Déclaration de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, sur les mesures de soutien à l'euro et à la zone euro, sur les raisons de ratifier le traité budgétaire européen, Paris le 28 août 2012.

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Circonstance : XXe Conférence des Ambassadeurs, à Paris les 28 et 29 août 2012

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ministres, Cher Bernard,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Cette Conférence des ambassadeurs, à laquelle je me réjouis de participer à nouveau aujourd'hui aux côtés de Bernard Cazeneuve - dix ans après mon passage dans ce ministère - est l'occasion, heureuse, de revoir beaucoup de visages connus et beaucoup d'amis. C'est un vrai plaisir.
Elle se tient, hélas, dans un contexte bien moins favorable qu'il y a dix ans. Celui d'une profonde crise économique, qui suscite de fortes inquiétudes des Français pour leurs emplois et leur pouvoir d'achat et d'interrogations sur la stabilité de la zone euro.
Voilà ce qui constitue la trame de fond de l'action du gouvernement, et singulièrement la mienne, à la tête du ministère de l'Économie et des Finances où, sous l'impulsion du président de la République et du Premier ministre, j'entends tout faire pour rétablir la croissance et soutenir l'emploi.
Je voudrais évoquer devant vous aujourd'hui les éléments de cette mobilisation à travers l'action que nous conduisons, avec Bernard, pour la zone euro, et plus largement au titre de la diplomatie économique que le ministre des Affaires étrangères a mise au coeur de vos travaux cette année.
Car votre action trouve ici toute sa place, et elle doit se déployer avec un volontarisme renouvelé, pour permettre à la France de mieux défendre ses intérêts et son rang dans un monde globalisé. De la politique budgétaire au financement de l'économie, en passant par la stabilité du système financier, le soutien à la compétitivité ou l'avenir de la zone euro : votre mobilisation, dans l'ensemble du champ économique qui relève de ma responsabilité, est essentielle.
La situation reste difficile pour la zone euro. Que vous soyez en poste à Paris, dans l'Union ou dans le reste du monde, vous le savez et le vivez. Répondre aux interrogations de nos partenaires, relayer leurs préoccupations, les engager à se joindre à nous, est l'une des composantes de votre action. Je souhaite aujourd'hui, dans le prolongement des orientations fixées hier par le président de la République, vous mettre en situation, lorsque vous rentrerez dans les prochains jours en poste, de contribuer pleinement à la mobilisation qui est celle du gouvernement au service de la stabilisation de la zone euro, de la réorientation engagée des politiques européennes vers la croissance et l'emploi et des progrès du projet européen auquel nous sommes si profondément attachés.
Appartenir à la zone euro nous engage et nous oblige ; c'est aussi une condition de notre croissance. La politique menée par le président de la République vise à assurer, dans le même mouvement, notre croissance, la compétitivité de nos entreprises et le redressement de nos comptes publics dans la justice, à renforcer notre cohésion sociale, et à contribuer au succès du projet européen.
Un processus est engagé depuis l'élection présidentielle pour rétablir la confiance, en Europe et dans le monde, à l'égard de l'euro. C'est une oeuvre de longue haleine, qui me mobilise pleinement, auprès du président de la République, depuis le mois de mai.
Une étape décisive a été franchie lors du Conseil européen de juin dernier. Je veux y insister tout particulièrement, sous deux angles.
Le premier est de méthode, et je pense que vous y serez sensibles. Le style a changé, et cela emporte des conséquences politiques et diplomatiques essentielles. Notre action européenne est redevenue prévisible pour nos partenaires. Cela ne signifie pas qu'il ne puisse pas y avoir de désaccords. Il en existe et ils sont assumés. Mais cela se fait dans la cohérence, et dans une volonté de dialogue respectueux avec tous : petits et grands, en bonne ou en moins bonne santé économique, du Nord et du Sud, anciens ou plus récents États membres. Bruno Delaye, Alain Leroy, Pierre Buhler peuvent, je crois, le confirmer.
