Texte intégral
Q - Après les rencontres avec des Américains et des dirigeants de lEurope à Washington, Camp David, Chicago, quelle est limage de la France aujourdhui ?
R - Limage de la France est bonne. Je pense que la mission a été remplie
Q - François Hollande a-t-il bien inauguré ses fonctions de président ?
R - Je trouve que oui. Il y a un mélange de simplicité et de fermeté qui, je pense, a été apprécié par tout le monde. Il y a eu une scène en particulier, forte, au moment où il a pris la parole devant une cinquantaine de chefs dÉtat et de gouvernement, dans la grande salle à Chicago, pour expliquer quelle était la position de la France. Il a parlé de façon très claire, en disant, sur lOTAN : «nous sommes tout à fait fidèles à nos alliances et, en même temps, jai décidé, cest une décision souveraine, que les troupes combattantes françaises se retireraient avant la fin 2012. Voilà comment cela va se passer». Je pense que tout le monde a apprécié sa façon de parler de manière à la fois simple et ferme. Pour tous ceux qui sont habitués à ces rencontres internationales, on sent que cest à ce moment-là que cela bascule ; et je pense que cela a basculé dans le bon sens.
Q - Il vous a surpris vous-même ?
R - Non, parce que nous avons appris à nous connaître maintenant depuis plusieurs mois. En tout cas, je pense que cétait la bonne façon de procéder, ne pas biaiser.
Q - A Chicago, cest le Sommet de lOTAN, et vous parlez de lAfghanistan. La France, François Hollande, dit donc à lOTAN : «nous quittons lAfghanistan, ce nest pas négociable». Pour ceux qui ont combattu, et avec tant de victimes, est-ce que cest quand même élégant, même sils se taisent quand il parle ?
R - Nous avons dit : si nous arrivons aux responsabilités, les troupes combattantes - je dis bien les troupes combattantes - quitteront lAfghanistan en 2012. Tout ce quil fallait, cest le faire en maintenant évidemment la sécurité de nos hommes.
Q - Mais la sécurité, ce sont les États-Unis et les alliés qui vont lassurer, la protection des Français, en uniforme ou en civil, qui vont rester sur place.
R - Non, le commandant des troupes de lOTAN, le général Allen, qui est un Américain a dit, je le cite : «avec la décision prise par les Français, il ny aura pas de dégradation de la sécurité». Ensuite, nous avons rencontré le président Karzaï, qui est le premier concerné, et qui avait dit auparavant que les Afghans prendront le relais de nos troupes en Kapisa.
Q - Les États-Unis et les alliés vont payer, après 2014, plus dun milliard de dollars. Les Américains plus de deux milliards, les Allemands 150 millions par an. La France paiera aussi sa contribution ; est-ce que vous savez combien ?
R - Non, nous navons pas encore fait connaître nos chiffres. Maintenant, ce quil faut bien comprendre, même si cela a été peu publié jusquici, cest quau mois de janvier dernier, le président - à lépoque cétait le président Sarkozy - a signé un traité entre la France et lAfghanistan, qui prévoit - ce qui va être fait - dans la période qui vient, toute une série de coopérations, à la fois dans le domaine de la sécurité, dans les domaines civil, social, culturel, etc. Nous allons honorer cet engagement. Cest à partir de cela que nous pourrons faire les évaluations financières, ce que nous ferons dans les prochaines semaines.
Q - À Camp David, tous les invités de Barack Obama ont promis la croissance. Au G20 de Cannes, en octobre, ils avaient fait la même promesse. Pourquoi ces apôtres de la croissance ne décident-ils pas, ensemble, une initiative commune en faveur de la croissance ?
R - Je pense que la situation nest pas la même. Dans les derniers mois, il y avait une telle détérioration des situations budgétaires que, au fond, le débat avait lieu uniquement sur ce quon appelle laustérité budgétaire. Cétait un des mérites de lélection de François Hollande, de remettre la question de la croissance au premier rang.
Q - Oui, mais pour le moment, tout le monde parle de croissance, mais on ne voit pas comment. Chacun est chargé chez lui de se débrouiller ?
R - Concrètement, il y a une réunion prévue mercredi prochain
Q - À Bruxelles.
