Interview de M. François Hollande, député PS et candidat à l'élection présidentielle 2012, à "France 2" le 11 avril 2012, sur ses priorités gouvernementales s'il est élu, sur la politique étrangère, notamment la situation au Mali.

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Circonstance : Invité de l'émission "Des paroles et des actes" sur France 2, le 11 avril 2012

Média : France 2

Texte intégral

David PUJADAS
Nous accueillons maintenant celui qui fait figure, depuis le départ, de favori à cette présidentielle, François HOLLANDE. Bonsoir François HOLLANDE.

François HOLLANDE
Bonsoir.

David PUJADAS
Soyez le bienvenu. On vous connait sans doute un peu mieux, nos téléspectateurs en tout cas puisque vous êtes passé dans l’émission déjà mais la règle est la même pour tous. Vous avez 57 ans, vous êtes père de quatre enfants, diplômé de HEC, de l’ENA, vous avez été chargé de mission à l’Elysée sous François MITTERRAND, membre de cabinets ministériels, numéro un du Parti socialiste pendant 11 ans, député, maire de Tulle et président du Conseil général de Corrèze et vainqueur des primaires socialistes à l’automne dernier pour cette présidentielle. Vous êtes crédité de 27 à 29% des voix et de 53 à 56% des voix au second tour. Première question, dans votre programme, on ne trouve pas, mais vous allez peut-être nous démentir, de grandes réformes de structure. Je m’explique, François MITTERRAND a fait la décentralisation, il a fait la fin de la peine de mort ou le RMI, Lionel JOSPIN a fait les 35 heures ou la CMU. Dans vos engagements on trouve des réformes de paramètre sur les retraites, sur les charges sociales, sur les fonctionnaires, la fiscalité mais pas de grandes réformes de structure, la France n’a plus besoin des grandes réformes de structure ?

François HOLLANDE
Merci d’avoir lu mes propositions, je les ai présentées il y a maintenant plus de trois mois, 60 engagements, parce que je voulais être clair avec les Français, pas besoin d‘aller sortir une proposition de dernière heure pour susciter une conviction de dernière minute.
David PUJADAS
Ca c’est une première pique à Nicolas SARKOZY…

François HOLLANDE
Non, c’est une obligation que je considère inévitable pour tout candidat, être clair, cohérent, constant. Alors vous me dites des réformes de structure, une réforme fiscale d’ampleur ce n’est pas une réforme de structure ?

David PUJADAS
Plutôt un changement.

François HOLLANDE
Ce qui va corriger un certain nombre d’inégalités, permettre une modernisation de notre outil fiscal et aussi nous donner des recettes qui sont bien précieuses dans un moment…

David PUJADAS
On modifie les paramètres !

François HOLLANDE
Ce n’est pas des paramètres quand vous êtes aussi clair que moi sur l’enjeu de la réforme fiscale. La réforme bancaire, séparer pour maîtriser la finance les activités spéculatives des activités de dépôt et de crédit, c’est une réforme de structure. Vous avez évoqué la décentralisation, faire une nouvelle étape de la décentralisation comme je la propose, c’est une réforme de structure.

David PUJADAS
En quoi précisément consisterait cette réforme ?

François HOLLANDE
A transférer de nouvelles compétences aux régions, aux grandes métropoles, aux agglomérations parce que nous avons besoin sur les transports, le logement, la transition énergétique, écologique d’avoir des collectivités locales qui soient pleinement capables de relever ces défis. Et donc ces réformes je ne les fais pas pour simplement des porte-drapeaux, pour dire « regardez comme je réforme ! », je le fais pour être efficace, juste, utile pour les Français. Vous avez vu le contexte dans lequel nous sommes, nous avons une croissance qui est faible pour ne pas dire inexistante, des déficits qui sont lourds, une dette publique qui est considérable, record depuis l’histoire même de la République, et donc mon devoir c’est de redresser, redresser l’industrie, la production, l’économie, les comptes publics et de le faire dans la justice. Et, enfin, une réforme de structure qui parachève j’allais dire l’ensemble de ce que je veux, une grande réforme pour la jeunesse, l’éducation, l’emploi, l’insertion, contrat de génération que j’ai proposé, voilà ce qui doit donner aussi une espérance.

