Texte intégral
Mesdames les ministres,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Monsieur le député-maire de Grenoble,
Monsieur le président du Conseil général, cher André
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs les représentants du monde de la Santé,
Mesdames, Messieurs.
Je vais commencer par une citation : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère, et aux vieux travailleurs la protection de la santé ». C'est sur ce principe simple, exprimé dans la langue claire et noble du préambule de la Constitution de 1946 que s'est édifié depuis la Libération le système français de prévention et de soins. La santé est un bien primordial, oui c'est un bien, et c'est la condition de tous les autres biens, de l'exercice par chacun de ses talents et de ses libertés. Et c'est pourquoi il ne saurait y avoir de justice sociale sans équité face à la santé, sans que la collectivité n'assure à tous les citoyens les moyens d'échapper à la maladie ou à la mort prématurée.
Or que voyons nous aujourd'hui ? Des inégalités, de plus en plus criantes, dans l'état de santé de nos concitoyens et leur accès aux soins. Comment admettre qu'un ouvrier en France vive en moyenne sept ans de moins qu'un cadre supérieur ? Comment accepter que dans certaines régions, les femmes doivent attendre deux fois plus longtemps qu'ailleurs un diagnostic du cancer du sein ? En outre, le déficit chronique de notre assurance maladie met en péril à plus ou moins long terme notre protection sociale et notre offre de soins. Déjà la tentation du rationnement est apparue. Demain, si nous ne faisons rien, nous risquons de voir se développer une médecine à deux vitesses : une offre pointue et complète pour ceux qui auront les moyens de payer, et le service minimum pour tous les autres. Il faut donc agir sans attendre pour faire vivre l'héritage que j'ai cité à travers le texte de la Constitution, qui nous a été légué par les femmes et les hommes du Conseil National de la Résistance : celui d'un système de santé solidaire et égalitaire, où chacun contribue en fonction de ses moyens, et reçoit en fonction de ses besoins. Ce sont des principes de base, des principes simples, mais que parfois on a tendance à oublier et qu'il est nécessaire de rappeler.
En tout cas le Gouvernement, dès sa prise de fonction, a pris immédiatement des premières mesures. L'objectif, c'est d'améliorer l'accès aux soins de tous les patients. C'est la hausse du plafond de la CMU, c'est l'engagement contre les dépassements d'honoraires abusifs, grâce à l'accord conclu avec les principaux syndicats de médecins libéraux en octobre dernier, 4 millions de personnes supplémentaires, les bénéficiaires d'aide à la complémentaire santé, la CS, ne pourront plus se voir réclamer de tels dépassements. L'accord du 11 janvier, des partenaires sociaux, prévoit, en outre, d'étendre à tous les salariés le bénéfice d'une complémentaire santé collective et notre objectif, l'objectif du Gouvernement c'est la généralisation de la complémentaire santé d'ici la fin du quinquennat.
Mais il faut aller plus loin. Il faut engager sans tarder une réforme de fond, une réforme structurelle de notre système de santé et cela ne sera pas l'uvre de quelques mois, mais des cinq ans et je dirais même voire plus, peut-être des dix ans à venir si nous voulons pleinement réussir. Voilà pourquoi j'ai, dès ma déclaration de politique générale de juillet l'année dernière, exprimé la volonté de lancer une stratégie nationale de santé, dont le président de la République, à l'occasion du Congrès de la Mutualité française a tracé le 20 octobre les contours et c'est ce vaste et ambitieux chantier que je viens lancer ici aujourd'hui à Grenoble.
Nous nous appuierons pour cela sur un comité des sages composé de hautes personnalités du monde de la santé et de la recherche : Monsieur Alain Cordier, inspecteur général des finances, ancien directeur général de l'AP-HP en coordonnera les travaux. Il sera accompagné de madame la professeur Geneviève Chêne, chef du pôle de santé publique au CHU de Bordeaux, du docteur Pierre de Haas, président de la Fédération française des Maisons et Pôles de Santé, médecin généraliste ; du docteur Gilles Duhamel, inspecteur général des affaires sociales, du professeur Emmanuel Hirsch, directeur de l'espace éthique de l'AP-HP ; de madame François Parisot-Lavillonnière, directrice pour la Région Centre de l'Institut régional de formation sanitaire et social de la Croix-Rouge et du professeur Dominique Perrotin, président de la conférence des doyens.
