Texte intégral
Les débats sociétaux ont été nombreux au sein de cet hémicycle : les uns anticipateurs, les autres accompagnateurs des évolutions de la société.
En effet, il est des temps où la représentation parlementaire a la possibilité de voter des lois qui devancent lévolution de la société civile et résolvent des problèmes avant quils ne se posent de manière conflictuelle.
Mais il est dautre temps où la représentation parlementaire a la possibilité de voter une loi qui accompagne lévolution, dans le meilleur des cas sans trop de retard, en prenant acte dun état des mentalités et des moeurs qui impose une nouvelle législation. Nous sommes précisément à ce moment-là.
Oui, cette réforme visant à ouvrir le mariage et ladoption aux couples de même sexe est une avancée égalitaire.
Il nétait pas si loin le temps où les homosexuels étaient stigmatisés, passibles dune peine délictuelle jusquen 1982 en France. Il a fallu attendre 1990 pour que lOMS retire lhomosexualité de la liste des maladies mentales.
Oui, on vient de loin dans le rejet et la discrimination qui ont engendré bien des souffrances inutiles aussi bien pour les homosexuels eux-mêmes que pour leurs familles. Ils nous lont dit lors des auditions, et je cite : « mon homosexualité nest pas le souci, cest limage de moi et de ma vie quon me renvoie et qui me blesse ».
Comme femme, comme femme de gauche, comme citoyenne, comme ancienne élue de la République, je ne peux admettre quau nom de leur orientation sexuelle, dautres citoyens ou citoyennes puissent être entravés par la peur, la culpabilité ; subir les injures, le rejet, lintimidation et éprouver le dégoût de soi, la solitude morale et physique dautant plus quand il leur est demandé de choisir entre leur sexualité et leur famille.
La République doit retrouver sa vocation universelle, et en particulier celle de luniverselle dignité humaine. Plus personne ne doit être clandestin dans sa famille, clandestin dans la société, clandestin dans la République.
Le regard de la société a commencé à changer mais encore trop timidement. Seule une loi dégalité peut le transformer radicalement. Comme on lutte contre le sexisme, comme on lutte contre le racisme, comme il nous faut encore lutter contre lhomophobie, cette réforme visant à ouvrir le mariage et ladoption aux couples de même sexe sinscrit dans la lignée des lois luttant contre toute forme de discrimination. Elle est ainsi utile à lensemble de la société.
Elle est aussi utile parce que cette loi nous oblige et oblige la société française à regarder droit dans les yeux la réalité des familles daujourdhui. Comme Ministre de la Famille, comme Ministre de toutes les familles, je vous y invite.
Parlons-en :
La généralisation du travail des femmes, la meilleure maîtrise de la contraception, la création et le perfectionnement des techniques dassistance médicale à la procréation ont à la fois changé le visage de la famille et fait évoluer les repères traditionnels de la filiation. Aujourdhui conjugalité, sexualité, procréation, amour ou sentiment peuvent être séparés les uns des autres et agencés par chacun de nos concitoyens comme ils lentendent.
Chacun a pris le gouvernement de sa vie sentimentale. Cest un phénomène inédit au regard des siècles passés. Le fait est là : la famille repose désormais sur la volonté des individus.
Depuis les années 1970, les familles ont opéré une révolution silencieuse quIrène Théry qualifie de révolution de velours. Ces changements ont été acceptés parce que la famille, nen déplaise à quelques uns, loin dêtre une institution figée dans des structures immuables est un formidable facteur dadaptation au changement.
Les mots eux-mêmes ont changé et ont traduit cette évolution sociétale. Qui parlerait encore aujourdhui denfant « bâtard », denfant « adultérin », de « filles mères » quand on sait que 56% des enfants naissent hors mariage ?
Le regard de la société a beaucoup évolué, sans remettre nullement en cause la volonté de « faire famille ». Et sil fallait vous en convaincre, pour plus de 8 Français sur 10 la famille est devenue la première des priorités, 63% de nos concitoyens considèrent que le bien-être, cest avoir une famille quelle quelle soit. On a souvent jugé la valeur famille passéiste, saisissons cette chance pour que ce débat lui redonne ses lettres de modernité.
Moins que jamais il ny a déclin de la famille car elle demeure le lien par excellence entre les générations jouant un rôle dautant plus important du fait de la prolongation de la vie humaine.