David PUJADAS
Fabien…

Fabien NAMIAS
François HOLLANDE, vous avez publié la semaine dernière un document, c’est assez original parce que c’est assez rare, où vous donnez très précisément toutes les mesures que vous appliquerez lors de votre première année à l’Elysée si toutefois vous êtes élu. Il y a une mesure très forte que vous avez évoquée dans votre campagne, qui a été d’ailleurs beaucoup stigmatisée par vos adversaires, c’est le droit de vote des étrangers aux élections locales. Et alors j’ai bien regardé le document et vous n’en faites pas mention, ça veut dire que vous l’avez écartée ou ça veut dire que ce n’est pas une urgence de première année ?

François HOLLANDE
J’ai présenté les premières décisions que je prendrai dans les premiers jours, c’est-à-dire au lendemain même de l’élection présidentielle. D’abord sur l’exemplarité de l’Etat, la baisse des rémunérations du chef de l’Etat, du Premier ministre, des ministres mais ça c’est ce que j’avais déjà annoncé, mais aussi des mesures sur la composition du gouvernement, paritaire, autant de femmes que d’hommes. Exemplarité charte éthique pour les membres du gouvernement, pas de cumul de mandat, pas de conflit d’intérêts. Et puis des premières mesures sur le pouvoir d’achat avant même qu’il y ait le renouvellement de l’Assemblée nationale. Ensuite, les réformes de structure auront lieu l’été, c’est-à-dire au mois de juillet et une partie du mois d’août parce qu’il y a urgence. Et puis, enfin, nous aurions à l’automne des réformes institutionnelles dont, je l’ai dit, la justice qui devra être consacrée comme indépendante, le non-cumul des mandats pour les parlementaires et aussi l’introduction d’une part de proportionnelle et le droit de vote uniquement pour les élections municipales pour les étrangers qui sont depuis longtemps sur notre territoire.

David PUJADAS
Donc à l’automne.

François HOLLANDE
Ces réformes-là interviendront à l’automne et seront votées à la fin de l’année 2012 ou au début de l’année 2013. Mais je veux quand même vous rassurer…

Fabien NAMIAS
Pour être tout à fait clair ça reste dans votre programme, non parce que je ne le voyais pas !

François HOLLANDE
Je ne vais pas tout faire la première année, ce que je fais c’est ce qui me parait nécessaire et préalable, le redressement est un préalable, la justice est une nécessité. Les Français ne pourront consentir à quel qu’effort que ce soit que s’ils ont la conviction, et la preuve devrait être apportée, qu’il y a une contribution de ceux qui ont le plus.

David PUJADAS
Alors à propos de redressement la parole à vous François LENGLET…

François HOLLANDE
Et par ailleurs pour les premières mesures que je prendrai il y aura bien sûr l’annulation de l’augmentation de la TVA qui a été prévue par le candidat sortant.

Fabien NAMIAS
Et qui est censée entrer en vigueur au mois d’octobre.

François HOLLANDE
Voilà.

David PUJADAS
François…

François LENGLET
Monsieur HOLLANDE, depuis quelques jours la crie européenne de la dette repart de plus belle, l’Italie et l’Espagne sont attaquées, leurs taux d’intérêt montent et le financement de leurs dettes est compromis justement par un prix qui est très élevé. Il est tout à fait possible que la prochaine victime de cette crise, de ces attaques soit la France. Certains, Jacques ATTALI le disait d’ailleurs hier sur le plateau de David PUJADAS, disent cela pourrait intervenir après l’élection quel que soit d’ailleurs le vainqueur, au cœur de l’été. Si vous êtes à l’Elysée et que la France se trouve prise dans la tourmente financière, est-ce que vous êtes prêt à modifier votre programme, ce programme de la première année, quelles conséquences cela aurait-il sur votre action économique ?

François HOLLANDE
J’ai compris que certains essayaient d’utiliser la possibilité d’une crise de la zone euro pour effrayer les Français à l’idée même de l’alternance !