R - avec tous les Européens, et chacun va mettre sur la table ses propositions concrètes en matière de croissance. À partir de là, il est probable quun petit groupe sera désigné pour arriver à des solutions concrètes les 28 et 29 juin. Il fallait dans un premier temps recentrer le débat sur la croissance, cela a été fait par François Hollande, mais également avec laide du président Obama, ce quil faut souligner, et de Mario Monti, qui a joué un rôle particulièrement très utile. Maintenant, il sagit dêtre à la fois très précis et très concret.
Q - Aux États-Unis, Laurent Fabius, vous défendez lEurope et vous savez quà Paris on sétonne de votre nomination au Quai dOrsay, car en 2005 vous étiez à la tête
R - Qui sétonne ?
Q - Beaucoup, beaucoup, la presse, les politiques - vous étiez à la tête des «non» à Maastricht, «les nonistes» comme on disait
R - Non, pas à Maastricht.
Q - au Traité, voilà. Est-ce que vous êtes un avocat crédible de lEurope ?
R - Je pense que oui, mais votre lapsus est intéressant. Vous vous rappelez peut-être que François Fillon avait pris position contre Maastricht, personne ne viendrait dire aujourdhui que François Fillon nest pas européen. Eh bien, il en est de même pour moi. Jai été de ceux - et ils étaient majoritaires en France, vous vous rappelez les résultats qui, étant très favorables à lEurope, disaient que lEurope ne fonctionnait pas bien.
Cest dailleurs ce que lon voit aujourdhui. Mais je pense que le gouvernement, tel quil a été constitué, avec à la fois des partisans du «oui», François Hollande a voté «oui», et des partisans du «non», ce qui est mon cas, cest une force supplémentaire.
Q - Donc, pour vous, il ny a pas de contradiction et vous avez peut-être raison avant les autres ; cest ça ?
R - Je ne veux pas tirer la couverture à moi mais, en tout cas, il ny a aucune contradiction, au contraire, cela nous donne une force supplémentaire.
Q - Et est-ce quà Chicago, à Washington ou à New York, les Européens ont compris que lavenir du continent passe par un vrai gouvernement économique et politique de lEurope ?
R - Oui, bien sûr. Ce qui ma frappé, évidemment, cest à la fois la volonté de développer la croissance, mais aussi une grande inquiétude, très grande inquiétude, par rapport à la question grecque. Il ne faut pas tourner autour du pot ; il faut bien que lon explique, sans arrogance, à nos amis grecs, que sils veulent rester dans leuro - et une majorité dentre eux, je crois, le souhaite -, ils ne peuvent pas se prononcer pour des formations qui, de fait, les feraient sortir de leuro. Cest très délicat, parce que la France na pas de leçon à leur donner mais, en même temps, on doit dire les choses à nos amis grecs, telles quelles se posent aujourdhui.
Q - Mais quand on dit quon veut les sauver, est-ce quil faut passer léponge sur toutes les dettes des Grecs ?
R - Non, il faut absolument respecter ce que lon appelle le mémorandum et, en même temps, donner une perspective. Il faut favoriser la croissance, on en revient à ce que nous disions il y a un instant. Il faut bien que chacun comprenne que lenjeu, cest que les Grecs restent ou ne restent pas dans leuro. On ne peut pas à la fois vouloir rester dans leuro et ne faire aucun effort.
Q - Cest finalement bien un G8 et bientôt un G20, ce sont des rendez-vous qui se sont imposés. Vous allez les maintenir alors que vous les aviez critiqués.
R - Tout dépend du contenu. Le G20 nous ne lavons jamais critiqué ; cest une enceinte utile qui, dailleurs, aura lieu le mois prochain. Le G8, sil sagit dune simple rencontre sans aucun résultat, cela na aucun intérêt. Si cest un G8 comme cette fois-ci, où on dit «laccent doit être mis sur la croissance», cela devient intéressant.
Une dernière remarque, si vous permettez. Ce nest pas simplement une question économique, mais cest une question démocratique, parce que si on narrive pas à relancer la croissance, il y aura, dans toute une série de pays, des révoltes, et on est en train de le voir, malheureusement, dans plusieurs pays dEurope et ailleurs. Donc, cest une question économique, et démocratique.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 mai 2012
R - Limage de la France est bonne. Je pense que la mission a été remplie
Q - François Hollande a-t-il bien inauguré ses fonctions de président ?