Plus que jamais, elle est chargée de la quête affective et du bonheur que tous, adultes comme enfants, attendent des relations privilégiées qui sy établissent. En revanche, il ny a plus de modèle familial unique, cest une évidence. Chacun invente le sien, chacun doit pouvoir choisir.
Cest pourquoi cette diversité des modèles familiaux appelle des avancées nombreuses de notre droit, qui seront lobjet dun autre projet de loi que le Gouvernement est en train de préparer.
Pour lheure, la loi que nous vous présentons sinscrit dans la lignée dune série de lois qui ont déjà fait évoluer notre Code Civil. Dès 1804, Napoléon Bonaparte na-t-il pas dit au moment de la rédaction de ce code : « Les lois sont faites pour les moeurs et les moeurs varient. Le mariage peut donc être soumis au perfectionnement graduel auquel toutes les choses humaines paraissent soumises » ? Depuis lors, la liste des modifications du droit de la famille sest beaucoup enrichie. En 1938, les femmes mariées acquièrent enfin la capacité juridique. En 1965, elles acquièrent lindépendance dans lexercice dune profession et dans lusage de leurs revenus. En 1970, la puissance paternelle est remplacée par lautorité parentale partagée entre les deux parents. En 1975 la législation sur le divorce est assouplie et le divorce pour rupture de vie commune est créé. En 2005 la distinction entre enfants légitimes et naturels ou adultérins est supprimée. En parallèle sont reconnues les formes dunion alternatives au mariage : concubinage et PACS.
Pensez vous que tout cela ait pu saccomplir sans réticence ? Non. Combien de fois la fin du monde nous a été annoncée et combien de fois elle na pas eu lieu !
Vous souvenez vous des mises en garde de Pierre Mazeaud en 1970 à propos du partage de lautorité parentale entre le père et la mère ; je vais vous les rappeler.
« Je voudrais, mes chers collègues, mefforcer de vous préciser combien à notre époque, le texte qui nous est soumis est lourd de conséquences. Que lon ne me taxe pas dantiféminisme. Mais quon sache que ce projet risque daggraver la dissolution de la famille, pourtant cellule de base de toute société. »
Et comme si la parole politique nétait pas suffisante, il appelle à la rescousse pédiatres et psychanalystes : « La mère exerçant lautorité parentale, nest-ce pas affirmer que lenfant devient finalement larbitre des décisions qui le concernent ? »
Pour conclure avec gravité : « Je crains quil ny ait des effets graves dici quelques années. »
Ont-ils eu lieu ? Non.
Vous voyez bien que ces peurs étaient infondées. Alors, je vous le dis refusons les peurs.
La loi voulue aujourdhui est une avancée pour tous. Tous les choix respectueux des valeurs de la République doivent obtenir delle, la même reconnaissance et la même protection. Cest pour toutes les familles que lEtat se veut confiant, sécurisant et exigeant.
Cette loi apportera une réponse aux difficultés concrètes que rencontrent les familles homoparentales dans lesquelles vivent de 40 000 à 300 000 enfants en France. Ils nont pour lheure de lien établi quavec lune des deux personnes du couple, ce qui les plonge dans lincertitude du lendemain en cas de décès ou de séparation. La loi permettra de régler de nombreuses situations en autorisant notamment ladoption de lenfant du conjoint.
Redéfinir les contours juridiques des liens qui unissent et protègent adultes et enfants : voilà ce à quoi est invitée la société aujourdhui. Voilà ce que nous dicte lintérêt de lenfant.
Lenfant : mais vous savez bien quil y a multiplication des acteurs impliqués dans sa conception et son éducation. Force est de reconnaître que la filiation ne peut plus se résumer à la seule filiation biologique, ne serait-ce que parce que ladoption dun enfant ou le recours à la procréation médicalement assistée autorisée à des couples hétérosexuels a fait évoluer la donne. La filiation ne peut plus se réduire au fait procréatif même sil sagit de lui donner la place qui lui revient dans lhistoire de tout individu. Elle sest enrichie aujourdhui de la relation sociale et affective qui se noue de plus en plus fréquemment entre lenfant et ladulte qui léduque. Le plus grand service que lon puisse rendre à un enfant cest de lui reconnaître une histoire dont tous les acteurs et toutes les dimensions, quelles soient sociales, biologiques ou culturelles, puissent être connus.
