Déclaration de M. François Hollande, député PS et candidat à l'élection présidentielle 2012, sur le rôle du président de la République, ses priorités gouvernementales s'il est élu, sur le bilan de Nicolas Sarkozy, Narbonne le 5 avril 2012.

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Mesdames, Messieurs, chers amis, chers amis audois, vous me manquiez ! J'étais venu il y a plusieurs mois, c'était à Barbaira, sur un site que je ne peux oublier, le site du Tonkin. Venir au Tonkin dans l'Aude, c'était déjà un voyage, une expédition ! Mais là, vous retrouver nombreux à Narbonne, et non plus comme candidat aux primaires mais comme candidat à l'élection présidentielle, c'était un plaisir mais c'était aussi un devoir.
Je sais devant qui je m'exprime, des hommes et des femmes qui ont beaucoup donné à la Gauche, qui ont fait en sorte à chaque moment d'être fidèles au grand rendez-vous de l'Histoire. Jacques Bascou a évoqué la grande figure de Léon Blum. Ici, vos parents, vos grands-parents l'avaient accueilli. Il venait de Paris. C'était le chef du Parti Socialiste, celui qui, à ce moment-là, donnait l'espoir. Et c'est grâce à vous qu'il a eu cette légitimité, parce qu'il n'y a pas d'autre légitimité que le suffrage universel. Et c'est grâce à vous qu'il a pu devenir le chef du gouvernement du Front Populaire. Merci amis audois, merci terre audoise d'avoir été au rendez-vous de l'Histoire !
Vous l'avez été aussi en soutenant François Mitterrand dans les années 80 et en lui permettant à son tour d'être l'homme qui fit rêver la France et qui la transforma. Je veux saluer aussi, parmi toutes les figures qui ont été évoquées par Jacques, celle de Raymond Courrière qui fut au gouvernement de François Mitterrand. Je salue vos élus, Christian Bourquin pour la région et André Viola, jeune président de conseil général, mon collègue - enfin pour quelques semaines je l'espère ! Car président de conseil général je le suis, mais j'aspire à ne plus l'être ! Quand je retourne dans mon département, la Corrèze, de moins en moins souvent d'ailleurs, l'opposition me souhaite de rester président du conseil général. J'essaie de ne pas tenir compte de leur soutien précaire. Je vois bien ce qu'ils voudraient faire, me retenir. Eh bien non, aujourd'hui je suis au service de la France et pas seulement de mon département.
Je viens ici dans l'Aude, une terre qui souffre comme hélas tous les départements de France : ses pertes d'emplois industriels, les difficultés de la viticulture - je recevrai tout à l'heure la profession. Mais elle a aussi des atouts : sa main-d'œuvre, une qualité de service public - enfin, pour ce qu'il en reste ! - et enfin, aussi, le tourisme sur lequel André Viola ici présent, Pascal Terrasse et d'autres m'aident pour préparer les propositions pour demain
Je suis devant vous à un moment qui devient décisif. A force d'être en campagne, nous oublierions les dates et les étapes. Le 22 avril, c'est le premier tour, le tour décisif, celui qui donne le mouvement, la dynamique, le sens. C'est bien ce qu'ont compris nos adversaires. Quand je dis nos adversaires, je n'en ai qu'un : la Droite, Nicolas Sarkozy. Ils savent qu'ils ne sont pas populaires, et je le constate encore en venant ici - même si vous n'êtes pas forcément le reflet de toute la France. Mais c'est vous qui allez le faire ! C'est vous, par vos votes, qui allez décider de votre avenir ! Et c'est au premier tout qu'il convient de le faire.
(Interpellations du public). On me souffle les réponses... Il y en a qui me demandent de l'écraser... Mais j'ai de la pitié, et je ne place pas le débat politique simplement sur ce terrain-là. Nous n'avons pas à écraser, nous avons à élever, à élever la France, à élever les ambitions que nous portons, à élever le débat.
Nous sommes au premier tour. Il y a plusieurs candidatures, mais en même temps, le débat se résume toujours de la même façon : la Gauche ou la Droite, continuer ou changer. Eh bien moi, je vous propose de changer avec la Gauche et de ne pas continuer avec la Droite.