Nous avons voulu faire appel à des femmes et à des hommes d'expérience et de sensibilité diverses pour constituer une équipe pluridisciplinaire de très haut niveau et je les remercie tous et toutes d'avoir répondu présents. A travers cette stratégie nationale de santé, le Gouvernement poursuit des objectifs clairs et ambitieux. Tout d'abord, et je veux le rappeler ici, et je le réaffirme sans ambages, je refuse aussi bien le rationnement des soins que l'accumulation sans fin des déficits, qui ruinerait notre protection sociale, et au final accroîtrait les inégalités.
Nous sommes déterminés à assurer le retour à l'équilibre des comptes de l'assurance maladie. Mais celui-ci doit être concilié avec d'autres objectifs, qui sont tout aussi fondamentaux : l'amélioration de l'état de santé de la population française et l'égal accès de tous à l'offre de soins. Pour cela, il est indispensable d'apprendre à dépenser mieux. On le dit tout le temps, mais il faut y travailler davantage. Des marges de progrès existent. Nous connaissons tous des exemples de soins inutiles ou inadéquats. Nous connaissons tous aussi parfois des médicaments prescrits ou consommés à mauvais escient. C'est une réalité. Eh bien, il faut l'affronter. Mais il faut aussi, ça va bien au-delà, réorganiser notre système de santé en améliorant la coordination entre les praticiens et les établissements et en organisant une véritable continuité entre la prévention, les soins et l'accompagnement autour de la personne et de ses besoins.
Chacun des acteurs du système de santé doit être confirmé dans son rôle ; c'est ce que j'ai dit ce matin aussi bien à l'hôpital qu'à la visite du Pôle de santé de Saint-Martin-d'Hères. A la médecine de ville il revient d'apporter des soins de premiers recours mais aussi d'assurer l'éducation à la santé, le suivi des patients. L'hôpital est le lieu des diagnostics, le lieu où les diagnostics les plus graves doivent être confirmés et où les épisodes aigus doivent être pris en charge. L'hôpital universitaire doit demeurer un recours pour la médecine de ville comme pour les hôpitaux environnants en même temps qu'un lieu de formation et de recherche. Enfin, il appartient au secteur social et médico-social d'accompagner les patients et de prévenir ou de compenser la perte d'autonomie. Il faut donc cesser de concevoir la médecine comme une succession d'actes ponctuels et créer ce que nous appelons une médecine de parcours, une médecine de parcours qui repose sur la coopération des professionnels, de tous les professionnels et l'implication aussi des patients.
Concrètement, mettre en place une médecine de parcours et organiser le parcours de soins, cela signifie que ce n'est pas au patient de coordonner lui-même la série d'actes ou d'interventions dont il a besoin. Cela signifie que les professionnels de premiers recours articulent leurs interventions et qu'ils se communiquent des informations nécessaires à la continuité des soins. Cela signifie que quand le patient doit être hospitalisé, on privilégie les entrées programmées dans les services hospitaliers et non pas le passage systématique par les urgences et que les informations sur son état, ses traitements l'accompagnent à son entrée et à sa sortie de l'hôpital. Cela signifie que quand il doit bénéficier d'une prise en charge médico-sociale ou d'un service d'aide à domicile, après un séjour à l'hôpital, ces services soient déclenchés rapidement sans interruption de la prise en charge.
