Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur l'économie maritime et sur l'espace stratégique maritime, à Biarritz le 21 novembre 2012.

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Circonstance : Clôture des 8e Assises de l’économie maritime et du littoral, à Biarritz ( Pyrénées-Atlantiques) le 21 novembre 2012

Texte intégral


Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
Merci de m’avoir invité.
Merci Francis VALLAT, merci au Cluster Maritime Français.
Merci au Président ROUSSET d’avoir l’élégance d’être là quand je parle ; je n’aurai pas la réciproque car je vais devoir partir avant qu’il ne parle, lui. Et s’il dit du mal de moi, j’espère que vous pourrez me le rapporter…
Je voulais vous dire qu’ici, aux Assises Maritimes annuelles, je me sens quand même comme chez moi, avec le sentiment de jouer un peu dans mon jardin et de retrouver des amis.
Je crois que j’ai assisté à toutes les Assises depuis qu’elles existent, sauf une, à Dunkerque, car j’avais eu une contrainte.
Cette fidélité a commencé quand j’étais député-maire de Lorient, et après président de la Région Bretagne et puis ministre de la Défense… J’espère que cela me vaudra une prime de fidélité : je ne sais si ce sera une entrée gratuite aux prochaines Assises ou un abonnement au Marin à vie, comme j’ai l’intention de vivre longtemps.
Sachez en tout cas que, pour moi, c’est un déplacement qui me fait vraiment très plaisir comme « militant de la Mer » - j’ai déjà eu l’occasion d’utiliser cette phrase- et le fait d’être ministre de la Défense me confirme dans cette posture.
Je voulais aussi vous féliciter de votre sens de l’anticipation. Mais ça, c’est propre à Francis VALLAT.
Parce qu’aujourd’hui, ce matin, Frédéric CUVILLIER, au Conseil des ministres, a développé le plan maritime pour la France.
Et vous, vous avez décidé de tenir ces Assises le 21 novembre, il y a déjà un an ! Donc faire en sorte un an à l’avance qu’on puisse harmoniser la réunion de conclusion des Assises et la communication en Conseil des ministres, c’est vraiment très fort et je voulais vous en féliciter.
Vous avez eu, je pense, l’avant-propos hier à l’ouverture de vos travaux par Frédéric CUVILLIER qui est lui aussi un militant de la Mer et qui permet à vous tous, à tous les réseaux du Cluster Maritime Français, d’être un bon interlocuteur.
Même si je dispose de la flotte la plus importante – on en parlera tout à l’heure – pas la plus importante d’ailleurs car il y a CMA-CGM… Si on avait, Messieurs les Amiraux, le même nombre de bateaux que CMA-CGM, on se porterait plutôt mieux, mais enfin on a quand même un niveau de qualité sur lequel on pourra revenir…
Mais, en tout cas, concernant les enjeux maritimes, je peux évidemment appuyer Frédéric CUVILLIER autant que faire se peut.
Je voudrais vous faire part de quelques réflexions du moment.
Je ne peux pas revenir sur tous les sujets maritimes : vous en avez déjà entendu un peu sur un certain nombre de questions, mais quand même, sur ce qui, pour moi, est sans doute la question stratégique majeure.
Là je ne parle en tant que ministre de la Défense, mais en partie quand même : on a dit pendant très longtemps, je l’ai dit et beaucoup d’entre vous l’ont dit : la France a tourné le dos à la mer pendant de nombreuses années ; elle est restée une nation continentale, etc., etc.
C’est un discours que vous connaissez bien et je ne vais pas le refaire ici. Il faut le tenir dans d’autres enceintes pour convaincre ; ici, personne n’a besoin d’être convaincu !
Et on s’est souvent demandé pourquoi on a tourné le dos à la mer… On a l’occasion d’émettre des hypothèses…
Je reste convaincu que si la France a toujours choisi, jusqu’à ces dernières années, les 2 900 km de frontières terrestres pour assurer sa sécurité par rapport aux 4 800 km de frontières maritimes - je ne parle que la France métropolitaine - c’est parce que, du point de vue de la Défense, donc du point de vue de notre sécurité, pendant de très nombreuses années la menace était à l’Est.
