Texte intégral
P. Lapousterle - Avant de parler de votre domaine, la fonction publique, est-ce que vous approuvez le refus opposé, hier, par L. Jospin de geler les fonds secrets de Matignon et de différents ministres, comme le demandait l'opposition ?
- "Il a parfaitement raison. L'opposition, dont on peut comprendre qu'elle soit gênée - sans rentrer dans les détails - fait flèche de tout bois. C'est une basse manoeuvre de diversion. Puisque quelqu'un, dans la République dit, qu'en tant ancien ministre, il a utilisé ces fonds secrets pour voyager, il faudrait qu'on arrête l'Etat de fonctionner - en tout cas, cette partie de l'Etat. L. Jospin a la bonne attitude : l'Etat fonctionne, l'Etat se réforme le plus rapidement possible. C'est vrai que le fonctionnement actuel, en termes de fonds secrets, n'est pas satisfaisant ; il faut l'améliorer."
L'activité de l'Etat ne se résume pas aux fonds secrets - je l'espère ! Quand L. Jospin dit : "On ne va pas arrêter l'Etat", ce n'est pas parce qu'on arrêterait les fonds secrets qu'on arrêterait l'Etat !
- "Non, bien entendu. Ce serait arrêter l'Etat pour toute une partie de l'utilisation des fonds secrets dans les domaines stratégiques. C'est quand même important. Ensuite, il y a une petite partie du fonctionnement de l'Etat, de manière non satisfaisante - parce que pas suffisamment transparente - qui marche comme cela. Ce n'est pas parce que ce n'est pas transparent que pour autant c'est malhonnête et inutile. Qu'on le rende transparent, qu'on le rende efficace, oui ; qu'on l'arrête, non."
Pourquoi avoir attendu jusqu'à maintenant pour modifier ça ?
- "Comme quoi la manoeuvre de diversion fonctionne ! Par rapport à des questions qui sont d'une autre nature et qui sont à poser à d'autres personnes - que je ne commenterai pas parce que nous sommes dans un processus judiciaire -, on essaye, en quelque sorte, d'accuser le Gouvernement d'aujourd'hui."
Non, pas du tout, je vous pose la question.
- "C'est un système qui fonctionne depuis longtemps et qui globalement fonctionne bien. Il n'y a qu'un seul élément qui est peu satisfaisant : l'utilisation de ces fonds secrets dépend de la moralité personnelle et individuelle de ceux qui les utilisent. D'une manière générale, c'est bien fait. Peut-être que parfois ..."
M. Alliot-Marie vous a accusés hier de deux mots précis : "dilatoire" et "hypocrite", alors que vous refusiez leur suppression immédiate au lieu de commander un rapport qui ne trouvera effet que dans huit mois et qui permettra à M. Jospin, et à vous, tous les ministres, d'engranger de l'argent pendant ce temps-là ?
- "Je lui réponds : basse manoeuvre de diversion de sa part."
Sur la politique économique : vous avez été ministre de l'Economie et des Finances. Le ralentissement actuel de la croissance est quand même assez important ; est-ce qu'il ne justifierait pas que tout soit mis au service de la croissance, c'est-à-dire qu'il y ait vraiment une inflexion de la politique économique ?
- "Deux mots de commentaire sur ce point : comme vous l'avez souligné, j'ai été ministre de l'Economie et des Finances à un moment où la croissance est passée de 3 % à 1 %, puis à 0,5 %. La situation était alors très difficile parce que c'était un vrai ralentissement, une cassure dans la croissance. Nous ne sommes pas aujourd'hui dans une situation de cassure. Nous sommes dans une situation de ralentissement objectif mais pas de cassure. J'aurais aimé, à l'époque, avoir 2,4 % ou 2,5 % de croissance. Tout ceci pour relativiser. Néanmoins, il s'agit d'un phénomène réel qui nécessite qu'on y fasse attention. Oui, il faut prendre des mesures et la meilleure des mesures est de continuer un type de politique qui a été fait pour être efficace aussi bien en période de forte croissance qu'en période de moins grande croissance."
C'est-à-dire ?
- "C'est-à-dire, budgétairement, des maîtrises des dépenses."
Vous voulez dire "équilibre" ?
- "Oui, une maîtrise des dépenses. C'est-à-dire des dépenses qui ne se mettent pas à augmenter fortement en forte croissance et à diminuer en faible croissance. Une maîtrise et un niveau des dépenses qui permet d'alimenter l'économie et qui permet aussi d'alimenter le pouvoir d'achat des Français par, par exemple, la prime à l'emploi. Par ailleurs, une recherche de diminution du déficit - même si ce sera plus difficile aujourd'hui -, parce que je pense que c'est en diminuant le déficit qu'on obtiendra de la Banque centrale européenne qu'elle baisse elle-même les taux."
