Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureuse d'être parmi vous à Biarritz aujourdhui.
Je tiens à saluer Didier Decoin et François Sauvagnargues pour avoir su, en quelques mois, reprendre le flambeau du Festival et lui donner un nouvel élan, après le beau travail opéré pendant de nombreuses années par Olivier Mille, que je tiens à remercier chaleureusement.
Merci à Jacques Fansten, Jean-Xavier de Lestrade et Pascal Rogard pour lorganisation de ce débat fort intéressant.
Le Festival International des Programmes Audiovisuels est un rendez-vous essentiel pour la création audiovisuelle sous toutes ses formes, destinée à la télévision comme aux nouveaux médias. Lesprit convivial et solidaire qui préside à ce rassemblement est important et nécessaire dans la période de mutation que nous traversons. Cest aussi une approche ouverte sur le grand large, à tous points de vue, et cela aussi est salutaire aujourdhui. Ce festival très international permet aussi de montrer combien la création française peut tenir sa place.
Le sujet qui nous concerne et rassemble aujourd'hui est la création et son avenir.
Je voudrais tout dabord formuler un constat simple. La création audiovisuelle française est dune incroyable richesse et dispose datouts formidables : des auteurs et réalisateurs talentueux, des producteurs et diffuseurs nombreux et diversifiés et une politique publique de soutien à la création dont lambition ne se dément pas.
Vous, professionnels, pouvez être fier de la diversité et de la richesse des uvres que vous proposez au public français.
Même si les chiffres bruts recouvrent des situations contrastées, ayons en tête que la production audiovisuelle connaît un mouvement de croissance ininterrompue depuis 2007 si lon en juge par les données du CNC.
Cette croissance est certes principalement portée par la production documentaire, situation dont on connaît aussi les revers, largement exposés dans le rapport remis à mon prédécesseur au printemps dernier. Les échanges sont en ce moment même nourris entre contributions des professionnels et orientations proposées à la réflexion par le CNC. La réforme du soutien au documentaire prendra encore du temps, tant la production est diverse et le sujet délicat pour les différents intervenants, auteurs, réalisateurs, producteurs, chaînes.
Je serai très attentive à ce que cette réforme de fond réponde aux menaces qui pèsent sur la diversité de la création documentaire, valorise les démarches artistiques et de production les plus audacieuses et assure une plus grande équité dans la répartition du soutien financier entre les différents types de production documentaire.
Quant à la fiction hexagonale, je crois que tout le monde saccorde à dire quelle est sortie de la phase la plus difficile, dun point de vue économique et du point de vue de laudience et de la critique. Premier genre en audience, la fiction française parvient dans de nombreux cas à convaincre les téléspectateurs, quil sagisse de séries de journée et de formats courts, ou de séries de première partie de soirée.
Toutefois, des interrogations demeurent au regard du succès des uvres de fiction française comparé à celui constaté dans d'autres Etats européens comparables. La fiction nationale de ces pays a de meilleurs résultats d'audience que la fiction française. Il nous faut donc continuer à nous interroger sur la meilleure façon de porter le "renouveau" de la fiction française face à la concurrence des séries américaines.
La mise en uvre progressive depuis deux ans des propositions du rapport Chevalier, remis à mon prédécesseur au printemps 2010, doit permettre d'accompagner le retour de ce renouveau. Avec l'aboutissement des travaux engagés par le CNC sur la réforme du compte de soutien et le fonds d'aide à l'innovation, ainsi que la signature par les professionnels d'accords fondamentaux - présentés ce matin - pour le développement des projets, la création française a su repenser son modèle et dispose désormais d'outils prometteurs au service du renouvellement des écritures. Comme je lai annoncé plus tôt ce matin, je suis heureuse de vous confirmer que je vais engager le processus dextension de laccord signé entre les organisations représentatives des auteurs et des producteurs et qui concerne les pratiques contractuelles, afin quil puisse sappliquer à lensemble du secteur.
Plusieurs participants au débat daujourdhui ont évoqué la question de la course à laudience. Jestime que laudimat ne doit pas être le seul baromètre rendu public. Il faut réfléchir à mieux informer publiquement sur la manière dont les programmes sont appréciés par les téléspectateurs, et quel jugement ils émettent sur leur qualité et sur ce quils leur apportent.
Il nous faut aller plus loin pour la qualité et le rayonnement de nos uvres audiovisuelles. Partant d'une situation où la fiction française a un véritable retard par rapport aux autres grands pays européens, et où l'exploitation des uvres audiovisuelles sur les différents supports n'est pas optimale, il nous faut moderniser nos modes de financement des uvres audiovisuelles, de manière à ce qu'elles soient mieux financées, mieux produites, et mieux diffusées. En cela je rejoins les constats faits par le sénateur David Assouline.
Sur ce sujet important sur lequel de nombreux acteurs de la filière sinterrogent, nous devons réfléchir - dans une logique de concertation professionnelle - à une évolution de la réglementation sur la contribution des chaînes de Télévisions à la production audiovisuelle
La présidente de la Commission des affaires culturelles du Sénat, Marie-Christine Blandin et le sénateur Jean-Pierre Plancade lancent ces jours-ci une série d'auditions sur le sujet, comme la indiqué David Assouline.