Oui cette loi répond à une vision généreuse de la famille, une vision qui inclut et non qui exclut, une vision largement partagée par des pays de plus en plus nombreux, à ce jour plus dune quinzaine, qui se sont engagés ou qui sengagent dans cette voie. Lorsque David Cameron, Premier Ministre conservateur dit « le mariage est une grande institution, il ny a pas de raison que les homosexuels en soient exclus », lorsque lun des députés Uruguayens auteur de la loi sur le mariage tient le propos suivant : « Ce nest pas une loi sur le mariage homosexuel ou gay. Il sagit dune mesure pour égaliser linstitution du mariage indépendamment du sexe du couple », lorsque Manu Sareen, Ministre danois de lEgalité et des Affaires ecclésiastiques dit : « Il sagit dégalité ( ) cest un immense pas en avant », lorsque Barack Obama, lors de son discours dinvestiture sexprime ainsi : « Notre voyage ne sera pas terminé tant que nos frères et soeurs homosexuels ne seront pas traités comme tout le monde par la loi », je vous pose la question : peut-on balayer dun revers de main les propos de ces responsables politiques, hommes et femmes, dhorizons politiques différents ? Peut-on les suspecter tous de vouloir détruire le mariage et la famille ?
Il est temps de reconnaître à chacun, quelle que soit son orientation sexuelle, la liberté de choisir la façon dont il fait famille.
Reconnaître cette liberté, cest reconnaître la liberté de tous nos concitoyens. Elle est au coeur même de notre République, cette République telle que Jean Jaurès la si bien définie dans son adresse à la Jeunesse : « la République, cest un grand acte de confiance. La République, disait-il, cest proclamer que des millions dhommes sauront tracer eux-mêmes la règle commune de leur action, quils sauront concilier la liberté et la loi, le mouvement et lordre. Oui la République est un grand acte de confiance et un grand acte daudace. »
Confiance et audace !
Jen appelle, au-delà de la conviction intime de chacun, de ses engagements philosophiques ou religieux, de sa propre expérience, aux forces du changement, aux forces du progrès, à celles qui font avancer lHistoire. La loi et le droit doivent être les mêmes pour tous.
Mais aucune nouvelle avancée nest possible, aucune na de sens tant que subsiste linégalité de principe qui frappe les couples de même sexe et les familles homoparentales, qui leur barre laccès à des formes dengagement le mariage, la filiation ouvertes à toutes les autres familles.
Reconnaître la diversité, ce nest pas créer des régimes juridiques spécifiques à une catégorie ou qui lui seraient plus particulièrement destinés, comme lopposition nous le propose. Quand on aime la famille, on aime toutes les familles. Et je me tourne vers les rangs de lopposition, même si je sais quen son sein il y a des hommes douverture, je leur rappelle les propos de Nicolas Sarkozy en 2009 qui parlait d « erreur » commise par la droite à lépoque du PACS : « cétait ridicule et outrancier. On sest trompé. Jamais il ne faut se raidir. Jamais il ne faut se bunkériser, jamais il ne faut détester ».
Ouvrons donc les mêmes droits dans des conditions qui permettent à tous dy accéder.
Jen appelle à votre attachement républicain et laïc pour refuser toute forme dexclusion. Cest une tâche exigeante, inlassable et François Mitterrand, en 1981 devant lUnion Nationale des Associations Familiales nous y invitait déjà : « A chaque période de la vie, comme à chaque période de la vie dune société, dans une civilisation qui se veut noble et juste, rien nest facile. Rien, car tout est intolérance.
Tout nous invite à ne pas tolérer lautre, à ne pas laccepter, à défendre son quant à soi par une sorte de mouvement animal qui nous porte à considérer comme une atteinte à notre personnalité ladresse que lautre nous fait. Il ny a quune seule réponse. Cela porte un nom peut-être désuet en politique, cela sappelle lamour ».
Je rajouterai modestement, cela sappelle la Fraternité car la famille est le creuset des solidarités par excellence, un lieu de confiance et dentraide, dans un monde qui en manque par trop.
Cela sappelle la Liberté lorsque la République permet à chacun dêtre responsable dans sa vie personnelle, dans sa vie familiale, dans sa vie sociale.
Cela sappelle lEgalité lorsquon permet dans une société dêtre, comme on le dit, tous différents, mais tous pareils.
Alors votez cette loi dégalité des droits et de devoirs. Votez cette loi nécessaire.
