Texte intégral
Madame la Présidente, chère Marie Guillou, permettez-moi de saluer celles et ceux qui ont fait leffort de participer à cette présentation du Contrat dobjectifs et de performance, et dengager une partie de leur soirée dans une rencontre que nous souhaitons, les uns et les autres, riche, fructueuse, prometteuse. En tous les cas, c'est lexpression dun attachement partagé à lEcole polytechnique.
Je mexprimerai comme ministre de la Défense. Je vous rappelle que les ministres sont des hommes politiques et, quà ce titre, ils aiment sengager, tel est mon cas.
Je ne reprendrai pas la très belle présentation que Marie Guillou vient de faire de ce Contrat dobjectifs et de performance. Je voudrais, en revanche, insister sur les éléments les plus novateurs de ce contrat et sur lenvironnement que suppose la réussite de ce contrat.
Je suis ministre de la Défense, vous me pardonnerez de vous parler dindustrie de Défense brièvement, mais je considère que c'est une véritable chance pour notre pays, c'est un atout. C'est en même temps une réflexion sur nos chances industrielles plus généralement. Je terminerai donc par nos chances industrielles.
Sur le contrat lui-même, trois idées simples. La première, c'est que Polytechnique - et vous avez évoqué des noms, jen citerai un Vous avez évoqué trois noms : Bernard Esambert, Pierre Faure qui nous a malheureusement quittés, et Yannick dEscatha.
Je voudrais revenir sur Pierre Faure parce quil nous a quittés, parce que javais pour lui une estime considérable, ayant eu la chance de le connaître dans une responsabilité ministérielle antérieure au siècle passé dans les Télécoms. Et javais pu découvrir un homme qui avait laptitude de marier à la fois les talents dun véritable savant et dun grand patron de lindustrie et qui, par ailleurs, dans son comportement dune très grande modestie, mettait ses interlocuteurs à laise pour pouvoir avec eux imaginer des projets nouveaux. Et c'est exactement dans cet esprit quil avait imaginé, avec Bernard Esambert naturellement, le projet X2000.
Ce qui me permet, comme homme politique, de répondre à un procès dintention qui a parfois été adressé aux grandes écoles en général, et la vôtre ny a pas échappé, de conservatisme. C'est exactement le contraire. Si aujourd'hui, nous pouvons envisager une étape nouvelle sur laquelle je reviendrai, c'est parce que dune façon constante, ces dernières années, lÉcole Polytechnique sest efforcée de trouver son chemin, de trouver sa voie. Et les contrats dobjectif successifs que vous avez évoqués, à travers laugmentation des effectifs, la diversité des formations, la diversité des niveaux de formation, la richesse des partenariats, montrent bien que derrière lapparente stabilité quexpriment vos uniformes, se cache en réalité une aptitude au changement. Vous avez un uniforme qui exprime le XIXème siècle, en réalité, c'est plutôt le treillis de la mondialisation que vous auriez pu revêtir comme tenue de combat universitaire, puisque c'est une véritable plasticité qui exprime ce changement constant de Polytechnique à linitiative de ceux qui en partagent la volonté de réussite, non pas pour lécole mais comme une valeur ajoutée pour notre pays.
Deuxième remarque politique également, vous avez fait le choix daccepter le défi de Paris - Saclay. C'est un défi considérable, pourquoi ? Parce quil suppose de marier des cultures quapparemment rien ne rapproche.
La volonté du Président de la République a été de donner à la fois lautonomie aux universités et toutes, à cet instant après quatre ans et demi de réflexion, ont fait le choix de lautonomie. Et en même temps, daccompagner les plus talentueuses dentre elles, pour quelles jouent un rôle de locomotive sur lintelligence française, lintelligence de la recherche, intelligence de la formation, de lenseignement au niveau mondial. C'est naturellement les projets IDEX.
Jen parle avec dautant plus de sensibilité, dattachement personnel, que naturellement de très nombreuses universités françaises et provinciales étaient candidates. Toutes nont pas été retenues, mais c'est la loi même du genre. Si nous voulons afficher des ambitions dans la mondialisation des idées, de la recherche et des formations, la dispersion nétait pas la bonne stratégie. Le choix des procédures IDEX est un choix extrêmement sélectif qui dailleurs a été, cela a surpris les hommes politiques français, déporté sur un jury compétent, mais extérieur à nos traditions de sélection.
Vous avez relevé le défi avec Paris Saclay. Jai vécu la façon dont vous avez relevé ce défi, jai presque envie de dire, jour après jour, peut-être pas jour après jour, mais de semaine en semaine et chacun a fait les efforts pour que lautre le comprenne. Et vous avez fait leffort dapporter à luniversité la force de votre image, de votre personnalité, de votre aptitude à former des ingénieurs et à établir des relations avec lindustrie, là où parfois il vous était adressé le reproche dêtre, en matière de recherche, plus petit, peut-être même trop petit pour que vous puissiez revendiquer de poursuivre cette autonomie.
Et vos dirigeants, avec beaucoup dintelligence et de persévérance, ont trouvé le juste équilibre. Je voudrais les remercier parce quen participant à Paris Saclay, vous avez permis à Paris - Saclay dobtenir ce label, mais vous avez accepté ce soutien en obtenant une reconnaissance didentité sans laquelle assurément Paris - Saclay se priverait de plus de deux siècles de réussite continue.
Comme je suis dun naturel plutôt conservateur, quand quelque chose marche, il me paraît nécessaire de ne pas le casser. Quand un outil fonctionne, pourquoi diable sen priver ? Surtout, et je reviens au précédent, lorsque cet outil a cette plasticité qui lui permet de sadapter au temps moderne.
C'est une bataille bien menée, intelligemment menée, où il n'y a pas de perdants, et où il ny a que des gagnants. Soyez-en remerciés.
Troisième observation de nature, elle aussi, politique. Puisque vous savez, la politique c'est quoi ? C'est prendre des décisions dans un environnement conflictuel et nécessairement conflictuel, le conflit dailleurs nétant pas en soi quelque chose que lon doit craindre ou éviter. Non, la vie est dialectique et la politique adore la dialectique, et cherche des synthèses dès lors quelles naboutissent pas à la confusion. C'est une excellente étape.