Le dialogue franco-allemand reste au coeur du fonctionnement européen ; les compromis qui peuvent y être trouvés sont essentiels pour former la base d'un accord plus vaste. Ce dialogue a rarement été aussi intense - Maurice peut en témoigner -, et à tous les niveaux : celui du président de la République avec la chancelière, le mien avec M. Schäuble - j'étais à Berlin hier matin encore -, Bernard Cazeneuve avec son homologue. Le ministre des Affaires européennes prépare activement, sous l'égide du Premier ministre, la refonte du Traité de l'Élysée, dont nous célèbrerons le cinquantenaire en 2013. Mais ce dialogue est mis au service de tous, pour trouver des solutions communes, et dans le respect retrouvé des institutions européennes et de la méthode communautaire : Commission, Parlement européen, président du Conseil européen.
Le second angle sur lequel je veux insister est bien sûr de contenu. Les bonnes décisions pour l'euro ont été prises, tout particulièrement lors du dernier Conseil européen. Cela vaut pour la croissance, comme pour la stabilité financière. Le travail confié à M. Van Rompuy est à cet égard de la plus grande importance.
Je travaille quotidiennement avec mes homologues de l'euro-groupe à prendre les décisions nécessaires pour répondre aux difficultés que rencontrent certains États membres, là où les marchés testent avec force notre détermination et notre cohésion. La France a réaffirmé sa détermination totale, au sein du Conseil européen, à faire tout ce qui sera nécessaire pour préserver l'intégrité et la stabilité de la zone euro, et endiguer la contagion qui s'étend en zone euro.
La situation de la Grèce requiert, évidemment, toute notre attention. Ce pays dispose désormais d'un gouvernement. Il doit pouvoir travailler à la mise en oeuvre des engagements pris. La place de la Grèce est dans la zone euro. C'est cet équilibre là qui nous inspire. La Grèce ne peut pas se soustraire à ses engagements : elle le doit à ses partenaires. Mais si c'est bien le cas, le soutien de ces derniers ne doit pas lui manquer. Il nous revient collectivement d'accompagner les Grecs pour qu'une perspective soit ouverte, pour que l'austérité ne constitue pas le seul horizon proposé à ce peuple et pour que son économie soit durablement stabilisée en s'appuyant sur la solidarité européenne, avec le FMI.
Quant à l'Espagne, avec laquelle la concertation est également permanente, elle a fait l'objet des décisions nécessaires, que ce soit à Madrid au plan macro-économique ou bancaire, ou à Bruxelles. Les dispositions agréées seront mises en oeuvre par appuyer la restructuration du secteur bancaire espagnol, au travers des instruments actuels de solidarité mais aussi avec la perspective d'instruments profondément innovants pour enrayer la boucle entre crise bancaire et souveraine : les chefs d'État de la zone euro ont en effet décidé en juin de créer une supervision financière intégrée, première étape d'une «union bancaire» que nous avons appelée de nos voeux, sur la base de laquelle il sera possible pour le Mécanisme européen de stabilité d'intervenir directement pour recapitaliser les établissements bancaires dont la sauvegarde est nécessaire à la stabilité de la zone euro. Cette réforme, qui va dans le sens d'une Europe plus complète, est une étape majeure de notre réponse à la crise : elle montre notre détermination à préserver la maison commune, la monnaie unique et le projet politique européen, en tirant les leçons que nous avons durement apprises au cours des derniers mois.
Au-delà de l'urgence, des perspectives nouvelles s'ouvrent pour stabiliser la zone euro. Les prises de position du président de la BCE, que je veux saluer, témoignent à mes yeux de ce climat, de cette perspective nouvelle à laquelle nous avons contribué, avec nos partenaires. Les décisions que nous prenons créent ainsi les conditions d'une action favorable de la BCE, dans le plein respect de son indépendance et de son mandat de politique monétaire.
Nous ne relâcherons pas l'effort, qui doit d'abord passer par la mise en oeuvre rapide, efficace, opérationnelle et complète des décisions qui ont été prises.
Je poursuis à ce titre, sous l'impulsion du président de la République et avec l'ensemble du Gouvernement, un objectif fondamental : réorienter l'Europe vers la croissance - c'est un impératif.
