Déclaration de Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, sur les relations économiques et commerciales à développer avec les pays du sud-est asiatique, notamment les Philippines, Paris le 25 octobre 2012.

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Circonstance : Colloque sur les pays du sud-est asiatique (ASEAN), au Sénat le 25 octobre 2012

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Directeur Général,
Mesdames, Messieurs,


Hasard du calendrier, j'accompagnais, la semaine dernière, le Premier Ministre à Singapour et aux Philippines.

Nous avons emmené avec nous une délégation d'entreprises, dont une majorité de PME, sélectionnées par Ubifrance et les Services économiques.

Je sais que c'est utile : nombre des PME qui nous accompagnaient, Jean-Marc Ayrault et moi (certaines sont d'ailleurs dans cette salle), ont noué des contacts fructueux et tissé des liens avec leurs partenaires singapouriens et philippins.

C'est essentiel, car si nos grands contrats représentent 30 milliards d'euros, 400 des 430 que représentent nos exportations sont le fruit d'un commerce courant où, certes, les grands groupes sont présents mais où les PME et les ETI jouent un rôle majeur. Là gisent nos relais de croissance pour l'avenir.

Vous comprendrez, alors que le Premier Ministre m'a assigné l'objectif de revenir à l'équilibre de notre commerce extérieur en cinq ans hors énergie (il me faut donc trouver 26 milliards), que je sois particulièrement attachée au rôle à l'export des PME et des ETI.

Je souhaite concentrer mon action sur les zones géographiques que j'estime porteuses. Evidemment, les CIVETS en font partie, qui comprennent l'Indonésie et le Vietnam.

Au-delà du terme générique, je souhaite prendre en compte les pays émergents de taille intermédiaire dont les Philippines font partie, c'est indiscutable et je l'ai constaté. Dès lors, l'ASEAN est pour moi un enjeu majeur pour atteindre mon objectif.

Je suis présente parmi vous aujourd'hui pour témoigner de mon engagement à faire de cette région une priorité majeure de mon action.

Pourquoi ?

1 / des économies en croissance, une présence française en progrès.

La croissance attendue de l'ASEAN en 2012 devrait être de 5%. Même s'il nous faut différencier ce qui relève de l'ASEAN-6 (les principaux pays émergents de la zone), c'est bien l'ensemble des pays de l'ASEAN, les dix pays, qui représentent des opportunités.

Nos exportations vers l'ASEAN, ce sont près de 11 milliards d'euros.

Notre part de marché n'est que de 1,5%. C'est bien entendu moins que notre moyenne mondiale, mais cela doit être comparé avec ce que représente la zone pour nos partenaires. La part de marché allemande n'est que de 2,5%.

Surtout, nous sommes, justement du fait que nous en faisons une priorité et avons encore des espaces de conquête, sur des marchés porteurs, en croissance, et où nous pouvons nous implanter durablement et générer des courants d'affaires.

C'est important car nous sommes, avec plusieurs de ces pays, en situation d'excédents.

Singapour est un des dix premiers excédents mondiaux de la France. Au-delà, ces marchés sont très ouverts, et ceux dont l'ouverture est récente (je pense aux Philippines et à l'Indonésie, par exemple) constituent des opportunités majeures.

J'ai pour objectif de sortir, justement, de notre trop forte concentration géographique sur Singapour (près de la moitié de nos exportations totales, dont une partie est réacheminée car Singapour est un des hubs mondiaux).

Cela ne veut pas dire faire moins à Singapour, mais bien entendu faire plus ailleurs. Nous y reviendrons, mais l'Indonésie, la Birmanie, le Vietnam constituent pour nos entreprises d'importants potentiels.

En outre, nous devons diversifier nos exportations sur le plan sectoriel.

Aujourd'hui, nos exportations aéronautiques vers cette zone sont importantes, et je m'en réjouis.

Le Premier Ministre a d'ailleurs favorisé la vente de 64 Airbus, ce qui n'est pas rien lorsqu'on sait que chaque avion vendu représente un gain net de 20 à 40 millions d'euros pour notre commerce extérieur. Singapore Airlines vient, hier, de confirmer l'achat de 15 Airbus dont 5 A380. Je ne peux m'empêcher de faire le lien entre ce contrat et la visite de Jean-Marc Ayrault, alors que la dernière commande de la compagnie était 100% Boeing.

