Texte intégral
Cest dabord pour saluer vos trente ans de combats au service des femmes que je suis venue aujourdhui.
Trente ans pendant lesquels les procès se sont succédés. Vous y avez contribué, et vous avez su faire de chacun de ces procès une étape utile pour dénoncer, pour informer, pour sensibiliser.
Trente ans pendant lesquels vous avez su nouer avec les associations de solidarité internationale, les associations daide aux victimes et le mouvement féministe des liens solides.
Trente ans pendant lesquels vous avez multiplié les prises de parole, les manifestations, les actions pédagogiques.
Trente ans au bout desquels, finalement, quelques lois ont fait avancer la cause des femmes victimes de mutilations sexuelles.
Votre combat a fait avancer les esprits. Il a aussi permis à notre droit de progresser.
Votre fédération a été fondée en 1982 et cest en 1983 que le juge a décidé que les mutilations sexuelles féminines relevaient de la cour dassise.
Les peines sont lourdes. 150.000 damende et 10 ans de prison, 20 ans pour les parents qui mutilent leur fille.
Les victimes ont besoin de temps pour comprendre, pour accepter et pour parler. Cest pour cela quen 2006, grâce à votre mobilisation, le délai de prescription a été porté à 20 ans à compter de la majorité de la victime.
Si la victime vit en France, que les mutilations soient commises en France ou à létranger, les peines sont désormais les mêmes.
Lampleur du phénomène justifie ces réponses, et en appelle dautres.
Vous rappelez vous-même les chiffres.
Dans le monde, plus de 130 millions de filles et de femmes ont subi une mutilation sexuelle.
En France, même si les chiffres sont toujours difficiles à établir, on estime à plus de 50.000 le nombre de femmes adultes excisées.
Cest énorme. Dans leurs différentes formes, les mutilations sexuelles féminines ne mettent pas seulement en cause lintégrité physique et la stabilité psychique des victimes.
Elles constituent également un très grave problème sanitaire. La gravité des conséquences médicales des excisions est désormais bien connue. Cest ce qui a amené les Nations unies à les traiter comme un problème de santé publique prioritaire.
Comme toutes les violences faites aux femmes, les questions que vous posez sont dabord des questions politiques. Des questions de société. Des questions sociales.
Elles interrogent les rapports de genre, la place des femmes, de leurs droits, dans notre société et dans nos traditions.
Vous le savez, les mutilations sexuelles féminines sont souvent instrumentalisées, par ignorance, par ceux qui veulent montrer du doigt telle ou telle religion.
Mais la pratique de lexcision a précédé les religions monothéistes. Aucun texte religieux ne la justifie. La cause des femmes victimes mérite mieux que ces fantasmes.
Vous avez raison de donner cette tonalité optimiste à vos travaux : « Lhistoire est en marche. »
Cette pratique est aujourdhui prohibée par une convention de lUnion africaine, ratifiée par 28 pays, entrée en vigueur en 2005.
Et hier, lAssemblée générale des Nations unies a adopté une première résolution sur le sujet, soutenue par 110 pays, qui demandent aux Etats membres de « compléter les mesures punitives par des activités déducation et dinformation. »
Dans le monde, des femmes extraordinaires se battent pour que les pratiques changent. Je pense à Waris Dirie, lauteure et lhéroïne de « Fleur du désert », que vous connaissez. Jai eu beaucoup de plaisir à linviter au ministère. Elle mène un travail formidable avec sa fondation.
Des femmes se battent pour que les pratiques changent, et elles changent effectivement, même si cela ne va pas assez vite.
En France, grâce à votre mobilisation, des premières réponses ont été apportées pour que les pratiques changent.
Les procès, et la lourdeur des peines prononcées, ont un impact dissuasif évident, bien sûr. Cest une première réponse.
La prévention et la détection des cas dexcision sont une deuxième réponse.
Les médecins de protection maternelle et infantile y jouent un rôle décisif. Le secret médical nest plus opposable en cas de mutilations sexuelles infligées à un mineur.
Une fillette menacée peut ainsi faire lobjet dun placement temporaire ou dune interdiction de sortie du territoire prononcée par le juge.
