Déclarations de MM. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, et Pascal Canfin, ministre du développement, sur le Traité d'amitié et de coopération entre la France et l'Afghanistan, à l'Assemblée nationale le 25 juillet 2012.

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Circonstance : Discussion à l'Assemblée nationale d'un projet de loi adopté par le Sénat sur le Traité France-Afghanistan d'amitié et de coopération, le 25 juillet 2012

Texte intégral

M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères.
Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les Députés, le gouvernement, en application de l'article 53 de la Constitution, vous soumet aujourd'hui, après l'avoir soumis au Sénat, qui l'a adopté à l'unanimité moins l'abstention d'un groupe, le projet de loi autorisant la ratification du traité d'amitié et de coopération qui a été signé entre la France et l'Afghanistan fin janvier 2012. Le Sénat, en votant ce texte la semaine dernière, a ainsi marqué la première étape du processus de ratification.
Avant de vous exposer le pourquoi de ce traité, puis les moyens concrets de sa mise en oeuvre, je tiens à rappeler qu'il s'agit non seulement du premier traité de l'histoire des relations franco-afghanes, qui datent de près d'un siècle, mais plus largement du premier traité signé par l'Afghanistan avec un État extérieur à la région. Ce texte est donc précurseur. Il a ouvert la voie à d'autres partenariats, signés récemment ou en préparation, entre l'Afghanistan et des États tiers, ou avec des organisations internationales. Il offre un cadre stable et prévisible à notre relation, ce qui est essentiel : ceux qui m'ont aidé à préparer ce discours ont ainsi trouvé - c'est toujours important - cette citation de Balzac, d'ailleurs assez paradoxale dans un discours sur un traité international : «Ce qui rend les amitiés indissolubles est un sentiment qui manque à l'amour : la certitude».
J'en viens d'abord au pourquoi de ce traité.
Signé le 27 janvier, donc par mon prédécesseur, pour une durée de vingt années, il a pour objectif, selon l'article 1er, un «partenariat équilibré qui contribue à l'indépendance, à la sécurité et au développement» de l'Afghanistan. La raison d'être du traité est donc double : d'une part, il accompagne le désengagement des troupes combattantes françaises, et, d'autre part, il assure la continuité d'un soutien français à l'Afghanistan sous une forme axée sur la coopération civile, ce qui est essentiel. Si la présence militaire de la France sous forme de troupes combattantes va se terminer, la coopération civile, en revanche, va se développer.
Le désengagement des forces combattantes françaises d'ici au 31 décembre 2012 a été décidé par le président de la République. Il est en cours. Il ne s'agit pas d'un retrait total de notre pays, au contraire, puisque le traité pérennise sous une forme civile l'engagement à long terme de la France.
L'Afghanistan est entré dans une phase de transition qui a été lancée conjointement par la communauté internationale et par les autorités afghanes, sous l'égide des Nations unies et de l'OTAN. Ce processus, qui doit s'achever fin 2014, prévoit le transfert progressif des responsabilités de sécurité aux forces afghanes. Pour nous, qui sommes encore pour une part en Surobi et en Kapisa, c'est chose faite. Je profite d'ailleurs de ce moment pour rappeler que depuis le début de notre intervention en 2001, nous avons perdu quatre-vingt-sept de nos soldats. Il faut bien sûr, et je suis sûr que toute l'assemblée sera à l'unisson, rendre hommage au courage dont ils ont fait preuve ainsi que leurs camarades, et à leur sacrifice.
Le départ progressif de nos troupes ne doit pas faire oublier le travail accompli pour aider le peuple afghan dans son combat pour la liberté et la démocratie.
Sur le plan institutionnel, les changements intervenus dans la décennie écoulée - Constitution de 2004, reconstitution des administrations centrale et locale, mise en place d'un Parlement -, doivent être soutenus et poursuivis par une contribution civile dont le traité donne les moyens. Il contribue en effet, par des moyens concrets, à la stabilité - c'est du moins notre espoir - d'un pays dont l'importance stratégique est évidente.
Quand l'engagement militaire de la France avait été décidé en septembre 2001, il répondait à des finalités particulières sur lesquelles je ne reviendrai pas, mais, depuis lors, la situation a évidemment beaucoup changé, et le sens s'en était sinon perdu, en tout cas déformé au fil du temps. Ce sera donc le sens de notre engagement politique et civil en Afghanistan et dans la région à partir de maintenant que d'axer celui-ci sur la coopération civile, avec comme objectif de permettre, après des décennies de conflit et d'instabilité qui ont favorisé la montée du radicalisme et de l'obscurantisme, le retour à la paix que nous souhaitons tous pour l'Afghanistan et pour ses voisins.
