Texte intégral
Q - Pour les écologistes, on attendait plutôt Eva Joly, Yannick Jadot ou Jean-Vincent Placé dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Êtes-vous linvité-surprise ?
R - Au jeu des pronostics, mon nom circulait également. Parlementaire européen ayant travaillé sur les questions financières et de développement, jai eu durant la campagne présidentielle des discussions régulières avec Jean-Pierre Jouyet et Michel Sapin. Après, comme pour toute composition de gouvernement, il y a eu des arbitrages : parité hommes-femmes, équilibres régionaux et politiques...
Lancien journaliste ne possède aucun réseau africain.
Q - Avez-vous une expérience africaine ?
R - À titre personnel ou professionnel, je suis allé au Mali, au Cameroun, en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Cela ne fait pas de moi un spécialiste des questions africaines. Mais je connais bien les dimensions financières du développement : aide publique, lutte contre lévasion fiscale, transferts des migrants... que jai portées au Parlement européen. En tant quécologiste, jai travaillé sur le partage des ressources, et sur les nouveaux modes de production et de consommation. Ces questions feront lobjet de discussions avec les pays émergents et africains lors du Sommet sur le développement durable, Rio+20.
Q - Depuis votre entrée en fonction, il y a eu un intense ballet diplomatique africain à Paris : Boni Yayi, Jean Ping, Mahamadou Issoufou, Djibrill Bassolé. Avez-vous été associé à ces visites durant lesquelles on a beaucoup parlé du Mali ?
R - Non. Le ministère du Développement nest plus un sous-ministère des Affaires étrangères comme du temps de la «coopé». Dans la nouvelle architecture institutionnelle, la politique étrangère est menée exclusivement par le Quai dOrsay et la présidence de la République. Je participe cependant à la réunion hebdomadaire sur lAfrique avec la cellule diplomatique de lÉlysée et les Affaires étrangères, et suis, bien sûr, informé de la situation. Mais mon action ne porte que sur les questions de développement. Pour le Sahel, la priorité est la sécurité alimentaire.
Q - Vous ne rencontrerez donc pas, comme vos prédécesseurs, les présidents africains, leurs conseillers, les chefs de gouvernement...
R - Non. Il ny a plus de raisons à cela. Je rencontre les officiels chargés des questions de développement comme récemment le ministre colombien des Finances ou le ministre afghan du Développement.
Q - Depuis votre arrivée, avez-vous reçu des spécialistes, des émissaires, des conseillers officiels ou officieux pour un briefing «françafricain» ?
R - Non, aucun.
Q - Quels seront vos premiers voyages sur le continent ?
R - Avec Laurent Fabius, nous réfléchissons à un déplacement au Sahel. Je compte aussi me rendre en Tunisie, au Sénégal, au Ghana et en Afrique du Sud. Dautres voyages sont à létude, pour les sommets de lUnion africaine en juillet et de la Francophonie en octobre. Jenvisage également un séjour en Afrique de lOuest avec le commissaire européen au Développement, Andris Piebalgs.
Q - À propos du sommet de la Francophonie à Kinshasa, quel sera le niveau de représentation de la France ?
R - Rien na encore été décidé.
Q - Dans cette énumération de pays, ceux qui sont cités dans laffaire des biens mal acquis (BMA) napparaissent pas. Hasard ou signal politique ?
R- Sur ce dossier, comme pour toutes les affaires judiciaires, la position du président de la République est très claire : pas dimmixtion. Pour autant, il ny a aucune raison de faire de lostracisme en sanctionnant quiconque. Donc, je me rendrai également dans ces pays.
Q - Quel a été votre sentiment lorsque les biens accumulés par certaines familles présidentielles ont été révélés ?
R - Vu le niveau de développement de ces pays, je ne peux pas vous dire que ce nest pas choquant. Au-delà de mon jugement moral, la justice doit faire son travail.
Q - La France doit-elle aider des pays très mal classés par Transparency International où il ny a pas dalternance politique et où les droits de lhomme ne sont pas respectés ?
R - Doit-on stopper les projets de développement quand nous avons des doutes sur des résultats électoraux ou lorsquon soupçonne des atteintes aux droits de lHomme ? Non. Ce serait appliquer la double peine aux populations. Et si sanction il doit y avoir, ce seront dorénavant les États de lUnion européenne qui en décideront, au cas par cas. Les entreprises françaises devront publier leurs comptes dans les pays où elles opèrent. Elles nauront pas le choix.
Q - À Strasbourg, vous étiez à la pointe de la lutte contre les paradis fiscaux. Aujourdhui aux affaires, vous allez devoir passer à la pratique. Cela concerne certains dirigeants africains, mais aussi des entreprises opérant en Afrique...
