Texte intégral
Interview au Parisien le 5 juin :
Q - Le débat de ratification du Traité de Nice s'ouvre à l'Assemblée mardi. La grande majorité des observateurs a qualifié ce sommet d'échec ?
R - A Nice, nous avons rempli notre contrat : réformer les institutions pour pouvoir élargir à terme l'Union de 15 à 27 membres. C'était l'essentiel. Sans doute, nous aurions souhaité aller plus loin sur certains autres dossiers : resserrer la Commission européenne pour la rendre plus efficace ou encore étendre le vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil des ministres, notamment aux questions fiscales et sociales. Mais, au total, c'est le meilleur traité possible dans l'état actuel de l'Union. Il faut donc ratifier Nice sans états d'âme
Q - Le discours de Lionel Jospin sur l'Europe a été accueilli froidement par nos partenaires, le Premier ministre est-il un européen convaincu ?
R - Oui. Il est européen, profondément. Certains ont prétendu qu'il n'avait rien à dire sur le sujet. Il a prouvé le contraire. Son discours reprend et met en cohérence un grand nombre de concepts fondamentaux défendus par des Européens aussi convaincus que Jacques Delors ou Joschka Fischer : élaboration d'une Constitution européenne, intégration de la charte des droits fondamentaux dans cette Constitution, nouvelle désignation du président de la commission, réforme du mode de scrutin pour les élections européennes Si la contribution de Lionel Jospin au débat est jugée tiède, frileuse, c'est que les mots n'ont aucun sens.
Q - Il a tout de même rappelé qu'il était attaché au concept de la nation, ce qui pour les europhiles n'est pas bon signe.
R - Si le simple fait de prononcer le mot "nation" dans un discours fait de vous un eurosceptique, c'est préoccupant. Oui, nous sommes des Européens, mais nous ne sommes pas des eurolâtres. Nous ne faisons pas de surenchère dans la démagogie comme François Bayrou. L'Europe est une construction originale qui développe des éléments fédératifs tout en respectant les Etats Nations. Personnellement je n'ai pas envie que la France devienne l'Allemagne, le Texas ou la Californie.
Q - Craignez-vous des difficultés lors de la mise en place de l'euro ?
R - Non. Il n'y aura pas plus de "bogue" de l'euro qu'il n'y a pas eu de bogue de l'an 2000.
La France n'est pas en retard dans sa préparation. Cela dit, il ne faut pas négliger l'effet psychologique, par nature impalpable. Il y a un changement d'habitude qui peut être particulièrement déstabilisant. Perdre sa monnaie nationale peut être vécu par certains comme un deuil. C'est une vraie part d'inconnu. J'imagine que les souverainistes de tout poil essayeront de jouer sur ces peurs pour militer contre l'Europe. A nous d'être efficaces, pédagogues et rassurants./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 juin 2001)
Extraits de l'interview à FR3 :
Q - On va beaucoup parler d'Europe aujourd'hui à l'Assemblée nationale en raison du débat sur la ratification du Traité de Nice qui a été signé en décembre après le sommet que présidait la France. On a entendu à l'époque beaucoup de critiques de personnes qui trouvaient que ce n'était pas assez ou que c'était trop. Aujourd'hui, allez-vous avoir un débat serein, houleux ou fade ?
R - Je dirai un débat serein parce que tout le monde est bien conscient qu'il faut ratifier ce traité. Je rappelle que c'est un traité qui permet de réviser et de réformer les institutions européennes avant l'élargissement de l'Union européenne, car, c'est vrai, le système de décision actuel fonctionne mal. Il fallait le réformer. Nous aurions aimé aller plus loin dans les réformes, nous en avons été empêchés parce qu'en Europe, il faut décider à Quinze. Nous avons dû trouver des compromis qui, par exemple, nous ont empêchés de soumettre beaucoup de matières au vote à la majorité qualifiée. Prenons l'exemple du social : on sait bien que l'on est bloqué si tout le monde est contraint à l'unanimité. Il faut un vote à la majorité qualifiée mais certains - les Britanniques - ne l'on pas voulu. On aurait aimé aller plus loin, mais je crois que tel quel, c'est un traité qui est le meilleur traité possible dans l'état de l'Union. Ensuite, il faudra améliorer l'état de l'union de l'Europe. C'est pour cela que je souhaite qu'aujourd'hui il soit ratifié - je pense qu'il le sera - afin que par la suite on puisse lancer un grand débat sur l'avenir de l'Europe auquel Lionel Jospin a contribué la semaine dernière.