Et c’est sans doute ce qui nous a attirés vers les choix continentaux plutôt que vers les choix maritimes, et ça, depuis de très nombreuses années.
Donc, le point d’entrée de cette espèce de retrait maritime qu’a eu notre pays depuis de nombreuses années était lié aux risques, aux menaces qui venaient du Continent. Et on peut remonter loin !
Je ne veux pas refaire l’histoire même si c’est ma formation initiale.
Et, aujourd’hui, c’est tombé.
Je me prends parfois à réfléchir sur le fait que le retour de la mer est lié à la chute du mur de Berlin.
Comme si, pour notre pays - je ne parle pas uniquement en termes de Défense mais aussi en termes d’intérêts, peut-être même de prégnance culturelle - la brèche dans le mur de Berlin avait fait pénétrer la mer… Une image peut-être audacieuse, mais qui a un petit peu de sens.
Nous n’avons plus de risques, plus de dangers - même s’il faut se protéger - dans la sphère européenne. Nous avons même réussi à faire progressivement que le concept de l’Europe de la Défense va peut-être, je l’espère, pouvoir émerger ; il y a donc la paix à l’Est.
Et c’est la paix à l’Est qui nous permet l’ouverture à l’Ouest…
L’ouverture à l’Ouest, c’est la mer et l’ouverture au Sud aussi : c’est la mer.
Je voulais vous dire cela car je crois que c’est une explication significative et que cela concorde - mais c’est une démarche différente, encore que concomitante dans le temps - avec la mondialisation qui se singularise par une maritimisation croissante…
Donc nous sommes dans une concomitance entre cette paix durablement gagnée, qui nous sécurise à l’Est, et cette maritimisation au coeur des formes contemporaines de mondialisation.
Voilà ce qui se passe et qui fait que nous sommes aujourd’hui, me semble-t-il, dans une nouvelle donne considérable, beaucoup plus forte encore aujourd’hui qu’il y a cinq ans ou dix lorsque les prémices de cette évolution se faisaient sentir ; cela me paraissait essentiel à souligner à l’ouverture de mon propos. Je pense que cette conviction partage aussi vos sentiments, vos espérances et vos actions.
Cette place grandissante du fait maritime va se poursuivre dans les secteurs les plus traditionnels, les plus anciens, les plus historiques, en particulier dans le transport maritime parce que son faible coût se poursuit.
Voilà des siècles que la caravelle a remplacé la caravane parce que son coût était moins cher ; on n’a pas fini d’exploiter le faible coût du transit des marchandises par voie de mer.
On voit toute une série d’évolutions qui nous montrent que ce chemin-là est encore extrêmement porteur ne serait-ce que par les travaux d’agrandissement du Canal de Panama et des nouvelles routes de l’Arctique : tout cela va dans le même sens et quand des rapports très sérieux – je pense au rapport du Sénat (quand on parle du Sénat on dit toujours que c’est très sérieux et je ne vois pas pourquoi les rapports de l’Assemblée Nationale ne seraient pas aussi très sérieux…)- dit, et il a raison, que les perspectives jusqu’en 2020 font que le doublement des flux va se manifester ; il y aura de nouvelles activités portuaires, de nouveaux bâtiments, de nouvelles dynamiques d’emplois.
C’est tout à fait essentiel pour nous tous et ce fait maritime-là va se poursuivre de par la maritimisation des échanges, ce qui nous donne des responsabilités pour nous, pour la France, mais pas directement de ma compétence.
Je vais revenir tout à l’heure sur les sujets de ma propre compétence, mais il faut être prêts à l’ouverture du canal de Panama, à l’accueil de ce qui va se passer dans les routes du Nord ; il faut être prêts dans tous les domaines, y compris d’ailleurs dans le domaine de la formation et je me permets de vous redire ici tout l’attachement que je porte à l’Ecole Nationale Supérieure Maritime.
