Déclaration de M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, sur la refonte de la directive nationale d'orientations dans la perspective du nouvel "acte" de décentralisation, l'accueil des publics, notamment des étrangers, dans les préfectures et l'adaptation du réseau des sous-préfectures, à Chartres le 9 juillet 2012.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déplacement à la préfecture d'Eure-et-Loire, à Chartres le 9 juillet 2012

Texte intégral

Monsieur le préfet,
Madame la député, Messieurs les députés,
Messieurs les sénateurs,
Monsieur le président du Conseil régional,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les chefs de service,
Mesdames, Messieurs,
Dans chaque département de France, en métropole et dans les outre-mer, au moment où je vous parle, des femmes, des hommes, assurent une même mission : la présence et la continuité de l’Etat. Je me trouve ici, avec vous, dans une partie d’un tout qui forme l’ossature sur laquelle repose l’organisation de notre pays. Si une partie devait faire défaut, ce seraient alors les engagements de la République qui ne seraient plus tenus.
Je suis venu, aujourd’hui, dans de cette Préfecture d’Eure-et-Loir, pour vous rencontrer et pour échanger. A cette occasion, je veux également vous faire part d’un double message, que j’aurai d’ailleurs l’opportunité de répéter, lors de mes prochains déplacements, dans les préfectures de région, de département et les sous-préfectures. Je veux à la fois vous témoigner de la haute conception que je me fais de l’institution préfectorale et également de l’entière confiance que je lui porte.
J’ai conscience que cette institution n’a pas été considérée, ces dernières années, comme elle aurait dû l’être. Elle n’a plus été comprise comme il aurait fallu. Comprise dans le sens du dialogue et de l’écoute, mais également dans le sens de compréhension de la nature profonde de son rôle.
Les préfets, aidés de leurs services, sont des représentants de l’Etat et du Gouvernement et, à ce titre, ils mettent en oeuvre, avec les administrations qu’ils dirigent, l’action de l’Etat et les orientations fixés par le gouvernement. En d’autres termes, ils sont des relais, d’efficaces courroies de transmission, et en aucun des fusibles dont peut disposer, à sa guise, le pouvoir politique. Les préfets, le corps préfectoral, les agents dans les préfectures sont des serviteurs de l’Etat. C’est dans ce cadre précis que j’entends m’adresser à eux, à vous.
Je l’ai dit, à plusieurs reprises, et notamment devant l’ensemble des préfets rassemblés, jeudi dernier, à l’Hôtel Beauvau, le Ministère de l’Intérieur est un ministère du terrain. J’entends souscrire, pleinement, à cette dimension. Je veux avoir une présence sur le terrain qui soit utile. Il ne s’agit pas, pour moi, d’être partout, tout le temps. Ce serait contradictoire avec la confiance que je porte aux administrations qui agissent en local. Je veux être présent, chaque fois que nécessaire. Je veux, aussi, rencontrer et dialoguer, afin de saisir parfaitement la réalité concrète des rôles de chacun. C’est là la condition nécessaire pour arrêter de bonnes décisions.
J’ai voulu accomplir, aujourd’hui, une visite de terrain, dans une préfecture, lieu par essence de notre République. Le choix du département d’Eure-et-Loir s’est imposé comme une évidence. C’est un choix marqué par l’émotion et la volonté de reconnaissance.
Cette préfecture est, en effet, celle de Jean MOULIN, à qui nous venons de rendre un hommage solennel. Un hommage avec, je dois le dire, beaucoup d’émotion pour le ministre que je suis et qui regarde l’histoire qui s’est accomplie, ici, dans ce lieu – la visite de votre bureau, Monsieur le préfet, celui de Jean MOULIN, fut un moment très fort – avec infiniment de respect.
On connaît le rôle déterminant de Jean MOULIN dans la Résistance ; on ne dit pas assez, qu’avant d’être un combattant de l’ombre, il fut, en plein jour, un grand préfet. De l’Aveyron en 1937, puis d’Eure-et-Loir, à partir de février 1939.