La recherche de solutions durables à la crise afghane passe par une stratégie intégrant la dimension régionale du problème - c'est un point sur lequel j'ai eu un débat au Sénat et je pense que tout le monde en sera d'accord. L'Afghanistan, depuis des lustres, a servi de théâtre aux rivalités régionales et internationales, qui ont exacerbé ses tensions intérieures. La France appuie le processus de coopération lancé à Istanbul en novembre 2011, qui est parvenu à insuffler une certaine dynamique en faveur de la sécurité à tous les pays du coeur de l'Asie.
Nous connaissons aussi bien sûr, puisque personne ici n'est naïf, les risques que les foyers d'instabilité en Afghanistan font peser sur les États voisins : les groupes terroristes ne connaissent pas de frontières ; les réseaux de la drogue déstabilisent les structures politiques, économiques et sociales ; les factions qui remettent en cause l'intégrité territoriale de l'Afghanistan menacent aussi l'intégrité territoriale de ses voisins.
Face aux fléaux du terrorisme et de la drogue, au lieu de jouer de façon rivale, il faut favoriser la coopération régionale et les mesures de confiance. C'est d'ailleurs dans l'intérêt de tous les pays de la région, qu'il s'agisse du Pakistan, de l'Inde, de l'Iran, de la Chine, de la Russie ou des États d'Asie centrale.
Nous partageons donc l'approche proposée aujourd'hui par l'Afghanistan qui prévoit l'adoption à terme de mesures concrètes et contraignantes pour la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la drogue et la gestion des catastrophes naturelles, des infrastructures et du commerce régional.
À long terme, l'objectif de cette coopération régionale est de permettre le désenclavement de l'Afghanistan, ce qui favorisera son développement économique, mais aussi celui de l'ensemble de la région.
Le traité que nous vous soumettons fixe les contours de la coopération souhaitée par nos deux pays. Comme je l'ai indiqué début juillet à la conférence de Tokyo sur l'aide civile à l'Afghanistan, notre action sera guidée par trois principes.
Il s'agira, en premier lieu - ainsi que nous l'avions évoqué lors d'une conversation avec Hamid Karzaï, François Hollande et Jean-Yves Le Drian lorsque nous nous sommes rendus à Kaboul -, de favoriser le passage d'une économie et une société de guerre à une économie et une société de paix. C'est fondamental, car tout, en Afghanistan, est aujourd'hui tourné vers l'économie de guerre, et cette transition ne peut se faire spontanément. Le développement économique et social de l'Afghanistan est la première condition d'un retour durable à la paix et à la stabilité. C'est pourquoi le coeur de notre engagement doit être la coopération civile.
C'est aussi dans cet esprit que la France appuie un processus de paix conduit par les Afghans eux-mêmes et associant toutes les composantes de la société afghane : gouvernement, opposition légale, société civile. Même si cela est très difficile, la réconciliation nationale devra également s'adresser aux insurgés prêts à rompre tout lien avec Al Qaïda, à renoncer à la violence et à respecter la Constitution.
En second lieu, la France va s'engager de façon significative. Une simple sommation révèle que l'aide à l'Afghanistan dans le cadre de ce traité augmentera de 50 %, pour atteindre plus de 300 millions d'euros sur la période 2012-2016, ce qui représente beaucoup d'argent.
Cette augmentation servira à conduire des projets qui profiteront directement - j'y insiste - à la population afghane avec des programmes concrets, à l'image de l'extension prochaine de l'Institut médical français pour l'enfant, que certains d'entre vous ont certainement eu l'occasion de visiter. Ce projet magnifique disposera désormais - une première en Afghanistan - d'un service de santé maternelle et néonatale qui contribuera à améliorer les conditions de vie des femmes ; il a été rendu possible grâce à la fondation Aga-Khan, que je salue pour le travail remarquable qu'elle accomplit là-bas, et à l'association « La Chaîne de l'espoir », au sein de laquelle des professeurs de médecine accomplissent un travail superbe.
Dernier principe, cette aide ne sera pas un chèque en blanc. Elle sera conditionnée - point que certains de vos collègues au Sénat ont trouvé excellent et d'autres insuffisants - à la réalisation par les Afghans des engagements qu'ils ont pris devant la communauté internationale lors de la conférence de Tokyo. Ce sera le cas en particulier dans trois domaines clés.