Le gouvernement pourra tirer les enseignements de ces auditions et des conclusions des sénateurs, et de manière complémentaire proposer une concertation pouvant amener à des évolutions.
Je me réjouis par ailleurs que la réforme du crédit dimpôt audiovisuel votée par le Parlement en fin dannée dernière permette de renforcer la compétitivité de notre économie, lattractivité de notre territoire et daméliorer le financement de la production audiovisuelle. Elle va notamment donner un coup de pouce au documentaire historique grâce à linclusion des dépenses darchives, ainsi quaux coproductions internationales en matière de fiction, ce qui est crucial face à la réalité du marché.
Je sais les inquiétudes qui traversent vos professions et vos métiers, le contexte économique dégradé sajoutant aux bouleversements du numérique. Sachez que je suis extrêmement attentive à ces enjeux et aux menaces qui pèsent sur notre système de régulation et de financement de la création.
Je pense tout particulièrement ici à la réforme de la taxe sur les services de télévision, sur laquelle le Gouvernement reste mobilisé. Les discussions se poursuivent entre Matignon et la Commission européenne pour parvenir dans les meilleurs délais à un texte compatible avec le droit communautaire et fidèle aux principes que j'ai rappelés à Dijon : taxation en proportion du chiffre d'affaires de l'ensemble des modes de distribution des services de télévision. Ces principes, qui sont le socle historique de la politique de soutien au cinéma et à l'audiovisuel et de son financement, vous connaissez l'attachement que je leur porte, et je tiens à réaffirmer leur pertinence et leur efficacité.
Le Président de la République lui-même suit l'avancée des discussions relatives à la TST, dont j'espère qu'elles pourront être conclues rapidement. C'est une condition essentielle du bon fonctionnement de la politique de soutien à la production audiovisuelle en 2013.
Je suis également très attentive au processus de révision par la Commission européenne de la « Communication cinéma » qui encadre les modalités doctroi des aides publiques à la production cinématographique et audiovisuelle. Les propositions de la Commission, qui visent notamment à limiter fortement la possibilité pour les Etats de lier aides publiques et dépenses sur le territoire, risquent en létat de fragiliser les industries nationales et la diversité de la création cinématographique et audiovisuelle en Europe.
La position française, soutenue par de nombreux Etats membres dont lAllemagne et lItalie, a conduit avant Noël le Commissaire Almunia à décider de reporter de quelques mois ladoption du texte et de rechercher un consensus. Un nouveau texte devrait être présenté aux Etats membres en amont dune réunion multilatérale (Etats membres/ Commission européenne) qui devrait avoir lieu dici la fin mars. En liaison avec ses homologues européens, le Gouvernement met actuellement tout en uvre pour convaincre la Commission damender son projet.
J'ajoute enfin que les antennes du service public entendent jouer pleinement leur rôle en matière de contribution et d'exposition de la création française. France Télévisions est, je le rappelle, le premier soutien de la création audiovisuelle française ; et chacun sait l'importance de la ligne éditoriale spécifique d'ARTE.
Je ne sous-estime pas les difficultés financières que subit France Télévisions dans sa contribution à leffort de redressement des finances publiques, et le contrecoup que peut subir la création audiovisuelle française. Dans les négociations du Contrat dobjectifs et de moyens (COM) qui ont actuellement lieu avec France Télévisions, même si les mesures déconomies toucheront les programmes (et cest le cas dès 2013) nous nous efforçons Rémy Pflimlin et moi-même de préserver au mieux les engagements dans la création, et de maintenir à moyen terme les 20% dengagements dans la création.
Nous avons aussi des discussions sur laudace créative nécessaire, sans quen aucun cas je nentende me substituer à ceux qui font le difficile et subtil métier de direction dantenne et de programmation. La télévision publique doit résolument oser, prendre des risques, être pionnière dans les formats, les sujets, les approches, sans se focaliser sur son audimat.
Je salue dailleurs le développement par France Télévisions et Arte de projets destinés au web ou transmédias - associant le web, lInternet mobile et lantenne, qui sont très certainement les pilotes des programmes de demain.
Avant de conclure, je répondrai à Jacques Fansten et à Michel Boyon sur la loi qui portera sur la réforme du CSA. Nos ambitions quant à la création ne relèvent pas nécessairement de la loi mais du Contrat dobjectifs et de moyens, ou de décrets : décrets « production », ou décret portant sur le cahier des charges de France Télévisions. Le Parlement nen sera pas moins impliqué puisque le Sénat nous lavons vu lance des auditions sur les décrets « production », et les commissions en charge des affaires culturelles des deux assemblées seront consultées sur un avenant au COM qui réaffirmera une volonté indéfectible en faveur de la création. La négociation de cet avenant devrait aboutir fin février.
Voilà, les atouts ne manquent pas à la création audiovisuelle française. Les clés de la réussite sont dans lénergie et laudace créative des diffuseurs et des producteurs, mais elles sont aussi dans lambition et ladéquation de nos mécanismes de soutien, qui doivent toujours sadapter aux mutations du secteur et de ses acteurs.
Je vous remercie
source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 30 janvier 2013