Sur la fonction publique, le Conseil d'orientation des retraites préconise un alignement, ou du moins, pense qu'un alignement du temps de travail des fonctionnaires et des salariés du privé ne serait pas mauvais, que 40 ans pour tout le monde, ce serait mieux que ce qui existe actuellement.
- "Ce Conseil d'orientation des retraites fait un extraordinaire travail. Il a été mis là pour ça - si je puis dire - par L. Jospin et par moi-même, puisque j'ai participé à la mise en place de ce conseil. Ce travail consiste à regarder toutes les hypothèses permettant de maintenir un système de solidarité des retraites pour tous les Français, y compris pour les fonctionnaires. Donc, il regarde toutes les hypothèses. Dans ces hypothèses, il y a forcément et naturellement un allongement des cotisations pour les fonctionnaires. Ce n'est pas la seule hypothèse ; il y en a beaucoup d'autres, qui, aujourd'hui, sont examinées par tout le monde, y compris par les organisations syndicales membres de ce comité d'orientation des retraites. Il faudra bouger dans ce domaine. Comment ? Avec quelles contreparties ? Dans quel cadre ? Je n'en sais rien. C'est au comité d'orientation des retraites de nous faire des propositions. Mais il y a une chose dont je suis certain, c'est qu'on ne réglera pas le problème de l'avenir des retraites des Français en montrant du doigt les fonctionnaires, comme si c'était une catégorie à part."
On vous a entendu cette semaine préconiser la simplification du langage administratif. Cela m'a fait rire parce que depuis Courteline - cela fait quand même un moment - combien ont essayé avant vous !
- "Vous pouvez même remonter au-delà. Celui qui a commencé le premier et de la manière la plus efficace, c'est François 1er, lorsque par l'édit de Villers-Cotterêts, il a voulu qu'on passe du latin au "français maternel" - c'est le terme qu'il utilisait."
Cela ne s'est pas arrangé ! Cela s'est bien dégradé depuis !
- "Je souhaite que l'on passe aujourd'hui du latin administratif au français langue maternelle de tous les usagers"
Vous avez une chance d'y parvenir ?
- "Je l'espère."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 6 juillet 2001)
- "Il a parfaitement raison. L'opposition, dont on peut comprendre qu'elle soit gênée - sans rentrer dans les détails - fait flèche de tout bois. C'est une basse manoeuvre de diversion. Puisque quelqu'un, dans la République dit, qu'en tant ancien ministre, il a utilisé ces fonds secrets pour voyager, il faudrait qu'on arrête l'Etat de fonctionner - en tout cas, cette partie de l'Etat. L. Jospin a la bonne attitude : l'Etat fonctionne, l'Etat se réforme le plus rapidement possible. C'est vrai que le fonctionnement actuel, en termes de fonds secrets, n'est pas satisfaisant ; il faut l'améliorer."
L'activité de l'Etat ne se résume pas aux fonds secrets - je l'espère ! Quand L. Jospin dit : "On ne va pas arrêter l'Etat", ce n'est pas parce qu'on arrêterait les fonds secrets qu'on arrêterait l'Etat !
- "Non, bien entendu. Ce serait arrêter l'Etat pour toute une partie de l'utilisation des fonds secrets dans les domaines stratégiques. C'est quand même important. Ensuite, il y a une petite partie du fonctionnement de l'Etat, de manière non satisfaisante - parce que pas suffisamment transparente - qui marche comme cela. Ce n'est pas parce que ce n'est pas transparent que pour autant c'est malhonnête et inutile. Qu'on le rende transparent, qu'on le rende efficace, oui ; qu'on l'arrête, non."
Pourquoi avoir attendu jusqu'à maintenant pour modifier ça ?
- "Comme quoi la manoeuvre de diversion fonctionne ! Par rapport à des questions qui sont d'une autre nature et qui sont à poser à d'autres personnes - que je ne commenterai pas parce que nous sommes dans un processus judiciaire -, on essaye, en quelque sorte, d'accuser le Gouvernement d'aujourd'hui."
Non, pas du tout, je vous pose la question.
- "C'est un système qui fonctionne depuis longtemps et qui globalement fonctionne bien. Il n'y a qu'un seul élément qui est peu satisfaisant : l'utilisation de ces fonds secrets dépend de la moralité personnelle et individuelle de ceux qui les utilisent. D'une manière générale, c'est bien fait. Peut-être que parfois ..."
