Déclaration de Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, sur la stratégie de réduction des déficits publics du gouvernement et sur son programme de stabilité et de croissance pour la période 2012-2016, à l'Assemblée nationale le 11 avril 2012.

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Circonstance : Déclaration devant la Commission des finances à l'occasion de l'audition sur le projet de programme de stabilité et de croissance, à l'Assemblée nationle le 11 avril 2012

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission des finances,
Monsieur le rapporteur général,
Mesdames et messieurs les députés,
La réduction des déficits publics dans la zone euro est un impératif, un impératif auquel, je tiens à le dire, aucun Gouvernement européen, ni aucune majorité, ne peut plus se soustraire.
Cette exigence, elle n’est ni de droite, ni de gauche, elle est dictée par l’intérêt national :
- C’est une exigence économique : parce que les niveaux actuels d’endettement public sont, sous l’effet de la crise et de trente années de dérive budgétaire, trop élevés.
- C’est une exigence politique : parce que lorsqu’un problème est évident, qu’il menace tout à la fois notre croissance, notre modèle social et notre souveraineté, la responsabilité politique, c’est d’y répondre.
- C’est une exigence morale : parce que les Français n’accepteraient pas de noyer les générations futures sous une dette dont ils ne sont pas responsables.
C’est pourquoi le Gouvernement s’est engagé dans une stratégie de réduction des déficits publics de grande ampleur avec une constance, une réactivité et une détermination qui sont tout simplement sans précédent.
La constance tout d’abord, qui nous a permis de mener à bien des réformes essentielles, comme la réforme des retraites ou la réforme de l’Etat, et qui nous a poussé à réagir avec rapidité et efficacité en accélérant le rythme de nos réformes quand la tempête s’est levée sur la zone euro.
La réactivité, ensuite, qui, malgré une conjoncture défavorable, nous a permis non seulement de ne pas entrer dans une nouvelle récession en 2011, mais aussi d’atteindre -5.2% de déficit public quand l’inaction nous aurait conduit bien au-delà des -6% initialement envisagés.
Encore une fois, nous avons donc dépassé le fatalisme dans lequel il est trop simple de tomber pour au contraire renforcer la crédibilité de notre pays.
La détermination, enfin, qui est absolument nécessaire : les français le savent, nous ne pouvons pas aujourd’hui nous permettre de relâcher les efforts. Car pour atteindre, comme nous nous y sommes engagés devant vous et devant nos partenaires européens, l’équilibre des comptes publics en 2016, le chemin est encore est long. Et si le pacte de stabilité que nous vous présentons aujourd’hui a été allongé d’un an par rapport aux obligations européennes pour couvrir l’année 2016 : c’est parce que le rendez-vous avec l’équilibre est indispensable.
I. Notre constance, notre réactivité et notre détermination ont d’ores et déjà payé. Notre stratégie a déjà commencé à porter ses fruits, comme en témoignent les très bons résultats que nous avons obtenus sur la période
Au plus fort de la crise, nous avions fait le choix de protéger les Français et de relancer l’économie. Avec un PIB en recul de 2.5% en 2009 quand l’Allemagne reculait de près de 5%, nous avons réussi – au point que certains hommes politiques oublient même parfois que la crise a eu lieu. Mais si la France a ainsi fait jouer ses filets sociaux, cette démarche a aussi engendré une hausse des déficits publics et révélé au grand jour les faiblesses d’un déficit structurel accumulé depuis 30 ans.
Le Gouvernement n’est évidemment pas resté sans réagir. Depuis le début du quinquennat, nous mettons tout en oeuvre pour mener à bien les réformes structurelles dont la France a besoin et assainir nos finances publiques. Nous avons fixé des objectifs, nous avons adopté une stratégie efficace et aujourd’hui, force est de constater que les résultats sont au rendez-vous.
Nous avons scrupuleusement respecté nos objectifs. Mais plus encore, nous les avons même largement dépassés. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2010, nous avions prévu 8% puis 7.7% de déficit, nous avons fait 7,1%. En 2011, nous avions prévus 6% de déficit, révisé à 5,7% dans le cadre du pacte de stabilité d’avril 2011 et finalement nous avons fait 5,2%. Qui peut contester aujourd’hui notre crédibilité ?
En 2011, le déficit public est ainsi de 103,1 milliards d’euros contre 136,5 milliards d’euros en 2010, soit une amélioration de près de 1,9 point de PIB en un an. C’est tout simplement sans précédent dans notre histoire. Et cela nous donne une longueur d’avance sur notre trajectoire.
