Déclaration de M. François Lamy, ministre de la ville, sur les objectifs de la réforme de la politique de la ville, notamment la concentration des moyens sur un nombre restreint de territoires prioritaires, à Paris le 31 janvier 2013.

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Circonstance : Séance plénière clôturant la concertation "Quartiers : engageons le changement !", à l'Assemblée nationale le 31 janvier 2013

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs les élus,
Madame la présidente de l'Acsé,
Monsieur le président de l'Anru,
Mesdames et messieurs les membres de la concertation,
Je remercie la Ministre de l'Egalité des Territoires et du Logement Cécile DUFLOT d'avoir ouvert cette plénière de clôture de la concertation, ce qui témoigne de son intérêt pour la Politique de la Ville et nos travaux. Je n'en doutais aucunement. Vous avez l'illustration que nous avons à coeur, Ministre et Ministre délégué, de travailler étroitement sur ces sujets, depuis notre nomination par le Président de la République en mai dernier dans nos fonctions. Nous avons à coeur de combiner nos réflexions et nos actions. Une véritable dynamique s'est engagée entre nous pour que notre travail se traduise dans les faits, au service de l'égalité des territoires.
Je salue avec une pensée particulière la présence, pour quelques minutes encore, du maire d'Amiens, Gilles Demailly, qui retourne d'urgence dans sa ville suite à l'annonce ce matin du projet de la direction de Goodyear de fermer son site d'Amiens Nord. M. le Maire, vous savez que je suis de très près la Ville d'Amiens depuis le mois de juin dernier, et que je reste bien sûr très attentif à la situation des habitants des quartiers d'Amiens.
Notre présence à l'Assemblée nationale ce matin, place parfaitement notre plénière de clôture dans le contexte de son objectif, la réforme de la Politique de la Ville, dont l'aboutissement sera justement parlementaire dans quelques mois.
Je tiens évidemment à saluer les 6 co-présidents et les services du SG CIV. Ils ont su tenir le cap que je leur avais fixé dans un temps particulièrement contraint et à un rythme soutenu mais incontournable. Merci pour votre implication et votre persévérance qui permet d'aboutir à ce rapport de qualité que vous me remettez ce matin et qui alimentera le prochain comité interministériel des villes que présidera le Premier Ministre le 19 février prochain.
Merci à vous tous enfin : parlementaires, élus municipaux ou intercommunaux, associations, habitants d'un quartier, professionnels, centres de ressources, bailleurs, entreprises, représentants de l'État, universitaires… Je veux le réaffirmer ici : sans vous tous, il n'y a pas de politique de la ville qui tienne.
En pensant à l'ampleur de la mobilisation, à l'ensemble des réunions qui se sont tenues dans le pays, à ces 700 cahiers d'acteurs, je me demandais pourquoi la réforme d'une politique publique, qui ne représente au final qu'un budget de 500 millions d'euros, suscitait tant de mobilisation.
Sans doute parce que, bien avant d'être une politique de moyens, la politique de la ville est d'abord une méthode de l'action publique, une politique partenariale et contractuelle, qui démontre au quotidien que le décloisonnement des pratiques, l'échange d'expériences et la mise en commun d'actions sont des facteurs d'efficacité au service des habitants. Les dizaines de réunions et la centaine d'heures de travail en commun masquent assurément des centaines d'autres au sein de vos propres structures : je sais combien votre implication est allée bien au-delà de la concertation elle-même, j'y suis particulièrement sensible et cela m'engage.
Cette concertation était attendue et nécessaire. Et la réforme qui s'ouvre avec elle et qui en découlera l'est tout autant. Après l'abandon de celle lancée par le précédent gouvernement en 2009, qui aura causé beaucoup de désillusion et d'amertume pour les acteurs de la politique de la ville mais également et surtout pour les habitants des quartiers populaires, nous avons le devoir collectif de réussir celle-ci en 2013.
