Déclaration de M. François Lamy, ministre délégué à la ville, sur le financement du programme national de rénovation urbaine 2004-2013 (PNRU 1), à Paris le 27 juin 2012.

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Circonstance : Conseil d'administration de l'Agence nationale de rénovaton urbaine (ANRU), à Paris le 27 juin 2012

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi pour commencer de vous faire part de mon plaisir de pouvoir échanger avec vous en ouverture de ce conseil d’administration. Sa composition témoigne de l’implication d’un grand nombre d’acteurs dans la réussite de la rénovation urbaine.
Tout d’abord, la diversité des administrations représentées est un signal fort de la transversalité des enjeux du PNRU et plus généralement de la politique de la ville. Celle-ci se décline à différentes échelles et nécessite donc la coopération de toutes les collectivités, aussi je salue la présence des maires, porteurs de projet et donc en première ligne, ainsi que des communautés, départements et régions.
Le PNRU s’est centré sur les quartiers d’habitat social, les bailleurs sociaux, HLM et Entreprises publiques locales, s’y sont donc fortement investis humainement comme financièrement ; qu’ils en soient remerciés, ainsi que la Caisse des Dépôts qui rend cet investissement et celui des collectivités possible. Je n’oublie pas la problématique fréquente, au sein des projets de rénovation urbaine, du parc privé jouant le rôle de parc social de fait, et donc l’importance de l’Anah et de la coopération entre les deux agences.
Je salue enfin l’engagement capital des partenaires sociaux, via l’UESL, dans la mise en oeuvre du PNRU.
Je me suis rendu à l’ANRU le 6 juin, ai rencontré la direction et les équipes qui se mobilisent pour la réussite de ce programme.
A cette occasion, j’ai fait part au Président et au Directeur général de mon souhait d’un lien plus étroit entre la tutelle et son opérateur pour prolonger mais aussi améliorer la dynamique en cours.
Mes premiers déplacements, et mon expérience de la banlieue parisienne, m’ont en effet convaincu du formidable outil de transformation des quartiers que représente l’ANRU. L’intervention de l’ANRU a permis de structurer et d’associer les partenaires, collectivités et bailleurs, autour de projets communs, de provoquer des investissements élevés par un fort effet levier, de crédibiliser et d’incarner l’action publique en la rendant visible, et au final d’améliorer, incontestablement, le cadre de vie des habitants des 595 quartiers concernés.
Pour autant, je suis conscient des limites de cette intervention, et je sais que vous partagez la même préoccupation que moi, que je formulerai ainsi : avons-nous réellement amélioré les conditions de vie des habitants ? Je tiens à souligner plusieurs enjeux qui doivent nous guider pour la poursuite de notre action.
Le premier, c’est la mixité sociale et la mobilité résidentielle. Objectif fondamental du PNRU, elle s’est heurtée au phénomène de captation des ménages les plus précaires par les zones urbaines sensibles, à l’échelle d’intervention parfois trop réduite des PRU, ou encore aux autres priorités concurrentes comme le droit au logement opposable. Les politiques de peuplement ne doivent plus être un tabou.
Le second enjeu, c’est le développement socio-économique des quartiers, qui s’est trop souvent résumé, en dehors de volontarismes locaux, à une comptabilisation d’heures effectuées par les habitants des ZUS sans perspectives de parcours professionnalisants débouchant sur des emplois pérennes, ni mise à contribution des entreprises implantées dans les quartiers.
Le troisième enjeu, indissociable des précédents, et vous savez à quel point j’y suis attaché, c’est l’articulation entre l’urbain et l’humain, tant est dangereuse la pensée que le premier détermine le second. Le fonctionnement et l’animation sociaux des quartiers sont trop souvent passés au second plan, n’ayant pas été pris en compte dès la définition des projets.