R - La transparence financière est un engagement de François Hollande. Cest aussi une volonté européenne. Michel Barnier, le Commissaire chargé du marché intérieur et des services, a proposé une directive afin dassurer la transparence des comptes des entreprises européennes. Elles devront publier leurs résultats dans chaque pays où elles opèrent. Les États-Unis ont pris cette décision depuis un an.
Q - Total, Bolloré, Air France, Bouygues... vont-ils devoir sy soumettre ?
R - Ils nauront pas le choix. Le directeur des Affaires publiques de Total, que jai rencontré plusieurs fois, ma affirmé que cela ne posait pas de problème.
Q - Vous prêterez-vous au jeu de la diplomatie économique comme certains de vos prédécesseurs ?
R - Je nai rien contre le lobbying à partir du moment où il est transparent. Laurent Fabius et moi-même avons la volonté dexporter le savoir-faire de nos entreprises, notamment dans le domaine des services urbains et de lénergie renouvelable. Mais il ny aura plus de mélange des genres.
Q - Le candidat Hollande a promis daugmenter lAide publique au développement (APD). Les caisses de lÉtat sont vides, est-ce possible ?
R - Les arbitrages budgétaires pour 2013 ne sont pas encore rendus, mais nous voulons à terme atteindre lobjectif des 0,7 % du revenu national brut (RNB). Nous nous sommes également engagés à doubler le financement public des ONG - en 2011, elles ont reçu 40 millions deuros de lAFD. Et puis, ces dernières années, les bailleurs et notamment la France ont surtout délivré des prêts pour défendre leurs intérêts et «doper» les chiffres de lAPD. Cela na pas de sens. En augmentant les dons - moins de 300 millions deuros pour lAFD en 2011 sur près de 7 milliards deuros dactivités -, on peut cibler les pays et les populations qui ont le plus besoin daides. Mais il faut être clair, cela peut également entraîner une diminution de la part de lAPD dans le RNB. Doit-on baisser ce ratio et soutenir en priorité les pays les plus pauvres, ou bien laugmenter et se rapprocher de 0,7 %, mais en travaillant davantage dans les pays émergents ?
Q - Votre position personnelle ?
R - Je préfère réduire lAPD et faire plus de dons, là où les besoins sont les plus importants. Je ne suis pas un adepte du fétichisme comptable.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juin 2012
R - Au jeu des pronostics, mon nom circulait également. Parlementaire européen ayant travaillé sur les questions financières et de développement, jai eu durant la campagne présidentielle des discussions régulières avec Jean-Pierre Jouyet et Michel Sapin. Après, comme pour toute composition de gouvernement, il y a eu des arbitrages : parité hommes-femmes, équilibres régionaux et politiques...
Lancien journaliste ne possède aucun réseau africain.
Q - Avez-vous une expérience africaine ?
R - À titre personnel ou professionnel, je suis allé au Mali, au Cameroun, en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Cela ne fait pas de moi un spécialiste des questions africaines. Mais je connais bien les dimensions financières du développement : aide publique, lutte contre lévasion fiscale, transferts des migrants... que jai portées au Parlement européen. En tant quécologiste, jai travaillé sur le partage des ressources, et sur les nouveaux modes de production et de consommation. Ces questions feront lobjet de discussions avec les pays émergents et africains lors du Sommet sur le développement durable, Rio+20.
Q - Depuis votre entrée en fonction, il y a eu un intense ballet diplomatique africain à Paris : Boni Yayi, Jean Ping, Mahamadou Issoufou, Djibrill Bassolé. Avez-vous été associé à ces visites durant lesquelles on a beaucoup parlé du Mali ?
R - Non. Le ministère du Développement nest plus un sous-ministère des Affaires étrangères comme du temps de la «coopé». Dans la nouvelle architecture institutionnelle, la politique étrangère est menée exclusivement par le Quai dOrsay et la présidence de la République. Je participe cependant à la réunion hebdomadaire sur lAfrique avec la cellule diplomatique de lÉlysée et les Affaires étrangères, et suis, bien sûr, informé de la situation. Mais mon action ne porte que sur les questions de développement. Pour le Sahel, la priorité est la sécurité alimentaire.
Q - Vous ne rencontrerez donc pas, comme vos prédécesseurs, les présidents africains, leurs conseillers, les chefs de gouvernement...
R - Non. Il ny a plus de raisons à cela. Je rencontre les officiels chargés des questions de développement comme récemment le ministre colombien des Finances ou le ministre afghan du Développement.