Vous me direz que tout ça a l'air évident. Ma visite de ce matin, Marisol Touraine et Geneviève Fioraso peuvent en témoigner, ceux qui m'accompagnaient aussi, ce n'est pas le cas systématiquement, loin de là. Donc il y a d'énormes progrès à faire. Et à cette fin, les moyens des agences régionales de santé chargées d'organiser l'offre sanitaire au plan territorial doivent être renforcés. Cela implique aussi de revoir nos modes de financement pour inciter au travail collectif suivant les orientations du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie. Et pour créer cette médecine de parcours, j'insiste bien sur le mot parcours, il faut à l'évidence des professionnels. Or dans certaines régions et dans des disciplines entières, les professionnels font aujourd'hui défaut. Les jeunes hésitent à s'installer. Les attentes des professionnels ont changé. Nous devons les entendre aussi. Ils réclament de meilleures conditions d'installation et d'exercice, et beaucoup souhaitent exercer de manière moins solitaire.
Les postes de praticiens territoriaux créés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, ainsi que les équipes de soins de proximité, et le pacte Territoires-santé présenté par Marisol Touraine, avec ses douze engagements constituent des premières réponses. Mais il faudra poursuivre nos efforts. Il faudra poursuivre nos efforts contre les déserts médicaux en agissant dès les études supérieures. Une réflexion doit s'engager pour rapprocher la formation et les besoins, qui concernera l'ensemble des professions de santé.
Quant à l'hôpital public, j'ai cité déjà, il doit retrouver confiance, pleine confiance en lui-même. Et il a des raisons pour cela, et il doit être conforté dans ses missions. Le rapport qu'Edouard Couty remettra à la ministre de la Santé dans les tout prochains jours sera examiné dans le cadre de la stratégie nationale de santé, avec la plus grande attention. Mais il importe également de préserver notre capacité de recherche et d'innovation. Et ici même à Grenoble, le développement de la stéréotaxie, on nous a expliqué, ne fut-il pas un immense progrès pour les patients atteints de la maladie de Parkinson ? Là c'est un exemple extraordinaire, il faut le dire, mais il y en a d'autres en France. La recherche médicale sera l'une des priorités du prochain agenda stratégique de la recherche. Et pour garantir la continuité entre la recherche, la formation et les soins, les CHU ont un rôle éminent à jouer. Il faut aussi tirer parti des nouvelles technologies pour améliorer la prise en charge des patients, je pense en particulier à l'e-santé et à la télémédecine qui sont déjà pratiquées mais qui peuvent être développées davantage.
Mais la politique sanitaire ne se résume pas à l'offre de soins, même si c'est essentiel. L'état de santé d'une population dépend aussi de la prévention des maladies et de l'éducation à la santé. Or la France ne consacre que 2 % de ses dépenses de santé à la prévention. On ne cesse de le répéter, il est temps, il est urgent d'agir. Eh bien, il faut rouvrir ce dossier. Il faut mieux coordonner les politiques de l'Etat et des collectivités locales. La santé mentale fera l'objet d'une attention particulière. Ces réformes trouveront leur place dans la loi de santé publique qui sera votée l'an prochain, en tout cas proposée au Parlement l'an prochain, je ne sais pas ce que le Parlement votera, j'ai confiance, mais en tout cas, sera présentée l'an prochain.
Améliorer la prévention, renforcer les parcours de santé, cela suppose naturellement de mieux associer les patients, de mieux les associer aux politiques que nous menons. Par le biais notamment de la conférence nationale de santé, les patients seront partie prenante dans la définition et la mise en uvre de la stratégie nationale de santé. Je m'y engage. L'attente est forte, je le sais. Et à cette occasion, il faudra dresser le bilan de la loi du 4 mars 2002, et prendre en compte l'attente de nouveaux droits individuels et collectifs pour les patients. Il me reste enfin à évoquer le rôle de l'Etat.
L'Etat, c'est son rôle, est le plus souvent à l'initiative des réformes, et il participe à leur mise en uvre. Mais il a en outre deux responsabilités qui lui sont propres. La première responsabilité, c'est de protéger nos concitoyens. Je suis convaincu que nous n'avons pas encore tiré toutes les leçons des affaires du Médiator et des prothèses PIP. Qu'il s'agisse de la sécurité, des dispositifs médicaux ou de l'organisation des systèmes de vigilance, Marisol Touraine, qui s'y est déjà attaquée, mais elle s'est engagée, je l'en remercie, à y travailler encore plus à fond. L'attente, là, vous le savez, est forte.
