Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur le renforcement des effectifs de police et de gendarmerie et la création de zones de sécurité prioritaires à Marseille, ainsi que sur la concertation visant à organiser l'agglomération phocéenne selon la formule d'une métropole, à Paris le 6 septembre 2012.

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Circonstance : Réunion d'un comité interministériel sur Marseille, à Paris le 6 septembre 2012

Texte intégral

L’agglomération marseillaise s’est trouvée depuis quelques mois et encore récemment sous le feu des projecteurs. Des règlements de comptes, la mise en évidence de l’importance de l’économie souterraine, le sentiment d’insécurité, mais aussi d’abandon des citoyens, se sont révélés dans toute leur ampleur. Des élus ont lancé un cri d’alarme. L’Etat doit intervenir, car Marseille, deuxième ville de France, ne peut être laissée seule avec ses problèmes.
C’était l’objet de cette réunion de ministres que de se saisir du dossier marseillais. Je tiens à souligner que c’est la première fois, en dehors du Grand Paris, qu’une telle réunion consacrée à une agglomération particulière se tient dans ces murs. Cela manifeste le degré d’engagement de l’Etat et la volonté du gouvernement d’aider l’agglomération marseillaise à retrouver le chemin du développement économique et de la sécurité.
Cette réunion est le fruit d’un travail engagé dès la fin du mois de juin avec tous les ministères concernés, en liaison avec le préfet de région, auquel j’avais demandé un rapport au mois de juillet, et avec les élus. J’ai notamment discuté ces derniers jours avec le maire de Marseille et avec le président de la communauté urbaine.
Ma conviction est que l’agglomération marseillaise a tous les atouts pour devenir une grande métropole et le pôle de rayonnement dont la France a besoin au sud du bassin rhodanien et sur la rive nord de la Méditerranée.
Je sais que cette conviction est partagée, au-delà des clivages politiques et par-delà les difficultés historiques de dialogue entre collectivités, par de très nombreux élus. Je sais que c’est le souhait ardent des forces vives de la région, et le désir intime de sa population.
C’est à la population que nous devons d’abord penser, et j’en appelle à tous les acteurs, pour qu’ils entendent l’exigence qui monte de nos concitoyens. Sécurité, emploi, logement, transports, rayonnement de cette agglomération lumineuse : voilà ce qui nous est demandé, voilà ce à quoi nous allons répondre.
Le destin de l’agglomération marseillaise est donc une question d’intérêt national. Sortir Marseille de ses difficultés est un impératif. Engager l’ensemble de l’agglomération sur un projet commun est une obligation. La France a besoin que Marseille devienne une grande métropole européenne.
Le gouvernement entend affirmer cette ambition pour l’agglomération marseillaise. Et il entend prendre ses responsabilités, pour œuvrer à la réalisation de cette ambition.
L’agglomération marseillaise a des atouts : une position géographique exceptionnelle, une population jeune, des entreprises de pointe, un tissu industriel ancien, une grande vitalité culturelle, une cadre naturel remarquable, un pôle d’enseignement supérieur et de recherche de niveau international autour de l’université d’Aix-Marseille, une excellente connexion aux réseaux de transports nationaux et internationaux (aéroports, TGV, autoroutes, port, fleuve), le dynamisme de grands projets tels qu’Euromed.
Nous connaissons les difficultés qui provoquent le désarroi de la population : la situation de l’emploi, les difficultés de plusieurs entreprises régionales emblématiques, la paupérisation croissante d’une partie des habitants, l’expansion du banditisme dans les cités, la diffusion des armes, la multiplication des règlements de comptes, mais aussi des difficultés quotidiennes de transports alors que bassins d’emploi et quartiers d’habitation s’éloignent de plus en plus, le manque de logement, une ségrégation spatiale et des inégalités sans égal dans le pays.
L’agglomération marseillaise a besoin d’une stratégie de développement. Une stratégie qui emporte l’ensemble de l’agglomération dans un mouvement vers le haut.
Le fait que l’Etat se saisisse du dossier de l’agglomération marseillaise ne saurait être interprété comme une stigmatisation ou une mise sous tutelle. Mais il est temps que l’Etat intervienne, car les inerties n’ont que trop duré.
Nous nous sommes réunis pour définir la stratégie pour l’agglomération marseillaise. Je me rendrai lundi et mardi matin à Marseille pour rencontrer tous les acteurs locaux : élus, forces vives, partenaires sociaux, pour discuter de la mise en œuvre de cette stratégie. Je ne doute pas d’y trouver toute la disponibilité nécessaire à son déploiement.
La mise en œuvre de cette stratégie suppose de lutter efficacement contre les problèmes de sécurité que nous connaissons, et de régler la question institutionnelle. Ce sont deux préalables, sans lesquels le développement de l’agglomération restera empêché par d’insurmontables difficultés.