Bien sûr que l'élection présidentielle, c'est un débat entre des personnes qui ont leurs qualités, et des défauts aussi - je ne parle pas des miens ! Il y aura là, pour beaucoup de nos compatriotes, au moment de voter, l'idée que celui qui sera choisi représentera toute la France et pas simplement un parti, une majorité ou un clan. C'est pourquoi quand je dis que je veux être chef de l'Etat, j'ajoute que je ne veux pas être chef de tout. Je laisse ça à l'autre ! Etre chef de l'Etat, ce n'est pas être chef de la majorité - il y a un premier ministre pour cela. Ce n'est pas être chef de parti - ce sont les militants qui le désignent. Ce n'est pas non plus être chef de clan ou de caste, non, c'est être capable, sans rien renier de son identité, de rassembler les Français. Parce qu'ils nous le demandent, parce qu'ils veulent eux aussi être considérés, être respectés et emmenés vers un autre chemin.
Une élection présidentielle avec un candidat sortant voudrait que nous puissions parler de son bilan. Nous allons le faire. Mais lui, que voulez-vous, il ne le présente jamais, son bilan. C'est qu'il n'est pas bon, à mon avis ! S'il était excellent, il viendrait nous dire : « Je ne vous propose rien d'autre que de continuer ». Mais personne ne veut continuer avec un bilan pareil ! Alors, plutôt que de défendre ce qu'il a fait ou ce qu'il n'a pas fait, ce qu'il a tenu - des promesses pour les plus favorisés -, ce qu'il n'a pas tenu - hélas, ses engagements pour le pouvoir d'achat qui est au plus bas, pour l'emploi, tandis que le chômage est au plus haut -, bref, plutôt que de présenter son bilan, il va nous dit-on, cet après-midi, présenter un projet. J'avais déjà donné aux Bretons auxquels je m'adressais hier soir l'essentiel de ce qui serait dit par le candidat sortant aujourd'hui. J'ai des informations et je ne veux pas vous en priver ! Son projet c'est son bilan, mais en pire !
Alors bien sûr, il est conscient qu'il ne peut convaincre simplement avec l'évocation de tous les échecs qui ont été les siens. Et voilà qu'il invente des propositions chaque jour. Il m'arrive de m'y perdre ! D'ailleurs, parfois, je me demande si je ne suis pas le sortant dans cette élection... Parce que ce qui ne va pas, ce n'est pas à cause de lui ; lui, il n'est responsable de rien ! Mais c'est à cause de nous, de Léon Blum sans doute, de François Mitterrand sûrement, de Lionel Jospin et de tant d'autres. Jamais lui ! Mais quand je l'écoute inventer, imaginer des propositions, je me pose la question : « Mais pourquoi donc ne les a-t-il pas appliquées pendant cinq ans ? Et pourquoi donc le croirait-on pour cinq ans de plus ? ».
Je vais vous rappeler trois propositions qu'il avait faites en 2007. Il avait dit : « Jamais, vous m'entendez, jamais je ne toucherai à la retraite à 60 ans ». Et il l'a fait hélas, et au détriment de ceux qui avaient commencé tôt leur vie professionnelle.
Il avait dit : « Jamais je n'augmenterai la TVA ». Et il l'a fait. Mais s'il a augmenté le taux réduit de 5,5 % à 7 % - et un certain nombre de professions en sont victimes, je pense notamment aux libraires -, il a augmenté la TVA au taux normal, mais pour le mois d'octobre. Alors, si vous en rencontrez dans votre entourage qui ne veulent pas payer la TVA au mois d'octobre, dites-leur de voter pour nous ! Ce sera la meilleure façon de faire une économie !
Et puis, il avait pris un autre engagement qui était de retirer nos troupes d'Afghanistan. Il considérait que la mission était accomplie et qu'il n'y avait plus à maintenir le dispositif. Et qu'a-t-il fait ? Il a renforcé encore le nombre de nos soldats à partir de 2008 en Afghanistan. J'ai d'ailleurs dit qu'une des premières décisions que j'aurais à prendre serait, devant nos alliés - ce sera à la fin du mois de mai, si les Français m'en ont donné mandat - de retirer tous nos soldats d'Afghanistan pour la fin de l'année.
Alors, comment pourrait-on le croire aujourd'hui ? Mais je dois dire que je suis impressionné, quand même, être capable jour et nuit de nous faire des propositions nouvelles ! Hier, c'était pour le permis de conduire. Comme je l'ai dit - pardon de me répéter - le seul permis de conduire qu'on ait envie de retirer, c'est le sien pour la conduite de l'Etat ! On me dit qu'aujourd'hui, ce serait un « chèque essence » qui serait distribué. Quand j'avais évoqué le blocage des prix des carburants, que n'avais-je entendu ! Eh bien nous, nous le ferons, le blocage des prix des carburants. Et ceux qui imaginent recevoir un chèque demain risquent, une nouvelle fois, d'être trompés. Il dit : « Ce sera pareil que le chèque restaurant ». Ce n'est pas la même marchandise !