Votez cette loi nécessaire maintenant.Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 30 janvier 2013
En effet, il est des temps où la représentation parlementaire a la possibilité de voter des lois qui devancent lévolution de la société civile et résolvent des problèmes avant quils ne se posent de manière conflictuelle.
Mais il est dautre temps où la représentation parlementaire a la possibilité de voter une loi qui accompagne lévolution, dans le meilleur des cas sans trop de retard, en prenant acte dun état des mentalités et des moeurs qui impose une nouvelle législation. Nous sommes précisément à ce moment-là.
Oui, cette réforme visant à ouvrir le mariage et ladoption aux couples de même sexe est une avancée égalitaire.
Il nétait pas si loin le temps où les homosexuels étaient stigmatisés, passibles dune peine délictuelle jusquen 1982 en France. Il a fallu attendre 1990 pour que lOMS retire lhomosexualité de la liste des maladies mentales.
Oui, on vient de loin dans le rejet et la discrimination qui ont engendré bien des souffrances inutiles aussi bien pour les homosexuels eux-mêmes que pour leurs familles. Ils nous lont dit lors des auditions, et je cite : « mon homosexualité nest pas le souci, cest limage de moi et de ma vie quon me renvoie et qui me blesse ».
Comme femme, comme femme de gauche, comme citoyenne, comme ancienne élue de la République, je ne peux admettre quau nom de leur orientation sexuelle, dautres citoyens ou citoyennes puissent être entravés par la peur, la culpabilité ; subir les injures, le rejet, lintimidation et éprouver le dégoût de soi, la solitude morale et physique dautant plus quand il leur est demandé de choisir entre leur sexualité et leur famille.
La République doit retrouver sa vocation universelle, et en particulier celle de luniverselle dignité humaine. Plus personne ne doit être clandestin dans sa famille, clandestin dans la société, clandestin dans la République.
Le regard de la société a commencé à changer mais encore trop timidement. Seule une loi dégalité peut le transformer radicalement. Comme on lutte contre le sexisme, comme on lutte contre le racisme, comme il nous faut encore lutter contre lhomophobie, cette réforme visant à ouvrir le mariage et ladoption aux couples de même sexe sinscrit dans la lignée des lois luttant contre toute forme de discrimination. Elle est ainsi utile à lensemble de la société.
Elle est aussi utile parce que cette loi nous oblige et oblige la société française à regarder droit dans les yeux la réalité des familles daujourdhui. Comme Ministre de la Famille, comme Ministre de toutes les familles, je vous y invite.
Parlons-en :
La généralisation du travail des femmes, la meilleure maîtrise de la contraception, la création et le perfectionnement des techniques dassistance médicale à la procréation ont à la fois changé le visage de la famille et fait évoluer les repères traditionnels de la filiation. Aujourdhui conjugalité, sexualité, procréation, amour ou sentiment peuvent être séparés les uns des autres et agencés par chacun de nos concitoyens comme ils lentendent.
Chacun a pris le gouvernement de sa vie sentimentale. Cest un phénomène inédit au regard des siècles passés. Le fait est là : la famille repose désormais sur la volonté des individus.
Depuis les années 1970, les familles ont opéré une révolution silencieuse quIrène Théry qualifie de révolution de velours. Ces changements ont été acceptés parce que la famille, nen déplaise à quelques uns, loin dêtre une institution figée dans des structures immuables est un formidable facteur dadaptation au changement.
Les mots eux-mêmes ont changé et ont traduit cette évolution sociétale. Qui parlerait encore aujourdhui denfant « bâtard », denfant « adultérin », de « filles mères » quand on sait que 56% des enfants naissent hors mariage ?
Le regard de la société a beaucoup évolué, sans remettre nullement en cause la volonté de « faire famille ». Et sil fallait vous en convaincre, pour plus de 8 Français sur 10 la famille est devenue la première des priorités, 63% de nos concitoyens considèrent que le bien-être, cest avoir une famille quelle quelle soit. On a souvent jugé la valeur famille passéiste, saisissons cette chance pour que ce débat lui redonne ses lettres de modernité.
Moins que jamais il ny a déclin de la famille car elle demeure le lien par excellence entre les générations jouant un rôle dautant plus important du fait de la prolongation de la vie humaine.