Je pense d'abord à la bonne gouvernance. La lutte contre la corruption, en particulier - ce qui n'est pas là-bas un vain mot ou une vaine tâche - constitue une priorité, sur laquelle nous attendons des mesures fortes de la part du gouvernement afghan. C'est une contrepartie indispensable de l'effort demandé aux contribuables français. Nous serons très fermes sur ce point, et je ne doute pas du soutien de l'Assemblée.
Les engagements pris en matière de démocratie devront également être tenus. Des élections présidentielles et parlementaires sont prévues en 2014 et 2015. Nous devrons veiller, avec nos partenaires internationaux, à ce qu'elles se déroulent dans des conditions équitables et transparentes.
Par ailleurs, nous accorderons une grande attention à l'évolution de la situation des droits de l'Homme, en particulier des femmes et des minorités. Des progrès ont été accomplis, en matière de liberté d'expression, mais aussi s'agissant des droits sociaux tels que l'accès à la santé ou à l'éducation. Mais vous avez sans nul doute présents à l'esprit les assassinats abjects, il y a deux semaines, d'une femme afghane, commis en public par les talibans, et d'une responsable provinciale des droits de la femme pour le gouvernement afghan, qui rappellent à quel point la situation des femmes demeure souvent dramatique.
Notre pays devra, comme les autres - encore que le nôtre a un rôle particulier compte tenu de sa tradition et de ses principes - faire preuve d'une grande vigilance s'agissant des droits des femmes, particulièrement en matière d'accès à la justice, à la santé et à l'éducation et de prévention des violences qui leur sont faites.
Tel est le sens du traité qui vous est soumis pour ratification aujourd'hui : redonner aux Afghans - aux autorités gouvernementales, à la population et à la société civile - les clés de leur destin, tout en leur accordant un appui sur le long terme. Sa ratification, du côté afghan, devrait intervenir dans les semaines qui viennent.
Concernant à présent non plus le pourquoi du traité, mais les modalités de sa mise en oeuvre, celle-ci s'opérera par le biais d'actions concrètes articulées autour de quelques coopérations prioritaires : coopération en matière de santé, avec l'extension de l'Institut médical français pour l'enfant, afin d'en faire un centre hospitalo-universitaire généraliste, et la mise en oeuvre de projets expérimentaux de télémédecine - plus de cent mille personnes ont déjà bénéficié des installations existantes, ce qui est remarquable ; coopération en matière éducative avec les lycées de bonne qualité que nous avons là-bas et, dans l'enseignement supérieur, avec la création d'une école des mines et de géologie que justifie l'importance des minerais dans la région ; coopération agricole en matière d'irrigation et d'enseignement en soutenant la mise en place d'un réseau de lycées techniques agricoles et la création d'un laboratoire de contrôle de la qualité ; coopération culturelle : nous formons depuis longtemps des archéologues afghans, assurons les fouilles à Bâmiyân et à Mes Aynak et contribuons à la création de musées afghans.
La coopération s'étendra également à deux autres domaines : d'une part, nous contribuerons au développement des infrastructures et du secteur minier ; d'autre part, une action spécifique est prévue au-delà de 2014, si la sécurité de nos personnels est assurée, pour le développement économique de la Kapisa et de la Surobi, où ont été déployées la task force La Fayette et notre équipe d'experts civils.
Enfin, une coopération sera maintenue dans les domaines de la défense et de la sécurité. S'il n'y aura plus, évidemment, de troupes combattantes, des coopérants français seront présents à l'état-major et dans des écoles militaires afin de conseiller les instructeurs afghans.
Notre action ne vise pas, faut-il le rappeler, à fournir une aide sur une période indéfinie, mais à donner les moyens aux Afghans de valoriser eux-mêmes leurs atouts, ce qui implique, outre l'aide au développement, la promotion des échanges économiques, qui constituera donc un pilier de notre action. L'Afghanistan dispose en effet, même si les circonstances récentes nous l'ont fait oublier, d'un potentiel économique réel, grâce en particulier à ses abondantes matières premières.
Le gouvernement français doit donc, avec les organisations professionnelles, encourager nos entreprises à participer à la valorisation des richesses du territoire afghan, notamment de son sous-sol.