Et puis, il y a toujours ce sentiment qu'il peut, en définitive, créer je ne sais quel trouble parmi les Français. On leur promet mille euros de pouvoir d'achat supplémentaire. Mais mille euros, c'était déjà la prime qu'il avait évoquée, que peu de salariés ont reçue. Toujours la même affaire, créer l'illusion. Mais la magie n'opérera plus. Une fois, un peuple peut être trompé. Deux fois, alors c'est lui, ce peuple-là, qui se tromperait lui-même. Et moi, j'ai trop confiance dans la lucidité du peuple français pour penser qu'il ferait la même erreur !
Mais s'il n'y a pas de bilan revendiqué, il y a aussi un projet qui est dissimulé. Car au-delà des mots et des phrases, il y a bien des intentions. Si d'aventure - je ne me place pas dans cette hypothèse - le candidat sortant devenait le prochain président... (Huées) Vous ne le voulez pas ? Mais, tant que les Français n'ont pas voté, nous devons regarder ce qui se passerait, ne serait-ce que pour les éclairer. Parce qu'il nous dit qu'il a changé. Il nous le dit à chaque élection : « J'ai changé, j'ai changé ». Vous savez, comme ces enfants au moment où ils vont recevoir, comme on dit chez moi, la calotte : « J'ai changé, je ne le ferai plus ». Il y a de l'indulgence au départ, après ce serait de l'impunité. Il nous dit : « J'ai changé, je serai enfin président, un président différent ». Mais si vous voulez un président différent - et je vous comprends -, changez de président !
Il a, dans ses déclarations, énoncé ce qu'il ferait. Les Accords compétitivité emploi, qu'est-ce que ce serait, si ce n'est la fin de la durée légale du travail ? Ce qu'ils ont cherché depuis des années à remettre en cause, les 35 heures mais pas seulement, à travers les heures supplémentaires. Cette fois-ci, ce serait le principe « travailler moins pour gagner moins ». La possibilité pour l'employeur de décider du temps de travail de chacun et de le payer en conséquence. On verrait bien aussi cette pression se faire sur les salaires : vous voulez garder votre emploi, acceptez d'être moins rémunéré. Voilà le premier risque que les Français prendraient.
Il y en a un second, c'est l'austérité pour longtemps. L'austérité, c'est-à-dire moins de dépenses publiques sur les services essentiels - ça a commencé, sur l'éducation, sur la santé. Et chacun peut en faire, hélas, le constat dans sa vie de tous les jours. Mais cette fois-ci, ce seraient les collectivités locales qui seraient visées. Il aurait reproché de ne pas aller jusqu'au bout de la logique de l'Etat, de remplacer les fonctionnaires partant à la retraite, d'avoir un souci de proximité, de couverture des aléas, des risques de chacun d'entre nous. Cette fois-ci, ce seront les collectivités locales qui seront mises à la diète, avec toutes les conséquences sur notre vie de chaque jour.
Et puis, toujours dans le projet caché, il y a cette remise en cause des syndicats. Avez-vous entendu le candidat sortant proférer des attaques contre les syndicats ? Au départ, il prenait la CGT. Et puis après, la CFDT. Les autres attendent d'être reçus de la même manière. Pourquoi ? Parce que ces syndicats ne seraient pas complaisants avec le pouvoir ? Mais le rôle des syndicats, c'est de n'être complaisants ni avec la Gauche ni avec la Droite, mais d'être revendicatifs pour les salariés qu'ils représentent !
Derrière tout cela il y a bien un projet, toujours le même, affaiblir les résistances, amoindrir les droits, déséquilibrer les rapports de force, mettre en cause le droit du travail.
Et puis, il y a aussi le projet caché de renforcer les assurances privées par rapport à la Sécurité sociale, de dire à ceux qui sont les plus anciens : « Si vous voulez finir votre vie dignement, il va bien falloir que vous souscriviez je ne sais quelle mutuelle, si vous voulez que votre patrimoine soit préservé. Et si vous n'avez pas de patrimoine, alors nous vous renverrons vers l'aide sociale du conseil général ». Et pour la santé, c'est aussi le risque qui se profile avec les dépassements d'honoraires, avec la difficulté de trouver un médecin. Est-ce que nous voulons cette vie-là pour nous-mêmes et pour nos enfants ?