C'est pourquoi il est essentiel d'emmener avec nous des entreprises. Aux Philippines, le Premier Ministre et moi étions accompagnés, par exemple, d'une PME française, Matière, qui intervient dans la construction d'infrastructures, de ponts. Qui connaît le pays mesure les opportunités dans ce domaine. Nous avons aussi voyagé avec Delta Dore, une entreprise qui travaille dans la climatisation des bâtiments et dont les performances sont remarquables.

Les grands contrats sont essentiels. Ils le sont économiquement. Comme je l'ai dit, un contrat Airbus est bénéfique pour l'ensemble d'un écosystème économique (à Toulouse, Saint-Nazaire, Mérignac).

Ils le sont aussi, serai-je tentée de dire, stratégiquement. Ce sont des têtes de ponts qui nous permettent de prendre pied et d'implanter derrière nos entreprises, PME et ETI. J'évoquais Delta Dore : l'entreprise a bénéficié du portage de Bouygues sur le chantier du complexe du Sportshub de Singapour, que j'ai visité.

2 / des pays où vendre la marque France

Certains ont ergoté sur le choix de Singapour et des Philippines. Etait-ce bien pertinent, pour le Premier Ministre, de se rendre dans ces pays ?

Etait-ce bien pertinent, en effet, de vendre 64 Airbus, c'est-à-dire de l'emploi pour toute une filière, à Toulouse et ailleurs ?

Etait-ce bien pertinent, en effet, d'être désormais le seul pays au monde, avec les Etats-Unis, à disposer d'un accord stratégique avec Singapour, une des économies les plus ouvertes du monde ?

Etait-ce bien pertinent, en effet, de se rendre dans le seul pays du monde de 100 millions d'habitants, les Philippines, où jamais un chef de gouvernement français ne s'était rendu, suscitant ainsi l'enthousiasme et la reconnaissance ?

Ce sont des pays où se déroule une lutte d'influences. Les Etats-Unis promeuvent un accord trans-pacifique (Trans Pacific Partnership), la Chine tente de phagocyter certains pays. Et nous devrions les négliger ?

Nous avons au contraire soutenu, avec le Premier Ministre, lors de nos entretiens sur place, la conclusion d'accords de libre-échange avec l'Union Européenne.

Singapour pourrait être signé avant la fin de l'année. D'autres devraient suivre. Les travaux de « paramétrage », c'est le terme en usage, sont en cours. Ces ALE, dès lors qu'ils respecteront les principes d'une réciprocité effective, seront de véritables éléments de dynamisation de nos exportations.

Il y a une mode, en France. Elle passera comme passent les modes. Le Premier Ministre, lui, avec abnégation, avec courage, poursuit sa mission de relèvement de notre économie, de relèvement de notre pays.

La vérité, c'est qu'en établissant ainsi des relations privilégiées, nous créons un cadre favorable pour l'économie française. Nous promouvons, c'est notre rôle aussi, c'est particulièrement le mien, la marque France.

Dans l'ASEAN, certains pays ont des besoins d'infrastructures primaires. Je pense, bien entendu, à la Birmanie, mais aussi aux Philippines, où nous étions, au Laos, à l'Indonésie.

D'autres pays, plus matures, offrent des marchés de niche, très technologiques, où nous entreprises ont toute leur place, je pense à la Malaisie, à Singapour.

Plusieurs filières, dès lors, me paraissent prioritaires, le BTP, j'en parlais en citant Matière, la ville durable (et les mobilités urbaines), les énergies renouvelables, la santé…

Sur ces marchés, la France, sa réputation, la qualité de nos produits et de nos entreprises, constituent des atouts.

En outre, l'émergence progressive, et encore en cours, d'une classe moyenne conduit les populations locales à consommer plus. Et à développer une forte envie de biens de consommation. C'est une opportunité pour notre industrie du luxe, et j'étais hier avec le Comité Colbert, pour les arts de la table (j'ai visité une superbe exposition à Singapour), pour notre filière vins et spiritueux où Singapour et l'Indonésie sont d'importants marchés.