Nul besoin de rappeler ici les conclusions du sommet sur le volet croissance, vous les connaissez. Elles sont importantes, et ce à plusieurs titres. De nouveaux instruments financiers viendront servir cet objectif. Je pense ici à l'adoption du pacte de croissance - 120 milliards d'euros de mesures de financement de l'économie, 1% du PIB de l'Union européenne - soit ce que nous consacrons habituellement au budget de l'Union. Je pense aussi à la Banque européenne d'Investissement, qui a lancé fin juillet l'augmentation de 10 milliards de son capital. En tant que gouverneur de la BEI, aux côtés des autres ministres des Finances de l'Union, je travaille actuellement à identifier les grands investissements que la France proposera au titre de la phase pilote des «project bonds» à la rentrée ; plus généralement, la BEI est un facteur de financement des projets innovants et des infrastructures qui peuvent soutenir notre croissance, et je travaille également à ce que les porteurs de projets, entreprises et collectivités locales, utilisent pleinement ce levier, en lien avec la future Banque publique d'investissement.
En ce qui concerne la stabilité financière, nous devons affranchir notre pays et l'ensemble de l'Union de l'emprise des marchés, et dégager des marges de manoeuvre pour l'avenir. Lors du sommet de juin, des réponses de structure ont été apportées, en amorçant la création au niveau européen d'une taxation des transactions financières mais surtout en dessinant les contours d'une union bancaire qui permettra de briser le lien entre crise bancaire et crise souveraine que j'évoquais il y a quelques instants. Cette union bancaire repose sur une supervision intégrée du système financier, impliquant la BCE, dans un versant «intégration», ainsi que des règles communes sur la garantie des dépôts et sur la liquidation ordonnée des institutions financières en trop grande difficulté.
Ce double mouvement, vers plus de croissance et plus de stabilité financière, doit être poursuivis en parallèle. Le rapprochement de nos systèmes économiques doit rendre possible le soutien des membres de la zone euro dont les dettes souveraines sont attaquées. Dans l'intérêt de la zone euro, tout est fait pour obtenir une application rapide des décisions prises collectivement fin juin.
C'est sur la base des résultats du Conseil européen, que nous poursuivons la dynamique de réorientation du cours de la construction communautaire. Réorientation ne veut pas dire virage à 180 degrés, mais rééquilibrage, tant des politiques communes que des ambitions communautaires. Les disciplines budgétaires sont indispensables pour réduire l'endettement, reconquérir des marges de manoeuvre, se libérer des sursauts des marchés, mettre en oeuvre les engagements réformistes. C'est d'ailleurs le sens des projets budgétaires que le gouvernement a déjà soumis, et continuera de proposer au Parlement, pour tenir l'objectif des 3% en 2013. Mais elles ne peuvent pas constituer le seul horizon de la coordination des politiques économiques des États membres. Il faut aller beaucoup plus loin, étape par étape, dans une Europe capable de créer les conditions d'une croissance et d'un progrès économique durable.
C'est avec ce cadre global en tête que le président de la République et le gouvernement ont décidé, en tirant les conclusions de l'avis rendu par le Conseil constitutionnel, de proposer au Parlement la ratification du Traité budgétaire européen. Cette ratification est désormais possible avec les décisions du dernier Conseil européen. Celles-ci permettent d'engager une dynamique européenne nouvelle dans laquelle la consolidation budgétaire a sa place aux côtés et au service des impératifs de la croissance et de la solidarité européenne. C'est sur ces bases nouvelles, pour l'ensemble de nos partenaires mais aussi et d'abord pour la représentation nationale et l'ensemble des Français, que nous entendons poursuivre le cours de notre politique européenne. C'est ce que le président de la République a appelé «intégration solidaire».
Pour poursuivre le projet européen, créer les conditions d'un bon fonctionnement de la monnaie unique dont nous nous sommes dotés il y a 10 ans, et recréer les conditions de la croissance et l'emploi, nous devrons en effet aller plus loin encore. C'est l'attente de nos partenaires - de la Grèce, des autres États de la zone euro sous programme, qui sont pris dans des phénomènes de contagion dont l'ampleur est largement venue des incertitudes politiques sur l'avenir de la zone euro. C'est aussi l'attente de nos concitoyens, aux yeux desquels le projet européen aujourd'hui semble privé de sens, faute d'une vision suffisamment claire de l'avenir.
Au-delà des mesures de réponse immédiate à la crise financière, j'ai ainsi la conviction profonde qu'il nous faut dessiner, pour l'union que nous avons formée autour de notre monnaie, un nouveau modèle, reposant à la fois sur des mesures favorables à la croissance, sur l'union bancaire, sur une coordination budgétaire et économique améliorée et sur une harmonisation fiscale renforcée en zone euro. Je pense aussi, et surtout, à un renforcement de l'union sociale, pour aider les travailleurs européens.