Plus que jamais, elle est chargée de la quête affective et du bonheur que tous, adultes comme enfants, attendent des relations privilégiées qui sy établissent. En revanche, il ny a plus de modèle familial unique, cest une évidence. Chacun invente le sien, chacun doit pouvoir choisir.
Cest pourquoi cette diversité des modèles familiaux appelle des avancées nombreuses de notre droit, qui seront lobjet dun autre projet de loi que le Gouvernement est en train de préparer.
Pour lheure, la loi que nous vous présentons sinscrit dans la lignée dune série de lois qui ont déjà fait évoluer notre Code Civil. Dès 1804, Napoléon Bonaparte na-t-il pas dit au moment de la rédaction de ce code : « Les lois sont faites pour les moeurs et les moeurs varient. Le mariage peut donc être soumis au perfectionnement graduel auquel toutes les choses humaines paraissent soumises » ? Depuis lors, la liste des modifications du droit de la famille sest beaucoup enrichie. En 1938, les femmes mariées acquièrent enfin la capacité juridique. En 1965, elles acquièrent lindépendance dans lexercice dune profession et dans lusage de leurs revenus. En 1970, la puissance paternelle est remplacée par lautorité parentale partagée entre les deux parents. En 1975 la législation sur le divorce est assouplie et le divorce pour rupture de vie commune est créé. En 2005 la distinction entre enfants légitimes et naturels ou adultérins est supprimée. En parallèle sont reconnues les formes dunion alternatives au mariage : concubinage et PACS.
Pensez vous que tout cela ait pu saccomplir sans réticence ? Non. Combien de fois la fin du monde nous a été annoncée et combien de fois elle na pas eu lieu !
Vous souvenez vous des mises en garde de Pierre Mazeaud en 1970 à propos du partage de lautorité parentale entre le père et la mère ; je vais vous les rappeler.
« Je voudrais, mes chers collègues, mefforcer de vous préciser combien à notre époque, le texte qui nous est soumis est lourd de conséquences. Que lon ne me taxe pas dantiféminisme. Mais quon sache que ce projet risque daggraver la dissolution de la famille, pourtant cellule de base de toute société. »
Et comme si la parole politique nétait pas suffisante, il appelle à la rescousse pédiatres et psychanalystes : « La mère exerçant lautorité parentale, nest-ce pas affirmer que lenfant devient finalement larbitre des décisions qui le concernent ? »
Pour conclure avec gravité : « Je crains quil ny ait des effets graves dici quelques années. »
Ont-ils eu lieu ? Non.
Vous voyez bien que ces peurs étaient infondées. Alors, je vous le dis refusons les peurs.
La loi voulue aujourdhui est une avancée pour tous. Tous les choix respectueux des valeurs de la République doivent obtenir delle, la même reconnaissance et la même protection. Cest pour toutes les familles que lEtat se veut confiant, sécurisant et exigeant.
Cette loi apportera une réponse aux difficultés concrètes que rencontrent les familles homoparentales dans lesquelles vivent de 40 000 à 300 000 enfants en France. Ils nont pour lheure de lien établi quavec lune des deux personnes du couple, ce qui les plonge dans lincertitude du lendemain en cas de décès ou de séparation. La loi permettra de régler de nombreuses situations en autorisant notamment ladoption de lenfant du conjoint.
Redéfinir les contours juridiques des liens qui unissent et protègent adultes et enfants : voilà ce à quoi est invitée la société aujourdhui. Voilà ce que nous dicte lintérêt de lenfant.
Lenfant : mais vous savez bien quil y a multiplication des acteurs impliqués dans sa conception et son éducation. Force est de reconnaître que la filiation ne peut plus se résumer à la seule filiation biologique, ne serait-ce que parce que ladoption dun enfant ou le recours à la procréation médicalement assistée autorisée à des couples hétérosexuels a fait évoluer la donne. La filiation ne peut plus se réduire au fait procréatif même sil sagit de lui donner la place qui lui revient dans lhistoire de tout individu. Elle sest enrichie aujourdhui de la relation sociale et affective qui se noue de plus en plus fréquemment entre lenfant et ladulte qui léduque. Le plus grand service que lon puisse rendre à un enfant cest de lui reconnaître une histoire dont tous les acteurs et toutes les dimensions, quelles soient sociales, biologiques ou culturelles, puissent être connus.