En écoutant ce matin les préconisations des groupes de travail et les échanges qui ont suivi, je pense que nous sommes collectivement prêts pour cette réforme. Vos préconisations sont nombreuses à avoir fait l'objet d'un large consensus, et elles rejoignent les objectifs de la feuille de route que le gouvernement a fixée le 22 août dernier. Voilà pourquoi nous allons mener cette réforme jusqu'au bout.
Pour le Comité interministériel des villes du 19 février prochain, sur la base de vos préconisations d'aujourd'hui, je proposerai au Premier Ministre, entre autres, 5 engagements, qui sont autant d'enjeux fondamentaux pour cette réforme.
Le premier engagement - et l'objectif de cette réforme était clair dès le début des travaux de cette concertation opérationnelle – est de concentrer les moyens sur un nombre redéfini et restreint de territoires, pour obtenir un réel effet levier que ne permet pas le saupoudrage actuel.
Il ne s'agit pas de la résultante de la nécessaire réduction du budget de l'Etat engagé par le gouvernement. Il s'agit de la conséquence d'un constat que beaucoup d'entre vous avez fait, et qu'avait relevé la Cour des Comptes en juillet dernier : on ne peut pas d'un côté reconnaître la capacité des crédits de la politique de la Ville à lever le droit commun et de l'autre accepter la dilution des moyens. Nous le savons pertinemment : ne pas concentrer, ce serait laisser dépérir la politique de la ville. Et je ne serai ni le ministre d'une nouvelle désillusion, ni le ministre qui aura contribué à enterrer cette politique.
J'entends cependant les inquiétudes, notamment de la part des territoires actuellement en politique de la ville qui ne craignent de ne plus être prioritaires demain.
Là où il existe des concentrations de pauvreté, alors les crédits de la politique de la ville interviendront. Là où ces concentrations de difficultés auront significativement diminué, cela signifiera que les politiques menées depuis 30 ans, auront produit des résultats positifs. Alors cela devra être un sujet de satisfaction, pour les élus locaux, mais aussi et surtout pour les habitants.
Par ailleurs, je souhaite vous l'assurer : l'objectivité, l'impartialité des critères qui ont été proposés par le groupe animé par Claude Dilain et Nicole Klein ne laissent aucune place au doute. Sur ce point, l'un des deux critères que vous proposez, celui du revenu des habitants, fait largement consensus et apparaît devoir être positionné au coeur de la nouvelle géographie.
La réforme que je proposerai se basera sur une nouvelle géographie emboîtée, afin de décloisonner l'action publique, parce qu'il faut casser les frontières et sortir de l'effet seuil. Il n'est plus possible que la puissance publique trébuche à cause d'une logique de zonages pour laquelle la rue que traversent pourtant quotidiennement les habitants est un horizon indépassable pour l'action publique.
La première de ces boîtes, vous les appelez dans vos conclusions « les territoires cibles » : je préfère le terme de « quartiers prioritaires », sera le coeur de la nouvelle concentration des moyens de la politique de la Ville.
Mais cette premi??re pierre de la géographie prioritaire, il faut la faire inter-agir avec la vie réelle des citoyens. Ce que je veux, c'est que ces « nouveaux quartiers prioritaires » soient ouverts sur leur environnement. La mobilité des habitants, leur trajet pour aller travailler, étudier, se cultiver, seront pris en compte.
Les politiques publiques s'y adapteront dans « un nouveau territoire d'intervention », notre deuxième « boite ». Ces territoires d'interventions seront définis par l'expertise locale, et l'objectif sera d'agir dans le sens des réductions des écarts entre le quartier prioritaire et son environnement urbain.
C'est le périmètre des transports urbains et équipements publics auquel le citoyen des quartiers prioritaires doit avoir accès, les pôles d'emploi du territoire qui devront être inscrits dans un projet de désenclavement. Ce sera la prise en compte d'établissements scolaires de la géographie prioritaire de l'éducation nationale. C'est la prise en compte du citoyen des quartiers populaires dans sa globalité, c'est une logique pour continuer à briser les ghettos.