Et c'est le troisième point que je voudrais présenter devant vous sur cette approche ministérielle, et dengagement ministériel à légard de Polytechnique, c'est un fonctionnement rénové. Et ce fonctionnement rénové repose autour de deux idées simples, c'est que vous allez avoir un président exécutif pour votre école, avec un mandat de cinq ans, mais un président à temps plein. Non pas que vous soyez, Chère Marion Guillou, une présidente éphémère, occasionnelle ou intermittente - jai limpression que ça doit vous laisser peu de temps pour vos autres activités - mais lidée dun président à temps plein totalement investi dans lanimation, la représentation, les relations extérieures de lécole paraît être un investissement humain absolument indispensable aujourd'hui. On me dit dailleurs que c'est la solution adoptée par les grandes universités anglo-saxonnes, cela me paraît pertinent et jajoute que pour quelqu'un qui aurait fait les preuves de ses compétences scientifiques et managériales, quelle plus belle responsabilité que de présider Polytechnique dans cette bataille des intelligences, dans cette bataille de la place de loutil de formation Polytechnique dans le monde, y compris en France. Voilà une très belle responsabilité à condition den avoir les moyens et la durée, cest ce que propose cette rénovation.
La Défense nentend pas, cependant, abandonner Polytechnique, bien au contraire, et cest la raison pour laquelle le rattachement au ministère de la Défense est conforté. Il est conforté non pas par la seule singularité de luniforme et dun certain nombre de manifestations traditionnelles, mais il est conforté parce que, de tous les grands ministères qui étaient vos partenaires traditionnellement, cest celui qui a fait leffort de sintéresser à votre école, parce quil croit profondément que votre école est stratégique dans la formation des cadres dirigeants de notre pays, dans la formation des cadres dirigeants de lEtat et des activités de Défense, et en particulier des industries de Défense, et que ce ministère peut vous apporter, vous apporte, au-delà de la dimension humaine de la responsabilité, de lexercice du commandement expérience humaine dans laquelle le ministère de la Défense est certainement particulièrement compétent, au-delà même de la vision stratégique qui nécessairement stratégie, c'est-à-dire la place de la France dans le monde qui éclaire nécessairement les réflexions du ministère de la Défense. Nous avons le sentiment que notre pays sest construit et cest un libéral qui vous parle autour de son Etat et que larmée et la Défense ont toujours été lexpression forte de cette volonté politique. Nous navions pas lintention de labandonner.
Pour avoir été ministre de lIndustrie, jaurais aimé que nous puissions former, au sein du gouvernement, un cartel solidaire de ministres résolus à défendre Polytechnique, non pas simplement rattaché à la Défense, mais au sein de lEtat. Il y a deux grands ministères jai un âge qui me permet de voir les choses avec une certaine sérénité dont jestime que lEtat sest privé un peu rapidement : le ministère de lIndustrie, le ministère de lEquipement. Les deux existent, lun a disparu dans Bercy, direction générale des Stratégies. Lautre a acquis une telle dimension quon narrive plus à retrouver, dans lensemble de ses missions, sa personnalité historique. Je reste convaincu quentre la Défense, lIndustrie et lEquipement, pour lessentiel, lEtat avait un partenariat formidable à développer et à construire avec Polytechnique.
Moi, jai la responsabilité de la Défense, je connais Polytechnique. Jai donc souhaité conforter ce partenariat et je me réjouis, mon Général, que le directeur général de Polytechnique est et restera un officier général, dans des fonctions de directeur général qui, comme son nom lindique, a vocation à diriger la généralité de lécole polytechnique, ce qui ninterdit nullement quil ait des adjoints et des équipes compétentes, mais un président et un directeur général, ça fonctionne et ça continuera de fonctionner, avec lenrichissement quapporte cette présidence à temps plein.
Alors, pourquoi allons-nous faire cela ? Eh bien pour que vous puissiez participer à lindustrie de Défense notamment, pas seulement. Mais, réfléchissons ensemble à ce que représente cette industrie de Défense qui est un atout français dans la mondialisation.
Je vais essayer dêtre assez rapide. Il y a évidemment des réalités matérielles : bases industrielles fortes, construites sur un temps long, c'est-à-dire des projets durables et nous assurant une maîtrise des très hautes technologies. Ça, cest une présentation générale. Disons très simplement que, dans le monde daujourdhui, tel que je le vois et tel que je le vis, il y a un grand pays qui, à lui seul, représente 50 % du marché de la Défense et ce nest pas le nôtre, et il y a un deuxième pays dont les grandes entreprises sont toujours en matière de Défense, dans une situation que lon qualifierait, aux Jeux Olympiques, de podium ; c'est-à-dire médaille de bronze, dargent ou dor. Y a-t-il tant de secteurs industriels où nous soyons toujours au moins médaille de bronze, souvent médaille dargent et parfois médaille dor ? Assurément, la Défense, les industries de Défense en font partie. Et pourquoi ce système fonctionne-t-il ? Parce quil y a ce mariage intelligent entre une volonté nationale qui sest exprimée et qui aboutit à construire la base dune industrie de Défense, et la projection européenne et mondiale de cette industrie de Défense, car la véritable force en matière dindustrie de Défense de notre pays, cest quelle est à la fois nationale par son origine, européenne par ses alliances et elle est le partenaire, dans le monde, de ceux qui souhaitent ne pas être dépendants du plus grand acteur.
Nous avons donc un secteur de traditions nationales qui a su construire des alliances européennes et se projeter dans une vision mondiale. Les industries de la Défense ne sont peut-être pas les seules dans ce cas, mais elles sont assurément, en France, la démonstration dune globalisation réussie, dune mondialisation, je dirais, positive, qui nexclut nullement le combat, les batailles et parfois les échecs, mais qui correspond à une logique dont la transparence est évidente. Nous avons une base nationale, une volonté européenne et des partenariats à lextérieur.