François LENGLET
C’est Jacques ATTALI là que j’ai cité !

François HOLLANDE
Non, non, là je ne parle pas de Jacques ATTALI qui par ailleurs soutient ma candidature, donc ce n’est pas lui qui n’est pas en cause. Mais je parle effectivement de François FILLON ou encore de Nicolas SARKOZY cet après-midi. Franchement…

François LENGLET
C’est une possibilité réelle…

François HOLLANDE
Franchement, est-ce qu’aujourd’hui la crise de la zone euro frappe la France ? Non, elle frappe l’Espagne durement et peut-être l’Italie avec des taux d’intérêt qui ont augmenté. Le rôle d‘un responsable public, qu’il soit dans la majorité ou comme je le suis encore, nous verrons bien pour combien de temps, dans l’opposition, c’est de ne pas jouer avec la spéculation, c’est-à-dire de ne pas laisser penser qu’après l’élection présidentielle il y aura une espèce de montée des marchés. Nous devons être clairs, je le suis suffisamment sur le retour à l’équilibre des comptes publics.

François LENGLET
On va y venir tout de suite.

François HOLLANDE
Je le suis sur la croissance car nous avons besoin de croissance si nous voulons atteindre nos objectifs de maîtrise de la dette, donc moi je ne jouerai pas avec la spéculation. Si elle vient, écoutez, nous prendrons les mesures appropriées. Si j’ai dit que mon adversaire était la finance, c’est qu’il y a effectivement des menaces. Mais très franchement…

Fabien NAMIAS
Quelles mesures, quelles mesures ?

François LENGLET
Les mesures appropriées quelles sont-elles ?

François HOLLANDE
Ce n’est pas moi qui suis sortant dans cette élection, ce n’est pas moi qui ai perdu le triple A, ce n’est pas moi qui présente un bilan avec une dette publique de 600 milliards d’euros augmentés. Ce n’est pas moi qui supporte le triste privilège de présenter un déficit du commerce extérieur de 70 milliards d’euros. Donc les mesures…

David PUJADAS
Quelles mesures, François HOLLANDE ?

François HOLLANDE
Ecoutez, qui sont celles que nous devront prendre, c’est notamment par rapport aux produits financiers qui sont sans rapport avec l’économie réelle, ce qu’on appelle, on ne va pas être techniques entre nous, les CDS, les ventes à terme, il ne peut pas y avoir de spéculation entretenue par le système financier par rapport à nos emprunts d’Etat.

David PUJADAS
Donc des mesures contre la spéculation pour que les choses soient claires mais pas des mesures sur votre programme, sur votre trajectoire de réductions des déficits par exemple ?

François HOLLANDE
Mais ce serait quand même un comble que le peuple français, rendez-vous compte, le peuple français…

David PUJADAS
Non mais on vous pose la question.

François HOLLANDE
…décide de choisir un président, souhaitons qu’ils fassent la bonne décision, et qu’ensuite on dise « écoutez, on est désolés mais les marchés en ont décidé autrement ». Non, la démocratie est plus forte que les marchés à condition qu’elle s’arme !

David PUJADAS
Ce que semblait dire Jacques ATTALI qui n’est pas un de vos adversaires, c’est que vous seriez peut-être, celui qui sera élu sera peut-être contraint de revoir ses promesses…

François HOLLANDE
Mais je ne reverrai pas les promesses simplement parce qu’il y a des marchés qui sont dans la turbulence, le rôle d‘un responsable politique c’est de dominer les marchés. D’où l’importance aussi de la renégociation du traité européen.

François LENGLET
On va y venir. Dans l’agenda justement de votre première année, il y a une proposition ou une déclaration d’intention nouvelle par rapport à ce que vous aviez dit précédemment, je cite, « il y aurait le gel conservatoire d’une partie des dépenses dans l’attente de la publication du rapport de la COUR DES COMPTES sur la situation des finances publiques » que vous attendez vers le 25 juin. Pourquoi atteindre de ce rapport alors que monsieur MIGAUD, le Premier président de la COUR DES COMPTES, a publié un rapport il y a six semaines qui est parfaitement clair. On va voir une phrase extraite de ce rapport : « l’effort de redressement doit donc porter principalement à l’avenir sur les dépenses publiques ». On sait ce qu’il pense monsieur MIGAUD et la COUR DES COMPTES, pourquoi attendez-vous cette prochaine échéance ?