La combinaison globale trouvera sa cohérence dans les nouveaux contrats d'agglomération. Mais j'y reviendrais dans un instant.
Pour les territoires qui demain ne seront plus prioritaires, je retiens la préconisation de mettre en place des territoires de « veille », et j'ajouterai même : de veille active. D'une part, ces territoires devront bénéficier de mécanismes de sortie en sifflet, avec une baisse progressive et soutenable des crédits de la politique de la ville. D'autre part, ces territoires feront l'objet d'une observation et d'un suivi tout particulier, avec mobilisation du droit commun et de la solidarité locale.
J'ajoute que ces territoires de veille concerneront également les quartiers dont les acteurs locaux s'inquiètent à moyen terme de la dégradation de leur situation sociale. Avec ce dispositif, nous donnerons une dimension préventive à la politique de la ville.
Il y a aujourd'hui 2500 quartiers en CUCS. Comme je l'ai toujours dit, puisque cette politique est avant tout un outil partenarial, il pourra toujours y avoir demain 2500 quartiers qui contractualisent avec la Politique de la ville, comme méthode d'action et participant de la mobilisation des acteurs. Mais l'État, s'il pourra continuer d'être présent dans ces contrats sur son droit commun ou son expertise, devra néanmoins moduler et concentrer son intervention en fonction de l'intensité des besoins.
Demain, on peut estimer qu'entre 500 et 1000 quartiers prioritaires seront le coeur de cible de la nouvelle géographie. Il feront l'objet d'une solidarité nationale renforcée, tant sur les crédits de la politique de la ville, que sur ceux du droit commun renforcé de l'État comme des collectivités, sur les fonds européens que piloteront les régions, et sur les outils de péréquation nationaux et locaux.
Le 2ème engagement que je proposerai au Premier ministre, c'est la mobilisation du droit commun et la territorialisation des politiques publiques. Cela redonnera tout son sens à notre mission première : être des moteurs des politiques publiques.
C'est pourquoi par sa circulaire du 30 novembre 2012, le Premier ministre a voulu que chacun des ministères signe des conventions triennales avec le ministère de la ville, sur la base d'objectifs à atteindre dans un futur proche, en faveur des quartiers prioritaires. Et ces moyens nouveaux devront se décliner localement dans les futurs contrats. Ces conventions, je les élabore actuellement avec tous les Ministères concernés : emploi, culture, jeunesse, éducation, sécurité, santé, transports, justice… C'est l'élargissement des engagements ministériels qui donnera sa force à la mobilisation gouvernementale.
J'ai bien conscience et je veux répondre en cela à Stéphane Beaudet, des difficultés sur la mobilisation du droit commun. J'y suis confronté quotidiennement. « La où il y a une volonté, il y a un chemin » disait François Mitterrand. Cette volonté, elle est présente, et nous sommes en train de nous doter des outils, des chemins, qui nous permettrons d'élargir le droit commun dans les quartiers prioritaires.
C'est pourquoi, je souhaite aussi, avec vous, car c'est selon moi le deuxième levier du droit commun, que soit élargit le nombre de signataires des futurs contrats à ceux qui portent des politiques et des financements dans les territoires : les ministères sectoriels bien sûr, à travers les préfets, mais également le recteur et le procureur de la République ; je souhaite également que les grands opérateurs nationaux, et surtout Pôle Emploi et les CAF soient signataires de ces futurs contrats de ville. Et également les collectivités locales, avec la Région - je signerai prochainement une convention qui va dans ce sens, avec l'Association des Régions de France - qui sont compétentes en matière de développement économique et de formation. Je signerai également prochainement une convention avec l'Association des Départements de France, pour que l'ensemble des départements soit signataires des futurs contrats. Cet engagement dans la contractualisation est essentiel, car force est de constater qu'à chaque fois que la politique de la ville s'est impliquée dans un territoire, les autres ont eu tendance à en partir.