Ce qui est très intéressant pour moi au long de cette année 2011, a été de constater que, lorsque lon évoque les briques : Brésil, Russie, Inde et Chine, si on écarte la Chine pour des raisons évidentes, le Brésil se tourne vers la France parce que sa priorité est une industrie navale sous-marine, lui permettant de maîtriser son espace des rives Offshore riches et riches matériellement, et riches de 8 000 km. Nous sommes ce partenaire naturel, pour cette étape-là, et vraisemblablement un jour je lespère et je le crois profondément pour laéronautique. Pourquoi dailleurs ? Parce quun autre pays, lInde, a choisi la France, non seulement parce que lappareil était bon, mais parce que la perspective de construire lui apparaissait possible avec un pays qui avait à la fois le niveau technologique et avec lequel la capacité détablir un rapport équilibré était possible. LInde a jugé que ce rapport équilibré ne létait pas avec dautres partenaires qui étaient ou technologiquement pas tout à fait au niveau, ou plus tout à fait au niveau ou trop « indépendants de », pour être des partenaires équilibrés et respectueux.
Même la Russie qui a, dans certains secteurs, des niveaux tout à fait comparables, sest tournée vers nous pour du matériel naval, le bateau de projection et de commandement, et cest un véritable partenariat qui se construit. Cela veut dire tout simplement que si la Grande Bretagne, par exemple, est forte dune industrie darmement qui est très largement orientée vers le marché américain, et tant mieux pour British Aerospace, la France, elle, a trouvé une forme de partenariat mondial, et les uns et les autres sont, par ailleurs, les leaders de la construction européenne en matière de Défense. Je voulais lévoquer.
Tout cela se traduit par des chiffres. Je ne vous les citerai pas. Vous le trouverez dans les excellents rapports consacrés à ce sujet.
Ce que je voudrais indiquer, cest quévidemment, ça se traduit ce sera peut-être le seul chiffre que je rappellerai par un excédent commercial fort. En 2010, nous avons un excédent de 5 milliards. En 2011, on devrait dépasser les 6,5 milliards et en 2012, il nest pas à exclure que nous puissions côtoyer les 8 milliards deuros. Rapporté à notre déficit du commerce extérieur, vous voyez bien le caractère significatif de cette industrie.
Alors, une industrie qui est importante et qui gagne de largent, cest une industrie qui peut investir, qui peut se développer, qui peut prolonger, plus loin encore, son savoir-faire. On peut regretter que le capitalisme repose sur le profit. Ce nest pas du tout mon cas. Je pense, au contraire, que le profit est le résultat dune pertinence stratégique et dune maîtrise de lorganisation, et jajoute que le profit bien employé est cumulatif de succès et de développement. Je pense que le contribuable français devrait songer à la question suivante : où largent de lEtat sinvestit-il le plus opportunément en matière industrielle ? Assurément lindustrie de Défense, outre quelle satisfait les hommes politiques, mais ce nest pas du tout suffisant comme argument, est une industrie nécessairement vertueuse dans sa capacité, dans la mondialisation à tenir un rang dautonomie parce quelle a une légitimité stratégique au regard de lorganisation du marché.
Peut-être en conclusion, vous proposer, à partir de cette réussite de la réflexion sur lindustrie de Défense, une réflexion plus large sur lindustrie.
Là, je suis beaucoup plus inquiet et je souhaite que, dans le débat français qui sorganise autour des perspectives présidentielles si proches, on puisse méditer deux chiffres particulièrement préoccupants : les exportations françaises ne représentent plus aujourdhui que 40 % des exportations allemandes, alors quelles représentaient, il y a dix ans, 55 % de ces exportations. Cest donc une véritable perte de parts de marchés de lindustrie française que lon observe, et cette perte de parts de marché puis-je en témoigner, pour être lorrain et donc frontalier de lAllemagne sexplique très largement par une évolution du coût du travail respectif entre lAllemagne et la France. Gerhard Schröder dabord, Angela Merkel ensuite, ont assuré une maîtrise de leur coût de production sur le plan du travail, qui leur a permis de combler lécart qui était de 15 à 20 % dans les années 90 et qui est aujourdhui, selon les analystes, équivalent ou légèrement favorable à lAllemagne. Je ne rentrerai pas dans le détail de ce sujet qui a été admirablement traité par un rapport de Rexecode, il y a à peu près un an de cela.
En revanche, il faut que nous nous posions, dans ce débat national, trois questions simples : pouvons-nous à court terme conduire une politique offensive sur le terrain du coût du travail ? La réponse est oui, à travers des mesures qui sont, à moyen et long termes, sans doute insuffisantes, mais qui sont, à court terme, extrêmement pertinentes.
Se poser la question de la priorité sur des dépenses collectives entre une charge supportée par le producteur et une charge supportée par le consommateur.
Cest un débat dactualité, cest un débat dailleurs que le Gouvernement a tardivement, mais courageusement, traité en proposant le transfert de la politique familiale sur la consommation, et dans un système compétitif, ouvert, concurrentiel, il paraît assez légitime que lon demande au consommateur, qui est en même temps dailleurs un électeur, dassumer lui-même la prise en charge, avec évidemment les modalités de péréquation entre les différentes catégories de consommateurs, dassurer lui-même la responsabilité de financer des politiques qui sont des politiques de consommation.
Dans un système compétitif, le producteur doit être traité au regard des autres producteurs, et le consommateur doit assumer, par notamment limpôt sur la consommation, la prise en charge davantages qui sont réels, qui sont dailleurs des avantages de consommateurs, qui doivent être assumés par le consommateur lui-même.
Nous avons, en ce qui concerne le travail, en dehors du coût à court terme, et en effet la TVA emploi ou la TVA activités, prenant en charge des dépenses assurées par le producteur, cest dur, ce nest pas agréable, mais cest assurément une des façons de retrouver une compétitivité, non pas avec des compétiteurs de lautre bout du Monde, mais nos compétiteurs immédiats ; car notre bataille est avec les pays qui nous ressemblent, et notamment avec notre voisin immédiat.
Jévoque évidemment rapidement la réglementation du travail « restituer à lentreprise et au dialogue social dans lentreprise, le plus de responsabilités possibles, et notamment la question lancinante de la durée du travail qui na simplement aucun sens dans un traitement national uniforme. ». Alors, cette perspective a été ouverte, je le reconnais, tardivement, par ce gouvernement. Il a au moins le mérite douvrir le débat, et de donner une légitimité, au contraire dailleurs, à la décision qui sera prise par le pouvoir politique, car cela relève du pouvoir politique. Si ce problème nest pas posé, il na simplement aucune chance dêtre traité, et force est de reconnaître quil navait pas été posé jusquà ce jour.