Ces bons résultats, il faut le dire clairement, ils sont d’abord et avant tout le produit d’économies considérables réalisées en dépense. La dépense publique passe de 56,6% à 55,9% du PIB en 2011. Après une progression de +0,3% en 2010, elle s’est donc stabilisée en volume. Du jamais vu depuis 1960 ! Qui peut contester notre capacité à maitriser nos dépenses ?
Grâce aux réformes audacieuses, que nous avons initiées – RGPP, ½, retraites - et malgré la crise, nous sommes parvenus à réaliser des économies considérables sans pour autant affaiblir nos filets de protection sociale. Le résultat aujourd’hui, c’est que pour la première fois depuis 1945, les dépenses de l’Etat hors dette et pensions diminuent, que l’ONDAM a été respecté deux années consécutives - une première depuis sa création en 1997-, et que nous avons deux ans d’avance sur nos objectifs de réduction des déficits sociaux.
Personne ne peut contester l’efficacité de notre stratégie ! Une stratégie, qui, d’ailleurs, je tiens à le rappeler, ne s’est en rien faite contre la croissance, au contraire. Grâce à un ciblage fin des mesures, notamment sur ceux dont la capacité contributive était la plus forte, la croissance est ainsi restée positive en 2011 à 1.7%, et même le 4e trimestre a enregistré une progression de +0,2%. Le 1er trimestre 2012 a été stable là où la plupart des prévisionnistes anticipaient une récession. Cette performance est d’autant plus remarquable que la France est ainsi un des seuls pays de l’OCDE à n’avoir enregistré aucun recul de son PIB trimestriel depuis le deuxième trimestre 2009 malgré un contexte extrêmement défavorable.
II. Le programme de stabilité pour la période 2012-2016 que nous vous présentons aujourd’hui s’inscrit résolument dans le prolongement de cette stratégie qui associe une maîtrise stricte et durable de la dépense publique à un ensemble de réformes porteuses de croissance
A. Il présente une trajectoire proche de celle présentée l’année précédente, mais sous des hypothèses macroéconomiques moins favorables (cf. F. Baroin).
Nous ramènerons le déficit à 4,4% en 2012, à 3% en 2013, 2% en 2014, 1% en 2015, pour atteindre l’équilibre des comptes publics en 2016. Dans ce contexte, nous atteindrons un déficit structurel de -2,6% dès 2012, soit à un niveau inférieur à celui que nous avons trouvé en 2007. Quant à la dette – hors engagements européens -, elle sera stabilisée à partir de 2013.
Compte tenu des résultats obtenus, nous sommes convaincus que nous tiendrons ces engagements tout en favorisant la croissance et l’emploi : la réduction des déficits n’est pas l’ennemie de la croissance : c’est au contraire le meilleur allié d’une croissance saine, solide et durable, comme l’illustre l’exemple d’un grand nombre de nos partenaires, allemand ou nordiques.
B. Pour y parvenir, notre stratégie reste inchangée, parce que nous sommes convaincus qu’elle est crédible et efficace
Au total, suivant cette trajectoire, entre 2012 et 2016, l’augmentation des PO sera de 1,1 point de PIB (44,7% à 45,8%) et la baisse de la dépense de 3.2 point de PIB (de 55,8% à 52,6%, soit le même niveau qu’en 2007).
Notre effort, vous le constatez, est ainsi toujours concentré sur la baisse des dépenses par les réformes, qui est la condition nécessaire d’une consolidation qui ne casse pas la croissance. Sur les 115 milliards d’efforts à fournir entre 2011 et 2016, les 2/3, soit 75 Mds€, seront ainsi réalisés par des économies en dépense.
Sur ces 75 Mds €, 39 ont déjà été adoptés par le Parlement (réformes des retraites comprise). Il nous faut donc encore trouver, grâce aux réformes et sans affaiblir ni nos filets de protection sociale, ni notre croissance, 34 Mds€. C’est considérable mais réaliste.
Tous les secteurs des administrations publiques devront être mis à contribution. En premier lieu l’Etat, qui porte le déficit le plus important, mais aussi les collectivités territoriales et la sécurité sociale, sans qui il ne sera pas possible d’équilibrer nos comptes.
Cet effort est documenté. Il s’appuie sur la reconduction ou le renforcement des normes de dépenses qui ont prévalu en 2011 : stabilité des dépenses de l’Etat hors intérêts et pensions en valeur et stabilité des dépenses totales de l’Etat en volume ; limitation à 2,5% de l’ONDAM ; continuité dans l’application de la réforme des retraites.
