Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, à "France Info" le 7 février 2013, sur la transition politique en Tunisie, les négociations sur le budget communautaire et sur la politique agricole commune (PAC).

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Média : France Info

Texte intégral

RAPHAËLLE DUCHEMIN
On va évidemment évoquer la Politique agricole commune, avec vous, mais d’abord, peut-être, votre sentiment sur ce qui se passe en ce moment en Tunisie, l’annonce d’un nouveau gouvernement d’union nationale, est-elle, selon vous, de nature à ramener l’ordre, à ramener le calme en Tunisie ?
STEPHANE LE FOLL
Je l’espère. Moi, j’avais bien mesuré qu’au travers de ces révolutions, la transition serait longue. Donc il faut être à la fois conscient des risques qu’il y avait avec ces révolutions et cette transition, et en même temps il faut être présent, il faut être au soutien, de tous les démocrates et de la démocratie.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Nous, démocratie occidentale, nous n’avons pas su tenir la main à ces nouvelles démocraties.
STEPHANE LE FOLL
Je crois que l’on a une difficulté, parce que le processus démocratique, par définition, laisse au peuple le choix des gouvernements qui doivent diriger ces pays, ça a été le cas, il y a eu des élections, mais en même temps, ces processus démocratiques, après des dictatures, comme celle de l’Egypte, d’ailleurs, on le voit très bien, en Egypte, aussi, les difficultés, la Tunisie, tout ça ça va prendre du temps, et les convulsions aux post-révolutions, vont être des moments extrêmement dangereux, et l’équilibre est fragile, il faut qu’on soit là en soutien. Amitié au peuple tunisien, soutient à tous ceux qui défendent la démocratie, défense absolue des droits de l’homme.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Alors on va évidemment partir maintenant pour Bruxelles, puisque ce soir les 27 ont rendez-vous…
STEPHANE LE FOLL
Tout en restant à Paris.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Oui, tout en restant à Paris, pour évoquer, évidemment, ces budgets 2014/2020, qui nous préoccupent beaucoup, puisque la dernière fois la séance s’est soldée par un échec, c’était il n’y a pas si longtemps, hein, puisque c'était en fin d’année dernière. Ce serait quoi, finalement, aujourd'hui, un budget gagnant/gagnant, pour l’Europe et pour la France, Stéphane LE FOLL ?
STEPHANE LE FOLL
Je pense que le gagnant/gagnant c'est d’imaginer un budget, c'est ce qu’a proposé le président de la République, depuis le début, européen, à la hauteur des défis, à la fois sur le maintien des grandes politiques européennes, la Politique agricole, la politique de cohésion, et la capacité en même temps, de préparer l’investissement pour l’avenir, c'est-à-dire la recherche, les grands projets d’investissements. C'est ça un budget.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Et il y a un chiffre acceptable ou pas ?
STEPHANE LE FOLL
Ça serait difficile, ce matin, pour moi, de dire qu’il y a des chiffres acceptables. Vous voyez bien dans quelle situation vous me mettriez, si demain le chiffre que j’annonçais était, ou alors en-dessous de la réalité, j’aurais l’air…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mille milliards d’euros, c'est trop ?
STEPHANE LE FOLL
Non. Donc, il faut que ce budget soit en capacité de répondre, je le disais tout de suite, aux enjeux que j’évoquais. Il y en a trois. Il y a deux grandes politiques, et je le dis bien, cohésion et Politique agricole. Je suis prêt à donner, comment dirais-je, les explications pour défendre cette politique de l’agriculture, et ensuite il y a un budget qui doit favoriser, ça a été le cas avec le plan pour la croissance, une capacité d’investir pour l’avenir.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Alors, la problématique de la PAC est évidemment posée, 386 milliards, c'est ça, je crois, quand on propose 369 milliards côté Bruxelles, ça va coincer.
STEPHANE LE FOLL
Eh bien par rapport à ce qui existait, les propositions, vous les avez évoquées, étaient une réduction de près de 20, 30 milliards, de ce qui était la politique d’aujourd'hui. Il a fallu se battre pour remonter cette proposition, on n'est pas encore au bout.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mais Angela MERKEL, entre temps, a, je crois, un petit peu changé d’avis sur la Politique agricole commune.
STEPHANE LE FOLL
En tout cas je sais qu’on n’avait pas forcément énormément d’alliés et qu’il fallait… et qu’il a fallu aller chercher des alliés dans ce débat, en, particulier avec l’Espagne, avec l’Italie, avec le Portugal, avec la Pologne aussi. On a cherché…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mais plus avec l’Allemagne.
STEPHANE LE FOLL
Et avec l’Allemagne, la discussion, elle était sur l’enjeu européen et l’enjeu de la Politique agricole. Et donc, cette discussion…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Bon, soyons clairs, ça va baisser.
STEPHANE LE FOLL