Et l'autre responsabilité de l'Etat, c'est d'organiser de la meilleure façon pour mener à bien ses missions. Or l'administration de la santé est devenue un archipel, avec autour de l'Etat central une myriade d'agences sanitaires et de caisses. Grâce aux ARS, l'administration régionale est devenue plus cohérente, mais c'est loin d'être le cas au niveau national. Je souhaite qu'une réflexion soit menée à ce sujet. Elle impliquera aussi bien l'Etat que les agences sanitaires nationales et l'assurance maladie.
Madame la ministre de la Santé, chère Marisol,
Je vous confie la responsabilité de la démarche que j'ouvre aujourd'hui, de façon un peu solennelle, ici, Monsieur le Préfet, dans cette belle préfecture Napoléon III, vous m'avez dit. En tout cas, je sais que Marisol Touraine est à la tête d'un des ministères les plus exposés et des plus exigeants. Et je sais que c'est une mission noble mais difficile, mais j'ai toute confiance dans le travail et l'engagement de Marisol Touraine qui n'a pas peur d'aborder les dossiers difficiles, et je suis sûr qu'elle pourra mener à bien ce beau chantier.
Nous avons, c'est vrai, collectivement une obligation de résultat en la matière. La santé et la protection sociale faisant partie des biens, je l'ai dit, les plus précieux pour chacune et chacun d'entre nous. Vous savez que vous pouvez compter dans la conduite de ce chantier sur mon soutien le plus total.
Quant à vous, Madame la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, chère Geneviève, je connais votre attachement au lien recherche, soins, et formation. Et votre souci que la recherche puisse se transformer, le plus rapidement possible ; en progrès médical qui profite à tous les patients qui en ont besoin, et aussi en filières économiques à part entière. Nous avons encore, ici à Grenoble, des exemples très concrets, Monsieur le député-maire, de cette réalité et de ce potentiel que l'on peut encore beaucoup plus développer.
En tout cas, merci à toutes les deux de votre engagement dans cette démarche nouvelle.
Mesdames, Messieurs, vous l'avez compris, c'est un vaste chantier qui s'ouvre devant nous. Il faudra, je l'ai dit, plusieurs années pour le mener à bien. Mais cela suppose d'engager dès à présent les réflexions et les réformes. C'est une vraie ambition que nous devons avoir, mais une ambition qui est simple : c'est de rendre notre système de santé plus efficace et plus solidaire, conformément à ses principes fondateurs et au bénéfice de tous.
Je parle souvent du nouveau modèle français, et on me dit «mais qu'est-ce que c'est ? ». Eh bien le nouveau modèle français, c'est le défi que nous lançons de rester fidèles aux valeurs que j'ai rappelées au début de mon propos, mais de ne pas nier la nécessité de réformer, de transformer, de changer sans perdre notre âme. Eh bien pour ça, il faut réinventer, il faut refonder. Et c'est pourquoi je parle de nouveau modèle français. Ça ne vaut pas que pour la santé, ça vaut pour l'ensemble de ce que nous avons à faire pour la France, mais en tout cas s'agissant de la stratégie nationale de santé, je suis heureux d'avoir pu vous en présenter les grands axes, ici, à Grenoble.
Et je suis venu heureux d'avoir répondu enfin à l'attente de Michel Destot qui m'avait invité déjà plusieurs fois, et de le faire devant vous, Mesdames et Messieurs, les responsables, les acteurs du monde de la santé, toutes disciplines confondues, tous statuts confondus, parce que je sais que cette passion du droit à la santé pour tous, vous l'avez et nous la partageons ensemble.