Enfin, linformation et la sensibilisation des populations concernées est une troisième réponse, à légard de laquelle nous pouvons sans doute encore faire mieux.
Depuis 20 ans, nous diffusons des plaquettes dinformation. Je pense à votre plaquette « Femmes assises sous le couteau ». Je pense au guide « Protégeons nos petites filles de lexcision », que nous continuons à diffuser aujourdhui.
Depuis 5 ans, le contrat daccueil et dintégration fait explicitement référence à la protection de lintégrité du corps humain. Et le sujet est abordé dans les journées de formation civique mises en uvre par lOffice Français de lImmigration et de lIntégration.
Nous avons désormais des données précises, grâce aux enquêtes quantitatives et qualitatives « Excision et Handicap », publiée en 2009 par lINED.
Ces données, et les chiffres que vous présentez, nous appellent à agir, à faire le maximum, pour informer, pour prévenir, pour protéger, pour sanctionner.
Et pour réparer. Le protocole chirurgical est maintenant intégré à la nomenclature des actes médicaux remboursés par lassurance maladie.
Je veux saluer les médecins engagés qui y travaillent, en particulier les équipes qui sont intervenues lors de votre première table ronde.
Grace à vous, nous pouvons dire aux victimes, aujourdhui, quil ny a rien dirréversible, rien de définitif, dans leur souffrance.
Cest un pas immense dans la lutte pour les droits des femmes.
Vous le savez, contre les violences faites aux femmes, le Gouvernement entend mettre en uvre un plan global, à loccasion du comité interministériel qui se réunit vendredi prochain. Le Président de la République la annoncé dimanche dernier.
Le GAMS compte parmi les associations qui ont contribué à ces travaux, et je tiens à vous en remercier.
Dans votre contribution, vous proposez 7 priorités pour les droits des femmes. Permettez-moi dy revenir rapidement.
1. Vous soulignez limportance des commissions départementales, présidées par les Préfets, qui se consacrent à la lutte contre les violences faites aux femmes. Jy suis dautant plus favorable que ces commissions interdisciplinaires sont les principaux rouages de laction de mon ministère sur le territoire.
2. Vous attendez que nous réunissions plus souvent la commission nationale contre les violences faites aux femmes. Cette commission sest en effet très peu réunie les années précédentes, dans doute parce que son programme de travail était maigre.
Vous parlez dune campagne nationale sur les violences faites aux femmes et de la création de nouveaux lieux dhébergement : ce sont des engagements que le Président de la République a pris dimanche dernier.
3. Vous reprenez à votre compte lidée dun Observatoire national des violences faites aux femmes. Soyez certaines que je suis déterminée à le créer, ainsi que je my suis engagé. Quelle que soit sa dénomination, il verra le jour dans les prochaines semaines.
4. Vous insistez sur la formation des professionnels. Vous avez raison. Vous savez que nous avons engagé, la semaine dernière, un programme de formation interdisciplinaire sur ces thèmes, avec des médecins, des policiers, des gendarmes, des magistrats, des enseignants, etc. Il sagit de créer une culture commune du sujet dans nos services publics.
5. Vous demandez une meilleure éducation contre les violences sexistes. Cest le sens des mesures que nous avons prises, avec Vincent Peillon, pour faire de lécole un lieu démancipation, douverture, et dapprentissage de la sexualité et du respect de lautre.
6. Vous attendez que la France ratifie la Convention dIstanbul. Nous y travaillons.
Cela nous amène, par exemple, à préparer les modifications du code pénal nécessaire pour interdire la contrainte au mariage, qui nest pas encore un délit autonome en droit français, ainsi que lincitation à subir une mutilation génitale.
7. Enfin, vous attendez que nous agissions aux Nations unies. Je partage votre avis. Jétais à New-York à loccasion dune délibération du Conseil de sécurité sur les violences faites aux femmes dans les conflits armés, en octobre. Jy retournerai en décembre.
Les sujets ne manquent pas.
Vous avez joué un immense rôle dans la lutte contre les violences faites aux femmes, ces trente dernières années.
Je vous encourage à poursuivre ce combat avec optimisme et avec fierté. Chacune de vos victoires sauve des vies.
Merci à toutes et à tous.
Source http://femmes.gouv.fr, le 30 novembre 2012