Et enfin, le projet caché, c'est aussi la mise en cause de l'Education nationale à travers ces suppressions de postes, la fin du collège unique, la concurrence entre les établissements, les universités mises en compétition et un certain nombre d'étudiants obligés de payer des frais sans cesse plus élevés pour continuer leur parcours et obtenir leur diplôme.
J'entendais encore le candidat sortant - je l'entends toujours, ne croyez pas qu'il m'obsède, mais j'écoute la radio - dire : « J'ai un projet pour les jeunes ». Je l'entends. Moi, la jeunesse, cela fait des mois et des mois que je dis que je veux en faire le cœur de mes engagements. Je suis toujours heureux quand je vois qu'on me copie et qu'on m'imite. Quel est le projet ? Une banque pour les jeunes. Comme si aujourd'hui, les jeunes demandaient un crédit ! Non, les jeunes, ils demandent une formation, ils demandent un emploi, ils demandent un logement, ils demandent une considération. En définitive, ce n'était pas une banque, c'était un site Internet. Avec lui, ça part de haut et ça finit assez bas ! Mais si les jeunes avaient éventuellement besoin, demain, d'un crédit, ce serait pour payer quoi ? Leur formation, leurs études ? C'est ça, le destin ? On veut sur-endetter les jeunes avant même qu'ils n'aient commencé à gagner leur vie ? Jamais !
Et puis, il y a cette nouvelle méthode de direction qu'il nous propose pour le pays. Le recours au référendum. J'ai beaucoup de respect pour la consultation populaire. Je suis un démocrate. Le référendum peut parfaitement se justifier lorsque nous avons des changements institutionnels importants à proposer au pays. De la même manière que le référendum peut parfaitement trouver sa place lorsque des transferts de souveraineté sont consentis à une institution qui peut être l'Europe. Mais là, il ne s'agit pas de cela. Lui qui n'a pas fait un seul référendum depuis cinq ans - et certains lui avaient demandé, sur La Poste par exemple, sur la retraite ou même sur l'Europe -, eh bien, lui qui n'a fait aucun référendum, le voilà pris - je ne sais pas ce qui lui est arrivé, par cette envie irrépressible de consulter le peuple ! Mais, méfiance ! Il ne s'agit non pas de consulter le peuple, mais de le diviser. De mettre des étrangers dans l'accusation qui leur serait faite de nos difficultés ici. De diviser les Français en laissant penser que ce serait les chômeurs qui seraient responsables du chômage, alors que ce sont les responsables du pays qui sont, hélas, comptables de la montée du chômage. Et le voilà aussi qui voudrait faire un référendum sur les collectivités locales. Méfiance ! Parce que là, il ne s'agit plus simplement d'un changement de législation, il s'agit d'un changement de conception même de la politique, et même de la République.
J'ai compris que vous ne vouliez pas cette direction. Mais en même temps, je ne peux pas être simplement le candidat d'un refus, d'un rejet, d'une peur qui serait celle de la reconduction du candidat sortant. Nous méritons mieux. Nous ne voulons pas, simplement, nous, être l'instrument d'une colère. Nous voulons changer la direction du pays ! Nous voulons lever l'espoir. Nous voulons conduire des réformes, des changements, des conquêtes, que la Gauche de gouvernement a toujours été capable de faire!
Ma démarche, c'est celle de la cohérence et de la clarté. Il y a maintenant plus de trois mois, j'ai présenté - c'était à la fin du mois de janvier - mes 60 engagements pour la France. Ils auront été évalués, contestés, précisés, diffusés - je vous en remercie. Ils sont connus. Moi je n'ai pas eu besoin d'attendre le dernier jour pour présenter mon projet. Monsieur me demandait, d'ailleurs, s'il n'allait pas attendre le 7 mai ! J'ai considéré que c'était le devoir que j'avais vis-à-vis des Français. D'ailleurs, on me pressait de le faire. On me disait : « Quand est-ce qu'elles arrivent, les propositions ? ». Elles sont venues après le Bourget. Ensuite, j'ai fait en sorte de les chiffrer aussi précisément que possible. Et voilà que l'on me fait je ne sais quel procès, que cela coûterait trop cher. Ce sont toujours les mêmes peurs, vous savez, de la Droite. J'ai retrouvé une très belle citation de François Mitterrand, en 1981, parce que finalement tout se répète, même si c'est dans un contexte très différent. Il disait : « De toute manière et de quelque façon que je m'y prenne, je coûterai toujours moins cher que l'autre ne vous coûtera ». Il n'y a rien à ajouter, rien à enlever à cette citation ! L'autre est éternel. L'autre, c'est la Droite. C'est la Droite qui fait des leçons de gestion et qui a déséquilibré nos comptes publics, là, de 600 milliards d'euros, au point de voir dégrader la note de la France, et qui nous ferait peur ? Ils nous disent : « Attention, la Gauche revient ! Elle va vider les caisses ». Ils l'ont fait ! « Elle va aggraver la dette. » Ils l'ont fait ! « Elle va créer des déficits. » Ils l'ont fait ! « Elle va créer des inégalités. » Ils l'ont fait ! Alors, puisque vous connaissez toutes les réponses, nous ne le ferons pas, nous!
