Déclaration de Mme Nicole Bricq, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, sur la position de la France concernant les enjeux de la conférence mondiale des Nations unies sur le développement durable "Rio 20", à Paris le 8 juin 2012.

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Circonstance : Forum du Club France Rio+20, à Paris La Villette, le 8 juin 2012

Texte intégral

Mesdames, Messieurs […]
Merci au Club France Rio+20 d’avoir choisi de tenir ce colloque dans le lieu où la France s’engageait, en 1992 avec François Mitterrand, aux côtés du Brésil dans la préparation du Sommet de la Terre.
Vingt ans après, la dynamique n’est pas aussi favorable qu’en 1992, où soufflait le vent d’un renouveau du système multilatéral. Le temps est à la crise notamment européenne. C’est précisément dans ces périodes qu’il faut faire preuve d’une ambition de long terme. Rio est ainsi une occasion unique de relancer les négociations sur de nombreux sujets où ces dernières années, les avancées ont été insuffisantes.
Votre présence ici atteste de cette volonté. Ce forum fait d’ailleurs suite à de nombreux autres événements organisés à l’initiative de nombre d’entre vous. Je peux citer par exemple, depuis ma récente prise de fonctions, le séminaire « Rio+20, les autorités locales et régionales au coeur des ambitions » qui s’est tenu au Sénat le 23 mai 2012, - je suis encore sénatrice jusqu’au 16 juin au soir ! -; ou encore le colloque qui a eu lieu, au Sénat encore, ce mardi 5 juin sur le thème « notre maison brûle toujours », et qui rassemblait élus, ONG et syndicats. Rio+20 ne sera certes pas un moment euphorique . Mais un résultat positif est possible, sous la forme d’un agenda politique tirant au niveau mondial les leçons de l’expérience acquise et surtout, n’oublions pas, fixant le cap pour les années à venir.
* Un sommet des peuples.
Rio+20 doit être un sommet de la Terre et des peuples. Nos amis brésiliens l’ont bien compris ainsi. L’organisation pratique de la Conférence en est la preuve. Elle n’est pas simple, mais elle innove en prévoyant 4 journées officiellement dédiées aux acteurs non-étatiques justes avant le Sommet lui-même. Il s’agit d’un progrès par rapport aux expériences passées. Ces acteurs occupent désormais une place légitime, et vous en faites partie.
Le progrès tient aussi au contenu même des débats qui sont vifs et révélateurs de conceptions différentes selon les pays, mais qui montrent que l’on peut enfin espérer la création d’un pilier environnemental dans la gouvernance mondiale, et la transformation de l’agenda mondial du développement en un véritable agenda de développement durable. Mon collègue et ami, Pascal Canfin, l’a rappelé dans son discours, et je le remercie de nous avoir inscrits dans cette longue marche.
Les négociations seront difficiles. Des blocages peuvent persister sur certains chapitres. L’important est d’aboutir néanmoins à des décisions concrètes, sur la gouvernance et sur l’agenda du développement. Et le Président de la République, qui a tenu à ouvrir ce forum, l’a rappelé.
* Réforme de la gouvernance.
Sur la gouvernance, tout d’abord. La position de la France, partagée avec nos partenaires européens et africains, mais aussi par certains pays asiatiques et latino-américains, est de lancer la réforme qui permettra aux Nations unies d’oeuvrer, au-delà des grands sommets déclaratoires, à une transition accélérée vers le développement durable.
Ceci nécessite une double réforme :
La première réforme :
Il faudra créer une instance de coordination entre tous les acteurs multilatéraux du développement durable, si possible sous la forme d’un Conseil ministériel du développement durable du Conseil Economique et Social des Nations Unies.
La seconde réforme :
Consiste à transformer le PNUE, Programme des Nations Unies pour l’environnement en une organisation de plein droit, à vocation universelle et non plus restreinte à 58 membres comme aujourd’hui. Ouvrir la perspective d’une Organisation des Nations unies pour l’Environnement ou, au moins, d’un renforcement substantiel du PNUE, peut faire partie des engagements forts de Rio+20.
La perspective, quelle est-elle ? Il s’agit d’aller vers une organisation oeuvrant, dans le cadre des Nations unies, à un programme d’action universel pour une économie verte et solidaire. C’est ce qui est inscrit à l’agenda de Rio+20. Cela répondra à une exigence de démocratie globale : un siège en Afrique, à Nairobi (ce qui en ferait la première organisation mondiale en Afrique) et une nouvelle forme de participation des acteurs non-étatiques. Le projet est d’arriver à cette ONUE en consolidant le multilatéralisme. En effet, sans une instance multilatérale forte, les tensions croissantes liées aux crises environnementales et aux pressions sur les ressources naturelles risquent de se résoudre d’Etat à Etat, et ce au détriment des plus faibles.
Dans la négociation, il nous faudra être réalistes et ne pas utiliser des vocables qui contrarieraient les pays qui commencent tout juste à se rallier au projet de réforme de la gouvernance mondiale du développement durable.
* Nouvelle gouvernance / nouveaux droits.
Ces réformes doivent être l’occasion de mettre en pratique notre volonté de mieux associer les acteurs de la société civile. Ainsi, les Etats-Unis se sont ralliés, lors de la toute dernière session de négociation, à la proposition européenne, visant, sous l’impulsion de la France, à reconnaître un nouveau statut aux acteurs de la société civile et aux collectivités territoriales, - cher Ronan Dantec ! - dans les instances qui seront issues de Rio+20. L’enjeu est ici d’obtenir que ces acteurs de la société civile n’aient plus un simple rôle d’observateurs mais deviennent de vraies parties prenantes aux négociations en obtenant des droits nouveaux : droit d’accès à l’information, droit d’intervenir, droit de proposer des amendements aux textes.