Mais l’agglomération a besoin d’un projet d’ensemble, qui dépasse les questions de sécurité et institutionnelles.
Nous avons identifié deux préalables au développement de l’agglomération marseillaise
n°1 : la lutte contre la délinquance violente et la criminalité
n°2 : le déblocage de la question institutionnelle
Depuis quelques années, la délinquance et la criminalité prennent à Marseille de nouveaux contours toujours plus violents. Ces atteintes à la sécurité provoquent le désarroi des populations. L’économie souterraine mine les fondements de contrat républicain. Il convient d’y répondre de manière efficace. Pas de nouvelles gesticulations, mais une adaptation des méthodes et de l’organisation, et un renforcement des moyens, pour agir dans la durée.
Nous avons décidé d’un renfort de 205 policiers et gendarmes, en sécurité publique, en police judiciaire, en renseignement et pour les zones périphériques assurées par la gendarmerie.
Une Zone de sécurité prioritaire a déjà été décidée pour les quartiers nord. Une nouvelle pour les quartiers du sud de la ville sera engagée début 2013.
La justice se mobilise également, avec de nouvelles directives pénales, le renforcement des effectifs du parquet et du siège, des éducateurs en milieu ouvert pour la délinquance des mineurs, la création d’un centre éducatif fermé, et le renforcement des moyens de l’administration pénitentiaire pour lutter contre la récidive.
Avec ces moyens supplémentaires et ciblés, une action déterminée dans le recueil du renseignement, et l’orientation des enquêtes vers ces nouvelles formes de criminalité, le gouvernement entend ainsi s’attaquer aux trafics et aux agressions violentes qui minent la vie des habitants.
Sur le plan institutionnel, le gouvernement prendra ses responsabilités.
Les besoins quotidiens de la population de l’agglomération ne sont pas satisfaits correctement, notamment en matière de transports et de logement. Les inégalités de ressources génèrent des disparités qui gênent le développement de l’ensemble de l’agglomération : ce sont tous les habitants de l’agglomération qui sont atteints quand la ville-centre n’a pas les moyens de financer ses infrastructures ou d’enrayer la dégradation des quartiers les plus pauvres. Les habitants savent que, dans une agglomération d’une telle densité, il ne peut pas y avoir deux vérités, celle en-deçà des limites d’une commune, et celle au-delà. De nombreux élus, ainsi que le monde économique, ont appelé à la création d’une grande métropole.
C’est pourquoi nous ferons en sorte que l’agglomération marseillaise (1,8 M habitants), qui est aujourd’hui organisée en 6 structures (Marseille Provence Méditerranée, CA Pays d’Aubagne, CA du Pays d’Aix, CA du Pays de Martigues, CA de Salon-Etang de Berre, et SAN Ouest-Provence -Istres-) chemine vers la solution de la métropole.
L’inspiration doit être celle de la métropole, mais en tenant compte de la diversité et de la complexité de ce territoire, pour préserver les services et les liens de proximité, et respecter les identités locales. Une seule agglomération, mais plusieurs pôles.
Les compétences envisageables pour cette métropole sont les transports urbains, l’environnement, le développement économique, l’enseignement supérieur, la rénovation urbaine.
Je me rendrai à Marseille lundi et mardi matin prochains pour engager le dialogue sur ce projet.
L’agglomération marseillaise a besoin d’une stratégie d’ensemble.
L’Etat veut promouvoir cette stratégie, digne de la vocation de Marseille à devenir une métropole européenne, et qui réunisse l’Etat, les collectivités locales, les chefs d’entreprise, les syndicats, les associations, les centres de recherche, etc. autour d’un même projet. Cette feuille de route doit se déployer sur la base d’une stratégie couvrant l’ensemble des enjeux de l’agglomération.
La méthode sera celle du dialogue et du partenariat, pour que l’’Etat et l’ensemble des acteurs de locaux s’accordent sur un véritable contrat de métropole. Au service de cet objectif, l’équipe préfectorale sera renforcée, avec la création d’un poste de préfet chargé de la stratégie de l’agglomération.
Et l’Etat entend agir dans tous les domaines, ainsi qu’en témoigne le relevé de conclusions qui vient d’être adopté, et qui porte sur la plupart des grands enjeux de l’agglomération marseillaise : éducation, enseignement supérieur et recherche, politique de la ville, décongestion des transports urbains, port de Marseille, soutien aux entreprises, et Marseille Provence capitale européenne de la culture 2013.
De l’objectif de scolariser dès 2 ans un tiers des enfants des quartiers prioritaires, au déblocage de la L2, le gouvernement s’est prononcé sur de nombreuses priorités pour la vie quotidienne des habitants. Il entend jouer son rôle pour, avec les acteurs locaux, permettre à l’agglomération marseillaise de devenir une grande métropole euro-méditerranéenne.
Source http://www.gouvernement.fr, le 13 septembre 2012