Il reste évidemment un dernier point en ce qui concerne le travail, le coût, la réglementation, son adaptation entre loffre et la demande. Là je crains, malheureusement, que toutes les solutions, de bon sens, autour de lorganisation de la formation professionnelle - Qui doit la gérer ? Qui doit la maîtriser ? Qui doit lorganiser ? ne vaillent que si nous arrivons à régler un problème qui est lui de nature complètement éthique, moral, politique, qui est le problème suivant : Y a-t-il un droit au travail ou un devoir de travailler ? Ce nest pas tout à fait la même chose. Sil y a un droit au travail, ce droit peut être ressenti comme le droit daccéder au travail que lon souhaite ou pour lequel on estime que lon a une vocation. Je pense que ce type de point de vue pouvait être parfaitement défendu en période de plein emploi, de frontières fermées, et dinflation possible.
Nous sommes aujourdhui en période de frontières ouvertes, où linflation est impossible, cest-à-dire que toutes les erreurs économiques sont payées directement, où par conséquent lemploi devient, en effet, parfois, un bien rare. La conclusion pratique, cest que moralement il faut défendre lidée quil y a un devoir de travailler, et non pas simplement un droit dobtenir un travail.
Cette inversion peut vous paraître une sorte de fantaisie de lesprit. Elle est, au plan politique, considérable comme évolution et comme changement. Car si le travail est un devoir, tout comme la formation dailleurs est un devoir, si lon a le devoir de se former et le devoir de trouver un emploi, on inverse la charge de la preuve. Ce nest plus la société qui est coupable de ne pas vous donner le travail dont vous rêvez, cest vous qui êtes responsable de trouver le travail que vous devez à la société, qui elle, en contrepartie, vous apporte toute une série de soutiens, de sécurité et de protection. Vous voyez bien que là le débat nest pas économique, il est parfaitement moral, mais cest sans doute sur le terrain moral que se situent un certain nombre de clés de lévolution de notre société.
Jai parlé longuement du travail, je voudrais traiter très rapidement dun autre sujet en ce qui concerne cette part de lindustrie, qui est tout simplement le fait que, plus nous avons de protection sociale et de niveau salarial et de pouvoir dachat, plus nous avons besoin dintensité capitalistique.
Nous pouvons parfaitement garantir à nos compatriotes, sur long terme, un niveau de vie et de protection sociale, à une seule condition : cest daller dans le travail vers la valeur ajoutée, et donc aller dans lemploi vers lintensité capitalistique, cest-à-dire daller vers la recherche de financement. Et lorsque nous entendons, dans le débat daujourdhui, une sorte de condamnation globale de la finance, je suis extraordinairement préoccupé, non pas que les financiers soient nécessairement ni des prix de vertu ni des modèles de comportement, mais réfléchissons à cette idée simple. Sil y a du travail, il faut du capital. Et sil ny a pas de capitaux, sil ny a pas dintensité capitalistique pour chaque emploi, sil ny pas lacceptation de lidée quun pays doit produire de lépargne et du capital pour financer linvestissement, et par conséquent du profit pour financer de lépargne dentreprise et de linvestissement, il ny a simplement aucune chance de sen sortir. Cest la raison pour laquelle, là encore Alors, évidemment, ce nest pas très à la mode, mais après tout jai le droit de me faire plaisir à cette heure-là, je suis venu jusquà Saclay pour vous parler, jai envie de vous dire que le capital ne doit pas être un adversaire, mais au contraire un partenaire du travail, car sans capitaux il ny aura pas les emplois qualifiés. Il faut préparer les emplois. Les études amont sont de plus en plus coûteuses. Tout ce qui est en amont de la production est de plus en plus coûteux. La production française à forte valeur ajoutée doit avoir une ambition mondiale, car on ne peut gagner de largent que si on a une taille mondiale, ce qui dailleurs suppose quon ait une certaine spécialisation, mais la mondialisation dun produit, dun savoir-faire ou dune technologie, ce sont des investissements considérables.
Donc, on voit bien que la Collectivité, pour se développer, en maintenant son niveau social, a besoin de tenir les prix par rapport à nos concurrents immédiats, mais de dégager des capacités financières pour financer ce développement. Vous reconnaitrez que cette idée nest pas dominante. Elle est pourtant, je le pense profondément, dun immense bon sens. Alors évidemment, il y a toute une série de mesures, que je pourrais vous lister, qui ont été prises ces dernières années : pérenniser, renforcer les dispositifs ISF PME. Nous avons une politique Le FSI Il y a toutes sortes de mesures. Cest formidable, cest formidable, mais ce nest pas suffisant. Ce qui est suffisant, cest de reconnaître le droit des entreprises à dégager du profit, pour pouvoir investir. Si les entreprises françaises font plus prélevées que dautres, parce quon considère que ce nest jamais le consommateur qui doit payer ce quil a décidé de choisir, et ce dont il a décidé de bénéficier, et si cest nécessairement le producteur, cela a deux conséquences pratiques, cest que le producteur dégage moins de marge et, lorsquil a un peu dargent, il va investir ailleurs.
A cet instant, je ne voudrais pas prolonger lexpression de cette conviction. Je voudrais simplement vous dire que vous avez une chance inouïe, cest que vous avez vocation à exercer des responsabilités. Le seul vu que je voudrais former devant vous, cest que, exerçant des responsabilités dans ladministration, dans lentreprise, dans les activités industrielles, dans des activités de service, dans des grandes structures ou dans des petites structures que vous aurez choisi de rejoindre ou de créer, gardez la préoccupation de la réflexion générale.
Lécole de la responsabilité, cest la culture générale. La force dun dirigeant économique, cest déviter la spécialisation, et cest davoir, en permanence, un regard global, transversal, sur lensemble des sujets qui lenvironnent.
Nous avons besoin dingénieurs et nous avons besoin dindustries, mais nous avons, dabord et surtout, besoin que nos dirigeants aient une vision densemble du monde dans lequel ils vont exercer les responsabilités. Et cest la raison pour laquelle, profondément, le ministère de la Défense se réjouit dêtre partenaire de lEcole polytechnique, car sil y a une qualité dont les polytechniciens ont toujours fait preuve, quils soient élèves, quils soient étudiants ou quils soient en activité, cest davoir le goût de la réflexion générale pour faire en sorte quils échappent à leur spécialité, et quils puissent être, en effet, des cadres responsables pour une Nation qui se retrouve dans ses ingénieurs, dès lors que ses ingénieurs dépassent leur technique pour être des dirigeants humanistes.