Il nous faudra aussi poursuivre collectivement la réflexion autour de l'amélioration de la gouvernance de la zone euro afin d'en garantir une plus grande efficacité collective et d'en renforcer la légitimité démocratique. Je pense à la création d'un ministre des finances de la zone euro mais aussi à la montée en puissance d'un budget commun de la zone euro, qui jouerait un rôle plus important face aux chocs économiques, doté de ressources fiscales propres et capable d'émettre de véritables eurobonds, pour financer le socle commun des dépenses prioritaires de la zone euro.
C'est ma vision pour l'avenir de l'Europe. Elle passerait, je le sais, par une réforme des Traités communautaires, après avoir fait tout ce qu'il est possible de faire à traité constant ; mais nous ne devons pas exclure cette perspective, qui est une condition essentielle de la rénovation démocratique des institutions de la zone euro.
Permettez-moi à présent d'élargir un peu mon propos au-delà de la seule zone euro. L'action que je mène à la tête du ministère de l'Économie et des Finances vise, vous l'avez compris, à créer un cercle vertueux entre nos objectifs de croissance et d'assainissement des comptes, et les agendas économiques domestiques, européens et globaux. C'est parce que nous construisons, au niveau national, une politique financière sérieuse et crédible que nous sommes, je le crois, écoutés par nos partenaires européens et internationaux - j'ai pu le vérifier à plusieurs reprises déjà, notamment à Washington auprès des autorités américaines comme de la directrice générale du FMI ou du président de la Banque mondiale.
La politique économique en France que nous conduisons a pour vocation essentielle de remettre notre pays sur la voie de la croissance et de l'emploi, en répondant à l'urgence mais aussi en dessinant des perspectives nouvelles et structurantes.
Je voudrais à ce titre dire ici quelques mots de notre mobilisation autour de la diplomatie économique que le ministre des Affaires étrangères a mis au coeur de vos travaux cette année.
La clé réside à mes yeux dans la compétitivité de nos entreprises : c'est la priorité de mon action. Le Premier ministre a annoncé un séminaire gouvernemental sur ce sujet et j'y prendrai toute ma place pour construire, activement, un cadre favorable à la croissance et à l'emploi, bâtir les fondations d'une économie au dynamisme retrouvé, en clair, pour préparer le retour de la croissance de manière volontariste. Peut-être ne pas aller chercher la croissance «avec les dents», comme d'autres l'avaient voulu avant nous, mais certainement avec notre cerveau, c'est-à-dire avec une politique économique inventive et créative. La politique de compétitivité est au coeur de cette ambition. Je tiens, et je tiens beaucoup, à ce que le réseau de nos ambassadeurs, avec l'appui complet de mes services, la porte à l'étranger et dans les organisations multilatérales.
Nous avons perdu du terrain sur ce plan ces dernières années. Personne ne le nie. La France est passée d'un excédent commercial de 3,5 milliards d'euros en 2002 à un déficit historique de 70,6 milliards d'euros en 2011 (soit 3,5 points de PIB).
Je ne sous-estime pas la difficulté pour remonter la pente. Il faut composer avec la faible demande de nos voisins européens, engagés dans des politiques d'austérité en l'absence de solution d'ensemble à la crise des dettes souveraines, alors que nos PME et ETI vendent en premier lieu en Europe. C'est de ce cercle vicieux que nous devons sortir. Mais il reste que la comparaison avec l'Allemagne et, depuis cet été, avec l'Italie, si elle est portée sur les aspects les plus structurants de la compétitivité (la formation, l'investissement, le dialogue social, la proximité du financement) est éclairante : nous pouvons mieux faire.
À niveau national, je travaille dans trois directions. Tout d'abord, rétablir les canaux d'irrigation entre d'une part, des moyens de financement - existants et nouveaux - souvent abondants, et d'autre part, les projets de nos entreprises. Cette réforme du financement de l'économie s'appuiera sur un triptyque : la création d'une Banque publique d'investissement, une réforme du secteur bancaire et une réorientation de l'épargne. J'ai dit que les coûts des services aux entreprises dégradaient notre compétitivité ; je proposerai plusieurs réformes de structure pour agir sur ce volet. Enfin, j'entends mettre en place une fiscalité favorable à l'investissement et à la recherche, favorable au travail.