M. Alliot-Marie vous a accusés hier de deux mots précis : "dilatoire" et "hypocrite", alors que vous refusiez leur suppression immédiate au lieu de commander un rapport qui ne trouvera effet que dans huit mois et qui permettra à M. Jospin, et à vous, tous les ministres, d'engranger de l'argent pendant ce temps-là ?
- "Je lui réponds : basse manoeuvre de diversion de sa part."
Sur la politique économique : vous avez été ministre de l'Economie et des Finances. Le ralentissement actuel de la croissance est quand même assez important ; est-ce qu'il ne justifierait pas que tout soit mis au service de la croissance, c'est-à-dire qu'il y ait vraiment une inflexion de la politique économique ?
- "Deux mots de commentaire sur ce point : comme vous l'avez souligné, j'ai été ministre de l'Economie et des Finances à un moment où la croissance est passée de 3 % à 1 %, puis à 0,5 %. La situation était alors très difficile parce que c'était un vrai ralentissement, une cassure dans la croissance. Nous ne sommes pas aujourd'hui dans une situation de cassure. Nous sommes dans une situation de ralentissement objectif mais pas de cassure. J'aurais aimé, à l'époque, avoir 2,4 % ou 2,5 % de croissance. Tout ceci pour relativiser. Néanmoins, il s'agit d'un phénomène réel qui nécessite qu'on y fasse attention. Oui, il faut prendre des mesures et la meilleure des mesures est de continuer un type de politique qui a été fait pour être efficace aussi bien en période de forte croissance qu'en période de moins grande croissance."
C'est-à-dire ?
- "C'est-à-dire, budgétairement, des maîtrises des dépenses."
Vous voulez dire "équilibre" ?
- "Oui, une maîtrise des dépenses. C'est-à-dire des dépenses qui ne se mettent pas à augmenter fortement en forte croissance et à diminuer en faible croissance. Une maîtrise et un niveau des dépenses qui permet d'alimenter l'économie et qui permet aussi d'alimenter le pouvoir d'achat des Français par, par exemple, la prime à l'emploi. Par ailleurs, une recherche de diminution du déficit - même si ce sera plus difficile aujourd'hui -, parce que je pense que c'est en diminuant le déficit qu'on obtiendra de la Banque centrale européenne qu'elle baisse elle-même les taux."
Sur la fonction publique, le Conseil d'orientation des retraites préconise un alignement, ou du moins, pense qu'un alignement du temps de travail des fonctionnaires et des salariés du privé ne serait pas mauvais, que 40 ans pour tout le monde, ce serait mieux que ce qui existe actuellement.
- "Ce Conseil d'orientation des retraites fait un extraordinaire travail. Il a été mis là pour ça - si je puis dire - par L. Jospin et par moi-même, puisque j'ai participé à la mise en place de ce conseil. Ce travail consiste à regarder toutes les hypothèses permettant de maintenir un système de solidarité des retraites pour tous les Français, y compris pour les fonctionnaires. Donc, il regarde toutes les hypothèses. Dans ces hypothèses, il y a forcément et naturellement un allongement des cotisations pour les fonctionnaires. Ce n'est pas la seule hypothèse ; il y en a beaucoup d'autres, qui, aujourd'hui, sont examinées par tout le monde, y compris par les organisations syndicales membres de ce comité d'orientation des retraites. Il faudra bouger dans ce domaine. Comment ? Avec quelles contreparties ? Dans quel cadre ? Je n'en sais rien. C'est au comité d'orientation des retraites de nous faire des propositions. Mais il y a une chose dont je suis certain, c'est qu'on ne réglera pas le problème de l'avenir des retraites des Français en montrant du doigt les fonctionnaires, comme si c'était une catégorie à part."
On vous a entendu cette semaine préconiser la simplification du langage administratif. Cela m'a fait rire parce que depuis Courteline - cela fait quand même un moment - combien ont essayé avant vous !
- "Vous pouvez même remonter au-delà. Celui qui a commencé le premier et de la manière la plus efficace, c'est François 1er, lorsque par l'édit de Villers-Cotterêts, il a voulu qu'on passe du latin au "français maternel" - c'est le terme qu'il utilisait."
Cela ne s'est pas arrangé ! Cela s'est bien dégradé depuis !
- "Je souhaite que l'on passe aujourd'hui du latin administratif au français langue maternelle de tous les usagers"
Vous avez une chance d'y parvenir ?
- "Je l'espère."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 6 juillet 2001)