Source http://www.polytechnique.edu, le 18 avril 2012
Je mexprimerai comme ministre de la Défense. Je vous rappelle que les ministres sont des hommes politiques et, quà ce titre, ils aiment sengager, tel est mon cas.
Je ne reprendrai pas la très belle présentation que Marie Guillou vient de faire de ce Contrat dobjectifs et de performance. Je voudrais, en revanche, insister sur les éléments les plus novateurs de ce contrat et sur lenvironnement que suppose la réussite de ce contrat.
Je suis ministre de la Défense, vous me pardonnerez de vous parler dindustrie de Défense brièvement, mais je considère que c'est une véritable chance pour notre pays, c'est un atout. C'est en même temps une réflexion sur nos chances industrielles plus généralement. Je terminerai donc par nos chances industrielles.
Sur le contrat lui-même, trois idées simples. La première, c'est que Polytechnique - et vous avez évoqué des noms, jen citerai un Vous avez évoqué trois noms : Bernard Esambert, Pierre Faure qui nous a malheureusement quittés, et Yannick dEscatha.
Je voudrais revenir sur Pierre Faure parce quil nous a quittés, parce que javais pour lui une estime considérable, ayant eu la chance de le connaître dans une responsabilité ministérielle antérieure au siècle passé dans les Télécoms. Et javais pu découvrir un homme qui avait laptitude de marier à la fois les talents dun véritable savant et dun grand patron de lindustrie et qui, par ailleurs, dans son comportement dune très grande modestie, mettait ses interlocuteurs à laise pour pouvoir avec eux imaginer des projets nouveaux. Et c'est exactement dans cet esprit quil avait imaginé, avec Bernard Esambert naturellement, le projet X2000.
Ce qui me permet, comme homme politique, de répondre à un procès dintention qui a parfois été adressé aux grandes écoles en général, et la vôtre ny a pas échappé, de conservatisme. C'est exactement le contraire. Si aujourd'hui, nous pouvons envisager une étape nouvelle sur laquelle je reviendrai, c'est parce que dune façon constante, ces dernières années, lÉcole Polytechnique sest efforcée de trouver son chemin, de trouver sa voie. Et les contrats dobjectif successifs que vous avez évoqués, à travers laugmentation des effectifs, la diversité des formations, la diversité des niveaux de formation, la richesse des partenariats, montrent bien que derrière lapparente stabilité quexpriment vos uniformes, se cache en réalité une aptitude au changement. Vous avez un uniforme qui exprime le XIXème siècle, en réalité, c'est plutôt le treillis de la mondialisation que vous auriez pu revêtir comme tenue de combat universitaire, puisque c'est une véritable plasticité qui exprime ce changement constant de Polytechnique à linitiative de ceux qui en partagent la volonté de réussite, non pas pour lécole mais comme une valeur ajoutée pour notre pays.
Deuxième remarque politique également, vous avez fait le choix daccepter le défi de Paris - Saclay. C'est un défi considérable, pourquoi ? Parce quil suppose de marier des cultures quapparemment rien ne rapproche.
La volonté du Président de la République a été de donner à la fois lautonomie aux universités et toutes, à cet instant après quatre ans et demi de réflexion, ont fait le choix de lautonomie. Et en même temps, daccompagner les plus talentueuses dentre elles, pour quelles jouent un rôle de locomotive sur lintelligence française, lintelligence de la recherche, intelligence de la formation, de lenseignement au niveau mondial. C'est naturellement les projets IDEX.
Jen parle avec dautant plus de sensibilité, dattachement personnel, que naturellement de très nombreuses universités françaises et provinciales étaient candidates. Toutes nont pas été retenues, mais c'est la loi même du genre. Si nous voulons afficher des ambitions dans la mondialisation des idées, de la recherche et des formations, la dispersion nétait pas la bonne stratégie. Le choix des procédures IDEX est un choix extrêmement sélectif qui dailleurs a été, cela a surpris les hommes politiques français, déporté sur un jury compétent, mais extérieur à nos traditions de sélection.
Vous avez relevé le défi avec Paris Saclay. Jai vécu la façon dont vous avez relevé ce défi, jai presque envie de dire, jour après jour, peut-être pas jour après jour, mais de semaine en semaine et chacun a fait les efforts pour que lautre le comprenne. Et vous avez fait leffort dapporter à luniversité la force de votre image, de votre personnalité, de votre aptitude à former des ingénieurs et à établir des relations avec lindustrie, là où parfois il vous était adressé le reproche dêtre, en matière de recherche, plus petit, peut-être même trop petit pour que vous puissiez revendiquer de poursuivre cette autonomie.
Et vos dirigeants, avec beaucoup dintelligence et de persévérance, ont trouvé le juste équilibre. Je voudrais les remercier parce quen participant à Paris Saclay, vous avez permis à Paris - Saclay dobtenir ce label, mais vous avez accepté ce soutien en obtenant une reconnaissance didentité sans laquelle assurément Paris - Saclay se priverait de plus de deux siècles de réussite continue.
Comme je suis dun naturel plutôt conservateur, quand quelque chose marche, il me paraît nécessaire de ne pas le casser. Quand un outil fonctionne, pourquoi diable sen priver ? Surtout, et je reviens au précédent, lorsque cet outil a cette plasticité qui lui permet de sadapter au temps moderne.
C'est une bataille bien menée, intelligemment menée, où il n'y a pas de perdants, et où il ny a que des gagnants. Soyez-en remerciés.
Troisième observation de nature, elle aussi, politique. Puisque vous savez, la politique c'est quoi ? C'est prendre des décisions dans un environnement conflictuel et nécessairement conflictuel, le conflit dailleurs nétant pas en soi quelque chose que lon doit craindre ou éviter. Non, la vie est dialectique et la politique adore la dialectique, et cherche des synthèses dès lors quelles naboutissent pas à la confusion. C'est une excellente étape.