Q - Depuis votre arrivée, avez-vous reçu des spécialistes, des émissaires, des conseillers officiels ou officieux pour un briefing «françafricain» ?
R - Non, aucun.
Q - Quels seront vos premiers voyages sur le continent ?
R - Avec Laurent Fabius, nous réfléchissons à un déplacement au Sahel. Je compte aussi me rendre en Tunisie, au Sénégal, au Ghana et en Afrique du Sud. Dautres voyages sont à létude, pour les sommets de lUnion africaine en juillet et de la Francophonie en octobre. Jenvisage également un séjour en Afrique de lOuest avec le commissaire européen au Développement, Andris Piebalgs.
Q - À propos du sommet de la Francophonie à Kinshasa, quel sera le niveau de représentation de la France ?
R - Rien na encore été décidé.
Q - Dans cette énumération de pays, ceux qui sont cités dans laffaire des biens mal acquis (BMA) napparaissent pas. Hasard ou signal politique ?
R- Sur ce dossier, comme pour toutes les affaires judiciaires, la position du président de la République est très claire : pas dimmixtion. Pour autant, il ny a aucune raison de faire de lostracisme en sanctionnant quiconque. Donc, je me rendrai également dans ces pays.
Q - Quel a été votre sentiment lorsque les biens accumulés par certaines familles présidentielles ont été révélés ?
R - Vu le niveau de développement de ces pays, je ne peux pas vous dire que ce nest pas choquant. Au-delà de mon jugement moral, la justice doit faire son travail.
Q - La France doit-elle aider des pays très mal classés par Transparency International où il ny a pas dalternance politique et où les droits de lhomme ne sont pas respectés ?
R - Doit-on stopper les projets de développement quand nous avons des doutes sur des résultats électoraux ou lorsquon soupçonne des atteintes aux droits de lHomme ? Non. Ce serait appliquer la double peine aux populations. Et si sanction il doit y avoir, ce seront dorénavant les États de lUnion européenne qui en décideront, au cas par cas. Les entreprises françaises devront publier leurs comptes dans les pays où elles opèrent. Elles nauront pas le choix.
Q - À Strasbourg, vous étiez à la pointe de la lutte contre les paradis fiscaux. Aujourdhui aux affaires, vous allez devoir passer à la pratique. Cela concerne certains dirigeants africains, mais aussi des entreprises opérant en Afrique...
R - La transparence financière est un engagement de François Hollande. Cest aussi une volonté européenne. Michel Barnier, le Commissaire chargé du marché intérieur et des services, a proposé une directive afin dassurer la transparence des comptes des entreprises européennes. Elles devront publier leurs résultats dans chaque pays où elles opèrent. Les États-Unis ont pris cette décision depuis un an.
Q - Total, Bolloré, Air France, Bouygues... vont-ils devoir sy soumettre ?
R - Ils nauront pas le choix. Le directeur des Affaires publiques de Total, que jai rencontré plusieurs fois, ma affirmé que cela ne posait pas de problème.
Q - Vous prêterez-vous au jeu de la diplomatie économique comme certains de vos prédécesseurs ?
R - Je nai rien contre le lobbying à partir du moment où il est transparent. Laurent Fabius et moi-même avons la volonté dexporter le savoir-faire de nos entreprises, notamment dans le domaine des services urbains et de lénergie renouvelable. Mais il ny aura plus de mélange des genres.
Q - Le candidat Hollande a promis daugmenter lAide publique au développement (APD). Les caisses de lÉtat sont vides, est-ce possible ?
R - Les arbitrages budgétaires pour 2013 ne sont pas encore rendus, mais nous voulons à terme atteindre lobjectif des 0,7 % du revenu national brut (RNB). Nous nous sommes également engagés à doubler le financement public des ONG - en 2011, elles ont reçu 40 millions deuros de lAFD. Et puis, ces dernières années, les bailleurs et notamment la France ont surtout délivré des prêts pour défendre leurs intérêts et «doper» les chiffres de lAPD. Cela na pas de sens. En augmentant les dons - moins de 300 millions deuros pour lAFD en 2011 sur près de 7 milliards deuros dactivités -, on peut cibler les pays et les populations qui ont le plus besoin daides. Mais il faut être clair, cela peut également entraîner une diminution de la part de lAPD dans le RNB. Doit-on baisser ce ratio et soutenir en priorité les pays les plus pauvres, ou bien laugmenter et se rapprocher de 0,7 %, mais en travaillant davantage dans les pays émergents ?
Q - Votre position personnelle ?
R - Je préfère réduire lAPD et faire plus de dons, là où les besoins sont les plus importants. Je ne suis pas un adepte du fétichisme comptable.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juin 2012