Ainsi est-il prévu une coopération entre le BRGM et son équivalent afghan. En collaboration avec le MEDEF, nous avons réuni des entreprises intervenant dans le secteur minier pour les sensibiliser aux possibilités offertes par ce pays. Ces perspectives feront l'objet d'une coordination avec la fondation Aga-Khan, dans la perspective d'investissements dans le nord de l'Afghanistan, où la sécurité est la moins problématique. Certaines entreprises se sont d'ores et déjà positionnées sur des projets concernant la cimenterie, le charbon ou encore l'exploitation gazière.
Dans la mesure où notre coopération est fondée sur les besoins et les priorités identifiés par les autorités afghanes, nous veillerons à garantir une réciprocité dans les engagements. L'Afghanistan s'engage ainsi : à lutter par tous les moyens dont il dispose contre les menaces émanant de son territoire à l'encontre de la France ou des intérêts français ; à développer la coopération entre services antiterroristes et antidrogue, ce dernier fléau étant loin d'avoir été éradiqué - M. Myard, comme moi, n'est pas un homme d'illusion : 90 % de la production mondiale provient en effet de là-bas - à accorder pour l'AFD et nos ONG des exemptions fiscales et douanières ; enfin, à promouvoir l'enseignement du français dans le secondaire et le supérieur.
Un point important a fait l'objet de demandes légitimes de la part de vos collègues sénateurs. Il s'agit du suivi de cette mise en oeuvre, au-delà de la ratification. Des mécanismes de suivi régulier ont été prévus, selon des procédures que nous avons voulues le moins lourdes possible. Ainsi, trois commissions mixtes se réuniront une fois par an, alternativement à Paris et à Kaboul : l'une pour le suivi des programmes de coopération, l'autre pour l'aspect politico-stratégique, et la dernière pour la sécurité intérieure. De plus, nous mènerons un dialogue avec la société civile afghane, en particulier avec les associations de femmes et avec la Commission afghane indépendante des droits de l'Homme, afin d'évaluer la mise en oeuvre des engagements pris.
Concrètement, s'il s'agit aujourd'hui de ratifier un texte, le traité se traduira par des engagements budgétaires. Chaque année, Mesdames et Messieurs les Députés, vous serez donc conduits à nous demander si les choses ont été respectées tant du côté afghan que du nôtre. Cette coopération, très souhaitable en elle-même, sera ainsi mesurée à l'aune des résultats obtenus.
Les années à venir seront décisives. La communauté internationale doit rester présente, mais d'une autre façon. Cela étant, je ne vous ferai pas l'injure de douter de votre lucidité : des risques existent. Il suffit d'avoir suivi l'histoire de cette région ou de s'y rendre, fût-ce brièvement, pour le savoir.
C'est pourquoi nous devons poursuivre, sur la base de ce traité et de nos engagements internationaux, notre action politique aux côtés des représentants de toutes les composantes de la société afghane afin de contribuer à garantir un avenir le plus stable et le plus apaisé possible pour les Afghans.
Le Parlement afghan devrait, je le répète, ratifier ce traité dans les semaines à venir et la ratification de ce traité par les deux parlements sera une étape très importante dans les relations entre nos deux pays.
Je vous proposais tout à l'heure une citation de Balzac, que je ne connaissais pas - et que j'ai d'ailleurs oubliée depuis... Permettez-moi de vous en soumettre une, qui vaut dans beaucoup de circonstances de la vie. Turgot, qui était un grand esprit a dit : «Il n'y a pas de politique sans risque, mais il y a des politiques sans chance.» C'est une formule à méditer.
Je ne dis pas que la politique engagée en Afghanistan soit sans risque - il y en a toujours, surtout quand l'on connaît l'histoire de ce pays et des pays circonvoisins. Mais, alors que dans les dernières années aucune chance de paix ne se dessinait, aujourd'hui cette chance nous est offerte ; il s'agit grâce à vous de la saisir.
M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du Développement.
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Députés, je tiens tout d'abord à excuser Laurent Fabius, qui a dû quitter nos débats pour s'entretenir avec le président de la Côte d'Ivoire. Je veux également, avant de répondre à vos questions, saluer la présence dans les tribunes de l'ambassadeur d'Afghanistan en France, M. Assad Omer.
Certains d'entre vous l'ont souligné, l'engagement de la France en Afghanistan va maintenant passer à une phase de coopération civile. C'est une transition qu'en tant que ministre du développement - et non de la coopération... - je regarde de très près.