Cohérence, clarté, et en même temps rapidité. De l'expérience politique qui est la mienne, j'ai retenu, aussi bien dans mes fonctions locales que dans le soutien que j'ai pu apporter aussi bien à François Mitterrand qu'à Lionel Jospin, une grande leçon : il n'y a jamais de temps à perdre. Ce que l'on croit, finalement, une liberté que de laisser le temps agir est en fait une contrainte. Plus que jamais, ce que nous aurons à faire tout de suite sera d'une exigence très grande. Ce que nous aurons à faire tout de suite déterminera le succès de notre propre entreprise. C'est souvent ans les premiers mois que se décide le sort d'un quinquennat. Je pense que le candidat sortant, c'est dès les premiers mois qu'il a donné son vrai visage, qu'il a pris des décisions qui, en définitive, ont scellé le sort de son mandat. C'est en accordant ces avantages fiscaux aux plus riches, aux plus favorisés, qu'il a en définitive compromis les chances du pays mais aussi - je le crois, je l'espère - ses propres chances pour sa reconduction. Il nous faudra agir tout de suite.
Dès le 6 mai, enfin le 7 - lorsque les Français auront choisi s'ils nous permettent d'agir -, dès le lendemain de l'élection présidentielle, je veux donner une exemplarité au sommet de l'Etat. Exemplarité en constituant un gouvernement à la parité : autant de femmes que d'hommes. Un gouvernement exemplaire : pas de cumul de mandats, pas de conflit d'intérêts. Un gouvernement avec 15 pôles, parce qu'il faut de la cohérence, là encore, dans l'action publique. Un gouvernement et un président de la République qui auront d'abord à prendre comme première décision de réduire de 30 % leur rémunération - non pas pour faire des économies, mais parce qu'il y a là une volonté, aussi, de respecter les Français.
Mais au-delà de ces premières décisions, il y aura une autre façon de présider la France. Elle est toute simple. Le président présidera, le gouvernement gouvernera, le Parlement délibérera, les partenaires sociaux seront respectés, les élus locaux seront considérés et les associations seront encouragées. La société, elle, sera en mouvement !
Avant même que vous n'ayez renouvelé vos députés - enfin, maintenu certains et changé d'autres, cela dépendra de l'endroit de France où vous vous placez -, avant même ces élections législatives, le gouvernement avec le président prendra quatre décisions.
Les prix des carburants seront bloqués pendant trois mois, le temps que l'on voie ce que la distribution mérite comme corrections. Et sera introduite, ensuite, une fiscalité qui fera que l'Etat ne recevra pas un centime de la hausse du prix des carburants.
La deuxième décision sera d'introduire une caution solidaire pour les jeunes, pour qu'ils puissent accéder au logement sans qu'il soit besoin de demander à leurs parents - quand les parents le peuvent - une garantie qui devient même impossible.
Troisième décision, l'allocation de rentrée scolaire sera immédiatement augmentée de 25 %, pour que les familles puissent préparer, là encore, l'avenir de leurs enfants.
Et la quatrième décision, c'est que celles et ceux qui auront travaillé pendant 41 années, commencé leur vie professionnelle à 18 ans, partiront immédiatement à 60 ans pour leur retraite.
Mais je sais aussi que nous avons un moment difficile, celui de la rentrée scolaire. Je recevais tout à l'heure des enseignants des RASED, des maternelles, des primaires, qui supportent l'insupportable, c'est-à-dire la perte des postes qui permettaient justement aux enfants les plus en difficulté de pouvoir être accompagnés, suivis, et parfois mis dans un parcours de réussite. Ce sont sur ces filières-là que les suppressions d'effectifs ont porté. Je sais bien que nous ne pourrons pas rétablir les postes dès cette rentrée : les recrutements sont faits, les postes sont affichés au concours. Alors comment allons-nous faire ? Moi je ne veux pas être le président qui constatera à la rentrée des fermetures de classes ou des filières mises en cause ! Eh bien nous ferons un recrutement exceptionnel d'assistants d'éducation, de contractuels, pour que la rentrée se fasse dans de bonnes conditions.