Et c'est le troisième point que je voudrais présenter devant vous sur cette approche ministérielle, et dengagement ministériel à légard de Polytechnique, c'est un fonctionnement rénové. Et ce fonctionnement rénové repose autour de deux idées simples, c'est que vous allez avoir un président exécutif pour votre école, avec un mandat de cinq ans, mais un président à temps plein. Non pas que vous soyez, Chère Marion Guillou, une présidente éphémère, occasionnelle ou intermittente - jai limpression que ça doit vous laisser peu de temps pour vos autres activités - mais lidée dun président à temps plein totalement investi dans lanimation, la représentation, les relations extérieures de lécole paraît être un investissement humain absolument indispensable aujourd'hui. On me dit dailleurs que c'est la solution adoptée par les grandes universités anglo-saxonnes, cela me paraît pertinent et jajoute que pour quelqu'un qui aurait fait les preuves de ses compétences scientifiques et managériales, quelle plus belle responsabilité que de présider Polytechnique dans cette bataille des intelligences, dans cette bataille de la place de loutil de formation Polytechnique dans le monde, y compris en France. Voilà une très belle responsabilité à condition den avoir les moyens et la durée, cest ce que propose cette rénovation.
La Défense nentend pas, cependant, abandonner Polytechnique, bien au contraire, et cest la raison pour laquelle le rattachement au ministère de la Défense est conforté. Il est conforté non pas par la seule singularité de luniforme et dun certain nombre de manifestations traditionnelles, mais il est conforté parce que, de tous les grands ministères qui étaient vos partenaires traditionnellement, cest celui qui a fait leffort de sintéresser à votre école, parce quil croit profondément que votre école est stratégique dans la formation des cadres dirigeants de notre pays, dans la formation des cadres dirigeants de lEtat et des activités de Défense, et en particulier des industries de Défense, et que ce ministère peut vous apporter, vous apporte, au-delà de la dimension humaine de la responsabilité, de lexercice du commandement expérience humaine dans laquelle le ministère de la Défense est certainement particulièrement compétent, au-delà même de la vision stratégique qui nécessairement stratégie, c'est-à-dire la place de la France dans le monde qui éclaire nécessairement les réflexions du ministère de la Défense. Nous avons le sentiment que notre pays sest construit et cest un libéral qui vous parle autour de son Etat et que larmée et la Défense ont toujours été lexpression forte de cette volonté politique. Nous navions pas lintention de labandonner.
Pour avoir été ministre de lIndustrie, jaurais aimé que nous puissions former, au sein du gouvernement, un cartel solidaire de ministres résolus à défendre Polytechnique, non pas simplement rattaché à la Défense, mais au sein de lEtat. Il y a deux grands ministères jai un âge qui me permet de voir les choses avec une certaine sérénité dont jestime que lEtat sest privé un peu rapidement : le ministère de lIndustrie, le ministère de lEquipement. Les deux existent, lun a disparu dans Bercy, direction générale des Stratégies. Lautre a acquis une telle dimension quon narrive plus à retrouver, dans lensemble de ses missions, sa personnalité historique. Je reste convaincu quentre la Défense, lIndustrie et lEquipement, pour lessentiel, lEtat avait un partenariat formidable à développer et à construire avec Polytechnique.
Moi, jai la responsabilité de la Défense, je connais Polytechnique. Jai donc souhaité conforter ce partenariat et je me réjouis, mon Général, que le directeur général de Polytechnique est et restera un officier général, dans des fonctions de directeur général qui, comme son nom lindique, a vocation à diriger la généralité de lécole polytechnique, ce qui ninterdit nullement quil ait des adjoints et des équipes compétentes, mais un président et un directeur général, ça fonctionne et ça continuera de fonctionner, avec lenrichissement quapporte cette présidence à temps plein.
Alors, pourquoi allons-nous faire cela ? Eh bien pour que vous puissiez participer à lindustrie de Défense notamment, pas seulement. Mais, réfléchissons ensemble à ce que représente cette industrie de Défense qui est un atout français dans la mondialisation.
Je vais essayer dêtre assez rapide. Il y a évidemment des réalités matérielles : bases industrielles fortes, construites sur un temps long, c'est-à-dire des projets durables et nous assurant une maîtrise des très hautes technologies. Ça, cest une présentation générale. Disons très simplement que, dans le monde daujourdhui, tel que je le vois et tel que je le vis, il y a un grand pays qui, à lui seul, représente 50 % du marché de la Défense et ce nest pas le nôtre, et il y a un deuxième pays dont les grandes entreprises sont toujours en matière de Défense, dans une situation que lon qualifierait, aux Jeux Olympiques, de podium ; c'est-à-dire médaille de bronze, dargent ou dor. Y a-t-il tant de secteurs industriels où nous soyons toujours au moins médaille de bronze, souvent médaille dargent et parfois médaille dor ? Assurément, la Défense, les industries de Défense en font partie. Et pourquoi ce système fonctionne-t-il ? Parce quil y a ce mariage intelligent entre une volonté nationale qui sest exprimée et qui aboutit à construire la base dune industrie de Défense, et la projection européenne et mondiale de cette industrie de Défense, car la véritable force en matière dindustrie de Défense de notre pays, cest quelle est à la fois nationale par son origine, européenne par ses alliances et elle est le partenaire, dans le monde, de ceux qui souhaitent ne pas être dépendants du plus grand acteur.
Nous avons donc un secteur de traditions nationales qui a su construire des alliances européennes et se projeter dans une vision mondiale. Les industries de la Défense ne sont peut-être pas les seules dans ce cas, mais elles sont assurément, en France, la démonstration dune globalisation réussie, dune mondialisation, je dirais, positive, qui nexclut nullement le combat, les batailles et parfois les échecs, mais qui correspond à une logique dont la transparence est évidente. Nous avons une base nationale, une volonté européenne et des partenariats à lextérieur.
Ce qui est très intéressant pour moi au long de cette année 2011, a été de constater que, lorsque lon évoque les briques : Brésil, Russie, Inde et Chine, si on écarte la Chine pour des raisons évidentes, le Brésil se tourne vers la France parce que sa priorité est une industrie navale sous-marine, lui permettant de maîtriser son espace des rives Offshore riches et riches matériellement, et riches de 8 000 km. Nous sommes ce partenaire naturel, pour cette étape-là, et vraisemblablement un jour je lespère et je le crois profondément pour laéronautique. Pourquoi dailleurs ? Parce quun autre pays, lInde, a choisi la France, non seulement parce que lappareil était bon, mais parce que la perspective de construire lui apparaissait possible avec un pays qui avait à la fois le niveau technologique et avec lequel la capacité détablir un rapport équilibré était possible. LInde a jugé que ce rapport équilibré ne létait pas avec dautres partenaires qui étaient ou technologiquement pas tout à fait au niveau, ou plus tout à fait au niveau ou trop « indépendants de », pour être des partenaires équilibrés et respectueux.