Je vous remercie.Source http://www.gouvernement.fr, le 11 février 2013
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Monsieur le député-maire de Grenoble,
Monsieur le président du Conseil général, cher André
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs les représentants du monde de la Santé,
Mesdames, Messieurs.
Je vais commencer par une citation : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère, et aux vieux travailleurs la protection de la santé ». C'est sur ce principe simple, exprimé dans la langue claire et noble du préambule de la Constitution de 1946 que s'est édifié depuis la Libération le système français de prévention et de soins. La santé est un bien primordial, oui c'est un bien, et c'est la condition de tous les autres biens, de l'exercice par chacun de ses talents et de ses libertés. Et c'est pourquoi il ne saurait y avoir de justice sociale sans équité face à la santé, sans que la collectivité n'assure à tous les citoyens les moyens d'échapper à la maladie ou à la mort prématurée.
Or que voyons nous aujourd'hui ? Des inégalités, de plus en plus criantes, dans l'état de santé de nos concitoyens et leur accès aux soins. Comment admettre qu'un ouvrier en France vive en moyenne sept ans de moins qu'un cadre supérieur ? Comment accepter que dans certaines régions, les femmes doivent attendre deux fois plus longtemps qu'ailleurs un diagnostic du cancer du sein ? En outre, le déficit chronique de notre assurance maladie met en péril à plus ou moins long terme notre protection sociale et notre offre de soins. Déjà la tentation du rationnement est apparue. Demain, si nous ne faisons rien, nous risquons de voir se développer une médecine à deux vitesses : une offre pointue et complète pour ceux qui auront les moyens de payer, et le service minimum pour tous les autres. Il faut donc agir sans attendre pour faire vivre l'héritage que j'ai cité à travers le texte de la Constitution, qui nous a été légué par les femmes et les hommes du Conseil National de la Résistance : celui d'un système de santé solidaire et égalitaire, où chacun contribue en fonction de ses moyens, et reçoit en fonction de ses besoins. Ce sont des principes de base, des principes simples, mais que parfois on a tendance à oublier et qu'il est nécessaire de rappeler.
En tout cas le Gouvernement, dès sa prise de fonction, a pris immédiatement des premières mesures. L'objectif, c'est d'améliorer l'accès aux soins de tous les patients. C'est la hausse du plafond de la CMU, c'est l'engagement contre les dépassements d'honoraires abusifs, grâce à l'accord conclu avec les principaux syndicats de médecins libéraux en octobre dernier, 4 millions de personnes supplémentaires, les bénéficiaires d'aide à la complémentaire santé, la CS, ne pourront plus se voir réclamer de tels dépassements. L'accord du 11 janvier, des partenaires sociaux, prévoit, en outre, d'étendre à tous les salariés le bénéfice d'une complémentaire santé collective et notre objectif, l'objectif du Gouvernement c'est la généralisation de la complémentaire santé d'ici la fin du quinquennat.
Mais il faut aller plus loin. Il faut engager sans tarder une réforme de fond, une réforme structurelle de notre système de santé et cela ne sera pas l'uvre de quelques mois, mais des cinq ans et je dirais même voire plus, peut-être des dix ans à venir si nous voulons pleinement réussir. Voilà pourquoi j'ai, dès ma déclaration de politique générale de juillet l'année dernière, exprimé la volonté de lancer une stratégie nationale de santé, dont le président de la République, à l'occasion du Congrès de la Mutualité française a tracé le 20 octobre les contours et c'est ce vaste et ambitieux chantier que je viens lancer ici aujourd'hui à Grenoble.
Nous nous appuierons pour cela sur un comité des sages composé de hautes personnalités du monde de la santé et de la recherche : Monsieur Alain Cordier, inspecteur général des finances, ancien directeur général de l'AP-HP en coordonnera les travaux. Il sera accompagné de madame la professeur Geneviève Chêne, chef du pôle de santé publique au CHU de Bordeaux, du docteur Pierre de Haas, président de la Fédération française des Maisons et Pôles de Santé, médecin généraliste ; du docteur Gilles Duhamel, inspecteur général des affaires sociales, du professeur Emmanuel Hirsch, directeur de l'espace éthique de l'AP-HP ; de madame François Parisot-Lavillonnière, directrice pour la Région Centre de l'Institut régional de formation sanitaire et social de la Croix-Rouge et du professeur Dominique Perrotin, président de la conférence des doyens.