François HOLLANDE
Parce que lorsque, mettons-nous dans cette situation…

François LENGLET
Cette hypothèse.

François HOLLANDE
Les Français ont voté, ils m’ont donné la légitimité pour être le prochain président de la République, le gouvernement est constitué, le Parlement ne peut pas être réuni, l’Assemblée nationale va être renouvelée et nous devons appliquer un budget que nous n’avons pas voté, celui pour l’année 2012, ce serait nos prédécesseurs, je veux encore parler au conditionnel car je respecte le vote des Français, donc à partir de là nous aurons à faire des corrections. Corrections fiscales, nous engagerons la réforme, mais aussi corrections de dépenses, il y a des dépenses que nous reverrons, que je ne juge pas bonnes.

François LENGLET
Vous pensez que le président sortant maquille les comptes, que vous allez trouver des surprises dans les placards ?

François HOLLANDE
C’est en tout cas une interrogation que nous pouvons avoir. Donc très rapidement, la Cour des comptes fournira l’évaluation de l’état des comptes publics de notre pays, et puis ensuite, nous aurons dans l’été à prendre des décisions.

David PUJADAS
Un mot du traité européen, pour que les choses soient claires, vous souhaitez renégocier ce traité pour y inclure davantage de dispositions en faveur de ce que vous nommez la croissance ou est-ce que vous souhaitez ajouter à ce traité, qui serait validé d’une certaine manière, d’autres dispositions pour cette croissance, vous voyez la nuance, elle est importante ?

François HOLLANDE
J’ai compris la nuance, Monsieur PUJADAS, je vous remercie de me la préciser. Il y a un traité qui prévoit des disciplines, des sanctions – et uniquement des disciplines et des sanctions – qui d’ailleurs instaurerait l’austérité pour des années, je ne suis pas d’accord avec cette orientation, car je considère que la croissance est nécessaire. Donc ce que je dirai à nos partenaires européens, au lendemain de l’élection présidentielle, soit, chaque pays doit faire un effort, et la France se mettra sur le chemin du redressement, donc équilibre à l’horizon 2017, j’ai toujours précisé cette date-là et je n’en changerai pas, mais en revanche, nous devons renégocier le traité pour y ajouter, le compléter, l’améliorer sur le dispositif de croissance. Qu’est-ce que ça veut dire…

David PUJADAS
… Une renégociation…

François HOLLANDE
Ça veut dire quoi le dispositif de croissance, pour que chacun l’ait à l’esprit, aujourd’hui, il n’y a rien, c’est-à-dire que la croissance en Europe va être négative en 2012, et comment voulez-vous que les pays atteignent…

François LENGLET
Il faut une relance budgétaire, il n’y a plus d’argent nulle part…

François HOLLANDE
Et donc aucun des Etats membres, sauf l’Allemagne, ne peut faire cette relance, donc c’est à l’échelle de l’Europe, et qu’est-ce que je propose, que l’Europe puisse emprunter, elle a, seule, la capacité, il y a aussi la banque européenne d’investissement qui peut le faire, pour que nous puissions engager des travaux immédiats sur des infrastructures, sur le développement des énergies nouvelles, sur un certain nombre de projets industriels, pour que, très vite, les entreprises puissent être alimentées par des commandes, entreprises européennes. Par ailleurs, entre la France et l’Allemagne, nous devons aussi nous rapprocher pour un certain nombre de projets communs. La croissance, elle est indispensable, et je ne le dis pas parce que je suis candidat à l’élection présidentielle, la plupart des chefs de gouvernement, même conservateurs, en sont convaincus, pas simplement le chef du gouvernement espagnol, le chef du gouvernement également aux Pays-Bas, Mario MONTI ne dit pas autre chose en Italie, et les experts, les fameuses agences de notation, celles qui nous infligent, enfin, infligent au président sortant un certain nombre de rebuffades, que disent-elles, elles disent : mais s’il n’y a pas de croissance, il n’y aura pas de possibilité de recettes fiscales supplémentaires et donc il n’y aura pas de retour à l’équilibre. Donc ça, c’est un point très important…

David PUJADAS
Il reste six minutes cinquante, donc on va essayer d’aller à l’essentiel, c’est vrai que c’était un chapitre important. Fabien, un dernier mot sur l’économie.