C’est un vieux sujet pour moi. Parfois, nous avons eu quelques désaccords avec certains d’entre vous, mais à la marge parce que sur l’enjeu principal nous sommes bien d’accord.
Il est bien évident qu’étant donné mon origine, je ne pouvais pas ne pas soutenir le site de St Malo, mais j’ai cru comprendre en écoutant Frédéric CUVILLIER ce matin que c’était une question qui ne se posait plus : donc très bien !
La question qui se pose dans ce contexte-là, je profite de cette incidente, c’est qu’il faut doter l’Ecole Nationale Supérieure Maritime de la solidité qu’elle mérite et que c’est un sujet national et non celui d’un lobby maritime particulier au vu de l’ampleur des dossiers.
Je serai très vigilant sur ce sujet.
Il m’a été proposé par Francis VALLAT et par son équipe que, pour valoriser l’Ecole Nationale Supérieure Maritime, il serait bien que ses élèves – au moins ceux qui ont une préparation militaire supérieure -défilent à Paris pour le 14 Juillet. Ce serait une bonne manière de mettre en valeur ces formations maritimes et je suis pour. Je n’ai pas beaucoup de responsabilités, mais, pour le 14 Juillet, j’en ai cependant quelques-unes et je vais en profiter comme j’ai pu le faire pour le bagad de Lann-Bihoué au dernier 14 Juillet. Ce n’est pas la même chose, mais je suis pour… Sous réserve qu’ils répètent car il faut faire bonne figure ; on me dit que cela ne peut pas être pire que Polytechnique…
J’ai vu la manière dont les polytechniciens se préparaient et il faudra donc que les élèves de l’Ecole Nationale Supérieure Maritime soient au rendez-vous, en tout cas, moi, j’y serai sans aucune difficulté.
Je reviens à des choses complémentaires, là c’était pour le fun, le symbole étant cependant toujours très important.
Je constate avec vous cette mutation maritime sur les activités historiques qui sont amenées à se poursuivre, à se renforcer comme je le disais tout à l’heure.
Je ne parlerai pas de la pêche ici. Cela mériterait beaucoup de développements et ce n’est pas directement dans mes compétences.
Je cite aussi les activités nouvelles sur les biotechnologies marines, sur le transport de passagers, sur l’éolien offshore, sur l’ensemble des énergies d’origine marine…
Tout cela est un ensemble que vous connaissez bien dont vous avez déjà parlé et dont vous allez reparler ; il est tout à fait essentiel et il fait que la mer est notre nouvelle frontière et que le XXIe siècle sera maritime, je le redis ici, pour les raisons que j’ai indiquées au départ en, en même temps pour le fait que les nouvelles technologies éclosent dans cette nouvelle frontière et que la mer devient une pépinière d’innovations.
Pour celles-ci, la France doit pouvoir jouer sa partition.
Je constate qu’en plus, des grands groupes – je ne parle pas uniquement de DCNS même si le Président BOISSIER sait toute la considération que j’ai pour son groupe – commencent à s’intéresser désormais à la mer : elle n’est plus considérée comme un secteur qui n’a pour perspective que la gestion du déclin de ses activités, mais qui, au contraire, maintenant, est porteuse d’avenir.
Je crois que dans le débat sur la compétitivité qui est ouvert dans le pays, il faut que les activités maritimes trouvent tout leur sens. Je pense en particulier à l’exportation et je peux me permettre un peu de liberté par rapport à mes fonctions actuelles.
Ce qui me surprend c’est que, quand on parle d’exportation militaire de Défense en France, on pense uniquement aux avions. Je rassure Alain ROUSSET car l’Aquitaine est une terre d’aviation : j’ai beaucoup de considération pour la capacité française en matière d’avionique en général, y compris l’avionique militaire, y compris le Rafale qui est un très bel avion, sans doute le meilleur avion du monde…
Mais, quand on vend des bateaux, c’est bien aussi !
Et je constate, alors qu’on ne le dit pas assez qu’on vend actuellement plus d’équipements maritimes à l’exportation que d’équipements avioniques militaires.