* Les OMD et au-delà.
L’autre résultat à attendre de Rio, c’est la préparation des suites données aux Objectifs du millénaire pour le développement, qui arrivent à échéance,- nous l’avons tous en tête-, en 2015. Là encore, il s’agit de conjuguer des impératifs sociaux et environnementaux. L’idée d’un socle universel de « protection sociale et environnementale » a été avancée. Cet élargissement de la notion de protection sociale ne sera pas consacré à Rio. Le débat n’est sans doute pas mûr. Mais l’enjeu est bien celui-là et nous le mesurons bien. C’est dans cette perspective que la France s’implique pour apporter une dimension sociale aux engagements qui seront pris à Rio. Plusieurs rapports dont celui de l’Organisation Internationale du Travail ont souligné le potentiel de création d’emplois de qualité. La France montrera l’exemple, notamment par les emplois d’avenir qu’elle souhaite créer sur son sol, engendrés notamment par la transition écologique dans un pays développé et en France c’est la feuille de route fixée par le Président de la République mais aussi en ne se contentant pas de mettre une couche de peinture « verte » sur l’économie mais bien de s’engager vers une économie qui mette en oeuvre réellement les trois dimensions du développement durable et engage la transformation du modèle de développement. Il faudra aussi que des pays moins avancés se reconnaissent dans ce message fort.
D’autres secteurs feront l’objet d’une attention particulière. Sans les citer tous – Rio ne sera pas une nouvelle négociation sur le climat - j’en retiendrai trois : l’eau, l’énergie et les océans.
* Eau, Energie, Océan :
L’eau
Dans le domaine de l’eau, les défis sont immenses et les faits sont tenaces, comme vient de le rappeler le cinquième rapport sur l’environnement mondial du PNUE : le nombre d’êtres humains qui n’a pas accès à une eau salubre et à un assainissement simplifié se compte en milliards. 90% des eaux usées rejoignent les milieux naturels sans aucun traitement. Quatre millions de personnes décèdent chaque année de ce fait et, ceci, bien que le droit à l’eau et à l’assainissement ait été reconnu par les Nations unies en 2010.
La Conférence de Rio+20 doit constituer une nouvelle étape dans ce domaine fondamental pour la communauté internationale. La France, qui possède une longue expérience pèsera de tout son poids dans l’Union européenne pour que la communauté internationale se fixe comme objectif celui de l’accès universel à l’eau potable et à l’assainissement en 2030. Par ailleurs, une véritable gouvernance mondiale de l’eau pourra trouver sa place dans la future Organisation des Nations unies pour l’Environnement, que nous appelons tous de nos voeux.
L’énergie
La question de l’accès à l’énergie sera cruciale pour les pays du Sud. Grande absente des OMD, l’énergie doit retrouver, grâce à Rio, la place qui lui revient dans les politiques de développement. De multiples initiatives existent, dont celle du Secrétaire général des Nations unies – énergie durable pour tous. Il faut peut être les prioriser et surtout en suivre la mise en oeuvre.
Enfin, alors que nous célébrons aujourd’hui la journée mondiale des océans, les enjeux marins seront débattus à Rio. Il est vital que les océans puissent continuer à garantir la sécurité alimentaire de millions de personnes qui en dépendent. Pour y parvenir, il nous faut pouvoir mettre en oeuvre rapidement des outils de protection et de gestion, en particulier les aires marines protégées, notamment dans cet immense espace qui couvre plus de 60% des océans : la haute mer. La France et l’Union européenne, en ont fait une priorité. Nous souhaitons que Rio donne l’impulsion à la communauté internationale pour compléter le cadre global dont elle s’est dotée il y a maintenant trente ans, en adoptant la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (Convention de Montego Bay) et permette de relever les nouveaux défis de protection et gestion durable de la biodiversité en haute mer.
* La mobilisation de tous.
Ces objectifs sont ambitieux et de long terme. Pour obtenir ce niveau d’ambition, la mobilisation de toutes les forces vives de la société civile et des territoires sera cruciale à Rio.
La France aura un pavillon à Rio. Il a été présenté tout à l’heure. C’est excellent d’avoir un pavillon mais la France doit également peser et user de son influence sur le cours des négociations. Le gouvernement et le Président de la France ne se déroberont pas à leur devoir. Le Premier Ministre et tout ceux qui portent avec lui la responsabilité d’agir, nous sommes d’autant plus mobilisés que, sous l’impulsion du Président de la République, la transition écologique est, ici, en France, maintenant et dans les cinq ans à venir, un objectif politique majeur.
L’ influence qu’a et qu’aura la France passe aussi par vous et par les messages que nous pouvons relayer collectivement. La présence proprement politique à Rio, au plus haut niveau de l’Etat, et la place désormais acquise des Collectivités territoriales et des acteurs de la société civile dans la délégation française montrent bien l’implication de la France dans la réussite de Rio pour construire le « futur que nous voulons » : celui d’un monde plus juste.
La responsabilité est collective mais chacun d’entre nous a la mission, de là où il agit, de peser de tout son poids. Il ne faut pas que Rio+20 ne soit qu’un résultat a minima.
Rio est bien le rendez vous de la relance de l’espoir dans la longue marche de l’humanité vers la justice et la dignité. Marchons ensemble, debout.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 11 juin 2012