Nous avons voulu faire appel à des femmes et à des hommes d'expérience et de sensibilité diverses pour constituer une équipe pluridisciplinaire de très haut niveau et je les remercie tous et toutes d'avoir répondu présents. A travers cette stratégie nationale de santé, le Gouvernement poursuit des objectifs clairs et ambitieux. Tout d'abord, et je veux le rappeler ici, et je le réaffirme sans ambages, je refuse aussi bien le rationnement des soins que l'accumulation sans fin des déficits, qui ruinerait notre protection sociale, et au final accroîtrait les inégalités.
Nous sommes déterminés à assurer le retour à l'équilibre des comptes de l'assurance maladie. Mais celui-ci doit être concilié avec d'autres objectifs, qui sont tout aussi fondamentaux : l'amélioration de l'état de santé de la population française et l'égal accès de tous à l'offre de soins. Pour cela, il est indispensable d'apprendre à dépenser mieux. On le dit tout le temps, mais il faut y travailler davantage. Des marges de progrès existent. Nous connaissons tous des exemples de soins inutiles ou inadéquats. Nous connaissons tous aussi parfois des médicaments prescrits ou consommés à mauvais escient. C'est une réalité. Eh bien, il faut l'affronter. Mais il faut aussi, ça va bien au-delà, réorganiser notre système de santé en améliorant la coordination entre les praticiens et les établissements et en organisant une véritable continuité entre la prévention, les soins et l'accompagnement autour de la personne et de ses besoins.
Chacun des acteurs du système de santé doit être confirmé dans son rôle ; c'est ce que j'ai dit ce matin aussi bien à l'hôpital qu'à la visite du Pôle de santé de Saint-Martin-d'Hères. A la médecine de ville il revient d'apporter des soins de premiers recours mais aussi d'assurer l'éducation à la santé, le suivi des patients. L'hôpital est le lieu des diagnostics, le lieu où les diagnostics les plus graves doivent être confirmés et où les épisodes aigus doivent être pris en charge. L'hôpital universitaire doit demeurer un recours pour la médecine de ville comme pour les hôpitaux environnants en même temps qu'un lieu de formation et de recherche. Enfin, il appartient au secteur social et médico-social d'accompagner les patients et de prévenir ou de compenser la perte d'autonomie. Il faut donc cesser de concevoir la médecine comme une succession d'actes ponctuels et créer ce que nous appelons une médecine de parcours, une médecine de parcours qui repose sur la coopération des professionnels, de tous les professionnels et l'implication aussi des patients.
Concrètement, mettre en place une médecine de parcours et organiser le parcours de soins, cela signifie que ce n'est pas au patient de coordonner lui-même la série d'actes ou d'interventions dont il a besoin. Cela signifie que les professionnels de premiers recours articulent leurs interventions et qu'ils se communiquent des informations nécessaires à la continuité des soins. Cela signifie que quand le patient doit être hospitalisé, on privilégie les entrées programmées dans les services hospitaliers et non pas le passage systématique par les urgences et que les informations sur son état, ses traitements l'accompagnent à son entrée et à sa sortie de l'hôpital. Cela signifie que quand il doit bénéficier d'une prise en charge médico-sociale ou d'un service d'aide à domicile, après un séjour à l'hôpital, ces services soient déclenchés rapidement sans interruption de la prise en charge.