()
Q - L'euro naît dans plus de 200 jours maintenant. Va-t-on dans le mur ou est-ce une marche lente qui aboutira ? Il y a quand même beaucoup de gens sceptiques qui préféreraient se contenter de chèques par exemple.
R - Nous avons fait le choix : l'euro est déjà notre monnaie et nous devons, l'an prochain, parachever l'avènement de l'euro en passant aux billets et aux pièces en euros.
Je pense qu'il n'y a pas de problème technique majeur, si les entreprises se mobilisent. Il faut notamment que les PME et les petites entreprises se mobilisent assez vite. Il n'y aura pas de bogue de l'euro, pas davantage qu'il n'y a eu de bogue de l'an 2000. Ce sera une réussite technique, j'en ai la conviction. En revanche, c'est vrai qu'il y a un aspect de choc psychologique ; renoncer à une monnaie, on l'a vu en 1958, n'est pas chose facile. Il faut donc poursuivre une action d'information, de conviction. Il faut bien que les Français soient conscients que nous faisons l'euro, non pas pour le plaisir, mais pour avoir plus de puissance, plus de stabilité, pour avoir une monnaie qui pèse dans le monde, pour être une puissance économique et une puissance politique. On voit d'ailleurs dès aujourd'hui que cela nous a apporté des bienfaits de stabilité : baisse des taux d'intérêt, plus d'investissements, plus de croissance.
Q - Pensez-vous que l'Europe peut contribuer à trouver la paix au Proche-Orient ? On sent qu'il y a des tentatives de cessez-le-feu très précaires ? L'Europe peut-elle aider ou est-elle complètement impuissante ?
R - C'est vrai que nous sommes au bord de la guerre et que maintenant, il faut faire stopper le terrorisme et ensuite, reprendre le dialogue. L'Europe est l'un des protagonistes qui permet d'engager ce dialogue. Le ministre des Affaires étrangères allemand, Joschka Fischer, était à Tel Aviv, il est aujourd'hui au Caire, nous avons une diplomatie active, nous faisons passer des messages aux uns et aux autres, nous leur disons de prendre leurs responsabilités, d'arrêter la violence. Il faut que les Américains retrouvent leur rôle traditionnel au Proche-Orient car le désengagement de l'administration américaine n'est pas une bonne chose. Il faut que les Européens et les Américains travaillent ensemble, bref que nous fassions passer des messages. Il faut arrêter alors que nous sommes au bord du gouffre./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 juin 2001)
Q - Le débat de ratification du Traité de Nice s'ouvre à l'Assemblée mardi. La grande majorité des observateurs a qualifié ce sommet d'échec ?
R - A Nice, nous avons rempli notre contrat : réformer les institutions pour pouvoir élargir à terme l'Union de 15 à 27 membres. C'était l'essentiel. Sans doute, nous aurions souhaité aller plus loin sur certains autres dossiers : resserrer la Commission européenne pour la rendre plus efficace ou encore étendre le vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil des ministres, notamment aux questions fiscales et sociales. Mais, au total, c'est le meilleur traité possible dans l'état actuel de l'Union. Il faut donc ratifier Nice sans états d'âme
Q - Le discours de Lionel Jospin sur l'Europe a été accueilli froidement par nos partenaires, le Premier ministre est-il un européen convaincu ?
R - Oui. Il est européen, profondément. Certains ont prétendu qu'il n'avait rien à dire sur le sujet. Il a prouvé le contraire. Son discours reprend et met en cohérence un grand nombre de concepts fondamentaux défendus par des Européens aussi convaincus que Jacques Delors ou Joschka Fischer : élaboration d'une Constitution européenne, intégration de la charte des droits fondamentaux dans cette Constitution, nouvelle désignation du président de la commission, réforme du mode de scrutin pour les élections européennes Si la contribution de Lionel Jospin au débat est jugée tiède, frileuse, c'est que les mots n'ont aucun sens.
Q - Il a tout de même rappelé qu'il était attaché au concept de la nation, ce qui pour les europhiles n'est pas bon signe.
R - Si le simple fait de prononcer le mot "nation" dans un discours fait de vous un eurosceptique, c'est préoccupant. Oui, nous sommes des Européens, mais nous ne sommes pas des eurolâtres. Nous ne faisons pas de surenchère dans la démagogie comme François Bayrou. L'Europe est une construction originale qui développe des éléments fédératifs tout en respectant les Etats Nations. Personnellement je n'ai pas envie que la France devienne l'Allemagne, le Texas ou la Californie.
Q - Craignez-vous des difficultés lors de la mise en place de l'euro ?
R - Non. Il n'y aura pas plus de "bogue" de l'euro qu'il n'y a pas eu de bogue de l'an 2000.