Grand préfet et grand résistant. Cette concomitance n’a rien de surprenant. Etre préfet, c’était et cela demeure, servir la France. Etre résistant, c’était la servir plus encore ; la servir pour la sauver. Pour la remettre sur la trajectoire que, jamais, elle n’aurait dû quitter. Car le régime de Vichy fut bien un trait vengeur tiré sur la République et ses valeurs.
Jean MOULIN, c’est l’expression la plus aboutie du courage pour la défense de grands principes. Au point de vouloir se donner la mort pour ne pas commettre l’injustice. C’est l’expression d’une intransigeance par rapport à la conception de l’Etat.
Jean MOULIN c’est l’expression d’une volonté. Qui n’était pas partisane. Elle voulait simplement le retour de la France.
Les préfets, le corps préfectoral, les agents de préfecture sont les héritiers de ce combat qui pose le cadre d’une exigence de tous les instants.
Le choix de ce déplacement en préfecture d’Eure-et-Loir, je l’ai fait aussi car ce département illustre bien les différentes réalités qui caractérisent notre pays : réalités urbaines autour des villes de Dreux, Nogent-le-Rotrou, Chartres et Châteaudun et réalités rurales avec des campagnes et des villages qui sont ô combien le visage de la France.
Cette diversité urbaine et rurale est, par définition, le cadre d’action de l’institution préfectorale dont je souhaite tracer, aujourd’hui, devant vous, les grandes lignes, pour l’avenir.
Au cours des dernières années, l’organisation de l’Etat dans sa dimension locale a été profondément modifiée. Depuis 2010, un nouveau paysage administratif s’est ainsi mis en place.
Je veux m’y arrêter un instant et vous expliciter les premières orientations que je souhaite mettre en oeuvre dans ce domaine.
La première est fondée sur l’idée que le « mécano » ne suffit pas. Il nous faut du sens. Il faut que nous déterminions, de façon claire et volontaire, quelles doivent être les missions que l’Etat, au niveau local, doit assurer. Il ne peut s’agir d’une définition en creux, par défaut, qui ne serait que l’agrégat de ce dont les collectivités locales ne souhaiteraient pas avoir la responsabilité.
La seconde orientation tient dans l’inscription pleine et entière des préfectures dans ce grand mouvement que sera le nouvel acte de la décentralisation. Comme l’a indiqué le Premier ministre, il reposera sur deux piliers : la confiance et la responsabilité. Les préfectures y auront toute leur place.
La troisième orientation est celle de l’interministérialité et de la déconcentration. A ce titre, j’ai souhaité que les directions départementales interministérielles – qui sont la traduction de cette interministérialité dont nos territoires ont besoin – soient associées à cette rencontre. Je les remercie de leur présence. Je sais que vous vivez, au quotidien, ce besoin de responsabilisation, cette volonté de meilleure mutualisation et de plus grande créativité. Je souhaite qu’avec mes collègues du Gouvernement, nous vous accompagnions davantage dans cette voie.
Les préfectures ont été en première lignes des efforts de modernisation. Il sera nécessaire de relancer une nouvelle génération de directive nationale d’orientation. Le bilan d’étape de la DNO pour la période 2010–2015 a montré la nécessité d’intégrer de nouvelles préoccupations, insuffisamment prises en compte jusqu’à présent. Je pense notamment à la sécurité des préfectures et des sous-préfectures ou encore à la question de la délivrance des titres.
Pour ce faire, des groupes de travail – associant directions d’administration centrale et représentants de l’administration territoriale – vont se mettre en place, dès la rentrée. Les organisations syndicales seront pleinement associées à cette démarche.
L’objectif est de proposer une nouvelle directive nationale d’orientations qui, en cohérence, tienne compte du nouvel acte de décentralisation que le Gouvernement entend conduire, pour l’été 2013.
J’entends être particulièrement attentif sur deux sujets qui m’apparaissent essentiels : l’accueil des publics – et je pense en particulier à l’accueil des étrangers – et la pérennité de notre réseau de sous-préfectures.