R - Je trouve que oui. Il y a un mélange de simplicité et de fermeté qui, je pense, a été apprécié par tout le monde. Il y a eu une scène en particulier, forte, au moment où il a pris la parole devant une cinquantaine de chefs dÉtat et de gouvernement, dans la grande salle à Chicago, pour expliquer quelle était la position de la France. Il a parlé de façon très claire, en disant, sur lOTAN : «nous sommes tout à fait fidèles à nos alliances et, en même temps, jai décidé, cest une décision souveraine, que les troupes combattantes françaises se retireraient avant la fin 2012. Voilà comment cela va se passer». Je pense que tout le monde a apprécié sa façon de parler de manière à la fois simple et ferme. Pour tous ceux qui sont habitués à ces rencontres internationales, on sent que cest à ce moment-là que cela bascule ; et je pense que cela a basculé dans le bon sens.
Q - Il vous a surpris vous-même ?
R - Non, parce que nous avons appris à nous connaître maintenant depuis plusieurs mois. En tout cas, je pense que cétait la bonne façon de procéder, ne pas biaiser.
Q - A Chicago, cest le Sommet de lOTAN, et vous parlez de lAfghanistan. La France, François Hollande, dit donc à lOTAN : «nous quittons lAfghanistan, ce nest pas négociable». Pour ceux qui ont combattu, et avec tant de victimes, est-ce que cest quand même élégant, même sils se taisent quand il parle ?
R - Nous avons dit : si nous arrivons aux responsabilités, les troupes combattantes - je dis bien les troupes combattantes - quitteront lAfghanistan en 2012. Tout ce quil fallait, cest le faire en maintenant évidemment la sécurité de nos hommes.
Q - Mais la sécurité, ce sont les États-Unis et les alliés qui vont lassurer, la protection des Français, en uniforme ou en civil, qui vont rester sur place.
R - Non, le commandant des troupes de lOTAN, le général Allen, qui est un Américain a dit, je le cite : «avec la décision prise par les Français, il ny aura pas de dégradation de la sécurité». Ensuite, nous avons rencontré le président Karzaï, qui est le premier concerné, et qui avait dit auparavant que les Afghans prendront le relais de nos troupes en Kapisa.
Q - Les États-Unis et les alliés vont payer, après 2014, plus dun milliard de dollars. Les Américains plus de deux milliards, les Allemands 150 millions par an. La France paiera aussi sa contribution ; est-ce que vous savez combien ?
R - Non, nous navons pas encore fait connaître nos chiffres. Maintenant, ce quil faut bien comprendre, même si cela a été peu publié jusquici, cest quau mois de janvier dernier, le président - à lépoque cétait le président Sarkozy - a signé un traité entre la France et lAfghanistan, qui prévoit - ce qui va être fait - dans la période qui vient, toute une série de coopérations, à la fois dans le domaine de la sécurité, dans les domaines civil, social, culturel, etc. Nous allons honorer cet engagement. Cest à partir de cela que nous pourrons faire les évaluations financières, ce que nous ferons dans les prochaines semaines.
Q - À Camp David, tous les invités de Barack Obama ont promis la croissance. Au G20 de Cannes, en octobre, ils avaient fait la même promesse. Pourquoi ces apôtres de la croissance ne décident-ils pas, ensemble, une initiative commune en faveur de la croissance ?
R - Je pense que la situation nest pas la même. Dans les derniers mois, il y avait une telle détérioration des situations budgétaires que, au fond, le débat avait lieu uniquement sur ce quon appelle laustérité budgétaire. Cétait un des mérites de lélection de François Hollande, de remettre la question de la croissance au premier rang.
Q - Oui, mais pour le moment, tout le monde parle de croissance, mais on ne voit pas comment. Chacun est chargé chez lui de se débrouiller ?
R - Concrètement, il y a une réunion prévue mercredi prochain
Q - À Bruxelles.