Aujourd'hui, Hermès et Roche-Bobois, par exemple, sont installés aux Philippines. Etienne Cochet, qui faisait partie de la délégation et que je commence à bien connaître puisqu'il m'a accueilli à Maisons et Objets cette année, ambitionne de mettre en place, dès 2014, un salon équivalent à Singapour. Il est dans la salle. Il connait les opportunités offertes. Ce sera, pour notre savoir-faire, une vitrine exceptionnelle.

3 / un dispositif public qui accompagne cette montée en puissance

Il ne suffit pas de décréter une priorité pour qu'elle se décline. Je ne suis pas adepte de la pensée magique. Nous avons, et nous allons, renforcé notre dispositif au sein de l'ASEAN.

Déjà, après notre visite avec le Premier Ministre, le Président de la République se rendra au Sommet de l'ASEM. Il y sera le seul chef d'Etat européen.

J'ai dit toute l'importance qu'il fallait attacher à ces rencontres de haut niveau ; les pays, comme les hommes, ont besoin de marque de considération. L'amitié se prouve.

Ensuite, avec l'ouverture d'un bureau aux Philippines en janvier 2012, 64 personnes d'Ubifrance sont désormais au service des entreprises dans nos différents bureaux.

Et je vous annonce ce midi que j'ai décidé la création d'un nouveau bureau Ubifrance à part entière en Birmanie.

Il faut accompagner le renouveau démocratique de ce pays, soutenir la transition à l'oeuvre, comme le Président de la République l'a affirmé lors de la venue d'Aung San Suu Kiy en France au mois de juin.

L'ouverture du bureau d'Ubifrance intervient, dans un contexte budgétaire que vous connaissez, quatre mois après la réouverture du service économique dans ce pays. C'est le signe du pari que nous faisons sur la Birmanie.

Aujourd'hui, la Birmanie ce ne sont que 17,5 millions d'euros d'exportations. Pour un pays de 60 millions d'habitants où la démocratie s'installe, où, je n'en doute pas, le progrès social suivra, l'opportunité pour nos entreprises est grande.

En juillet, le MEDEF a organisé une première délégation en Birmanie. Dans son sillage, de nombreuses entreprises y retournent : des grands groupes (comme Technip, Lafarge ou Bouygues), mais aussi des PME (comme Vergnet), des cabinets d'ingénierie (comme Artélia ou Egis)…

Nous ne sommes pas seuls à retrouver le chemin de la Birmanie. Les Américains, les Japonais y reprennent pied. Mais nous sommes sans aucun doute bien placés, et il faut creuser ce sillon.

Nous suivons un plan en plusieurs étapes. Après la réouverture du Service économique, après l'ouverture du bureau d'Ubifrance, nous espérons, et nous souhaitons, en 2013, le retour des soutiens financiers français quand le passé aura été soldé par le Club de Paris. Dès lors que je pourrai faire cette annonce, je me rendrai en Birmanie.

Au-delà, toute l'ASEAN est un enjeu. D'ailleurs, le réseau de la Direction Générale du Trésor, plus d'une trentaine de personnes dans cette zone, est aussi à votre service.

Je veux renforcer le soutien qu'elles peuvent, avec les agents d'Ubifrance, vous apporter. Que ce soit l'assurance-crédit ou les prêts RPE ou les dons FASEP, les pays de l'ASEAN sont peu concernés par ces dispositifs. Or, je veux vous le rappeler, la plupart de ces pays y sont éligibles. Saisissez-vous en.

J'ai, aux Philippines, signé un accord octroyant un don de 400 000 euros à une PME française dans le domaine de la production d'énergie à partir de la biomasse.

Cette priorité que j'annonce, les déplacements que je fais avec des entreprises doivent vous être utiles. Dans un mois, je demanderai aux entreprises qui nous ont accompagnés, avec Jean-Marc Ayrault, un retour sur expérience. Je souhaite que ces déplacements soient utiles, je souhaite qu'ils soient efficaces.

Ubifrance et la Direction Générale du Trésor doivent en assurer le suivi, sur des critères simples : quels partenariats noués, quels contrats décrochés ?

J'ai la conviction que l'ASEAN est une des réponses à notre déficit commercial. Ensemble, nous pouvons aller de la conviction vers la preuve. En 2013, je me rendrai en Birmanie, en Thaïlande, en Indonésie et au Vietnam.

Comptez sur moi pour y faire valoir vos projets. Je compte sur vous, sur votre esprit de conquête, pour en avoir.


Source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 30 octobre 2012