En matière d’accueil, je suis conscient des efforts accomplis, au quotidien. J’en ai eu, tout à l’heure, la démonstration. Je sais les résultats obtenus, notamment en termes de certifications des conditions d’accueil et d’optimisation des procédures. Le baromètre établi par la Direction générale de la modernisation de l’Etat (DGME), après une série d’enquêtes dites « mystère », a d’ailleurs classé en première position le réseau des préfectures, devant l’ensemble des autres services publics de l’Etat.
Votre préfecture a obtenu, j’ai pu voir, de très bons résultats en matière d’accueil des personnes à mobilité réduite ou encore dans la durée de traitement des courriers électroniques.
Je mesure l’engagement des collaborateurs des préfectures pour assurer, chaque jour ouvré, un accueil dans les meilleures conditions. Un accueil qui se fait parfois dans un climat d’hostilité de la part d’usagers : plusieurs agents, ici, ont été victimes d’agressions au cours des derniers mois – et je condamne ces faits avec fermeté. Ils sont inadmissibles.
Les efforts engagés doivent être poursuivis. Je pense, en particulier, aux conditions d’accueil des étrangers. Je suis élu d’une commune de la banlieue parisienne et j’ai été particulièrement sensibilisé à cette question. Les images de files d’attente interminables sont indignes de notre République. Et je ne veux plus qu’on soupçonne ou qu’on mette en cause l’intégrité, le professionnalisme des agents des préfectures qui font leur travail. Il nous faut donc progresser. C’est d’ailleurs, j’en suis persuadé, une des conditions pour que les agents des préfectures eux-mêmes se sentent davantage respectés et mieux considérés. Les pistes d’action sont nombreuses. Il faut y travailler rapidement, efficacement, en y associant les agents eux-mêmes. Vous l’aurez bien compris : cette question est une priorité !
Le département d’Eure et Loir compte quatre arrondissements. J’ai eu l’occasion, il y a quelques instants, d’échanger avec plusieurs agents issus des sous-préfectures. J’ai perçu leurs inquiétudes sur le devenir de leurs missions, voire de leurs implantations. Les organisations professionnelles expriment elles aussi, leurs inquiétudes.
C’est parce que je suis convaincu que les sous-préfectures sont des éléments essentiels de notre cohésion sociale et territoriale que je sais qu’elles doivent évoluer.
Leur rôle, leurs missions, leurs effectifs doivent être redéfinis. Pour cela, il nous faut tenir compte de la diversité des situations. Les caractéristiques des territoires – urbains, ruraux, montagnards, littoraux, frontaliers… – font naître des attentes spécifiques, dont il nous faut tenir compte.
J’ai donc lancé un travail visant à identifier des catégories de sous-préfectures et à déterminer pour chacune de ces catégories, autour d’un socle d’attributions commun, quelles sont les attributions spécifiques à assurer.
Chaque préfet sera consulté sur le rattachement de chaque sous-préfecture et appelé à définir un projet de service en liaison avec les agents concernés. Un plan de formation et
d’accompagnement au changement sera mis en oeuvre de façon pluri annuelle.
La question de l’adaptation de la carte des sous-préfectures pourra se poser à la faveur de cette réflexion sur les missions et l’organisation comme de l’évolution de la carte cantonale.
Les sous-préfets et de leurs équipes jouent un rôle de producteur de consensus et d’assembleur des politiques publiques, ainsi que de vigie sur les mutations de leur territoire. Je souhaite donc, tout naturellement, que leurs rôles soient mieux valorisés dans la mise en oeuvre des politiques interministérielles.
Je pense à différents domaines et notamment l’emploi et le redressement productif. Le Ministre en charge de cette question, Arnaud MONTEBOURG, a d’ailleurs souhaité que les Commissaires qu’il nommait auprès des préfets de région s’appuient sur le réseau des sous-préfets. C’est une belle reconnaissance du professionnalisme, de la réactivité, de la capacité d’engagement de notre réseau territorial.