Vous me direz que tout ça a l'air évident. Ma visite de ce matin, Marisol Touraine et Geneviève Fioraso peuvent en témoigner, ceux qui m'accompagnaient aussi, ce n'est pas le cas systématiquement, loin de là. Donc il y a d'énormes progrès à faire. Et à cette fin, les moyens des agences régionales de santé chargées d'organiser l'offre sanitaire au plan territorial doivent être renforcés. Cela implique aussi de revoir nos modes de financement pour inciter au travail collectif suivant les orientations du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie. Et pour créer cette médecine de parcours, j'insiste bien sur le mot parcours, il faut à l'évidence des professionnels. Or dans certaines régions et dans des disciplines entières, les professionnels font aujourd'hui défaut. Les jeunes hésitent à s'installer. Les attentes des professionnels ont changé. Nous devons les entendre aussi. Ils réclament de meilleures conditions d'installation et d'exercice, et beaucoup souhaitent exercer de manière moins solitaire.
Les postes de praticiens territoriaux créés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, ainsi que les équipes de soins de proximité, et le pacte Territoires-santé présenté par Marisol Touraine, avec ses douze engagements constituent des premières réponses. Mais il faudra poursuivre nos efforts. Il faudra poursuivre nos efforts contre les déserts médicaux en agissant dès les études supérieures. Une réflexion doit s'engager pour rapprocher la formation et les besoins, qui concernera l'ensemble des professions de santé.
Quant à l'hôpital public, j'ai cité déjà, il doit retrouver confiance, pleine confiance en lui-même. Et il a des raisons pour cela, et il doit être conforté dans ses missions. Le rapport qu'Edouard Couty remettra à la ministre de la Santé dans les tout prochains jours sera examiné dans le cadre de la stratégie nationale de santé, avec la plus grande attention. Mais il importe également de préserver notre capacité de recherche et d'innovation. Et ici même à Grenoble, le développement de la stéréotaxie, on nous a expliqué, ne fut-il pas un immense progrès pour les patients atteints de la maladie de Parkinson ? Là c'est un exemple extraordinaire, il faut le dire, mais il y en a d'autres en France. La recherche médicale sera l'une des priorités du prochain agenda stratégique de la recherche. Et pour garantir la continuité entre la recherche, la formation et les soins, les CHU ont un rôle éminent à jouer. Il faut aussi tirer parti des nouvelles technologies pour améliorer la prise en charge des patients, je pense en particulier à l'e-santé et à la télémédecine qui sont déjà pratiquées mais qui peuvent être développées davantage.
Mais la politique sanitaire ne se résume pas à l'offre de soins, même si c'est essentiel. L'état de santé d'une population dépend aussi de la prévention des maladies et de l'éducation à la santé. Or la France ne consacre que 2 % de ses dépenses de santé à la prévention. On ne cesse de le répéter, il est temps, il est urgent d'agir. Eh bien, il faut rouvrir ce dossier. Il faut mieux coordonner les politiques de l'Etat et des collectivités locales. La santé mentale fera l'objet d'une attention particulière. Ces réformes trouveront leur place dans la loi de santé publique qui sera votée l'an prochain, en tout cas proposée au Parlement l'an prochain, je ne sais pas ce que le Parlement votera, j'ai confiance, mais en tout cas, sera présentée l'an prochain.
Améliorer la prévention, renforcer les parcours de santé, cela suppose naturellement de mieux associer les patients, de mieux les associer aux politiques que nous menons. Par le biais notamment de la conférence nationale de santé, les patients seront partie prenante dans la définition et la mise en uvre de la stratégie nationale de santé. Je m'y engage. L'attente est forte, je le sais. Et à cette occasion, il faudra dresser le bilan de la loi du 4 mars 2002, et prendre en compte l'attente de nouveaux droits individuels et collectifs pour les patients. Il me reste enfin à évoquer le rôle de l'Etat.
L'Etat, c'est son rôle, est le plus souvent à l'initiative des réformes, et il participe à leur mise en uvre. Mais il a en outre deux responsabilités qui lui sont propres. La première responsabilité, c'est de protéger nos concitoyens. Je suis convaincu que nous n'avons pas encore tiré toutes les leçons des affaires du Médiator et des prothèses PIP. Qu'il s'agisse de la sécurité, des dispositifs médicaux ou de l'organisation des systèmes de vigilance, Marisol Touraine, qui s'y est déjà attaquée, mais elle s'est engagée, je l'en remercie, à y travailler encore plus à fond. L'attente, là, vous le savez, est forte.
