Entretien de M. Pascal Canfin, ministre du développement, avec le site internet "Terraeco" le 26 juin 2006, sur le bilan de la Conférence des Nations unies sur le développement durable, le 26 juin 2012

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence des Nations unies sur le développement durable, à Rio de Janeiro (Brésil) du 20 au 22 juin 2012

Média : Terra Eco

Texte intégral

Q - Pourquoi être allé à Rio+20 ?
R - Nicole Bricq, Benoît Hamon et moi-même sommes allés à Rio pour participer aux deux derniers jours de négociations, avant l’arrivée des chefs d’État. Il nous semblait important que tout ne se passe pas sur le plan technique et administratif mais aussi politique, que le politique soit présent dès cette phase.
Le point positif est que l’Europe s’est montrée vraiment unie. Le point plus compliqué est qu’on s’est retrouvés face à l’alliance des grands pays émergents - notamment la Chine et le Brésil - avec les États-Unis et le Canada qui poussaient vers un texte a minima. Or, dans ce type de négociation, tout doit être adopté à l’unanimité. Sur l’agence de l’ONU sur l’Environnement ou sur la protection des océans, les discussions se sont heurtées à un veto soit des Brésiliens, des Américains, des Canadiens, des Chinois… Cette situation a conduit à ce que les objectifs de Rio soient réduits au plus petit dénominateur commun et ne relèvent donc pas d’une grande ambition.
Q - Les choses auraient-elles pu être pires ?
R - La veille de la déclaration, dans la nuit du lundi au mardi (du 18 au 19 juin, ndlr), les choses ne progressaient plus. Pire, dans l’avant-dernière version, on régressait sur le Programme des Nations unies sur l’environnement (PNUE) par exemple. Cette structure a pour rôle de coordonner les différentes conventions en matières d’environnement : sur les produits chimiques, les pôles, la biodiversité… Nous voulions que cette fonction de coordination soit renforcée, mais dans le texte, à la veille de l’arrivée des chefs d’États, le PNUE n’avait plus de fonction de coordination du tout ! Sur les océans, il n’y avait même plus le rappel de ce qui avait été acté par la résolution de l’ONU l’année dernière. La veille, ce n’était plus Rio+20 mais Rio-20. On a finalement réussi à réinsérer ces points.
Q - Mais le résultat du Sommet est malgré tout un échec pour vous ?
R - Le seul résultat tangible - et il est sous-estimé dans les différentes évaluations du Sommet - c’est la question des Objectifs du développement durable. En effet, c’est la première fois que la communauté internationale se met d’accord sur le principe d’indicateurs et d’objectifs chiffrés sur le développement durable. Chiffrés, c’est-à-dire qui pourront être évalués. Il y a un calendrier, une date fixée en 2015. La méthode est actée. Tous les éléments sont sur la table pour que la société civile se saisisse du sujet et je l’y encourage.
Q - Il y avait déjà eu les Objectifs du millénaire (ODM)…
R - Les ODM sont centrés sur la lutte contre la pauvreté, sur l’aspect social. Or, sortir de la pauvreté c’est aussi avoir accès à l’eau, à l’énergie… Avec les ODD, les Objectifs du millénaire vont bien sûr perdurer mais vont s’élargir à l’aspect environnemental. C’est le résultat le plus tangible de ce Sommet et il a un vrai potentiel. Dans trois ans, ces Objectifs du développement durable pourraient être en place.
Q - La France se fait-elle toujours entendre au sein des négociations internationales ?
R - C’est un tropisme franco-français, de vouloir que la France ait seule le leadership. Dans les négociations multilatérales sur l’environnement ou sur le développement durable nous agissons dans le cadre de l’Union européenne. Notre travail consiste à peser au sein des 27 pour que nos positions soient relayées par l’Union européenne.
Q - Parlons de l’Europe donc. Parvient-elle à se faire entendre ?
R - On a un leadership en termes d’ambition. Aujourd’hui, on se heurte au problème suivant : le seul groupe d’États avec lequel on peut faire une alliance, c’est l’Union africaine. Et cette alliance là n’est pas suffisante pour gagner face à l’autre alliance (États-Unis, Canada, grands émergents, ndlr). Le deuxième élément qui complique la situation, c’est la question des financements. C’est vrai que la crise pèse sur les décisions. Et c’est pour cela que l’on se bat pour introduire des financements innovants. Je vais m’investir fortement pour la taxe sur les transactions financières, mais pas seulement. L’année dernière, le G20 a mis en avant sept outils de financement innovants. Il faut avancer sur tous ces outils. Le Royaume-Uni est opposé à la taxe sur les transactions financières, en revanche, il veut contribuer à solvabiliser la recherche sur les vaccins dans les pays du Sud (1). L’un n’est pas meilleur que l’autre. On a sept outils, avançons sur les sept.
(…).
1) La «Facilité internationale pour le financement de la vaccination» (IFFIm), un programme à l’initiative de la France et du Royaume-Uni, émet des obligations garantis par les donateurs (États et fondations privées) et lèvent ainsi des fonds affectés à des projets de vaccination.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juin 2012