Déclaration de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, sur le système de santé publique, l'accès aux soins et à l'information des usagers en matière de santé, Paris le 29 novembre 2012.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Séance plénière de la Conférence nationale de santé (CNS) à Paris le 29 novembre 2012

Texte intégral

Madame la Présidente de la Conférence nationale de santé,
Mesdames, Messieurs,

Je sais que les débats que vous avez tenus lors de cette quatrième assemblée permettront, une fois encore, d’enrichir notre réflexion commune et celle des acteurs du monde de la santé.
La démocratie sanitaire est le produit d’une histoire récente. Elle a trouvé sa concrétisation suite aux états généraux de la santé qui se sont tenus il y a bientôt 15 ans. Elle porte un principe simple : mettre le patient au coeur de notre système de santé.
La démocratie s’incarne dans ses institutions : votre instance est le véritable parlement de la santé dans notre pays. En cela, vous êtes les garants de la démocratie sanitaire. Vous remplissez des missions essentielles. Vous contribuez à éclairer les décisions des pouvoirs publics. C’est vous qui veillez au respect du droit des usagers. Chaque année, votre rapport dresse un état des lieux des avancées sur cette importante question et vous participez à faire vivre le débat public sur les grands enjeux de notre système de santé.
Depuis plusieurs années, la Conférence nationale de santé est présidée par un puis une représentante des usagers. C’est un signe fort. En confiant à un et à une représentante des usagers la présidence de votre instance, c’est leur place centrale dans notre système de santé qui s’en voit confortée. J’en profite d’ailleurs pour vous saluer, madame la Présidente. Je connais votre engagement au service des patients depuis de nombreuses années dans la région Rhône Alpes. Votre expérience et votre savoir-faire nous seront indispensables pour permettre à notre démocratie sanitaire de franchir une nouvelle étape.
La politique que je conduis traduit cette ambition et sert une exigence : construire les parcours de soins de proximité à partir des besoins des patients et non pas des structures. Cette politique de santé, je veux la mettre en place autant pour les usagers qu’avec les usagers.
L’élargissement de la composition de la Conférence à l’ensemble des acteurs de la santé, intervenant dans les champs de la prévention, du soin et du médico-social permet à votre instance de porter un regard singulier sur les politiques de santé. Un regard nourri à la fois par une approche transversale et votre ancrage territorial au plus près des Français, grâce à la représentation de toutes les Conférences régionales de la santé et de l’autonomie. C’est ce qui fait votre force.

1/ Avec vous, je souhaite redonner un nouvel élan à la démocratie sanitaire :
Les droits des usagers ont connu de grandes avancées suite à l’adoption de la loi du 4 mars 2002. Elle a donné au monde associatif une place dans la chaîne de décision. 400 associations régionales et nationales font vivre chaque jour la démocratie sanitaire dans notre pays.
Dix ans plus tard, ce grand mouvement n’a pas reculé, mais il a stagné. Trop peu de conquêtes nouvelles, et beaucoup de renoncements. Nous devons donc relancer ce processus né des aspirations légitimes de la société civile.
Pour pouvoir avancer, il faut savoir d’où l’on part. Concrètement, cela implique que nous disposions préalablement d’un état des lieux de notre démocratie sanitaire. Je me réjouis que la C.N.S. se soit saisie de ce sujet cette année. Je sais que vous venez de délibérer sur ce projet d’avis. Je prendrai connaissance avec intérêt des résultats de ce travail. Nous avons besoin d’un bilan exhaustif de cette question. Je pourrai être amenée, le cas échéant, à vous demander des travaux complémentaires.
Cette nouvelle impulsion que je souhaite initier a trouvé sa traduction concrète dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2013. Ce sont 5 millions d’euros supplémentaires qui seront ainsi alloués à la démocratie sanitaire.
Les usagers de notre système de santé, vous l’aurez compris, sont au coeur du projet que je porte. Nous devons d’abord rendre plus effectifs les droits dont ils disposent. A quoi bon conquérir des droits nouveaux si nos concitoyens ne peuvent pas bénéficier concrètement de ceux qui existent déjà ?