Et l'autre responsabilité de l'Etat, c'est d'organiser de la meilleure façon pour mener à bien ses missions. Or l'administration de la santé est devenue un archipel, avec autour de l'Etat central une myriade d'agences sanitaires et de caisses. Grâce aux ARS, l'administration régionale est devenue plus cohérente, mais c'est loin d'être le cas au niveau national. Je souhaite qu'une réflexion soit menée à ce sujet. Elle impliquera aussi bien l'Etat que les agences sanitaires nationales et l'assurance maladie.
Madame la ministre de la Santé, chère Marisol,
Je vous confie la responsabilité de la démarche que j'ouvre aujourd'hui, de façon un peu solennelle, ici, Monsieur le Préfet, dans cette belle préfecture Napoléon III, vous m'avez dit. En tout cas, je sais que Marisol Touraine est à la tête d'un des ministères les plus exposés et des plus exigeants. Et je sais que c'est une mission noble mais difficile, mais j'ai toute confiance dans le travail et l'engagement de Marisol Touraine qui n'a pas peur d'aborder les dossiers difficiles, et je suis sûr qu'elle pourra mener à bien ce beau chantier.
Nous avons, c'est vrai, collectivement une obligation de résultat en la matière. La santé et la protection sociale faisant partie des biens, je l'ai dit, les plus précieux pour chacune et chacun d'entre nous. Vous savez que vous pouvez compter dans la conduite de ce chantier sur mon soutien le plus total.
Quant à vous, Madame la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, chère Geneviève, je connais votre attachement au lien recherche, soins, et formation. Et votre souci que la recherche puisse se transformer, le plus rapidement possible ; en progrès médical qui profite à tous les patients qui en ont besoin, et aussi en filières économiques à part entière. Nous avons encore, ici à Grenoble, des exemples très concrets, Monsieur le député-maire, de cette réalité et de ce potentiel que l'on peut encore beaucoup plus développer.
En tout cas, merci à toutes les deux de votre engagement dans cette démarche nouvelle.
Mesdames, Messieurs, vous l'avez compris, c'est un vaste chantier qui s'ouvre devant nous. Il faudra, je l'ai dit, plusieurs années pour le mener à bien. Mais cela suppose d'engager dès à présent les réflexions et les réformes. C'est une vraie ambition que nous devons avoir, mais une ambition qui est simple : c'est de rendre notre système de santé plus efficace et plus solidaire, conformément à ses principes fondateurs et au bénéfice de tous.
Je parle souvent du nouveau modèle français, et on me dit «mais qu'est-ce que c'est ? ». Eh bien le nouveau modèle français, c'est le défi que nous lançons de rester fidèles aux valeurs que j'ai rappelées au début de mon propos, mais de ne pas nier la nécessité de réformer, de transformer, de changer sans perdre notre âme. Eh bien pour ça, il faut réinventer, il faut refonder. Et c'est pourquoi je parle de nouveau modèle français. Ça ne vaut pas que pour la santé, ça vaut pour l'ensemble de ce que nous avons à faire pour la France, mais en tout cas s'agissant de la stratégie nationale de santé, je suis heureux d'avoir pu vous en présenter les grands axes, ici, à Grenoble.
Et je suis venu heureux d'avoir répondu enfin à l'attente de Michel Destot qui m'avait invité déjà plusieurs fois, et de le faire devant vous, Mesdames et Messieurs, les responsables, les acteurs du monde de la santé, toutes disciplines confondues, tous statuts confondus, parce que je sais que cette passion du droit à la santé pour tous, vous l'avez et nous la partageons ensemble.
Je vous remercie.Source http://www.gouvernement.fr, le 11 février 2013