C’est une réalité. Assumons- la avec satisfaction ! Considérons que c’est une nouvelle marque française qui ne remet pas du tout en cause le fait que nous avons une capacité dans l’électronique et dans l’aviation militaire qui est tout à fait exceptionnelle. J’ai eu l’occasion de dire cela à Euronaval et je ne vais pas me répéter, mais autant qu’on en ait la culture et la prise de conscience.
Je n’oublie pas, loin de là, que je suis ministre de la Défense.
Je ne vous en ai peu parlé jusqu’ici et je voudrais redire ma conception.
Je l’ai déjà évoqué à Euronaval et je veux le reprendre plus longuement, au moins sur une partie.
Comme ministre de la Défense, je vois la mer de deux manières :
1. La mer comme un espace de manoeuvre logistique à protéger.
2. La mer comme un espace de manoeuvre stratégique à exploiter.
C’est dans cette articulation-là que se trouve la stratégie maritime de notre pays, la capacité à faire les deux, à articuler les deux. C'est-à-dire trouver le juste équilibre et la cohérence entre une marine d’Etat et une armée de mer.
Il faut faire en sorte que cela soit dans une manoeuvre stratégique globale qui me paraît tout à fait déterminante et que je souhaite voir mise en oeuvre dans le cadre du Livre Blanc.
Quelques mots sur la deuxième dimension, sur l’armée de mer pour vous rappeler, mais vous le savez, que les enjeux sont considérables, que l’espace stratégique maritime devient un espace extrêmement sensible.
J’étais pour ma part très frappé de constater lors de ma première visite en Asie combien ce sujet-là devenait central, que les potentialités conflictuelles dans le domaine maritime sont en train de s’accumuler en Chine.
Il nous faut réfléchir à cette situation et je souhaite que le Livre Blanc, qui est en cours de gestation comme vous le savez, je vais y revenir dans un instant, puisse prendre en considération cette nouvelle dimension.
C’est au nom de cette vision, de cette nécessité stratégique de notre possibilité, de notre capacité à intervenir en mer et depuis la mer en toute autonomie, que j’ai rappelé à Lorient à l’occasion de la mise à flot de la FREMM Normandie –alors que, Monsieur le Président, la FREMM Aquitaine vogue déjà – l’importance que j’attache au bon déroulement de ce programme qui est essentiel pour que nous ayons la capacité d’agir convenablement.
Cela, c’est la partie plus strictement « espace de manoeuvre stratégique à exploiter ».
Je voudrais surtout, dans ces Assises, revenir sur la mer comme espace de manoeuvre logistique à protéger. Je veux identifier avec vous quelques sujets puisque c’est plutôt ce dont je dois parler ici.
D’abord pour vous rappeler les risques et les menaces qui existent maintenant du fait de la mondialisation et de la maritimisation mondiale que nous constations en commençant.
Pour moi, il y a trois formes de menaces :
1. Les menaces liées au milieu.
Ces dangers sont connus et ils ne font que s’accroître sur la sécurité des personnes et des biens ; les normes peuvent être très sévères mais on n’aura jamais le risque zéro au vu de l’accroissement des trafics commerciaux puisque les flux restent sur les mêmes routes et que, par ailleurs, s’accumulent d’autres intervenants : la multiplication des bateaux de plaisance et, depuis peu, singulièrement l’arrivée en mer d’installations offshore ou liées à l’énergie qui ne sont pas automatiquement offshore, avec des contraintes à examiner et prendre en compte. C’est la première menace liée au milieu.
2. Les secondes menaces sont liées aux hommes.
Certains profitent indûment de la liberté des mers en exploitant l’espace maritime pour des activités illicites : je pense à tous les trafics qui sont en croissance, que ce soit les trafics de drogue, d’armement, d’êtres humains… Ils sont très préoccupants.