2/ Le premier de ces droits, c’est le droit à l’information :
L’égal accès de nos concitoyens à l’information en santé est l’un des piliers de notre pacte sanitaire. Or, nous constatons d’importantes inégalités dans ce domaine. Il existe d’abord d’évidentes barrières socioculturelles à l’accès à l’information. Par exemple, avoir un médecin dans son entourage proche, c’est bénéficier des meilleurs conseils pour choisir tel établissement ou tel praticien. Il nous incombe de rendre cette information plus lisible et plus compréhensible par tous, et non pas uniquement par les initiés. C’est un droit des patients, à nous de le rendre effectif parce que l’information en santé fait l’objet d’une forte demande des Français. Le site Ameli.fr de l’Assurance maladie est le 3ème site public le plus consulté. Les hebdomadaires publiant un classement des hôpitaux rencontrent un franc succès.
Pourtant, nos concitoyens ont le sentiment de ne pas avoir accès à une information de qualité. Celle-ci est trop éparse et trop peu visible. Les sites institutionnels sont nombreux. Mais les informations y sont parfois redondantes et, a contrario, parfois inexistantes.
Comme l’a annoncé le Président de la République lors de son discours au congrès de la Mutualité le 20 octobre dernier, un site public d’informations en santé sera mis en place. Je ferai de l’accès à l’information en santé un enjeu majeur de la future stratégie nationale de santé.

3/ Nous devons également améliorer la formation des représentants des usagers dans les établissements de santé :
La loi leur accorde des droits importants dans le processus décisionnel. Il s’agit de les faire appliquer ! Nombreux parmi vous sont ceux qui ont connu des conseils de surveillance d’établissements de santé, où les sigles - souvent barbares - succèdent aux ratios opaques. Comment les représentants des usagers pourraient-ils, dans ces conditions, être pleinement associés à la décision ? Une démocratie sanitaire qui fonctionne réellement implique que les pouvoirs publics offrent une meilleure formation pour ceux qui la font vivre. Elle exige que chacun maîtrise les grands enjeux du système sanitaire, ses normes techniques ou encore l’utilisation de données statistiques. C’est ainsi que nous ferons vivre au quotidien sur tout le territoire les droits des usagers.

4/ Faire vivre la démocratie sanitaire, c’est aussi mieux associer les élus locaux :
Les élu(e)s sont les actrices et les acteurs essentiels de la démocratie. La santé n’échappe pas à cette règle. L’expertise de terrain, la connaissance d’un bassin de vie, la proximité avec les habitants sont des atouts irremplaçables. Je regrette que les lois de 2004 et de 2009 aient éloigné les élus locaux de la décision de santé publique. Ils sont pourtant une interface indispensable des politiques territoriales de santé. La loi « Hôpital Patients Santé Territoire » nécessite sans doute des ajustements pour leur redonner toute leur place.
J’ai conscience que les relations entre l’Etat, les Agences régionales de santé et les élus locaux peuvent être améliorées. Ils sont, chacun à leur place, un maillon essentiel des politiques ambitieuses que nous portons. A nous de nous appuyer sur les élus locaux pour porter dans chaque territoire les grandes questions liées à la santé, et pour assurer le lien entre les usagers, les professionnels de santé et les structures de soins.

5/ Le grand défi de la prochaine décennie, c’est le renforcement des droits collectifs :
Renforcer les droits collectifs passe d’abord par une meilleure reconnaissance du rôle du monde associatif. Notre rôle, c’est de leur permettre d’exercer leur mission en toute indépendance des intérêts privés. Pour cela, les associations doivent pouvoir bénéficier de financements adéquats des pouvoirs publics. L’enveloppe supplémentaire de 5 millions d’euros allouée au renforcement de la démocratie sanitaire sera pour une large part fléchée vers le secteur associatif.
Par ailleurs, si former les représentants des usagers est nécessaire, encore faut-il que ceux-ci soient assurés de pouvoir siéger dans l’ensemble des instances. Je sais qu’il devient de plus en plus difficile de trouver suffisamment de bénévoles pour remplir ces fonctions pourtant primordiales. Là encore, nous devrons mener une politique volontariste pour permettre à ceux qui souhaitent vraiment s’engager de pouvoir le faire.
L’ensemble des questions que j’ai brièvement évoquées devant vous aujourd’hui devra être abordé dans le cadre de la future loi de santé publique.
Je compte sur les travaux qui seront menés au sein de la Conférence nationale de santé pour alimenter nos réflexions. Mais je souhaite vous associer plus en amont et pas seulement lorsque les décisions ont été prises. Je vous encourage également à vous autosaisir de certains sujets. Je pense en particulier à ceux touchant à la prévention des risques sanitaires et environnementaux. Vous jouerez ainsi pleinement votre rôle.
Je sais pouvoir compter sur votre mobilisation sans faille au service de la santé des Français. Votre engagement pour faire vivre la démocratie sanitaire dans notre pays sera déterminant.
Je vous remercie.

Source http://www.sante.gouv.fr, le 14 décembre 2012