Oui cette loi répond à une vision généreuse de la famille, une vision qui inclut et non qui exclut, une vision largement partagée par des pays de plus en plus nombreux, à ce jour plus dune quinzaine, qui se sont engagés ou qui sengagent dans cette voie. Lorsque David Cameron, Premier Ministre conservateur dit « le mariage est une grande institution, il ny a pas de raison que les homosexuels en soient exclus », lorsque lun des députés Uruguayens auteur de la loi sur le mariage tient le propos suivant : « Ce nest pas une loi sur le mariage homosexuel ou gay. Il sagit dune mesure pour égaliser linstitution du mariage indépendamment du sexe du couple », lorsque Manu Sareen, Ministre danois de lEgalité et des Affaires ecclésiastiques dit : « Il sagit dégalité ( ) cest un immense pas en avant », lorsque Barack Obama, lors de son discours dinvestiture sexprime ainsi : « Notre voyage ne sera pas terminé tant que nos frères et soeurs homosexuels ne seront pas traités comme tout le monde par la loi », je vous pose la question : peut-on balayer dun revers de main les propos de ces responsables politiques, hommes et femmes, dhorizons politiques différents ? Peut-on les suspecter tous de vouloir détruire le mariage et la famille ?
Il est temps de reconnaître à chacun, quelle que soit son orientation sexuelle, la liberté de choisir la façon dont il fait famille.
Reconnaître cette liberté, cest reconnaître la liberté de tous nos concitoyens. Elle est au coeur même de notre République, cette République telle que Jean Jaurès la si bien définie dans son adresse à la Jeunesse : « la République, cest un grand acte de confiance. La République, disait-il, cest proclamer que des millions dhommes sauront tracer eux-mêmes la règle commune de leur action, quils sauront concilier la liberté et la loi, le mouvement et lordre. Oui la République est un grand acte de confiance et un grand acte daudace. »
Confiance et audace !
Jen appelle, au-delà de la conviction intime de chacun, de ses engagements philosophiques ou religieux, de sa propre expérience, aux forces du changement, aux forces du progrès, à celles qui font avancer lHistoire. La loi et le droit doivent être les mêmes pour tous.
Mais aucune nouvelle avancée nest possible, aucune na de sens tant que subsiste linégalité de principe qui frappe les couples de même sexe et les familles homoparentales, qui leur barre laccès à des formes dengagement le mariage, la filiation ouvertes à toutes les autres familles.
Reconnaître la diversité, ce nest pas créer des régimes juridiques spécifiques à une catégorie ou qui lui seraient plus particulièrement destinés, comme lopposition nous le propose. Quand on aime la famille, on aime toutes les familles. Et je me tourne vers les rangs de lopposition, même si je sais quen son sein il y a des hommes douverture, je leur rappelle les propos de Nicolas Sarkozy en 2009 qui parlait d « erreur » commise par la droite à lépoque du PACS : « cétait ridicule et outrancier. On sest trompé. Jamais il ne faut se raidir. Jamais il ne faut se bunkériser, jamais il ne faut détester ».
Ouvrons donc les mêmes droits dans des conditions qui permettent à tous dy accéder.
Jen appelle à votre attachement républicain et laïc pour refuser toute forme dexclusion. Cest une tâche exigeante, inlassable et François Mitterrand, en 1981 devant lUnion Nationale des Associations Familiales nous y invitait déjà : « A chaque période de la vie, comme à chaque période de la vie dune société, dans une civilisation qui se veut noble et juste, rien nest facile. Rien, car tout est intolérance.
Tout nous invite à ne pas tolérer lautre, à ne pas laccepter, à défendre son quant à soi par une sorte de mouvement animal qui nous porte à considérer comme une atteinte à notre personnalité ladresse que lautre nous fait. Il ny a quune seule réponse. Cela porte un nom peut-être désuet en politique, cela sappelle lamour ».
Je rajouterai modestement, cela sappelle la Fraternité car la famille est le creuset des solidarités par excellence, un lieu de confiance et dentraide, dans un monde qui en manque par trop.
Cela sappelle la Liberté lorsque la République permet à chacun dêtre responsable dans sa vie personnelle, dans sa vie familiale, dans sa vie sociale.
Cela sappelle lEgalité lorsquon permet dans une société dêtre, comme on le dit, tous différents, mais tous pareils.
Alors votez cette loi dégalité des droits et de devoirs. Votez cette loi nécessaire.
Votez cette loi nécessaire maintenant.Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 30 janvier 2013