Déclaration de Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, sur les orientations du gouvernement concernant la politique agricole et la politique de l'environnement, à Paris le 27 septembre 2012.

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Circonstance : Conférence organisée par le Forum de l’agriculture raisonnée et respectueuse de l’environnement(FARRE) et les membres de France Nature Environnement (FNE), Paris le 27 septembre 2012

Texte intégral

« Agriculture-environnement : de la crispation à la médiation »
En guise de conclusion, je voulais saluer cette initiative très innovante et très originale qui correspond à l’état d’esprit de ce que doit être le dialogue environnemental et de ce que doit être un nouveau partenariat écologique.
L’ensemble de ce que je vais vous dire, je le dis aussi bien en mon nom qu’en celui de Stéphane Le Foll, qui vous avait adressé un message ce matin. L’état d’esprit qui prévaut dans vos travaux est le même au gouvernement, sans crispation. C’est-à-dire que l’on est aujourd’hui vraiment dans la volonté, ministère de l’Ecologie et ministère de l’Agriculture, de travailler ensemble sur un certain nombre de nouvelles orientations pour la politique agricole et pour la politique de l’environnement, main dans la main. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas parfois des débats, des arbitrages, mais on est vraiment dans cet état d’esprit. Et c’est quelque chose de très important.
Je suis aussi au départ une élue de terrain dans un département rural qui est celui des Deux-Sèvres, je suis petite-fille d’agriculteurs et donc je sais aussi, sans avoir la prétention de tout savoir sur tout, que le monde agricole, ce n’est pas une réalité unique. Il y a des agricultures et aujourd’hui il y a une situation d’urgence dans le monde agricole qui est celui du maintien des exploitations, qui est celui du fait que nos agriculteurs puissent vivre de leur travail, qu’ils sont aujourd’hui pour beaucoup d’entre eux, en particulier dans le secteur de l’élevage, victimes aussi de phénomènes spéculatifs sur les cours des céréales. Donc, il ne faut pas avoir une vision simpliste ou caricaturale ou d’oppositions qui sont parfois trop faciles. Je pense qu’un des enjeux de vos réflexions, c’est aussi de trouver le chemin pour dire qu’il y a un avenir pour l’agriculture française à partir d’un nouveau modèle qu’il faut aujourd’hui inventer et bâtir ensemble. C’est un peu la conviction que l’on a affirmée fortement dans la Conférence environnementale, qui vaut pour tout, mais qui vaut aussi en matière de politique agricole, c’est que l’ambition de faire de la France la nation de l’excellence environnementale, ce n’est pas une contrainte, ce n’est pas un frein au développement. Ce doit être au contraire un puissant levier, et notamment c’est un levier qui doit permettre à nos agriculteurs de vivre mieux, d’avoir plus de valeur ajoutée dans leurs productions, de défendre aussi un avantage compétitif pour l’agriculture française sur la scène internationale.
Je disais ne pas avoir de vision caricaturale. C’est vrai qu’il y a eu des progrès accomplis ces dernières années, qui sont réels, qui méritent d’être salués même s’ils sont encore très insuffisants. On le voit avec la situation des algues vertes. On le voit avec le fait que les objectifs du plan Ecophyto n’ont pas du tout été atteints et qu’au contraire l’utilisation de pesticide a augmenté. L’orientation structurante que Stéphane Le Foll a présentée dans la conférence environnementale, dans la table ronde sur la biodiversité, c’est celle du verdissement de la politique agricole commune, c’est celle de l’ouverture aussi du comité national qui engage les réflexions sur ce verdissement et sur cette politique à des horizons plus larges, en termes de consultations et de participations démocratiques. C’est un nouveau plan pour l’agriculture biologique avec l’ambition que l’on ne soit plus dans cette situation absurde où la France importe une bonne partie des produits bio et ne permette pas de satisfaire la croissance de la demande intérieure en produits biologiques. C’est le fait de percevoir l’environnement et le progrès écologique comme une opportunité et non comme une contrainte.
Concernant les pesticides, je rappelle que l’évaluation du plan Ecophyto doit être réalisée d’ici la fin de l’année. Je voulais saluer d’ailleurs l’implication de France nature environnement dans la gouvernance de ce plan Ecophyto. Il y a énormément de progrès à accomplir. Il faut avoir aussi une approche qui permette d’accompagner les agriculteurs dans les évolutions en faisant appel à une approche scientifique, une approche agronomique. Le ministère de l’Ecologie va s’investir très fortement sur la mise au point d’accompagnement des changements des pratiques, c’est notamment ce que l’on fait déjà avec la politique de l’eau. Il faut soutenir les démarches exemplaires, vous l’avez dit dans vos conclusions.
