Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat, sur l'action de l'Etat pour renforcer les fonds propres des PME et leur faciliter l'accès au crédit, à Morlaix, le 26 septembre 1997.

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Circonstance : "Rencontres de l'entreprise", à Morlaix le 26 septembre 1997

Texte intégral

Qu'il me soit permis tout d'abord de remercier tous ceux qui ont contribué à rendre possible cette manifestation : notre hôte, Monsieur le Président de la CCI, les organisateurs, le journal l'entreprise, le cabinet FIDAL, nos invités, Monsieur le Président de la BDPME, Monsieur le responsable du programme PME de la Caisse des Dépôts et Consignations, Monsieur le Président de l'Association Française des Investisseurs en capital.
Tout le monde s'accorde aujourd'hui sur le constat suivant : les petites et moyennes entreprises sont un des atouts majeurs de notre économie. Elles représentent :
plus de la moitié de la production totale,
plus de 40 % des investissements productifs,
près des deux tiers des salariés du secteur productif, soit environ 8 600 000 actifs sur un total de 13 millions,
elles jouent aujourd'hui un rôle essentiel dans la création d'emplois. Même si cette présentation a quelque chose d'un peu caricatural, ce sont les PME qui créent l'emploi depuis plus de 10 ans,
de plus, la très grande majorité des PME sont implantées dans les communes petites et moyennes. Elles constituent de ce fait un levier essentiel du développement des territoires.
Pour ces raisons, il est vital qu'elles puissent se créer, se transmettre, se développer dans de bonnes conditions.
Or se développer est aujourd'hui plus complexe. Les PME doivent innover, mettre au point, fabriquer de nouveaux produits. Elles doivent aussi s'ouvrir vers de nouveaux marchés , vers de nouveaux pays. Elles ne pourront le faire qu'en pariant sur l'intelligence de leurs salariés, sur leur créativité, et d'abord sur les capacités à anticiper de leur dirigeant.
Toutes ces opérations sont souvent qualifiées d'opérations à risque. Je veux dire ici que le véritable risque pour une PME serait de ne pas se lancer dans ces nouveaux horizons. Il s'agit bien d'une "nouvelle frontière" porteuse de multiples opportunités.
Certes ces opérations sont difficiles et sans doute moins aisées à conduire pour des PME qui ne disposent pas des moyens, notamment humains, de se lancer dans cette aventure. Les PME ont besoin qu'on les aide à accéder à l'information, à mieux comprendre les enjeux de ces nouveaux territoires. Elles ont besoin de quelques repères qui leur permettront de faire les premiers pas ou de conduire d'autres pas.
Innovation et internationalisation sont mal financées. Les banques les désignent comme des opérations à risque et il faut reconnaître qu'elles n'offrent, en cas d'échec, aucune garantie. Autrement dit, le risque coûte plus cher lorsqu'il se réalise. Il arrive encore trop souvent que les PME renoncent faute de pouvoir financer ces dépenses qui ne sont pas instantanément productives.
Comme face à toute aventure nouvelle, il est légitime d'éprouver une certaine crainte de l'inconnu. Les PME sont plus vulnérables que les grandes entreprises : il est donc légitime de les aider, il est légitime de partager le risque, ce qui ne signifie pas se substituer à leur responsabilité.
Vous l'avez compris face à cet impératif mon action sera double : agir sur la culture des PME, partager le risque.
Venons-en plus précisément au thème de votre rencontre, le financement des entreprises.
Pour se financer, les PME ne disposent que de deux types de réponses : les capitaux propres et le crédit.
Cela a souvent été dit : les PME ont besoin de davantage de capitaux propres.
Certes les comparaisons internationales montrent que la situation des PME françaises n'est pas si mauvaise comparée à celle de leur consoeurs italiennes, espagnoles ou allemandes.
Durant la décennie 80, les PME n'ont pas pu améliorer leur structure financière, qui a fortement pati du retournement du cycle économique au début des années 90. Beaucoup de PME, faute de capacité de résistance, ont alors disparu.
Renforcer leur fonds propres est donc une nécessité, une leçon de l'histoire récente. Les pouvoirs publics doivent faciliter l'investissement de l'épargne dans les PME, et notamment dans celles qui ne trouvent pas spontanément les capitaux dont elles ont besoin.
Partager le risque en ce domaine, cela peut signifier favoriser par la fiscalité l'investissement dans les PME, et notamment dans celles qui n'ont besoin que de 100 à 200 000 F, et qui sont incapables d'assurer des perspectives de rentabilité très fortes.