R - avec tous les Européens, et chacun va mettre sur la table ses propositions concrètes en matière de croissance. À partir de là, il est probable quun petit groupe sera désigné pour arriver à des solutions concrètes les 28 et 29 juin. Il fallait dans un premier temps recentrer le débat sur la croissance, cela a été fait par François Hollande, mais également avec laide du président Obama, ce quil faut souligner, et de Mario Monti, qui a joué un rôle particulièrement très utile. Maintenant, il sagit dêtre à la fois très précis et très concret.
Q - Aux États-Unis, Laurent Fabius, vous défendez lEurope et vous savez quà Paris on sétonne de votre nomination au Quai dOrsay, car en 2005 vous étiez à la tête
R - Qui sétonne ?
Q - Beaucoup, beaucoup, la presse, les politiques - vous étiez à la tête des «non» à Maastricht, «les nonistes» comme on disait
R - Non, pas à Maastricht.
Q - au Traité, voilà. Est-ce que vous êtes un avocat crédible de lEurope ?
R - Je pense que oui, mais votre lapsus est intéressant. Vous vous rappelez peut-être que François Fillon avait pris position contre Maastricht, personne ne viendrait dire aujourdhui que François Fillon nest pas européen. Eh bien, il en est de même pour moi. Jai été de ceux - et ils étaient majoritaires en France, vous vous rappelez les résultats qui, étant très favorables à lEurope, disaient que lEurope ne fonctionnait pas bien.
Cest dailleurs ce que lon voit aujourdhui. Mais je pense que le gouvernement, tel quil a été constitué, avec à la fois des partisans du «oui», François Hollande a voté «oui», et des partisans du «non», ce qui est mon cas, cest une force supplémentaire.
Q - Donc, pour vous, il ny a pas de contradiction et vous avez peut-être raison avant les autres ; cest ça ?
R - Je ne veux pas tirer la couverture à moi mais, en tout cas, il ny a aucune contradiction, au contraire, cela nous donne une force supplémentaire.
Q - Et est-ce quà Chicago, à Washington ou à New York, les Européens ont compris que lavenir du continent passe par un vrai gouvernement économique et politique de lEurope ?
R - Oui, bien sûr. Ce qui ma frappé, évidemment, cest à la fois la volonté de développer la croissance, mais aussi une grande inquiétude, très grande inquiétude, par rapport à la question grecque. Il ne faut pas tourner autour du pot ; il faut bien que lon explique, sans arrogance, à nos amis grecs, que sils veulent rester dans leuro - et une majorité dentre eux, je crois, le souhaite -, ils ne peuvent pas se prononcer pour des formations qui, de fait, les feraient sortir de leuro. Cest très délicat, parce que la France na pas de leçon à leur donner mais, en même temps, on doit dire les choses à nos amis grecs, telles quelles se posent aujourdhui.
Q - Mais quand on dit quon veut les sauver, est-ce quil faut passer léponge sur toutes les dettes des Grecs ?
R - Non, il faut absolument respecter ce que lon appelle le mémorandum et, en même temps, donner une perspective. Il faut favoriser la croissance, on en revient à ce que nous disions il y a un instant. Il faut bien que chacun comprenne que lenjeu, cest que les Grecs restent ou ne restent pas dans leuro. On ne peut pas à la fois vouloir rester dans leuro et ne faire aucun effort.
Q - Cest finalement bien un G8 et bientôt un G20, ce sont des rendez-vous qui se sont imposés. Vous allez les maintenir alors que vous les aviez critiqués.
R - Tout dépend du contenu. Le G20 nous ne lavons jamais critiqué ; cest une enceinte utile qui, dailleurs, aura lieu le mois prochain. Le G8, sil sagit dune simple rencontre sans aucun résultat, cela na aucun intérêt. Si cest un G8 comme cette fois-ci, où on dit «laccent doit être mis sur la croissance», cela devient intéressant.
Une dernière remarque, si vous permettez. Ce nest pas simplement une question économique, mais cest une question démocratique, parce que si on narrive pas à relancer la croissance, il y aura, dans toute une série de pays, des révoltes, et on est en train de le voir, malheureusement, dans plusieurs pays dEurope et ailleurs. Donc, cest une question économique, et démocratique.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 mai 2012