Je veux que demain, au contraire, la politique de la ville s'implique dans un territoire parce que les autres s'y impliquent. Et j'entends – pour ne pas en dire plus - la préconisation du groupe d'Annie Guillemot et de Claude Morel de conditionner l'octroi des crédits spécifiques à la mobilisation préalable du droit commun.
Dans ces nouveaux contrats, nous appellerons aussi à la montée en puissance des intercommunalités. A l'instar des communautés urbaines, et sur la base des recommandations des groupes et de François Pupponi, je proposerai que soit rendue exclusive la compétence de la politique de la ville pour les communautés d'agglomération dans l'acte III de la décentralisation. L'intercommunalité devra renforcer pour sa part ses efforts en matière de solidarité financière et d'intervention dans et pour ces territoires. Je le redis : il ne s'agit pas de destituer les maires de leur rôle de pilote de proximité – rôle qui sera d'ailleurs conforté dans le projet de loi -, mais bien de responsabiliser les EPCI qui pour beaucoup, aujourd'hui, se retranchent derrière la notion de l'intérêt communautaire pour ne pas exercer la solidarité qui pourtant les oblige.
Je n'en dis pas plus sur les propositions faites par François Pupponi, car le sujet de la péréquation engage d'autres ministères que le mien, mais je retiens l'idée principale – et comment le ministre de la Ville pourrait-il ne la retenir ? – l'idée d'avoir une dotation spécifique « Politique de la Ville », dotation spécifique qui devrait être ensuite retracée dans les budgets communaux et intercommunaux.
Demain, le triumvirat de la politique de la ville sera donc constitué par le préfet, parce que la politique de la vile est et doit rester une politique nationale, le préfet garant de la solidarité nationale, le président de l'EPCI, maître d'ouvrage et garant de la solidarité locale, et le maire, maître d'oeuvre, opérateur, et garant de l'efficacité des moyens d'intervention.
Le 3ème engagement que je veux prendre avec le Gouvernement est la mise en oeuvre d'un engagement du candidat, aujourd'hui président de la République, François Hollande. C'est son engagement 27 : lancer une nouvelle génération d'opérations de renouvellement urbain.
Il faut évidemment achever le premier programme ; mais on ne peut pas attendre. Je travaille au quotidien pour y aboutir. Je continue mes discussions avec l'ensemble des partenaires et financeurs de la rénovation urbaine. Mon souhait – mais vous comprendrez que je n'en dise pas plus - est que cette année 2013 permette de nous outiller pour construire les fondations du volet rénovation urbaine dans les contrats de ville des futurs quartiers prioritaires, qui eux seront lancés en 2014.
Mais l'enjeu est essentiel, parce que je ne veux pas perdre le savoir faire des équipes constituées, parce que de nombreux projets attendent, de nombreux territoires s'impatientent, et beaucoup d'habitants ne comprennent pas pourquoi ils sont aujourd'hui du mauvais côté de la rue, celui que l'on n'a pas pu rénover. C'est une exigence pour eux et c'est une exigence pour la cohésion urbaine de nos villes.
Il ne faudra pas céder à la dérive inflationniste dont les articles 6 sont aujourd'hui l'exemple. C'est pourquoi, plutôt qu'à des appels à projet, je suis plutôt favorable à l'établissement d'une liste nationale, sur la base de critères précis et objectifs, dans le cadre de la nouvelle géographie. Mais de cela, nous en reparlerons le moment venu.
Cette nouvelle étape de rénovation, je veux qu'elle permette aussi de renouveler les pratiques d'élaboration des projets. « A nouvelles générations d'opérations, nouvelles règles ». Je veux parler du rôle actif des habitants, qui doivent devenir co-constructeurs de leur projet de territoire, comme l'a rappelé ce matin mon amie, la Ministre de l'Egalité des Territoires et du Logement, Cécile DUFLOT.