M. Folliot m'a interrogé sur le devenir des forces afghanes - un peu plus de 100.000 personnes - qui, progressivement, quitteront l'armée et réintégreront le civil. Les États-Unis se sont engagés lors du sommet de l'OTAN à Chicago à répondre à ce besoin. Nous nous inscrivons dans cet engagement. Pour ce qui est du financement des forces de sécurité, je vous renvoie à l'article 3 du traité. C'est dans ce cadre que sera organisé le soutien aux forces de sécurité afghanes.
S'agissant de la sécurité des ressortissants français, dont la majeure partie - 94 % - vit à Kaboul, le plan de sécurité a été réactualisé, comme dans la plupart des ambassades françaises. Ce socle, comme j'ai pu le vérifier en me rendant moi-même dans la capitale afghane il y a un mois, est en place ; il perdurera, indépendamment de la réduction de notre présence militaire.
M. Giacobbi, a évoqué la sécurité des coopérants ; j'y suis particulièrement attentif, avec une première boussole en la matière : les projets concrets que nous allons pouvoir mener à bien dans le cadre de la coopération civile, qui fait l'objet du présent traité d'amitié.
M. Candelier s'est interrogé sur le devenir du traité lui-même si les talibans revenaient au pouvoir. La réponse est assez simple : s'ils revenaient au pouvoir et ne respectaient pas la Constitution afghane de 2004, ils violeraient de fait les engagements pris par la partie afghane dans ce traité d'amitié et nous aurions donc toute latitude pour le dénoncer.
M. Foulon et M. Guilloteau se sont interrogés sur le montant de notre aide à l'Afghanistan. Rappelons que celle-ci va augmenter de 50 % pour atteindre 308 millions d'euros par an sur la période 2012-2016, soit environ 60 millions d'euros par an. Un processus interministériel a été conduit pour s'assurer du financement réel de l'ensemble du programme et le ministère des Affaires étrangères en assumera la plus grande partie.
M. Dufau a insisté sur le contrôle légitime de votre assemblée sur ces dépenses. Je réitère l'engagement pris par Laurent Fabius : un rapport annuel sur la mise en oeuvre de ces mesures sera présenté au Parlement au moment du débat budgétaire.
Cette augmentation de notre aide témoigne de la volonté de poursuivre notre engagement en matière civile. Rappelons également que nous devons raisonner dans un cadre européen et que l'Union européenne - l'Union en tant que telle et les États membres - constitue de très loin le premier bailleur civil en Afghanistan, devant le Japon et les États-Unis. Notre effort doit être porté dans un cadre cohérent avec ce que fait l'Union européenne - j'ai du reste rencontré le délégué de l'Union européenne à Kaboul. C'est ainsi que nous pourrons renforcer la convergence des projets que nous menons avec les financements européens.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué les domaines prioritaires de notre action dans le domaine de la coopération civile. La plupart sont identifiés et il reste parfois à leur donner corps en nous assurant de la sécurité de nos opérateurs sur place : l'éducation, l'agriculture, l'archéologie et, bien évidemment, la construction de l'État de droit. MM. les députés Guilloteau et Foulon se sont émus de l'état dramatique de la santé infantile ; c'est là l'un des secteurs dans lesquels la France, en partenariat avec la Fondation Agha Khan, conduit une réalisation de premier plan : l'hôpital français de Kaboul qui rayonne au-delà de la ville car il a développé des services de télémédecine assez exceptionnels, y compris sur le plan mondial.
M. Mamère, comme plusieurs de ses collègues, a soulevé les questions de bonne gouvernance et de démocratie. Notre soutien sur le long terme à l'Afghanistan sera maintenu à condition que soient respectés les engagements en matière de bonne gouvernance, de démocratie, de respect des droits de l'Homme et des droits des femmes, mesurés par des indicateurs concrets et pas seulement par des proclamations de principes.
Le premier de ces indicateurs, la tenue d'élections présidentielles et parlementaires libres et transparentes en 2014 et 2015, sera assez facile à évaluer. Autre indicateur-clé de la bonne gouvernance : le règlement de l'affaire de la Kabul Bank et de l'évaporation de 900 millions de dollars, dont plusieurs d'entre vous ont fait état. Nous serons extrêmement attentifs à ce que soient tenus les engagements pris à ce sujet avant la conférence de Tokyo du 8 juillet.
M. Hillmeyer a posé des questions concernant l'état de droit ; celui-ci se manifeste d'abord, je viens de le rappeler, par la tenue des élections présidentielles. Mais nous soutenons également la révision de la loi électorale de 2005, afin de rendre plus lisible le cadre de ces futures élections. Tous ces changements que nous soutenons et qui sont pour nous des indicateurs-clés de la transition en Afghanistan doivent redonner de la crédibilité et de la stabilité à la vie politique afghane.