Pour ma part, l’une des découvertes dans mes fonctions depuis six mois a été celle de l’ampleur et des risques liés au narcotrafic, avec toutes les incidences que cela peut avoir, y compris les circuits qui vont du Brésil à la Guinée-Bissau, qui remontent par le Sahel, qui alimentent par ailleurs les groupes terroristes et qui reviennent en France…
Il y a là des risques majeurs et préoccupants qui concernent directement la sécurité de notre pays ; ils doivent être pris en compte. Et la mer est un vecteur de concentration de ces trafics.
Je vous donne deux chiffres : en 2011, 13 tonnes de produits stupéfiants ont été saisis en mer sur 7 navires par la marine Nationale (ou avec son concours). Sur la même période, 6,5 tonnes de cannabis ont été saisis à Paris au prix de 22 000 interpellations.
On voit bien que la mer concentre les risques liés aux activités illicites.
3. La troisième menace est celle liée au brigandage.
Il s’agit du pillage des richesses dans les zones économiques exclusives (ressources biologiques, minérales ou halieutiques, avec les risques conflictuels qu’ils engendrent) et la piraterie qui s’en prend aux flux maritimes et donc directement à notre économie.
D’autant plus, concernant la piraterie, que les routes maritimes changent peu et que les points de passage sont bien identifiés : les tentations de détournement sont de plus en plus nombreuses.
Face à ces trois séries de menaces, le ministère de la Défense répond par trois principes via la Marine Nationale : l’approche globale, la coordination internationale et la réponse capacitaire.
1. Le principe de l’approche globale.
Nous faisons le choix d’une approche globale : il y a une action de l’Etat en mer à la française, qui est globale, qui n’entend pas séparer les métiers, qui considère que l’unicité du milieu est premier, et qui incite évidemment à une politique intégrée.
C’est ce système que j’entends bien poursuivre ; je crois que c’est aussi la position du Premier ministre pour que cette réelle autorité de coordination de l’action de l’Etat en mer aujourd’hui puisse se poursuivre, se garantir, s’assurer techniquement. J’aurai l’occasion, assez rapidement, de me rendre sur place pour m’assurer que tout cela va bien.
Donc, il nous faut consolider cette organisation et peut-être même en faire un modèle.
Je constate par mes différents contacts que plusieurs pays européens, directement confrontés aux trois risques que j’ai indiqués, sont intéressés par notre propre histoire, même si les cultures peuvent être différentes ; il y a des principes d’unité et de globalité qui me paraissent essentiels à maintenir et je voulais le dire ici pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté, mais je pense qu’il n’y en avait pas dans votre esprit, même avant de m’entendre sur ce point.
2. La coopération internationale ou européenne.
Je me permets d’insister sur ce point, en particulier sur la situation dans la Corne d’Afrique.
Il y a eu une initiative qui a été prise : l’opération Atalante. Elle est aujourd’hui considérée comme une référence opérationnelle de ce que peut être demain l’Europe de la Défense.
C’est d’ailleurs assez symbolique - et pour nous assez satisfaisant - que ce soit par le biais maritime que l’Europe de la Défense – dont on a beaucoup parlé, et de manière souvent incantatoire depuis de nombreuses années – prenne forme par l’action.
Je suis de ceux qui pensent que nous ne ferons pas l’Europe de la Défense par la déclaration (cela aurait d’ailleurs déjà été fait !). Il faut faire l’Europe de la Défense par l’action et, comme c’est la mer qui ouvre, et bien tant mieux pour nous !
L’opération Atalante va se poursuivre et s’élargir même pour faire en sorte que nous puissions aider les Etats riverains à se doter de compétences juridiques, techniques, civiles et militaires pour assurer dans la durée, après, le relais nécessaire, même si cela prendra du temps.
C’est la raison de la mission européenne qui a été lancée en accompagnement d’Atalante (EUCAP NESTOR qui est dirigée par un amiral français. C’est une avancée significative.
La lutte contre la piraterie produit des effets puisque le nombre de bateaux de pirates interceptés a diminué de manière extrêmement sensible depuis qu’Atalante s’est mis en place : 44 navires capturés en 2008 et 6 depuis le début 2012. Cela montre que la dissuasion a été significative.
