Interview de M. Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR, à "LCR-Rouge.org" le 19 juillet 2001, sur la tenue du sommet du G8 à Gênes et l'importance croissante du mouvement de contestation de la mondialisation.

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Média : LCR-Rouge.org

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Gênes, c'est parti. Olivier Besancenot, militant de la LCR, livre ses premières impressions sur cette étape déterminante dans la constitution du mouvement international de lutte contre les effets de la mondialisation.
Quelle est l'ampleur de la mobilisation à Gênes ?
Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont déjà arrivées à Gênes, alors que le contre-sommet n'a pas encore complètement débuté. C'est une mobilisation extrêmement importante, dans une ambiance festive, avec des gens venus d'horizons divers, de pays différents. Surtout des jeunes d'ailleurs. Tout a commencé par un concert de Manu Chao mercredi soir. Plus de 100 000 manifestants sont attendus samedi pour une grande manifestation qui constituera le point d'orgue de ce Gênes militant. L'ambiance est donc tout à fait à l'opposé de ce que fait le G8, qui se réunit dans des murs confinés et qui va dormir sur un bateau luxueux.
Les mesures de sécurité hallucinantes mises en place par les autorités italiennes vous semblent-elle justifiées ?
La débauche de surveillance policière est d'abord le fait d'une tradition italienne qui apparaît pour beaucoup comme une provocation. On essaie par tous les moyens de dissuader les gens d'aller manifester, et on crée un climat de psychose assez injustifié. Du coup, de nombreuses personnes se retrouvent bloquées aux frontières : c'est la preuve que les personnes circulent moins facilement que les capitaux. Cette atmosphère de tension n'a rien en commun avec la réalité. La presse italienne l'a d'ailleurs reconnu ce matin, c'est une de nos premières victoires. Je crois que notre grande force est d'avoir fait les choses ouvertement, de manière publique, en expliquant de façon extrêmement détaillée absolument tout ce que nous avions projeté de faire lors de ce rendez-vous de Gênes.
Ce contre-sommet occupe-t-il une place de choix au sein du calendrier de la lutte anti-mondialisation ?
Il y a un enjeu particulier, et un enjeu global. L'enjeu particulier se situe dans la perspective de l'approfondissement de mouvements bien ciblés de lutte contre la globalisation financière : aujourd'hui, chaque contre-sommet a son importance dans la construction et la coordination de réseaux militants, afin de donner un ciment toujours plus solide aux actions que nous souhaitons mener. Grâce à ce type de rendez-vous, des réseaux tiers-mondistes, des réseaux syndicalistes ont vu le jour, se sont consolidés.
Prenons un exemple : Gênes permettra à de nombreux groupes, venus du monde entier, de se rencontrer afin de mieux préparer et de mieux coordonner la campagne pour l'annulation de la dette du Tiers-monde.
Le deuxième enjeu, plus global, se situe lui dans la genèse et la solidification de ce grand mouvement de lutte contre la mondialisation, qui s'est créé dans la foulée de Seattle, et qui aujourd'hui, pour la première fois, touche tous les continents. Je crois que Gênes sera une sorte de Seattle européen, surtout si l'on considère la jeunesse des participants. D'autant que cette nouvelle étape intervient après la victoire de Barcelone, où le sommet de la Banque mondiale a été annulé sous la pression des mobilisations.
Comment arrive-t-on à unifier lors d'une mobilisation de cette ampleur des gens qui viennent d'horizons aussi différents que le syndicalisme, le tissu associatif, ou le milieu intellectuel; et qui en plus, viennes de pays différents ?
Je crois que notre force est là. Il est vrai que dans l'absolu il semble délicat de parvenir à coordonner des gens qui viennent d'horizons aussi différents, mais des rendez-vous comme Gênes, ou comme auparavant Seattle, Nice ou Porto Alegre, ont cette magie qui permet à toutes ces personnes de ce rencontrer et de s'entendre. Car tous sont là pour la même chose : mettre fin aux terribles effets de la déferlante libérale, que ce soit dans le domaine social, ou dans les domaines de la culture et de l'environnement.
N'y a-t-il pas ce risque que ces contre-sommets s'institutionnalisent au fur et à mesure des années, et perdent ainsi beaucoup de leur force et de leur ampleur ?
Je ne pense pas. Il est important que lorsque les pays les plus riches se réunissent où que ce soit à travers le monde, des manifestants soient-là pour contester leur légitimité, et montrer qu'il est insoutenable que deux mondes soient en train de se construire : d'un côté une cité interdite, un bal de vampires qui se réunit à huis-clos et qui accentue la violence du monde actuel; et de l'autre un monde qui est celui des mouvements sociaux, qui se réunit dans des commissions ouvertes à tous, pour montrer qu'un autre monde est possible.
Effectivement, les contre-sommet ne suffisent pas, et il s'agit aujourd'hui d'inscrire ce type de mobilisation, encore trop ponctuelles pour le moment, dans la durée, partout, et dans l'ensemble de la société.
Pierre Siankowski
(source http://www.lcr-rouge.org, le 21 septembre 2001)