Mais ensuite, une fois le Parlement renouvelé pour l'Assemblée nationale, nous aurons à agir. Et là, à passer encore à un autre rythme. Ce sera tout le mois de juillet. La réforme fiscale, celle qui permettra aux revenus du capital d'être taxés comme les revenus du travail, de limiter les niches fiscales, d'introduire une fiscalité différente selon la taille des entreprises - un peu plus haute pour les grandes entreprises, un peu plus petite pour les petites entreprises -, et puis cette volonté que nous avons de moderniser notre fiscalité, d'avantager davantage l'investissement plutôt que la distribution de profits à des actionnaires, de limiter les rémunérations indécentes, celles qui ont choqué à juste raison. Quand j'entends pleurnicher certains qui touchent des millions d'euros en disant : « Mais qu'est-ce que nous allons faire ? Nous sommes condamnés à l'exil » ! Mais comment font ceux qui sont au Smic ? Ils partent, aussi ? Ils vont en Belgique ? Ils vont en Suisse ?
Réforme fiscale, réforme bancaire. Parce que nous devons lutter contre la spéculation. Parce que nous devons dominer la finance. Nous séparerons les activités de dépôt et de crédit des activités de spéculation. L'épargne des Français, très haute en ce moment, ne doit pas servir à la spéculation. Mais au contraire, l'épargne des Français doit aller vers l'investissement, vers les entreprises, vers l'embauche, vers l'exportation, vers la compétitivité. Nous créerons dès l'été la banque publique d'investissement qui permettra d'accompagner les entreprises dans leur développement. Et puis nous ferons voter la réforme territoriale. Nous abrogerons d'abord celle qui existe, et cette invention d'un conseiller territorial qui ne verra jamais le jour.
Mais nous avons mieux à faire que d'abroger. Nous avons à faire un acte supplémentaire de décentralisation, confier aux régions le développement économique, la politique de l'emploi, le logement - bref, tout ce qui peut accompagner la dynamique des territoires. Moi, je crois aux territoires. Je suis conscient du rôle de l'Etat et en même temps, parce que c'est finalement toute notre histoire qui nous l'enseigne, nous avons besoin que des hommes et des femmes s'emparent de compétences et travaillent au plus près de leurs concitoyens pour agir au plus juste. C'est François Mitterrand qui avait fait la première décentralisation. Nous ferons la seconde !
Et puis arrivera l'automne. Nous aurons un peu plus d'expérience. Nous aurons déjà affronté, sans doute, des difficultés. Et nous traiterons ce qu'il y a de plus urgent : le chômage - le chômage des jeunes, le chômage des séniors. Eh bien, ce sera le contrat de génération, le contrat qui réunira dans l'entreprise le sénior et le jeune, et qui permettra aux employeurs de ne plus payer de cotisations sociales sur les emplois des séniors et des jeunes quand il y aura ce recrutement de jeunes en contrat à durée indéterminée. Parce que la précarité ne peut pas être l'horizon d'une génération !
Et puis nous aurons à donner tous les moyens à l'Education nationale, en faisant les réformes indispensables avec la concertation avec les enseignants, avec les parents d'élèves, avec les élus locaux. Parce que moi, je veux mettre la jeunesse au cœur ! Je veux que la génération qui arrive vive mieux que la nôtre. Et j'ai confiance dans l'école de la République !
Alors ensuite, nous agirons pour le logement, encadrant les loyers, réservant des terrains de l'Etat aux collectivités locales qui construiront, modifiant les sanctions pour les communes qui ne font pas assez de logements sociaux, mobilisant l'épargne des ménages à travers le livret A dont nous doublerons le plafond pour affecter cette somme supplémentaire vers les logements et les logements sociaux.
Nous agirons pour la santé. L'hôpital public, auquel nous sommes attachés, ne sera pas géré comme une entreprise comme c'est le cas aujourd'hui, mais comme un service public, parce que nous en avons besoin. L'hôpital public travaillera aussi avec la médecine de ville. Nous en avons également la nécessité, car nous sommes conscients, ici comme ailleurs, du risque des déserts médicaux, de l'éloignement, des dépassements d'honoraires. Un certain nombre de généralistes nous disent qu'avant, leurs patients leur demandaient : « Est-ce que vous connaissez un bon spécialiste ? ». Et maintenant, ils leur demandent : « Est-ce que vous connaissez un spécialiste qui ne me coûtera pas trop d'argent ? ». Voilà, dans la France du XXIe siècle, ce que nous avons fait du beau contrat qui avait été passé à la Libération avec le Conseil national de la résistance ! Est-ce que nous sommes capables, nous, de nous élever une nouvelle fois pour assurer le droit à la santé ?