Dans ce contexte, je sais que se pose la question des services privés en complément de la présence d’équipages embarqués de la Marine Nationale.
Je crois que les résultats sont significatifs, là aussi, puisque, dans 75 % des cas, la demande des navires commerciaux est honorée par la Marine et que la présence de militaires à leur bord contribue à ce qu’il y ait moins d’actes de piraterie.
Reste à régler le problème des 25 %. J’y suis prêt. Simplement, ce que je souhaite c’est qu’on respecte un calendrier (pas trop long) pour faire en sorte que le Livre Blanc pour la sécurité de la France qui est en travail actuellement - pour lequel j’ai demandé que vous soyez entendus et vous le serez – fixe très précisément cette orientation à laquelle je suis favorable, j’ai eu l’occasion de le dire, sous réserve que cela se passe en bonne cohérence, en bonne complémentarité et non pas en substitution.
Donc voyons cela concrètement et très sereinement en sachant que j’inscris cette disposition dans un ensemble plus vaste d’Atalante, d’EUCAP NESTOR et de l’opération globale de la Corne de l’Afrique en y intégrant aussi les opérations en Somalie car tout cela fait un ensemble qui doit assurer sa cohérence.
J’ajoute que nous devons nous inscrire dans un processus initié par Chypre et qui sera poursuivi par l’Irlande au premier semestre 2013 sur la dimension maritime intégrée et, en ce qui me concerne, la dimension européenne de la défense maritime dans le cadre de la politique maritime intégrée.
C’est en particulier le souci que nous devons prendre en compte dans le cadre de l’Agence Européenne de Défense sur la surveillance maritime dans le cadre du projet européen que je souhaite vraiment voir aboutir pour avoir en particulier un réseau d’interconnections de l’ensemble des données de l’image maritime dans tout le théâtre européen ; cela nous donnerait une sécurisation très importante, ce qui est l’une des missions de l’Europe de la Défense et je souhaite que celle-ci avance aussi par le maritime. Il y a là un enjeu à la fois politique et technologique où la France doit jouer toute sa partition. Je souhaite que nous puissions nous intéresser à ce point, les uns et les autres, dans le cadre du réseau maritime que constitue le Cluster.
3. La réponse capacitaire.
Cette réponse capacitaire est l’ambition qui devrait aussi sortir du Livre Blanc.
Pour moi, c’est la cohérence de l’outil de la Marine Nationale.
Je ne suis pas favorable à identifier des opérations militaires « nobles », c’est-à-dire celles des grands bâtiments qui se consacreraient à la guerre ou à sa préparation, et une action militaire « moins noble » qui serait le lot des petites unités, des patrouilleurs, remorqueurs… Avec finalement deux marines.
Je pense qu’il faut une unité, une cohérence, une polyvalence, une complémentarité. Et c’est la logique que j’entends développer.
Je vais vous donner un exemple qui m’a paru très révélateur et que je citerai à d’autres occasions si nécessaire : un de nos sous-marins nucléaires d’attaque en opération en Méditerranée au début de 2012 a entendu et repéré un navire go-fast faisant du narcotrafic entre l’Afrique du Nord et l’Espagne. Il a alerté le centre opérationnel de la Méditerranée de Toulon qui a prévenu nos amis espagnols ; ces derniers ont ensuite appréhendé le trafiquant repéré par notre sous-marin.
Voilà un bel exemple de la nécessité d’une cohérence, d’une polyvalence et d’une réponse globale.
C’est en cela que la Défense contribue pour sa part à la nouvelle aventure maritime qui est la nôtre, à la nouvelle frontière qui est la nôtre.
D’une certaine manière, la mer est en train de devenir notre terre, et tant mieux !
L’avenir de nos sociétés passe par la mer.
On ne peut pas dire que la mer permet tout, mais il faut constater que, sans la mer, on peut aujourd’hui de moins en moins. Je sais que c’est votre conviction. Sachez que c’est la mienne ! Essayons ensemble de faire avancer cette belle idée de l’avenir maritime de notre pays !
Source http://www.cluster-maritime.fr, le 13 décembre 2012