Le principe de la concertation avec les habitants, nous le savons, est à présent inscrit dans l'élaboration et la conduite des projets de territoire. Cette évolution ne s'est pas faite en un jour. Oui, le suffrage universel confère toute légitimité aux élus, qui sont les représentants des habitants. Ils impulsent et décident, assumant des choix souvent cornéliens. Cependant, le suffrage universel ne confère pas le pouvoir d'être omniscient, ni infaillible. Et pour moi, il n'y a pas l'once d'un doute sur la légitimité pleine et entière de l'élu, lorsqu'il construit un projet avec les premiers concernés, bien au contraire. Celles et ceux qui pratiquent déjà la participation et la concertation avec les habitants en sont conscient, et ils peuvent témoigner de l'apport positif de cette méthode.
La co-construction avec les premiers concernés, les habitants, est donc naturellement l'objet de mon quatrième engagement, probablement le plus ambitieux. Cette co-construction sera une évolution importante dans nos pratiques. Je sais qu'il s'agit d'une conception de l'action publique qui n'est pas encore inscrite dans notre logiciel institutionnel, voire culturel. Mais un logiciel, ça se met à jour. Et je pense que la Politique de la ville est particulièrement adaptée pour être en pointe sur ce sujet. Cet engagement, je le conduirai à partir du rapport que me remettront Mohammed Mechmache et Marie-Hélène Bacqué au mois de juin 2013. La mission que je leur ai confiée me proposera les outils et les méthodes, pour faire entendre et faire respecter, dans la durée, la parole des habitants des quartiers populaires.
J'ai également entendu votre demande, persévérante, d'avoir localement une plus grande liberté d'action, d'avoir le droit d'innover et d'expérimenter, en fonction des difficultés propres à chaque ville, mais aussi en fonction des richesses humaines et des ressources spécifiques à chacun de vos territoires. C'est l'une des préconisations que je retiens pour l'instant du groupe de Stéphane Beaudet et Françoise Bouygard. Il est effectivement essentiel que les actions portées dans un cadre national global puissent se réaliser de manière différenciée dans les quartiers, en fonction des réalités et en fonction des besoins.
Je n'oublie pas que ce besoin de souplesse, il est demandé également par le monde associatif. C'est le sens des consignes que j'ai transmises dès ce début d'année aux préfets, sur la nécessité d'une meilleure lisibilité pour les associations, et d'un conventionnement pluriannuels d'objectifs pour le monde associatif. Je crois que nous aurons également à travailler sur l'allègement de certaines règles pour les associations, notamment celles qui ont fait la preuve de leurs savoir-faire depuis de nombreuses années pour les quartiers.
J'ai l'habitude de le dire : il n'y a pas une politique de la ville qui s'impose depuis le niveau national, mais autant de politiques de la ville différentes que de territoires qui en bénéficient. Et c'est encore plus vrai, j'en ai conscience, dans les outremers.
Je retiens également l'idée de mettre à la disposition des acteurs de la politique de la ville une banque de données qui donne un élan à ces nouvelles pratiques locales, et qui aide à diffuser ces projets pionniers vers d'autres villes, au profit d'autres habitants.
Le 5ème engagement, c'est celui de la lutte contre les stigmatisations et les discriminations dont font l'objet les habitants des quartiers populaires. C'est la colonne vertébrale, la raison pour laquelle les 4 premiers engagements existent. Car l'objectif principal de la politique de la Ville, c'est bien la mixité sociale, et son premier adversaire, ce sont les discriminations. Ces barrières sont insidieuses et insupportables. Mais avant tout : elles sont illégales. Nous devons à présent nous attaquer à faire respecter le droit, à faire respecter l'égalité.
Pour cela, notamment grâce aux travaux en cours de l'Acsé et grâce à sa présidente Naïma CHARAÏ, dont je sais qu'elle travaille sur ces thématiques depuis très longtemps, je proposerai un plan de travail et des dispositifs précis de lutte contre les discriminations qui s'adresseront à l'ensemble de notre pays.