A l'instant, Jacques Bascou parlait de la révision de la Constitution. Elle sera nécessaire sur un certain nombre de points : sur le non-cumul des mandats, sur le droit de vote des étrangers aux élections municipales, sur les chartes que nous devons ratifier pour les langues régionales - parce que c'est aussi, pour beaucoup, un souhait de pouvoir garder la diversité culturelle -, pour permettre que la parité soit effective. Bref, nous avons tant à faire ensemble ! Et en six mois, nous n'aurons pas tout fait - parce que je voudrais quand même vous rassurer. Vous pourriez vous dire : « Mais finalement, s'il fait tout en six mois, il peut partir au bout d'un an ». Non ! Nous resterons jusqu'au bout. Jusqu'aux cinq ans. Et si nous avons bien travaillé, nous verrons ce que nous aurons à faire le moment venu. La Gauche doit venir pour longtemps ! Elle ne doit pas simplement gagner, faire avancer le pays et puis partir. Non ! C'est une fatalité que nous refusons. Nous demandons l'exercice de la responsabilité, pas simplement pour venir changer l'insupportable, mais pour transformer durablement notre pays.
Mes chers amis - je ne sais pas si vous entendez tout au fond, j'allais dire de la salle, au fond du pré - mais enfin, je ne veux pas compromettre notre ami Jean-Paul non plus ! Dans le bois, là, on me demande de faire mieux que lui : ce ne sera pas difficile ! Mais il faut faire mieux que lui à l'élection présidentielle d'abord ! A l'élection présidentielle, il faut faire mieux que lui au premier et surtout au second tour. Nous verrons bien pour le premier tour. Mais cela dépend, là encore, de deux écueils que nous devons à chaque fois rencontrer, à chaque élection. Le premier s'appelle l'abstention. Il y a toujours, dans notre pays, des hommes et des femmes désespérés au point de renoncer à exercer leur droit de citoyen. Celles et ceux qui n'y croient plus, qui se disent que le monde est devenu trop dur, trop impitoyable, que le capitalisme est trop fort, que l'Europe est trop faible et que les politiques ne tiennent jamais leurs engagements, qui se détournent du scrutin. Nous en rencontrons chaque jour, et parfois parmi les plus jeunes qui devraient être les plus mobilisés. Alors à ceux-là, à celles-là, nous devons leur dire que ce que la République a été capable de faire dans des épreuves bien plus considérables - des guerres, des crises, des chaos, des conflits - eh bien la République peut encore le faire en ce début de XXIe siècle ! Que la démocratie est plus forte que les marchés. Que la République est plus forte encore que la finance. Que la France est un grand pays, qu'elle a montré, parfois, dans son histoire, qu'elle pouvait éclairer le monde tout entier. Et on nous attend, y compris en Europe !
Vous savez que j'ai annoncé que j'allais renégocier le traité européen, celui qui a été signé par les chefs d'Etat et de gouvernement il y a quelques semaines. Je n'ai pas dit cela parce que Nicolas Sarkozy l'avait paraphé. Cela n'avait pas, pour moi, d'importance au sens où la continuité de l'Etat doit exister. Je l'ai annoncé parce que ce traité n'est pas satisfaisant dans la mesure où il n'impose que des disciplines, que des sanctions, et en aucune façon une perspective de croissance et d'emploi. Et s'il n'y a pas de croissance, s'il n'y a pas de dynamique économique, s'il n'y a pas d'emploi en Europe, il n'y aura pas non plus de retour à la discipline budgétaire, de réduction des déficits et de maîtrise des dettes. Alors j'ai dit que si le peuple français me permettait d'être le prochain président de la République, je renégocierai ce traité. Ah, qu'ai-je entendu ! La Sainte-Alliance s'est reformée. Les conservateurs se sont ligués, coalisés. Ils ne m'ont pas reçu. Qu'à cela ne tienne ! Nous attendrons. Ils veulent sans doute que ce traité demeure, parce que c'est leur politique, l'austérité. Et en même temps, certains pays, même dirigés par des conservateurs, se disent : « Mais si nous poursuivons dans cette voie, nous n'y arriverons plus ». Regardez ce qui se passe en Espagne, au Portugal, en Italie. Et donc au fond d'eux-mêmes, ces dirigeants, aussi conservateurs soient-ils, ne veulent pas forcément conserver le président actuel de la République. Et ils se disent : « Peut-être que l'autre, on ne le connaît pas, on ne l'a pas rencontré, mais il va pouvoir faire avancer l'Europe dans une autre direction ». Eh bien oui, nous ferons avancer l'Europe dans une autre direction ! Et donc il nous faut vaincre cette résignation, cette abstention, cette désespérance. Et puis aussi, un certain nombre de nos concitoyens qui sont revenus de tout et qui se disent : « De toute manière, il y a deux tours, je vais partir en vacances pour le premier et je reviendrai pour le second ». Mais il y en a qui l'avaient déjà fait. C'était il y a dix ans. Et cela a donné le résultat que l'on sait. Et moi, dans ma mémoire, je l'ai gravé profond en me disant : « Jamais, jamais je ne reverrai cette situation où la Gauche est obligée d'appeler à voter pour la Droite pour écarter l'extrême droite ». On me dit : « Mais ça ne se reproduira pas ». Mais qu'est-ce qu'on en sait, si on ne vient pas voter, si on pense que c'est fait ?