Fabien NAMIAS
Oui, sur l’ISF, l’impôt sur la fortune précisément, je ne sais pas si vous avez lu cet entretien qu’a accordé Françoise HARDY à PARIS MATCH la semaine dernière, PARIS MATCH dont d’ailleurs vous faisiez la couverture…

François HOLLANDE
Mais ça n’a pas de rapport…

Fabien NAMIAS
Non, mais elle parle de vous…

François HOLLANDE
Oui, très bien.

Fabien NAMIAS
Alors, je vais la citer : si François HOLLANDE passe, je ne suis pas certaine que mon revenu suffira à payer mes impôts. Je paie 40.000 euros d’ISF par an, si HOLLANDE – je la cite – le multiplie par trois, qu’est-ce que je fais ? Je suis à la rue.

François HOLLANDE
Je connais des personnes, j’ai beaucoup de respect pour Françoise HARDY, et vraiment, j’écoute avec beaucoup de plaisir ses chansons, mais enfin, si les personnes qui sont à la rue, il y en a aujourd’hui, payaient 40.000 euros d’ISF, mais elles seraient heureuses ces personnes-là. Il y a des gens qui couchent dehors, il y a des gens qui sont dans les tentes, dans les roulottes, dans les caravanes, c’est ceux-là qui sont dans la rue. Et par ailleurs, je veux rassurer Françoise HARDY, l’ISF ne sera pas multiplié par trois, puisque je reviendrai exactement au barème qui existait l’année dernière avant qu’il ne soit allégé par Nicolas SARKOZY et la majorité…

Fabien NAMIAS
C’est-à-dire que le maximum, c’est 1,8%...

François HOLLANDE
1,8. Donc ne laissons pas penser qu’il y aurait triplement. En revanche, ça, c’est vrai, nous rétablirons la progressivité de l’ISF et le niveau des prélèvements qui existait avant, ce que payait donc madame Françoise HARDY en 2010 et 2011. Donc de ce point de vue-là, elle ne sera pas à la rue.

David PUJADAS
Nathalie.

Nathalie SAINT-CRICQ
François HOLLANDE, on entend Nicolas SARKOZY faire quasiment chaque jour une nouvelle proposition, est-ce qu’on peut considérer, avec vous, que vous avez une bonne fois pour toutes mis tout sur la table, il y a quelque temps, et qu’il n’y aura plus de surprise ?

François HOLLANDE
Mais je ne suis pas un candidat pochette surprises !

Nathalie SAINT-CRICQ
Non, mais je n’ai pas dit ça !

François HOLLANDE
Vous avez bien compris ! Je ne vais pas venir avec ma poche en disant : tiens, j’en ai trouvé une dernière pour vous convaincre, pour la route avant le premier tour, une bonne ! Donc, vous vous méfieriez, vous diriez : non, quand même, ce candidat n’est pas sérieux !

Nathalie SAINT-CRICQ
Je ne sais pas…

François HOLLANDE
Je ne sais pas si vous le pensez du candidat dont vous avez parlé, mais enfin, entre les deux tours, si je vais sortir une nouvelle proposition…

Nathalie SAINT-CRICQ
Mais je vous le demande, c’est la question…

François HOLLANDE
Non ! Moi, j’ai un cap, je m’y tiens, j’ai une cohérence, et je ne change pas. Je ne suis pas dans le zigzag…

David PUJADAS
Vous avez des sondages à nous montrer.

Nathalie SAINT-CRICQ
D’après une étude IPSOS, LOGICA/BUSINESS CONSULTING, vous apparaissez comme très sympathique, mais c’est Nicolas SARKOZY qui est crédité, lui, d’une stature présidentielle. Alors, il progresse, vous descendez dans ce domaine. Est-ce que finalement, vous ne préféreriez pas qu’on vous trouve moins sympathique, mais plus présidentiel, entre guillemets ?