Même la Russie qui a, dans certains secteurs, des niveaux tout à fait comparables, sest tournée vers nous pour du matériel naval, le bateau de projection et de commandement, et cest un véritable partenariat qui se construit. Cela veut dire tout simplement que si la Grande Bretagne, par exemple, est forte dune industrie darmement qui est très largement orientée vers le marché américain, et tant mieux pour British Aerospace, la France, elle, a trouvé une forme de partenariat mondial, et les uns et les autres sont, par ailleurs, les leaders de la construction européenne en matière de Défense. Je voulais lévoquer.
Tout cela se traduit par des chiffres. Je ne vous les citerai pas. Vous le trouverez dans les excellents rapports consacrés à ce sujet.
Ce que je voudrais indiquer, cest quévidemment, ça se traduit ce sera peut-être le seul chiffre que je rappellerai par un excédent commercial fort. En 2010, nous avons un excédent de 5 milliards. En 2011, on devrait dépasser les 6,5 milliards et en 2012, il nest pas à exclure que nous puissions côtoyer les 8 milliards deuros. Rapporté à notre déficit du commerce extérieur, vous voyez bien le caractère significatif de cette industrie.
Alors, une industrie qui est importante et qui gagne de largent, cest une industrie qui peut investir, qui peut se développer, qui peut prolonger, plus loin encore, son savoir-faire. On peut regretter que le capitalisme repose sur le profit. Ce nest pas du tout mon cas. Je pense, au contraire, que le profit est le résultat dune pertinence stratégique et dune maîtrise de lorganisation, et jajoute que le profit bien employé est cumulatif de succès et de développement. Je pense que le contribuable français devrait songer à la question suivante : où largent de lEtat sinvestit-il le plus opportunément en matière industrielle ? Assurément lindustrie de Défense, outre quelle satisfait les hommes politiques, mais ce nest pas du tout suffisant comme argument, est une industrie nécessairement vertueuse dans sa capacité, dans la mondialisation à tenir un rang dautonomie parce quelle a une légitimité stratégique au regard de lorganisation du marché.
Peut-être en conclusion, vous proposer, à partir de cette réussite de la réflexion sur lindustrie de Défense, une réflexion plus large sur lindustrie.
Là, je suis beaucoup plus inquiet et je souhaite que, dans le débat français qui sorganise autour des perspectives présidentielles si proches, on puisse méditer deux chiffres particulièrement préoccupants : les exportations françaises ne représentent plus aujourdhui que 40 % des exportations allemandes, alors quelles représentaient, il y a dix ans, 55 % de ces exportations. Cest donc une véritable perte de parts de marchés de lindustrie française que lon observe, et cette perte de parts de marché puis-je en témoigner, pour être lorrain et donc frontalier de lAllemagne sexplique très largement par une évolution du coût du travail respectif entre lAllemagne et la France. Gerhard Schröder dabord, Angela Merkel ensuite, ont assuré une maîtrise de leur coût de production sur le plan du travail, qui leur a permis de combler lécart qui était de 15 à 20 % dans les années 90 et qui est aujourdhui, selon les analystes, équivalent ou légèrement favorable à lAllemagne. Je ne rentrerai pas dans le détail de ce sujet qui a été admirablement traité par un rapport de Rexecode, il y a à peu près un an de cela.
En revanche, il faut que nous nous posions, dans ce débat national, trois questions simples : pouvons-nous à court terme conduire une politique offensive sur le terrain du coût du travail ? La réponse est oui, à travers des mesures qui sont, à moyen et long termes, sans doute insuffisantes, mais qui sont, à court terme, extrêmement pertinentes.
Se poser la question de la priorité sur des dépenses collectives entre une charge supportée par le producteur et une charge supportée par le consommateur.
Cest un débat dactualité, cest un débat dailleurs que le Gouvernement a tardivement, mais courageusement, traité en proposant le transfert de la politique familiale sur la consommation, et dans un système compétitif, ouvert, concurrentiel, il paraît assez légitime que lon demande au consommateur, qui est en même temps dailleurs un électeur, dassumer lui-même la prise en charge, avec évidemment les modalités de péréquation entre les différentes catégories de consommateurs, dassurer lui-même la responsabilité de financer des politiques qui sont des politiques de consommation.
Dans un système compétitif, le producteur doit être traité au regard des autres producteurs, et le consommateur doit assumer, par notamment limpôt sur la consommation, la prise en charge davantages qui sont réels, qui sont dailleurs des avantages de consommateurs, qui doivent être assumés par le consommateur lui-même.
Nous avons, en ce qui concerne le travail, en dehors du coût à court terme, et en effet la TVA emploi ou la TVA activités, prenant en charge des dépenses assurées par le producteur, cest dur, ce nest pas agréable, mais cest assurément une des façons de retrouver une compétitivité, non pas avec des compétiteurs de lautre bout du Monde, mais nos compétiteurs immédiats ; car notre bataille est avec les pays qui nous ressemblent, et notamment avec notre voisin immédiat.
Jévoque évidemment rapidement la réglementation du travail « restituer à lentreprise et au dialogue social dans lentreprise, le plus de responsabilités possibles, et notamment la question lancinante de la durée du travail qui na simplement aucun sens dans un traitement national uniforme. ». Alors, cette perspective a été ouverte, je le reconnais, tardivement, par ce gouvernement. Il a au moins le mérite douvrir le débat, et de donner une légitimité, au contraire dailleurs, à la décision qui sera prise par le pouvoir politique, car cela relève du pouvoir politique. Si ce problème nest pas posé, il na simplement aucune chance dêtre traité, et force est de reconnaître quil navait pas été posé jusquà ce jour.