S’agissant des efforts en recettes, qui représentent un tiers des efforts à fournir, soit 40 Mds€, 32 Md€ ont déjà été votées. Il faudra là encore prendre des mesures complémentaires. Mais tout miser sur les recettes, prôner le matraquage fiscal comme le font certains en ignorant l’impact que cela aurait sur la croissance, n’est clairement pas une alternative politique.
Avant tout, il faudra veiller, comme nous l’avons toujours fait, à répartir équitablement l’effort entre les Français et entre les entreprises. Les engagements du Gouvernement demeurent intangibles : pas d’augmentation généralisée des impôts et un effort qui pèse essentiellement sur les ménages et les entreprises dont la capacité contributive est la plus élevée.
La croissance des prélèvements obligatoires entre 2012 et 2016, de 1.1 point de PIB représentent 22 Mds de PO supplémentaires. Pour 8 Mds cet effort nécessite des mesures exceptionnelles, pour le reste cela correspond à la reconstitution des recettes perdues pendant la crise. Les recettes progresseront ainsi légèrement plus vite que le PIB sur la période.
A ceux qui trouvent cette prévision optimiste, je rappellerai que le rendement de l’IS était de 50.8 Md€ en 2007. Il a chuté à 21 Md€ en 2009 sous l’effet de la crise : là où le PIB reculait de -2,5%, les recettes d’IS perdaient près de 60% ! En 2011, ces recettes étaient de 39.1 Md€ : tout le chemin perdu pendant la crise n’a toujours pas été rattrapé. On voit donc bien que l’IS surréagit au cycle économique. Il ne parait donc en rien déraisonnable de tabler sur la reconstitution de nos recettes d’IS d’ici à 2016, d’autant que plusieurs mesures d’élargissement de l’assiette ont été prises sous cette mandature.
III. Face à la crise, cette consolidation est absolument indispensable pour préserver notre compétitivité et notre modèle social
Notre modèle social d’abord, car un Etat qui protège, c’est un Etat dont l’assise financière est solide. Contrairement à nos voisins européens, nous ne remettons en cause aucun de nos filets de sécurité. Ces derniers n’ont d’ailleurs jamais été aussi efficaces. Pensez à la création du RSA, à la revalorisation de l’AAH.
Notre compétitivité ensuite, car contrairement à ce que pensent certains, désendettement des administrations publiques et croissance ne s’opposent pas. Ils se renforcent bien au contraire l’un l’autre. C’est pourquoi, aux côtés des réformes structurelles de finances publiques, nous devons aussi poursuivre nos réformes qui soutiennent spécifiquement notre économie. Je pense bien sûr à la priorité donnée à l’innovation à travers le CIR ou les investissements d’avenir, mais aussi à la valorisation du travail à travers la TVA compétitivité ou à la réforme des retraites.
Mesdames et Messieurs, comme en témoigne ce programme de stabilité pour 2012-2016, le Gouvernement entend poursuivre son ambitieuse stratégie de maîtrise des finances publiques, en vue d’un retour rapide à l’équilibre des comptes.
Les bons résultats que nous avons enregistrés confirment que la parole de la France est crédible, contrairement à ce qu’on a pu entendre tout au long du quinquennat sur les bancs de l’opposition et particulièrement lors des derniers débats budgétaires. Le Gouvernement a pris des engagements et les a respectés.
Mais pour que la voix de la France reste crédible, il faudra demain être tout aussi réactifs et respecter la trajectoire que je viens de vous présenter.
Aucun candidat ne peut dire aujourd’hui que la réduction du déficit public n’est pas nécessaire ou qu’elle doit être remise au lendemain. Aussi je suis surprise de voir certains « attendre » que la Cour des comptes dise qu’un effort important est nécessaire : on le sait et nous souhaitons qu’il soit le plus équilibré possible. Le déficit ne se réduira pas sans effort et attendre c’est prendre le risque de voir la situation s’aggraver.
Oui, le chemin est encore long jusqu’à l’équilibre des comptes. Parce qu’on ne s’acquitte pas d’un tour de mains d’une dette qui reste encore très élevée et de trente ans de déficits, nous devons poursuivre cette politique de maîtrise budgétaire avec la même détermination, la même réactivité et la même rigueur qui ont jusqu’ici prévalus. C’est la seule voie qui nous permette de léguer à nos enfants un Etat aux finances assainies, un Etat dont le modèle social et la souveraineté nationale seront durablement garantis.Source http://www.budget.gouv.fr, le 12 avril 2012