François HOLLANDE
Mais la stature présidentielle, on l’acquière quand…

Nathalie SAINT-CRICQ
On y est ?

François HOLLANDE
On devient président, alors que sympathique, ce n’est pas sûr.

Nathalie SAINT-CRICQ
Très bien. Alors, vous me facilitez les choses parce que vous allez extrêmement rapidement, une question plus sérieuse cette fois-ci, vous avez annoncé… enfin, plus sérieuse, vous avez annoncé le retrait des troupes françaises d’Afghanistan d’ici fin 2012. Alors, deux questions : est-ce que ce n’est pas le risque d’un très, très, très mauvais début avec le président OBAMA, à l’occasion notamment du sommet de l’OTAN le 20 mai, et ensuite, les militaires disent : c’est matériellement, humainement compliqué et dangereux. Alain JUPPE va même dire que c’est une supercherie de proposer que ça, qui s’apparente à une fuite en rase campagne.

François HOLLANDE
Moi, dès 2008, quand il y a eu des renforts qui ont été envoyés en Afghanistan par le président de la République, je m’y suis opposé. Et j’ai considéré que, en 2008, la mission était déjà terminée. Il s’est produit un certain nombre d’accrochages, dont nombre de soldats ont été victimes, et je veux vraiment leur rendre hommage. A la suite d’une dernière tragédie, Nicolas SARKOZY a accéléré le retrait, c’était prévu en 2014, ça sera fin 2013.

Nathalie SAINT-CRICQ
Et fin 2012 ?

François HOLLANDE
Moi, j’ai toujours dit que le désengagement devait se produire au lendemain de l’élection présidentielle, pour avoir terminé à la fin de l’année 2012, s’il y a quelques semaines de plus ou de moins, ce n’est pas là le sujet, il n’y aura pas, là encore, de changement de ma position, je ne sais pas si le président OBAMA suit l’élection présidentielle en France, mais je pense que l’ambassade doit faire son travail, il n’y aura donc pas de surprise, ce que j’ai dit, je le ferai…

David PUJADAS
Même si l’armée pense que c’est trop tôt.

François HOLLANDE
Je le dirai au sommet de l’OTAN qui se réunira précisément, et vous avez parfaitement eu raison de rappeler la date, à la fin du mois de mai, c’est-à-dire tout de suite après l’élection présidentielle.

Nathalie SAINT-CRICQ
Alors vous envisagez quand même, s’il y avait quelques problèmes, que c’était trop compliqué, de pouvoir étaler un tout petit peu dans le temps, c’est-à-dire mission combattante interrompue fin de l’année, et peut-être un repli…

François HOLLANDE
Mais il faut toujours un objectif politique, parce que sinon, il y a toujours de bonnes raisons…

Nathalie SAINT-CRICQ
Et après, c’est le principe de réalité…

François HOLLANDE
Mais enfin, nous ne dérogerons pas à cet objectif de fin 2012 sauf s’il y avait une impossibilité matérielle qui ne m’est pas démontrée aujourd’hui.

David PUJADAS
Question simple encore sur la politique internationale, êtes-vous favorable à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne ?

François HOLLANDE
Aujourd’hui, il y a un processus de négociations qui est en cours depuis d’ailleurs des années…

David PUJADAS
Très longtemps…

François HOLLANDE
Aucune condition majeure n’est réunie. Donc dans le prochain quinquennat, il n’y aura pas d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

David PUJADAS
Mais sur le principe, si les conditions étaient réunies…

François HOLLANDE
Mais le principe, c’est déjà fait. Le principe, c’est Jacques CHIRAC qui l’a accepté. Et il avait un ministre qui s’appelait Nicolas SARKOZY, donc le principe de la négociation, il est posé, la négociation, elle est en cours, les conditions ne sont pas réunies, ça ne se fera pas durant le prochain quinquennat.

David PUJADAS
Mais si les conditions s’accéléraient, vous seriez favorable à cette entrée ?

