestre 2012. Les responsables des différents établissements en voie de fusion dans la nouvelle institution constituent, sous l'autorité de Mme Marie-Paule Jean-Louis, conservateur en chef, l'équipe de conception à laquelle est associée l'équipe de la Direction des Affaires culturelles de Guyane.
Les travaux de restauration des parties hautes des bâtiments ont commencé ; la restauration et l'aménagement du pavillon d'entrée est en cours. Ce chantier devant être achevé fin 2012 pour ouvrir « la maison du projet » début 2013. Les études nécessaires à l'exécution du projet seront lancées en 2012. Un chef de projet et une équipe-projet doivent être recrutés prochainement.
La convention pluriannuelle que nous signons aujourd’hui fixe le cadre général dans lequel l'État, le Conseil général et la Région entendent mener le projet à son terme, avec un coût d'objectif de 60 M - restauration du monument comprise pris en charge paritairement soit 20 millions d'euros pour chacune des parties.
Monsieur le président, cher Rodolphe Alexandre,
Nous allons également signer aujourd’hui, entre l’Etat et le Conseil régional de Guyane, une convention de développement culturel.
En décembre dernier, à Cayenne, nous avions convenu de la nécessité de nous doter d’un cadre pour une ambition renouvelée en matière de développement culturel en Guyane. Nous avions convenu de quelques principes fondateurs :
- L’approfondissement nécessaire d’un modèle culturel basé sur la promotion et la valorisation de la diversité des expressions locales ;
- Une attention prioritaire à la jeunesse, ce qui suppose la conduite d’une politique adaptée d’éducation et d’enseignement artistique ;
- Une politique résolue de préservation et de valorisation du patrimoine matériel et immatériel (notamment les langues), comme ressource mémorielle, comme terreau d’une appartenance commune ;
- Une densification du réseau des salles de spectacle et des lieux de production artistique, avec la mise en place d’équipements structurants ;
- Un soutien résolu à la création artistique et à la diffusion des oeuvres.
La convention d’application que nous allons signer vient décliner, dans ces différents champs, les actions planifiées sur la période 2012/2014, en cohérence avec le schéma régional de développement culturel en passe d’être adopté par la Région. Elle comporte une programmation budgétaire pluriannuelle, qui vient confirmer l’ambition, mais également le caractère soutenable de ces orientations.
Le patrimoine sous toutes ses formes, qu’il s’agisse des sites archéologiques, des monuments, des traditions orales et immatérielles et orales, ou encore des langues, devient progressivement un enjeu en Guyane. L’ancien hôpital Jean-Martial, les établissements pénitentiaires des îles du Salut, le camp de la Transportation de Saint-Laurent du Maroni et les bâtiments des bourgs ruraux nécessitent des actions conjuguées entre l’Etat, la Région Guyane et les communes pour enrayer leur dégradation et permettre leur mise en valeur. Le service de l’Inventaire du patrimoine, destiné à élargir son champ de compétence, deviendra pour la région le principal outil de cette sauvegarde et de cette mise en valeur qui pourrait à terme concerner le très riche patrimoine archéologique et ethnologique de la Guyane.
Le patrimoine linguistique et immatériel doit bénéficier également d’une attention particulière, du fait de sa fragilité et des menaces qui pèsent sur lui alors qu’il s’agit de l’une des richesses : l’un des projets majeurs, à l’initiative de la région, à la suite des conclusions de l’étude Tertius et des Etats généraux du multilinguisme dans les Outre-mer tenus en 2011 à Cayenne, réside dans la création d’un pôle du multilinguisme en Guyane qui prendra ultérieurement place à l’intérieur de la Maison des cultures et des mémoires de la Guyane. Ce pôle aura un rôle de collecte et d’étude, de conservation et de restitution au public, ainsi que d’impulsion des politiques publiques en matière de multilinguisme.
La question du patrimoine et de l’éducation scientifique et technique est particulièrement importante en Guyane, avec Kourou, « port spatial de l’Europe ». La création d’un Centre de Culture Scientifique et Technique (CCST) nommé « la Canopée des Sciences », en partenariat entre mon Ministère, le ministère de la Recherche et le Rectorat de Guyane, avec le Centre national d’études spatiales, répond au besoin crucial en Guyane de sensibiliser les Guyanais, et en particulier les jeunes, à l’enseignement scientifique. Dans un contexte où les ressources naturelles sont très importantes je pense à la découverte récente de champs pétrolifères sous-marins -, il y a également un fort enjeu en termes d’emplois potentiels.
Il y a peu de musées en Guyane : trois seulement, sans grands moyens et avec des locaux trop exigus, interdisant tout développement. De même, les Archives départementales souffrent de locaux mal adaptés. C’est la raison d’être, pour l’Etat et les deux grandes collectivités locales, de la Maison des cultures et des mémoires de Guyane.
L’accès à la culture et la diffusion artistique, l’éducation artistique doit être également une priorité pour un territoire en pleine croissance démographique. La création d’une « scène nationale », fonctionnant en réseau avec des lieux de plus petit format, permettra de doter la Guyane d’un outil culturel qui lui manque. De même, le renforcement des deux scènes conventionnées de Macouria et de Saint-Laurent du Maroni, la création d’un Centre de développement chorégraphique autour du travail de Norma Claire, d’une Scène de musique actuelle à Saint-Laurent et peut-être à Kourou, devrait, en complémentarité, permettre à la fois la diffusion des spectacles et la création pour laquelle la Guyane dispose d’un potentiel formidable, au vu tant de ses talents individuels que de sa diversité culturelle. La création d’un conservatoire à vocation départementale, à partir de l’école régionale de musique et de danse existante, est en cours ; en préparant l’introduction de l’art dramatique, le conservatoire pourra accéder à la qualification de « vocation régionale ». Par ailleurs, des antennes du conservatoire seront créées pour irriguer le territoire d’un enseignement de qualité.
Autre objectif partagé entre l’Etat et la Région : le renforcement et l’amélioration de l’équipement des médiathèques, qui forment en Guyane un réseau cohérent mais encore insuffisant. De nombreuses mesures sont prévues pour cela, sans oublier l’appui à l’économie du livre avec la mise en place d’un « contrat de progrès » pour la filière et le renforcement du Salon du Livre de Guyane, dont la thématique pourrait être orientée sur la jeunesse.
Le soutien aux artistes, à leur mobilité, à leur formation ou à leur perfectionnement, aux échanges internationaux, aux résidences d’artistes, aux festivals, la création de lieux de répétition, la création d’un Fonds régional d’art contemporain à vocation amazonienne et sud-américaine, le soutien au cinéma s’avèrent également indispensables pour la mise en place d’une politique globale de développement culturel. Cette dernière fera l’objet d’un suivi permanent assorti d’une évaluation par les partenaires.
Je tiens enfin à remercier tout particulièrement Michel Colardelle, le directeur des affaires culturelles de Guyane, pour le travail remarquable qu’il aura mené avec son équipe dans la préparation de ces conventions.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 26 mars 2012