Au-delà, j'identifie des leviers puissants, que sont la culture et l'apport des cultures urbaines, le travail sur la mémoire et l'histoire des habitants et de leurs quartiers. Il y a, aussi, un travail indispensable à mener sur la représentation institutionnelle, médiatique, et politique des héritiers de l'immigration. Et tant que la représentation que la France se fait de ses quartiers populaires sera aussi éloignée de la réalité, nous devrons apporter des réponses, à l'image des instruments législatifs mis en place petit à petit pour l'égalité femmes-hommes.
Enfin, et même si je sais que le mot fait parfois débat, la notion d'intégration me tient à coeur. Je pense qu'elle continue de faire partie des enjeux de la lutte contre les discriminations. Mais il faut reprendre la signification première, celle par laquelle l'intégration n'est pas une injonction lancée à une seule des deux parties, mais aux deux, chacun faisant un pas pour l'autre et vers l'autre. Il est temps de réaffirmer que les freins à l'intégration ne viennent pas de là où l'on croit.
Nous réparons les ascenseurs, dans les politiques de rénovation, il devient urgent de réparer également l'ascenseur républicain, celui qui faisait la fierté de notre pays.
Cela suppose de ne pas oublier en route nos objectifs premiers. Notre concertation s'est beaucoup concentrée sur les outils de la politique de la ville. Ces outils, n'oublions jamais, nous les voulons les plus efficaces possibles pour les mettre au service de l'emploi, première priorité du gouvernement, d'une éducation de qualité, d'une culture pour tous. Nous voulons que dans ces quartiers populaires, le droit des femmes ne soit pas qu'une formule, que la sécurité soit un droit, que les politiques de santé soient accessibles à tous. Pour résumer, et comme me le disaient les habitants que j'ai rencontrés pendant les quatre Rencontres Avis Citoyens, nous voulons que les citoyens de ces quartiers aient accès aux mêmes services et aux mêmes droits que ceux des quartiers plus privilégiés. Et pour cela, il faudra en faire plus pour rétablir l'égalité républicaine.
Avant de finir mon propos, et cette matinée de travail, il est important pour moi de vous assurer que l'esprit dans lequel nous avons travaillé ensemble, l'esprit de cette concertation, ne doit pas se refermer. Ces trois mois de travail intense ont permis de mobiliser largement les acteurs de la politique de la Ville, de redonner du sens et de l'espoir pour toutes celles et ceux qui savaient que leurs analyses et leurs contributions sont importantes pour l'avenir des quartiers populaires.
Mais puisque nous concluons nos travaux, il est important de prendre conscience que, finalement, tout commence aujourd'hui.
Je vous le disais déjà le 11 octobre dernier lors du lancement de cette concertation : cela sera difficile. Parce que la réforme que je vais mener, que nous allons mener, est une réforme de solidarité, et justement parce que c'est un outil de solidarité nationale, les égoïsmes risquent de se réveiller. Pour que ça ne change rien pour eux. Pour que ça ne change rien chez eux. Alors il revient dès maintenant, à chacun d'entre nous, et je serai le premier, d'expliquer et de convaincre de la nécessité absolue et de la cohérence de cette réforme, dans sa globalité.
Je suis le garant des préconisations de cette concertation qui s'achève. Mais je souhaite également conserver cette dynamique. Je vous propose aujourd'hui de ne pas dissoudre ces groupes de travail mais de nous retrouver régulièrement dans un nouveau cadre qu'on pourrait dénommer « comité de suivi ». Ce sera donc avec votre soutien bienveillant mais vigilant que je mettrai en oeuvre cette réforme, au nom de la dignité de nos concitoyens des quartiers populaire.
Et pour arriver à cet objectif, il ne faut pas ménager nos efforts, ni notre courage. Surtout pas maintenant. Parce qu'aujourd'hui tout commence.
Je vous remercie.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 11 février 2013