François HOLLANDE
Mais les conditions, pour ce qui me concerne, ne sont pas réunies.

Fabien NAMIAS
Et ce n’est pas quelque chose sur lequel vous pourriez consulter les Français, une question de cette nature, vous estimez que la décision est déjà prise…

François HOLLANDE
Il y avait normalement un référendum qui était prévu, vous le savez, qui a été introduit dans la Constitution, pour l’adhésion de tout nouvel Etat.

David PUJADAS
Autre question internationale, il y a en ce moment une crise au Mali, dans le nord du Mali, où l’on craint une implantation des islamistes, d’un régime islamiste même, pas forcément dans le Mali tout entier, est-ce que vous pensez qu’une intervention est souhaitable ou possible ?

François HOLLANDE
Il y a aujourd’hui une prise de conscience du danger, car il n’y a pas que le Mali qui est visé, il y a aussi le Niger, et il y a toute la zone Sahel, la Mauritanie également, et avec – vous avez parfaitement raison de le rappeler – une implantation d’AQMI, c’est-à-dire un des démembrements d’Al-Qaïda, et qui retient en plus des otages français. Et je veux, là encore, le rappeler. Donc c’est le CEDEAO, c’est-à-dire le groupement des Etats africains – concernés par ce problème du Mali – qui est aujourd’hui en charge de le régler. Et c’est dans le cadre des Nations Unies et dans le cadre de la CEDEAO que ça doit se faire.

David PUJADAS
Fabien.

Fabien NAMIAS
Petite question pour compléter l’entretien qu’on avait avec Eva JOLY tout à l’heure, je l’interrogeais sur l’accord électoral signé entre le Parti socialiste et Europe Ecologie, il sera respecté cet accord ?

François HOLLANDE
Un accord, s’il a été signé entre des partis pour les circonscriptions, il doit être respecté.

Fabien NAMIAS
Donc il sera respecté, quel que soit le score de la candidate écologiste ?

François HOLLANDE
Mais en revanche sur le projet, ce que les Français auront voté, s’ils me choisissaient comme président de la République, ce serait le projet que j’ai présenté qui serait le programme du gouvernement, qu’il n’y ait aucun doute là-dessus.

Fabien NAMIAS
C’est-à-dire que même des points de cet accord…

François HOLLANDE
Ce que j’ai présenté aux Français, les 60 engagements, ce sera le programme d’action du gouvernement.

David PUJADAS
Mais le nombre de circonscriptions qui seraient réservées aux Verts…

François HOLLANDE
Le nombre de circonscriptions, ça, c’est entre les partis, et je vais vous faire une confidence, si je suis le prochain chef de l’Etat, je ne serais pas le chef de la majorité, ce sera le Premier ministre, et je ne serais pas le chef du Parti socialiste, ce sera le premier secrétaire ou la première secrétaire qui en aura la responsabilité. Ce n’est pas moi. Moi, je ne m’occupe pas de la vie des partis politiques, en tout cas, si je suis le prochain président.

David PUJADAS
Nathalie.

Nathalie SAINT-CRICQ
Est-ce que c’est envisageable d’avoir un meeting commun avec Jean-Luc MELENCHON entre les tours, est-ce qu’on peut rêver comme ça ou se projeter, en vous voyant l’un à côté de l’autre ?

François HOLLANDE
Est-ce que je dois vous rappeler que nous sommes à la veille du premier tour…

Nathalie SAINT-CRICQ
Non, vous n’avez pas besoin de me le rappeler, je m’en rends parfaitement compte, mais est-ce que…

François HOLLANDE
Bon, donc moi, je prépare un premier tour, et puis, je vous dirai au lendemain du premier tour, et je souhaite faire le meilleur résultat au premier tour, parce que ça aura des conséquences pour le second tour, parce qu’il se trouve que je suis le candidat qui peut permettre la victoire, qui doit gagner l’élection présidentielle, si nous voulons changer, si nous ne voulons pas changer, vous avez un candidat qui se présente à des fins de continuer. Moi, je veux faire le changement. Et donc je dois gagner, et ensuite, réussir. Parce que si la réussite n’est pas là après la victoire, c’est la désillusion, je n’ai pas le droit de décevoir. Donc pour rester sur votre interrogation, je fais en sorte de faire le meilleur résultat, et j’appelle les Français à me donner cette force-là au premier tour, et puis, au second tour, je rassemblerai.