La France n'est pas en retard dans sa préparation. Cela dit, il ne faut pas négliger l'effet psychologique, par nature impalpable. Il y a un changement d'habitude qui peut être particulièrement déstabilisant. Perdre sa monnaie nationale peut être vécu par certains comme un deuil. C'est une vraie part d'inconnu. J'imagine que les souverainistes de tout poil essayeront de jouer sur ces peurs pour militer contre l'Europe. A nous d'être efficaces, pédagogues et rassurants./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 juin 2001)
Extraits de l'interview à FR3 :
Q - On va beaucoup parler d'Europe aujourd'hui à l'Assemblée nationale en raison du débat sur la ratification du Traité de Nice qui a été signé en décembre après le sommet que présidait la France. On a entendu à l'époque beaucoup de critiques de personnes qui trouvaient que ce n'était pas assez ou que c'était trop. Aujourd'hui, allez-vous avoir un débat serein, houleux ou fade ?
R - Je dirai un débat serein parce que tout le monde est bien conscient qu'il faut ratifier ce traité. Je rappelle que c'est un traité qui permet de réviser et de réformer les institutions européennes avant l'élargissement de l'Union européenne, car, c'est vrai, le système de décision actuel fonctionne mal. Il fallait le réformer. Nous aurions aimé aller plus loin dans les réformes, nous en avons été empêchés parce qu'en Europe, il faut décider à Quinze. Nous avons dû trouver des compromis qui, par exemple, nous ont empêchés de soumettre beaucoup de matières au vote à la majorité qualifiée. Prenons l'exemple du social : on sait bien que l'on est bloqué si tout le monde est contraint à l'unanimité. Il faut un vote à la majorité qualifiée mais certains - les Britanniques - ne l'on pas voulu. On aurait aimé aller plus loin, mais je crois que tel quel, c'est un traité qui est le meilleur traité possible dans l'état de l'Union. Ensuite, il faudra améliorer l'état de l'union de l'Europe. C'est pour cela que je souhaite qu'aujourd'hui il soit ratifié - je pense qu'il le sera - afin que par la suite on puisse lancer un grand débat sur l'avenir de l'Europe auquel Lionel Jospin a contribué la semaine dernière.
()
Q - L'euro naît dans plus de 200 jours maintenant. Va-t-on dans le mur ou est-ce une marche lente qui aboutira ? Il y a quand même beaucoup de gens sceptiques qui préféreraient se contenter de chèques par exemple.
R - Nous avons fait le choix : l'euro est déjà notre monnaie et nous devons, l'an prochain, parachever l'avènement de l'euro en passant aux billets et aux pièces en euros.
Je pense qu'il n'y a pas de problème technique majeur, si les entreprises se mobilisent. Il faut notamment que les PME et les petites entreprises se mobilisent assez vite. Il n'y aura pas de bogue de l'euro, pas davantage qu'il n'y a eu de bogue de l'an 2000. Ce sera une réussite technique, j'en ai la conviction. En revanche, c'est vrai qu'il y a un aspect de choc psychologique ; renoncer à une monnaie, on l'a vu en 1958, n'est pas chose facile. Il faut donc poursuivre une action d'information, de conviction. Il faut bien que les Français soient conscients que nous faisons l'euro, non pas pour le plaisir, mais pour avoir plus de puissance, plus de stabilité, pour avoir une monnaie qui pèse dans le monde, pour être une puissance économique et une puissance politique. On voit d'ailleurs dès aujourd'hui que cela nous a apporté des bienfaits de stabilité : baisse des taux d'intérêt, plus d'investissements, plus de croissance.
Q - Pensez-vous que l'Europe peut contribuer à trouver la paix au Proche-Orient ? On sent qu'il y a des tentatives de cessez-le-feu très précaires ? L'Europe peut-elle aider ou est-elle complètement impuissante ?
R - C'est vrai que nous sommes au bord de la guerre et que maintenant, il faut faire stopper le terrorisme et ensuite, reprendre le dialogue. L'Europe est l'un des protagonistes qui permet d'engager ce dialogue. Le ministre des Affaires étrangères allemand, Joschka Fischer, était à Tel Aviv, il est aujourd'hui au Caire, nous avons une diplomatie active, nous faisons passer des messages aux uns et aux autres, nous leur disons de prendre leurs responsabilités, d'arrêter la violence. Il faut que les Américains retrouvent leur rôle traditionnel au Proche-Orient car le désengagement de l'administration américaine n'est pas une bonne chose. Il faut que les Européens et les Américains travaillent ensemble, bref que nous fassions passer des messages. Il faut arrêter alors que nous sommes au bord du gouffre./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 juin 2001)