Il reste évidemment un dernier point en ce qui concerne le travail, le coût, la réglementation, son adaptation entre loffre et la demande. Là je crains, malheureusement, que toutes les solutions, de bon sens, autour de lorganisation de la formation professionnelle - Qui doit la gérer ? Qui doit la maîtriser ? Qui doit lorganiser ? ne vaillent que si nous arrivons à régler un problème qui est lui de nature complètement éthique, moral, politique, qui est le problème suivant : Y a-t-il un droit au travail ou un devoir de travailler ? Ce nest pas tout à fait la même chose. Sil y a un droit au travail, ce droit peut être ressenti comme le droit daccéder au travail que lon souhaite ou pour lequel on estime que lon a une vocation. Je pense que ce type de point de vue pouvait être parfaitement défendu en période de plein emploi, de frontières fermées, et dinflation possible.
Nous sommes aujourdhui en période de frontières ouvertes, où linflation est impossible, cest-à-dire que toutes les erreurs économiques sont payées directement, où par conséquent lemploi devient, en effet, parfois, un bien rare. La conclusion pratique, cest que moralement il faut défendre lidée quil y a un devoir de travailler, et non pas simplement un droit dobtenir un travail.
Cette inversion peut vous paraître une sorte de fantaisie de lesprit. Elle est, au plan politique, considérable comme évolution et comme changement. Car si le travail est un devoir, tout comme la formation dailleurs est un devoir, si lon a le devoir de se former et le devoir de trouver un emploi, on inverse la charge de la preuve. Ce nest plus la société qui est coupable de ne pas vous donner le travail dont vous rêvez, cest vous qui êtes responsable de trouver le travail que vous devez à la société, qui elle, en contrepartie, vous apporte toute une série de soutiens, de sécurité et de protection. Vous voyez bien que là le débat nest pas économique, il est parfaitement moral, mais cest sans doute sur le terrain moral que se situent un certain nombre de clés de lévolution de notre société.
Jai parlé longuement du travail, je voudrais traiter très rapidement dun autre sujet en ce qui concerne cette part de lindustrie, qui est tout simplement le fait que, plus nous avons de protection sociale et de niveau salarial et de pouvoir dachat, plus nous avons besoin dintensité capitalistique.
Nous pouvons parfaitement garantir à nos compatriotes, sur long terme, un niveau de vie et de protection sociale, à une seule condition : cest daller dans le travail vers la valeur ajoutée, et donc aller dans lemploi vers lintensité capitalistique, cest-à-dire daller vers la recherche de financement. Et lorsque nous entendons, dans le débat daujourdhui, une sorte de condamnation globale de la finance, je suis extraordinairement préoccupé, non pas que les financiers soient nécessairement ni des prix de vertu ni des modèles de comportement, mais réfléchissons à cette idée simple. Sil y a du travail, il faut du capital. Et sil ny a pas de capitaux, sil ny a pas dintensité capitalistique pour chaque emploi, sil ny pas lacceptation de lidée quun pays doit produire de lépargne et du capital pour financer linvestissement, et par conséquent du profit pour financer de lépargne dentreprise et de linvestissement, il ny a simplement aucune chance de sen sortir. Cest la raison pour laquelle, là encore Alors, évidemment, ce nest pas très à la mode, mais après tout jai le droit de me faire plaisir à cette heure-là, je suis venu jusquà Saclay pour vous parler, jai envie de vous dire que le capital ne doit pas être un adversaire, mais au contraire un partenaire du travail, car sans capitaux il ny aura pas les emplois qualifiés. Il faut préparer les emplois. Les études amont sont de plus en plus coûteuses. Tout ce qui est en amont de la production est de plus en plus coûteux. La production française à forte valeur ajoutée doit avoir une ambition mondiale, car on ne peut gagner de largent que si on a une taille mondiale, ce qui dailleurs suppose quon ait une certaine spécialisation, mais la mondialisation dun produit, dun savoir-faire ou dune technologie, ce sont des investissements considérables.
Donc, on voit bien que la Collectivité, pour se développer, en maintenant son niveau social, a besoin de tenir les prix par rapport à nos concurrents immédiats, mais de dégager des capacités financières pour financer ce développement. Vous reconnaitrez que cette idée nest pas dominante. Elle est pourtant, je le pense profondément, dun immense bon sens. Alors évidemment, il y a toute une série de mesures, que je pourrais vous lister, qui ont été prises ces dernières années : pérenniser, renforcer les dispositifs ISF PME. Nous avons une politique Le FSI Il y a toutes sortes de mesures. Cest formidable, cest formidable, mais ce nest pas suffisant. Ce qui est suffisant, cest de reconnaître le droit des entreprises à dégager du profit, pour pouvoir investir. Si les entreprises françaises font plus prélevées que dautres, parce quon considère que ce nest jamais le consommateur qui doit payer ce quil a décidé de choisir, et ce dont il a décidé de bénéficier, et si cest nécessairement le producteur, cela a deux conséquences pratiques, cest que le producteur dégage moins de marge et, lorsquil a un peu dargent, il va investir ailleurs.
A cet instant, je ne voudrais pas prolonger lexpression de cette conviction. Je voudrais simplement vous dire que vous avez une chance inouïe, cest que vous avez vocation à exercer des responsabilités. Le seul vu que je voudrais former devant vous, cest que, exerçant des responsabilités dans ladministration, dans lentreprise, dans les activités industrielles, dans des activités de service, dans des grandes structures ou dans des petites structures que vous aurez choisi de rejoindre ou de créer, gardez la préoccupation de la réflexion générale.
Lécole de la responsabilité, cest la culture générale. La force dun dirigeant économique, cest déviter la spécialisation, et cest davoir, en permanence, un regard global, transversal, sur lensemble des sujets qui lenvironnent.
Nous avons besoin dingénieurs et nous avons besoin dindustries, mais nous avons, dabord et surtout, besoin que nos dirigeants aient une vision densemble du monde dans lequel ils vont exercer les responsabilités. Et cest la raison pour laquelle, profondément, le ministère de la Défense se réjouit dêtre partenaire de lEcole polytechnique, car sil y a une qualité dont les polytechniciens ont toujours fait preuve, quils soient élèves, quils soient étudiants ou quils soient en activité, cest davoir le goût de la réflexion générale pour faire en sorte quils échappent à leur spécialité, et quils puissent être, en effet, des cadres responsables pour une Nation qui se retrouve dans ses ingénieurs, dès lors que ses ingénieurs dépassent leur technique pour être des dirigeants humanistes.
Source http://www.polytechnique.edu, le 18 avril 2012