Ce sera l'une des composantes de la réorientation fiscale et budgétaire d'ampleur que nous mettrons en oeuvre au cours du quinquennat. Vous en connaissez les autres grands traits : un retour progressif à l'équilibre des comptes publics pour 2017, avec un palier intermédiaire de déficit à 3% du PIB l'an prochain ; une réforme fiscale d'envergure dès le projet de loi de Finances 2013, pour rétablir l'équité entre les ménages et entre les entreprises ; un effort fiscal en début de mandat, pour stabiliser ensuite les prélèvements obligatoires ; faire porter l'effort à part égale entre recettes et dépenses sur l'ensemble du mandat ; la stabilisation de la dette d'ici deux ans, puis le désendettement.
Cette compétitivité nationale est essentielle pour ouvrir nos entreprises sur les marchés étrangers, elle l'est également comme facteur d'attractivité du territoire français. L'internationalisation économique de la France, ce n'est pas que l'ouverture des entreprises vers de nouveaux marchés, cela doit être, tout aussi prioritairement, l'accueil d'entreprises étrangères sur le territoire français. La France reste attractive mais cette attractivité a diminué ces dernières années : l'Allemagne est désormais passée devant nous en termes d'accueil d'investissement créateurs d'emplois alors que nous étions traditionnellement devant ! Attirer les investissements étrangers en France est l'une de mes priorités. C'est également l'une de vos missions.
Pour que nos entreprises puissent opérer sur les marchés étrangers dans des conditions de concurrence loyale, notre diplomatie doit également être plus ferme vis-à-vis des nouvelles formes de protectionnisme dans les pays émergents. Certains d'entre eux ont adopté des stratégies délibérément agressives à l'égard des entreprises occidentales : cadre règlementaire précaire et volontairement mouvant, absence de protection efficace de la propriété intellectuelle, contraintes en matière de transfert de technologies et de partenariat commercial local... Nous faisons parfois preuve de naïveté vis-à-vis de ces pratiques, que nous n'avons pas à accepter, et que nous avons les moyens de combattre, en faisant appel autant que nécessaire, et certainement plus que nous ne le faisons aujourd'hui, aux moyens juridiques offerts par l'OMC. Si l'émergence d'une industrie domestique solide est un objectif que ces pays peuvent légitimement poursuivre, elle doit se faire dans le cadre d'échanges commerciaux respectueux des règles communes.
Je veillerai enfin à ce que les entreprises puissent disposer des outils de soutien financier leur permettant de se battre à «armes égales» sur les marchés internationaux. Il n'est en effet pas acceptable qu'une entreprise compétitive - j'entends à qualité et prix comparables par rapport à la concurrence - puisse perdre un contrat faute de financement. J'ai des exemples très précis en tête. Nous devons donc être en mesure de proposer aux entreprises françaises les outils financiers disponibles chez certains de nos concurrents européens. Il convient par ailleurs, et j'y tiens, de démocratiser l'accès aux financements à l'ensemble des entreprises, en particulier aux PME et ETI en région. Enfin, ce soutien financier de l'État devra se faire avec un objectif clairement affiché : être mis au service des emplois localisés en France.
Nous devons donc permettre aux PME et ETI de s'internationaliser, leur donner les moyens de tirer profit des sources de croissance situées au delà de nos frontières. C'est là une priorité de notre mission. Mais soyons précis : l'internationalisation des entreprises, cela ne se résume pas à des soutiens ponctuels pouvant être apportés, ici ou là, sur un projet spécifique par un appui financier ou politique particulier. Si de tels soutiens peuvent s'avérer décisifs, mon objectif, notre objectif, doit être plus ambitieux : il s'agit d'offrir aux PME et ETI la possibilité de s'installer durablement à l'international. Là est le coeur de l'action à mener.
C'est notamment pour y parvenir que je mets en oeuvre, sous l'impulsion du Président de la République, le projet de Banque publique d'Investissement.