Il y aura… il y a une bataille aujourd'hui, et vous l’avez indiqué, on était à 386 milliards, la proposition qui était sut la table, c’était 269 milliards. Donc il faut faire remonter cette proposition, c'est toute la bataille qui est en jeu, et c'est toutes les discussions que mène le président de la République en ce moment.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Quels arguments vous allez donner aux agriculteurs qui nous écoutent et qui vont peut-être voir cette enveloppe baisser, et qui vont du coup être directement impactés ?
STEPHANE LE FOLL
D’abord, je compte toujours sur le fait que l’on ait un débat qui améliore les positions qui sont celles aujourd'hui qui sont défendues, et en même temps, je le dis, on a à prendre en compte le contexte global, mais ça va dépendre du résultat final, c'est-à-dire que, aujourd'hui, même des variations de 8, 9, 10 milliards, ça compte dans l’objectif à la fin. Donc je ne peux pas dire exactement ce qui va se passer, parce que je n’ai pas le résultat définitif de cette négociation. Moi, je sais une chose, c'est qu’on a des ordres de grandeur, sur lesquels on peut répondre aux objectifs qui sont les nôtres, mais que ces ordres de grandeur, eh bien c'est dans ces jours, et ces nuits, surtout, que ça va se dérouler, que, eh bien, on sera ou non à la hauteur de ce que nous pouvons, et ce que nous devons faire pour les agriculteurs français.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Vous, vous défendez aujourd'hui la transition écologique aussi, vous êtes ministre de l’Agriculture ou ministre de l’Ecologie, finalement, Stéphane LE FOLL ?
STEPHANE LE FOLL
En tout cas, moi, je suis partisan depuis longtemps, de l’idée toute simple que la performance de l’économie agricole, elle ira avec la performance écologique de cette économie agricole.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
C'est pour ça qu’il y a quand même une partie des agriculteurs qui viennent déverser du fumier devant vos portes, hein.
STEPHANE LE FOLL
Je ne sais pas, il y avait des élections aussi dans les Chambres d’agriculture, donc j’imagine qu’il y avait un peu de tensions.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mais on n’a pas les résultats ce matin.
STEPHANE LE FOLL
Et on n’aura pas les résultats ce matin, parce qu’ils sont encore partiels. Mais, j’ai une ligne, je l’ai dit, je veux que la France devienne un leader de l’agroécologie, c'est-à-dire de la combinaison de la performance économique et de la performance écologique, cette idée qui consiste à dire : il n’y a aucune raison de ne pas rendre compatibles ces deux ambitions. Et donc, la France, en plus, a des atouts immenses.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Et comment vous faites pour protéger nos éleveurs, de la flambée notamment des cours des matières premières ?
STEPHANE LE FOLL
La flambée des cours des matières premières, c'est deux choses, c'est à la fois la manière dont on répercute les prix et la hausse des prix, liée à la flambée de ces matières premières, c'est l’organisation des producteurs pour leur permettre aussi de négocier avec les transformateurs, mieux, c'est le lait, le porc, c'est dans tous les domaines, et puis c'est une solidarité qui s’organise et qui doit s’organiser, à la fois au niveau de l’Etat, pour apporter les soutiens, et ça va être la discussion aussi de la réforme de la Politique agricole, des changements à opérer pour soutenir mieux l’élevage en France, c'est absolument nécessaire. Voilà comment on fait pour essayer de répondre à la question qui était évoquée. Le soutien à l’élevage est essentiel aujourd'hui. On a besoin de maintenir la diversité des agricultures françaises, et ça, ça passe par le soutien à l’élevage.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Je sais que la question est sortie du programme de la PAC, mais se pose aussi la question du programme européen d’aide alimentaire aux plus démunis. Qu’est-ce qui peut se passer, là, pour le coup ? On a entendu tout à l'heure, sur FRANCE INFO, le président du SECOURS POPULAIRE, dire qu’il était inquiet, dire son inquiétude, dire même qu’il considérait qu’aujourd'hui, ne pas aider les plus démunis, c'était un crime contre l’humanité.
STEPHANE LE FOLL
Bien sûr. Il y en a beaucoup que vous entendez sur les questions de la Politique agricole, sur toutes ces questions-là, qui considèrent souvent que l’argent que l’on met dans ce domaine, ça serait mieux de le mettre ailleurs, comme si la question de l’alimentation, aujourd'hui, n’était pas au coeur du XXIème siècle, comme si la question de la faim n’était pas encore au coeur de la destinée de l’humanité toute entière. Donc sur ces questions-là, l’argent qui est mis à la fois pour permettre à une agriculture d’assurer une diversité des productions, et qui est mis pour aider à l’accès à l’alimentation, pour moi, ça a toujours été essentiel, et c'est pleinement moderne, c'est ça aussi le message, la PAC ce n'est pas simplement « Je défends un budget ». Je défends, derrière, une idée des agricultures qu’il faut maintenir et surtout une idée de l’accès à l’alimentation.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 février 2013