Ne croyez pas que je remette en cause les succès de la rénovation urbaine. Seulement, les difficultés des quartiers sont trop importantes pour que l’on s’en satisfasse. L’erreur aura été, je le crois, de ne pas considérer la rénovation urbaine pour ce qu’elle est, c’est-à-dire un outil essentiel pour venir à bout de ces difficultés mais un outil parmi d’autres. D’autres réponses, complémentaires, doivent en effet être apportées dans le même temps. L’articulation avec les CUCS et les politiques de droit commun en est une. Elle requiert la mobilisation de tous, services déconcentrés de l’Etat, intercommunalités, départements, régions, dont l’implication a été inégale selon les territoires.
Ma feuille de route commence donc, vous l’aurez compris, par la poursuite de la mise en oeuvre du PNRU en veillant à ce que toutes les conditions de sortie par le haut des quartiers soient réunies.
Ma priorité, dans les jours qui viennent, sera d’assurer le financement du PNRU, puisque nous nous retrouvons avec 6 milliards d’euros à trouver dès 2013, soit la moitié du programme. Le défi est immense, le contexte budgétaire évidemment très difficile, mais je vous assure de ma détermination et de celle du gouvernement à honorer le contrat moral que nous avons passé avec les habitants des quartiers. Le Président de la République s’y est engagé : l’Etat, qui s’était déchargé sur les partenaires sociaux et les bailleurs, prendra aussi ses responsabilités. L’effort doit être partagé, nous avons une obligation de résultat.
J’engagerai également dans de très brefs délais la démarche d’évaluation du PNRU, indispensable pour objectiver les résultats d’une politique publique de cette ampleur. Nous ne partons pas de rien. De la matière est disponible, quoique parcellaire, dispersée, privilégiant parfois le quantitatif au qualitatif.
Ce travail doit faire l’objet d’un recensement, puis être complété, nourri tant par les réflexions des intellectuels que celles des acteurs de terrains et, ne l’oublions pas, par le retour des habitants qui sont les premiers concernés et dont la voix doit être entendue et prise en compte.
Cette évaluation est un préalable à toute nouvelle démarche que nous pourrons entreprendre. Je vais être franc avec vous, car il n’est pas dans ma nature de faire des effets d’annonce : le gouvernement est au travail depuis un mois, il trouve le pays dans une situation difficile et respectera ses engagements en termes de déficits publics, aussi toute nouvelle politique, toute nouvelle dépense sera jugée sous le double critère de la justice et de l’efficacité. Il n’est pas question de donner dans la précipitation. Le premier ministre arbitrera.
Je connais les enjeux, j’ai entendu les élus et les habitants. Je sais qu’il y a un certain nombre de quartiers prioritaires qui n’ont pu être traités, je sais que certains n’ont pu bénéficier d’investissements à la hauteur des difficultés qu’ils rencontrent. Je suis conscient du défi particulier que posent à la collectivité les grands ensembles d’habitat privé très dégradé, où les logiques d’intervention ne sont plus les mêmes, ainsi que l’habitat indigne dans les centres-villes. Je mesure enfin l’immensité du travail à accomplir en outre-mer. Soyez sûrs que je porterai ces thèmes dans le débat interministériel.
Je vous tiens en définitive un langage de vérité : un second programme national de rénovation urbaine, s’il constitue un engagement présidentiel, ne pourra être lancé qu’après l’évaluation complète du premier, après la réforme de la géographie prioritaire, et en fonction des marges de manoeuvre que le gouvernement pourra dégager. Je suis conscient à cet égard que des solutions transitoires devront être trouvées pour les quartiers dont les conventions sont échues, tant en termes d’ingénierie que de gestion de l’attente.
Vous avez pu le constater, ma méthode sera fondée sur la franchise, mais aussi le dialogue. Vous trouverez toujours ma porte ouverte pour travailler ensemble sur les chantiers décisifs qui s’annoncent.
Je vous remercie.
Source http://territoires.gouv.fr, le 12 juillet 2012