Concernant la politique de l’eau, c’est aussi un sujet très important dont je sais qu’il vous tient à coeur. La France est aujourd’hui très loin des obligations qui sont les siennes par rapport à la directive cadre européenne qui exige un bon état écologique de deux tiers des masses d’eau d’ici 2015. C’est la raison pour laquelle, d’une part, j’ai obtenu dans le cadre du 10e programme un renforcement des moyens d’intervention des agences de l’eau avec une priorité sur l’amélioration de l’état des masses d’eau. D’autre part je souhaite conduire un bilan de la politique de l’eau, avec l’appui du Comité national de l’eau, pour aller vers une feuille de route pour la politique de l’eau par rapport à la directive DCE 2015, qui serait élaborée d’ici le mois de juin 2013. Avec Stéphane Le Foll, nous allons aussi lancer une mission concernant les enjeux liés à l’irrigation. C’est un sujet sur lequel nous avons régulièrement échangé. Il y a avait des décrets en préparation qui prévoyaient que la création de retenues de substitution ne serait pas soumise à enquête publique. C’était un peu la réponse magique qui était apportée au problème de la sécheresse, qui est un problème réel. Je pense que nous sommes tous conscients que l’agriculture a besoin d’eau. C’est élémentaire et fondamental.
Mais en même temps, il faut porter je pense un nouveau regard sur les enjeux liés à l’irrigation. Donc il y a un travail qui va s’engager dans le même esprit que la médiation qui a eu lieu aujourd’hui, chacun devra pouvoir participer et c’est quelque chose d’important.
Sur les algues vertes, j’avais déjà eu l’occasion d’évoquer le processus de Charte de territoire qui a été mis en place sur les 8 baies, dont vous savez que 5 sont finalisés, 2 devraient l’être prochainement et 2 où l’on constate par contre un échec des processus de concertation et dont j’avais réaffirmé la nécessité que l’Etat puisse recourir aux outils réglementaires existants pour agir, c’est-à-dire à des zones soumises à contrainte environnementale dans ces territoires. C’est une bonne politique que de dire : là où le partenariat avance dans la bonne direction, où les concertations aboutissent, on joue jusqu’au bout le jeu de cette concertation. Là où les situations sont bloquées, à ce moment là, l’Etat doit prendre ses responsabilités. Cette question des algues vertes renvoie fondamentalement à la question du modèle agricole français. C’est la volonté de Stéphane Le Foll de promouvoir de nouveaux modèles agricoles, en cherchant à dépasser un débat sous-jacent qui est celui qui opposait de façon parfois un peu caricaturale, les tenants d’une agriculture moderne, productive avec l’ambition de produire pour répondre à l’ensemble des besoins alimentaires, et les tenants d’un modèle environnemental qui seraient opposés à ce modèle et à cette ambition productive et à cette vision moderne, comme une sorte de retour en arrière ou qui fait référence à la notion de décroissance qui existe dans le référentiel du débat publique.
Je suis profondément convaincue que l’avenir c’est un modèle nouveau autour d’une agriculture écologiquement intensive. Il y a beaucoup de recherches agronomiques modernes qui permettent d’accomplir des progrès considérables, en réduisant de façon importante l’usage des pesticides, en faisant appel à l’agroforesterie, en revoyant complètement les techniques de travail du sol. Il faut réussir à entraîner l’ensemble du monde agricole dans ce nouveau modèle, non pas en le présentant comme un retour en arrière mais comme un nouveau progrès agronomique faisant appel à beaucoup de recherches qui n’ont pas ces dernières années été généralisées et qui n’ont pas donné lieu aux évolutions nécessaires de la politique agricole. C’est le nouveau modèle sur lequel travaille Stéphane Le Foll avec sa notion notamment de groupements, permettant, de la même façon que cela a été fait pour le matériel agricole, aux agriculteurs de se regrouper autour de la gestion commune des exploitations.
Le deuxième point de convergence très important entre les ambitions environnementales et la défense d’un avenir pour l’agriculture française, c’est le problème de l’artificialisation des sols. Cela a été vraiment quelque chose de très important dans la conférence environnementale de constater la convergence qu’il y a face à l’artificialisation des sols qui conduit à ce qu’en moyenne tous les 7 ans, l’équivalent d’un département français d’espaces agricoles et d’espaces naturels disparait. Il y a aujourd’hui une vision qui peut être commune, qui peut être conjointe pour essayer de protéger les espaces agricoles et les espaces naturels.
Ce n’est pas une conclusion mais ce sont les quelques mots que je voulais vous dire sur ce que sont les orientations du gouvernement par rapport aux réflexions, aux crispations et aux discussions que vous avez eues aujourd’hui et qui vont se prolonger.
Source www.delacrispationalamediation.net, le 16 novembre 2012