David PUJADAS
Mais pour ceux qui se demandent s’ils vont voter pour vous, c’est peut-être un élément d’appréciation…

François HOLLANDE
Ce n’est pas sur un meeting…

David PUJADAS
Est-ce que François HOLLANDE ferait un meeting commun avec Jean-Luc MELENCHON…

François HOLLANDE
Ce n’est pas sur un meeting commun que les Français…

Nathalie SAINT-CRICQ
Ah, c’est la symbolique du meeting…

François HOLLANDE
Ecoutez, ça dépendra de ce que, d’abord, les électeurs auront voulu, moi, je ne veux rien…

Nathalie SAINT-CRICQ
S’il arrive devant vous, c’est ça…

François HOLLANDE
Eh bien écoutez…

Nathalie SAINT-CRICQ
Bien sûr, oui…

François HOLLANDE
Eh bien écoutez, il le dit lui-même, donc je ne veux pas…

David PUJADAS
Et ça dépendra de son score aussi, même s’il est derrière vous ?

François HOLLANDE
Non, ça ne dépendra de rien d’autre que la volonté de gagner, est-ce que nous voulons gagner, nous rassembler, c’est ça qui mobilisera toute mon énergie…

Fabien NAMIAS
Et en tout cas, discuter avec lui ne vous semblerait pas incongru ?

François HOLLANDE
Je le connais, on ne sera pas, de ce point de vue-là, une découverte…

Fabien NAMIAS
Même si vos propositions sont quand même assez différentes, en tout cas…

François HOLLANDE
Justement, nos propositions sont différentes, il y a un premier tour, moi, je dois non seulement faire le plus haut score au premier tour, je ne suis pas simplement pour faire un bon résultat de premier tour, je suis candidat pour gagner l’élection présidentielle, et mieux vaut me donner le meilleur résultat au premier tour si je dois arriver à la victoire espérée.

David PUJADAS
Il reste vingt-cinq secondes, il faut tenir les temps sinon la cloche va sonner. La toute dernière question, c’est pour vous, Fabien.

Fabien NAMIAS
Oui, une question qui m’est venue en lisant la presse hier, plus particulièrement, LE FIGARO, où il y avait un grand entretien avec Marine LE PEN, et le journal annonce qu’il a demandé à plusieurs candidats de s’entretenir avec sa rédaction d’ici au premier tour, et il précise que vous avez refusé d’accorder un entretien donc au FIGARO. Vous avez encore invoqué votre esprit de rassemblement, on sait qu’un journal comme LE FIGARO ne soutient pas votre candidature, ça, ce n’est pas très rassembleur ça.

François HOLLANDE
Ah bon, vous vous en êtes aperçu ! Ça ne vous a pas échappé, mais…

Fabien NAMIAS
A vous non plus manifestement.

François HOLLANDE
A moi non plus…

Fabien NAMIAS
Mais est-ce que c’est pour ça qu’il ne faut pas leur répondre…

François HOLLANDE
Ecoutez, moi, je suis pour la liberté, la liberté la plus totale, la liberté de la presse, LE FIGARO fait chaque jour une Une qui ne m’est pas favorable, c’est le moins qu’on puisse dire. Eh bien, c’est son droit. Et tant que j’aurai une parcelle de responsabilité, je ne me battrai pour que LE FIGARO fasse autant de Unes contre moi qu’il est possible de le faire, même deux fois par jour, avec une édition du soir, mais en revanche, moi, j’ai la liberté de ne pas donner des interviews.

David PUJADAS
La cloche a sonné, vous l’avez entendue. Le temps de parole est écoulé. Merci François HOLLANDE…

François HOLLANDE
Merci à vous…
David PUJADAS
D’avoir répondu à nos questions.

Source : http://francoishollande.fr, le 18 avril 2012