La BPI, dont j'ai annoncé les premières orientations fin juillet, apportera en effet un soutien concret aux questions de fonds propres de nos PME et ETI à travers notamment le FSI ou CDC Entreprises, qui en composeront une partie de l'ossature.
Mais la BPI aura également vocation à devenir un interlocuteur privilégié des PME et ETI pour les accompagner à l'export. Cet accompagnement se fera à travers son volet international qui devra distribuer l'ensemble des produits du dispositif export aujourd'hui existants : que ce soit OSEO international, Coface Compte État ou encore UBIFRANCE, qui fait un travail remarquable. La force de la BPI sera de pouvoir proposer l'ensemble de ces produits aux entreprises du territoire, via des comptoirs unifiés régionaux. Il s'agira non seulement de répondre à leurs interrogations, mais surtout d'aller à leur rencontre. La BPI deviendra alors un interlocuteur de référence dans leur démarche export et sera une contribution concrète et lisible à notre diplomatie économique.
Je sais pouvoir compter sur votre soutien, sur celui de mes Services économiques ou encore des missions économiques Ubifrance pour relayer cet accompagnement à l'étranger sur le terrain.
Cette impulsion que nous voulons donner à notre diplomatie économique, au service d'orientations politiques et économiques nouvelles, nécessite que la puissance publique fasse preuve dans ses initiatives d'une plus grande efficacité, et d'une plus grande cohérence. Laurent Fabius, Nicole Bricq et moi-même renforcerons dans cette optique la coordination de l'action de nos services respectifs.
La présence française à des niveaux stratégiques dans les grandes organisations internationales économiques et financières - FMI, BERD, FSB, OMC - dans les institutions communautaires aussi, alors que se profile le renouvellement de la Commission européenne en 2014, participe du rayonnement de notre pays, et permet de relayer nos positions dans des forums décisionnels dont l'influence et le poids s'accroissent. Elle doit rester critique, et faire l'objet d'une solide préparation en amont. Je m'y emploierai dans les mois qui viennent.
Je voudrais enfin vous dire un mot de l'APD. Garant de l'équilibre des comptes, je suis bien placé pour vous dire que nous opérons dans un cadre budgétaire contraint, mais je suis attentif, avec Pascal Canfin, à ce que les moyens et les orientations donnés à l'APD positionnent encore davantage notre pays comme un acteur reconnu du développement économique des pays émergents, en faisant prévaloir le principe de réciprocité, en mettant en valeur l'assistance technique française, en réfléchissant aux moyens d'obtenir un meilleur retour pour les entreprises françaises, et en valorisant nos intérêts économiques parmi les objectifs de l'APD et dans la mobilisation de ses instruments de financement.
Un mot particulier ici sur la mobilisation de mon ministère en faveur du Sahel. Nous devons accompagner le développement de cette région, où les déséquilibres économiques nourrissent l'instabilité politique. C'est pourquoi j'ai souhaité concentrer nos efforts d'aide budgétaire sur cette région, qui recevra en 2012 près de 60% de nos dons bilatéraux. En outre, je mettrai en oeuvre l'engagement du président de la République d'instruire dès septembre un soutien budgétaire exceptionnel pour le Niger sous forme de prêt. L'action de l'AFD complètera ces moyens. Vous avez dans ce cadre, je le souligne, un rôle naturel à jouer dans ce domaine, car la coordination des bailleurs, sur le terrain, est essentiel. Mais notre soutien ne doit pas qu'être financier ; il doit s'inscrire dans la durée et être tourné vers l'avenir. Je suis convaincu du destin croisé de l'Afrique et de l'Europe. La croissance de l'Afrique sera source de croissance de l'Europe. Un nouveau modèle de développement doit être privilégié. J'en poserai les bases à l'occasion du 40ème anniversaire des accords monétaires de la Zone franc, que je célébrerai en présence des ministres des Finances le 5 octobre prochain à Paris.
Vous l'avez vu pendant cette Conférence des ambassadeurs, le gouvernement est au travail. C'est ce qu'attendent les Français, pour la croissance et l'emploi. Notre diplomatie économique doit mettre en oeuvre la vision politique de l'organisation du monde économique européen et international portée par le président de la République et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Vous pouvez compter sur ma mobilisation et sur celle des services du ministère de l'Économie et des Finances. Je sais pouvoir compter sur la vôtre.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 septembre 2012