Et puis l'autre risque, c'est la dispersion. La Gauche est ainsi faite. Il y a plusieurs familles. Il y a plusieurs candidatures. La Droite, elle, fait toujours au-delà des détestations - et il y en a - au-delà du candidat sortant - ils le connaissent bien, peut-être mieux que nous. Il y a un moment où, pour garder le pouvoir, ils se retrouvent toujours, parce que le pouvoir c'est ce qui les cimente, qui les unit - et pas simplement eux, les puissances d'argent. Ah je ne parle pas, je parle des grandes fortunes qui distribuent des enveloppes : cela, c'est l'Ancien régime ! Je parle des puissances d'argent qui veulent garder leurs privilèges, leur indécente rémunération, leur manière d'agir, leur pouvoir. Donc, la Droite, elle, elle ne se trompe pas. Elle sait se retrouver au moment opportun, garder, garder le pouvoir, c'est le leur, c'est à eux, nous ne sommes pas légitimes. Et puis il y a la Gauche qui aime exprimer sa colère - je la comprends, la partage. La Gauche qui a ses impatiences. Je les comprends, tant il y a d'urgence. La Gauche qui a envie, toujours, du vacarme du fracas, qui aime conquérir les Bastille. Mais en même temps, après, aussi, nous avons le devoir d'agir et de transformer le pays. La Droite, le candidat sortant, là encore, je l'écoutais à la radio - ou à la télévision, je ne sais plus : comme je ne le vois plus, je n'entends que les paroles - et à ma grande surprise - enfin, au début - je l'entendais faire beaucoup de compliments sur le candidat du Front de Gauche. Il le trouvait talentueux. Il l'est, Jean-Luc, talentueux ! Il le trouvait ardent, faisant une bonne campagne, ayant des bonnes propositions. Je me suis dit ça y est, il a basculé, il a changé, il va maintenant appeler à voter pour le Front de Gauche. Non ! Tant de compliments, tant d'empressement montraient - et Jean-Luc Mélenchon n'y est pour rien - montraient le calcul qu'ils ont en tête, c'est-à-dire diviser, séparer, écarteler et diminuer le candidat qui peut faire gagner la Gauche ! Eh bien, nous ne tomberons pas dans ce piège !
La Gauche sera rassemblée ! Rassemblée au premier tour, rassemblée au second tour. Toute la Gauche ! Parce que nous avons le devoir, le devoir de victoire !
La mission que vous m'avez confiée, ce n'est pas simplement de venir faire une campagne, de soulever l'enthousiasme - et je vous en remercie -, de vous donner un moment de bonheur partagé en portant les idées qui sont les vôtres. Non, la mission que vous m'avez confiée, la tâche que vous m'avez assignée, le devoir qui est le mien, que je dois accomplir, c'est de faire gagner la Gauche et de faire avancer la France !
Et c'est pourquoi je suis ici devant vous le candidat de l'alternance, le candidat du changement, le candidat de la République nouvelle qui doit se prononcer demain pour un autre avenir !
Faites en sorte, dès le premier tour, de m'apporter la force que je réclame pour faire triompher non pas simplement nous, nous Socialistes, Radicaux de gauche, non pas simplement nous la Gauche, non : faire triompher les valeurs de la République dans cette belle élection présidentielle !

Source : http://francoishollande.fr, le 16 avril 2012