Le second aspect que je veux évoquer quant à l’avenir de l’institution préfectorale est celui des ressources humaines.
Au cours des dernières années, la baisse des effectifs a été forte et continue, même si elle a été réduite de moitié dernièrement. Je sais combien ces contraintes pèsent sur l’état d’esprit et la motivation d’une grande partie des équipes en préfecture. Les représentants des personnels, que j’ai rencontrés et avec qui je continue d’échanger, m’ont exprimé un sens aigu du service public. Ils m’ont également fait part de leur attente, forte, de responsabilisation, de considération, d’écoute et de reconnaissance.
Les efforts demandés à chacun d’entre vous ne sont pas vains et ils devront, sans doute, se prolonger. Mais dans la dynamique de changement qui s’ouvre, la baisse des effectifs ne saurait être un objectif en soi. La conduite des réformes à venir devra donc prendre en compte les réalités du terrain, redonner du sens aux missions et placer la personne, le fonctionnaire, au centre des évolutions.
Ceci implique d’enrichir et de développer le dialogue social. Je l’ai dit tout à l’heure aux représentants du personnel que j’ai rencontrés : la charte du dialogue social, signée en octobre dernier, avec 23 organisations syndicales représentatives de tous les périmètres du ministère, soit la quasi-totalité d’entre elles, est un outil reconnu et apprécié. Je l’ai encore constaté lors de ma rencontre du 1er juin. Il faut donc lui donner toute son ampleur.
J’ai compris aussi que les représentants du personnel constatent, souvent, la nécessité d’améliorer la qualité du dialogue social au plan local. Mais ce n’est pas ce que j’ai entendu, tout à l’heure, et je veux en témoigner devant vous avec une particulière satisfaction, Monsieur le préfet !
Le dialogue social doit être renforcé. Il doit prendre différentes formes, celles qui permettent au mieux l’échange, et s’exercer à tous les niveaux.
Il nous faut également être plus ambitieux en termes de formation au bénéfice des agents des préfectures et des sous-préfectures. Un plan national a été bâti. Il constitue un effort majeur en termes de conception et de moyens. Son but est d’accompagner au mieux les évolutions des missions et des compétences des agents résultant des projets de service mis en oeuvre localement.
Enfin, il nous faut travailler au déploiement du plan ministériel de prévention des risques psycho-sociaux. Ce plan répond à un constat devenu de plus en plus criant.
L'évolution des conditions de travail, le comportement de certains usagers, le manque d’écoute vécu par les agents et bien souvent le manque d’estime qu’ils ressentent constituent des facteurs de souffrance, voire de troubles psycho-sociaux. Les syndicats des personnels de préfectures, comme d’ailleurs les syndicats de policiers, ont attiré mon attention sur des situations parfois dramatiques, confirmés par les professionnels des réseaux de soutien que sont les médecins, les psychologues ou les assistants de service social.
Le plan de prévention des risques psycho-sociaux (RPS), qui donne des éléments de méthode pour effectuer un diagnostic local et prendre les premières mesures de gestion des ressources humaines (GRH) de proximité, a pour objectif d’anticiper les difficultés.
La confiance, l’écoute et le dialogue, constituent la base de cette gestion des ressources humaines plus qualitative, que j’entends développer. La gestion des femmes et des hommes au sein d’une organisation ne peut plus se satisfaire de la simple règle du commandement descendant. Sublimer les compétences, l’envie de servir, d'accomplir sa mission et d’améliorer son travail est un vrai défi pour les préfets et le corps préfectoral du 21e siècle.
Des préfets, un corps préfectoral, des agents de préfecture dont je connais le professionnalisme et le sens du devoir. Je sais que tous les atouts, toutes les compétences sont là pour faire face aux exigences du présent et relever les défis de demain.
Ici, dans cette préfecture, marquée par l’histoire, j’ai voulu vous parler d’héritage et vous parler d’avenir. En somme, j’ai voulu vous parler de continuité. De ce joli mot qui est au coeur de votre action.
Source http://www.ain.pref.gouv.fr, le 16 juillet 2012