Nous appuyons aussi un processus de paix interafghan ; cet élément n'a pas forcément été rappelé lors de vos prises de parole, mais je tiens à le souligner car nous menons en la matière une action véritablement exemplaire. La Fondation pour la recherche stratégique a invité deux fois des représentants de toutes les composantes de la société afghane, afin de réfléchir ensemble à ce que serait un Afghanistan stable en 2020.
Nos alliés sont très intéressés par ces colloques qui - et nous y travaillons avec les Américains, les Japonais, les Norvégiens et bien évidemment avec les Afghans - pourraient devenir des exercices réels de transformation de la vie politique afghane pour la création d'un consensus national, qui, nous le savons, est un des éléments déterminants de la réussite de la transition en Afghanistan.
M. Candelier a manifesté des inquiétudes concernant les investissements français en Afghanistan. Ce pays, effectivement riche en ressources, présente des opportunités d'investissements dans les domaines de la gestion de l'eau, de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de l'assainissement et des infrastructures, notamment ferroviaires. Nous travaillons avec SNCF International pour construire ensemble les normes du futur réseau ferré afghan. Avec le MEDEF International, nous avons reçu des entrepreneurs afghans qui cherchent à investir avec des entreprises françaises, dans des cadres juridiques conjoints, afin de bénéficier de l'expertise et du savoir-faire français dans des secteurs comme l'assainissement, les services urbains et les transports.
Le traité soumis à votre approbation prévoit que les autorités afghanes créent un environnement favorable à cette perspective, y compris en termes de sécurité juridique et de bonne gouvernance. Au-delà du cas spécifique de l'Afghanistan, le président de la République s'est engagé à développer un cadre juridique qui favorise et améliore la transparence des flux financiers lorsque les entreprises françaises investissent à l'étranger. Dans le cadre d'une négociation européenne en cours, le commissaire Barnier a proposé une directive extrêmement ambitieuse que la France soutient. Vos exigences de transparence prendront corps en Afghanistan et ailleurs, à travers cette directive.
Vous avez également été nombreux à évoquer la question des drogues. Nous intensifions notre coopération avec les autorités afghanes dans les domaines du renseignement, de la lutte contre le détournement des précurseurs et de la formation des acteurs sur le terrain.
Nous sommes en train de nommer un officier de liaison dédié aux stupéfiants qui sera basé à Kaboul. Un officier de la gendarmerie a été également placé auprès de la cellule de coordination des opérations antidrogue de la Force internationale d'assistance et de sécurité. En 2012, la douane organisera en France des formations destinées aux douaniers afghans. Enfin, le ministère des Affaires étrangères soutient financièrement la police anti-narcotiques afghane, en coordination avec l'agence compétente de l'ONU.
Au niveau régional, nous favorisons la coopération sur la base de mesures de confiance dans le domaine de la lutte contre les narcotrafics ; c'est un des piliers du partenariat dit « Coeur de l'Asie » qui a fait l'objet d'une conférence à Kaboul, il y a quelques semaines, à laquelle j'ai participé. La lutte contre les narcotrafics en était un des thèmes récurrents.
Au niveau international, nous avons lancé le Pacte de Paris, une enceinte de dialogue politique et de coopération opérationnelle : plus de cinquante pays luttent ensemble contre le détournement des précurseurs chimiques, un élément-clé du trafic. La France a été et continuera à être très engagée dans la maîtrise de ces précurseurs chimiques. Nous suivons également de très près des sujets tels que les flux financiers illicites liés au trafic de drogue et la toxicomanie.
Vous me permettrez, pour conclure sur la protection de l'environnement, de me tourner vers M. Mamère qui a posé une question à ce sujet. Nous avons à coeur de relancer l'économie et l'agriculture afghane, mais en prenant pleinement en compte la dimension écologique. Notre coopération en matière agricole - j'ai pu le vérifier sur place à Kaboul - est à cet égard exemplaire.
Nous encourageons l'Afghanistan - j'ai eu l'occasion d'en parler directement avec l'ambassadeur de France en Afghanistan et avec des ministres concernés comme celui des mines, par exemple - dans la voie de l'adoption de législations environnementales appropriées, notamment dans le cadre de la future exploitation des ressources naturelles.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 juillet 2012