Seule l'épargne de proximité soutenue par des avantages fiscaux peut répondre à ces besoins. Cette épargne ne se mobilisera pas spontanément, ni toute seule. On peut vouloir favoriser le développement de sa région, financer les emplois pour ses petits enfants ; on n'est pas capable pour autant de choisir la PME dans laquelle investir, on ne souhaite pas suivre le devenir de l'entreprise dans un dialogue avec son dirigeant. Une intermédiation est alors nécessaire. Il faut permettre aux associations, aux sociétés locales de capital risque (que je préférerai appeler capital investissement), de jouer ce rôle sans pénaliser fiscalement les apporteurs de fonds.
Reste qu'à certains moments de la vie de l'entreprise les pouvoirs publics peuvent intervenir plus directement. C'est le cas notamment lors de la création. Vous le savez, et j'ai beaucoup plaidé en ce sens, le gouvernement a décidé de créer une aide aux jeunes créateurs d'entreprises, dans le cadre du plan emploi-jeunes. Cette aide devrait présenter deux caractéristiques :
- ce sera probablement une avance remboursable, car s'il est légitime d'être aidé à un moment donné, cela n'est pas sans contrepartie,
- ce sera une aide liée à l'accompagnement des créateurs.
De même, d'autres dispositions fiscales viendront encourager l'investissement dans les entreprises nouvelles : je citerai notamment le report d'imposition des plus-values de cessions de droits sociaux en cas de réemploi dans les PME nouvelles.
Ce que j'ai dit de la création, je pourrai le dire de la transmission. Trop souvent le financement de la reprise, en particulier par un cadre compétent de l'entreprise, est difficile. J'ai demandé aux professionnels de me faire des propositions en ce sens. Je veux régler ce dossier dès 1998.
Faciliter l'investissement dans les PME est la mission des pouvoirs publics. Mais cela ne suffira pas à créer des flux d'investissements importants. Il faut également que les PME le souhaite. Cela suppose notamment que les dirigeants acceptent de s'ouvrir à d'autres, et de ne pas traiter les minoritaires comme des gêneurs, auxquels l'urgence commande de ne rien dire.
Les fonds propres ne peuvent assurer seuls le financement des PME, il leur faut aussi du crédit. Je l'ai dit, les PME souffrent de la difficulté de faire financer ces dépenses dites immatérielles par le système financier. Le coût du risque attaché à ces opérations n'est pas facturable aux entreprises. Faute de pouvoir le faire les banques ne prêtent pas, interdisant ainsi à l'entreprise de faire l'opération. Partager le risque en ce domaine, cela veut dire faire prendre en charge par la collectivité le surcroît de risque. C'est le rôle de la BDPME, et j'ai veillé à ce qu'elle dispose en 1998 des moyens de remplir cette mission. Ainsi le projet de loi de finances prévoit de consacrer 1 milliard à cette fin. D'autres progrès sont sans aucun doute possible en matière de garanties. Je pense aux collectivités territoriales. Le travail engagé au Ministère de l'Intérieur sur ce thème devrait permettre de rendre juridiquement plus clair et économiquement plus efficaces leurs interventions.
Si capitaux propres et crédit apparaissent comme deux formules distinctes mais complémentaires, il me semble qu'il y a place pour des formules intermédiaires. Cela concerne des apports en ressources stables, dont la rémunération devrait être plus ou moins liée à la performance de l'entreprise en contrepartie d'une moindre exigibilité. C'est le cas du produit de la BDPME, qu'a évoqué Jacques-Henri David ; mais au-delà il faut sans doute réfléchir à d'autres supports de cette nature. Plusieurs propositions m'ont été faites en ce domaine, que j'ai mise à l'étude.
Partager le risque, agir sur la culture des PME, leur simplifier la vie, voilà les trois axes de la politique que je compte développer pour les PME. Elle s'inscrira dans des mesures simples, concrètes que je compte mettre en oeuvre chaque fois que possible, plutôt que dans une loi cadre générale. Cette démarche pragmatique est bien la même que celle que j'ai toujours eue. Elle correspond - j'en suis certaine - à la demande des français. C'est aussi cela gouverner autrement ! Gouverner autrement c'est obtenir que je ne rencontre plus de PME qui n'ont pas trouvé de crédit pour se créer, pour financer les dépenses innovantes, ou qui ne peuvent trouver les moyens de leur développement en phase de croissance. Faute de quoi ce sera notre échec collectif.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 2 août 2002)