Texte intégral
Monsieur le président de lAssemblée nationale,
Mesdames les ministres,
Messieurs les présidents des grandes collectivités publiques, régions, départements, agglomérations,
Monsieur le maire, qui a transformé Pierrefitte en une immense roseraie et nous a fait un cours de botanique financière,
Madame la directrice des archives nationales,
Mesdames, Messieurs,
Donner un avenir à notre mémoire : voilà ce que nous accomplissons aujourdhui avec louverture du nouveau site des archives nationales.
Les archives nationales sont inscrites dans notre histoire.
Cest en effet le 12 décembre 1790, que cette institution a été créée par un décret de lAssemblée constituante.
Révolutionnaire, dans son organisation, les archives allaient devenir, quatre ans plus tard, démocratiques dans leur fonctionnement. La loi du 2 messidor an II -cest-à-dire pour ceux qui ont encore du mal avec cette transcription du 25 juin 1794- cette loi déclarait : « tout citoyen pourra demander, dans tous les dépôts, communication des pièces quils renferment. Elle leur sera donnée sans frais et sans déplacement ». En 1808, les archives nationales, sinstallaient à lhôtel de Soubise, au cur du Marais, à Paris.
204 ans plus tard, elles sinstallent aussi à Pierrefitte-sur-Seine.
Linitiative est venue des chercheurs et des historiens. Le 17 janvier 2001, ils étaient 150 - ce qui est un bon chiffre pour des historiens et des chercheurs, selon le ministère de lIntérieur - 150 réunis à la Sorbonne pour fonder une association intitulée : "Une cité pour les archives nationales". Son conseil d'administration était présidé par Annette WIEVIORKA, son comité dhonneur, comptait des personnalités comme René REMOND, aujourdhui disparu et Georgette ELGEY, ici présente. Toutes et tous se sont mobilisés avec ardeur pour que, les archives puissent disposer dun site à la hauteur de leur exceptionnelle richesse. Je veux ici les saluer car rien naurait été possible sans cette initiative.
Rien non plus naurait été accompli sans les personnels des archives, que je retrouve ici, qui, par leur talent et leur compétence, font vivre cette maison. Je dis ma reconnaissance à toutes les équipes, ainsi quà celles et ceux qui les ont dirigés. A Isabelle NEUSCHWANDER, qui, lorsquelle était directrice des archives nationales, porta ce projet avec constance, à Agnès Magnien qui lui succède aujourdhui, à Hervé Lemoine, directeur des archives de France.
Tous ont pu, pendant toutes ces années, compter sur le soutien constant de lEtat, au-delà des majorités, au-delà des ministres qui se sont succédés. Je vais en faire un bref historique, puisque je suis ici aux archives, pour que lon sache bien ce qui sest produit. Le 5 novembre 2001, le Premier ministre Lionel Jospin annonçait la création dun nouveau site pour les archives nationales. En 2004, Jacques Chirac président de la République prenait la décision essentielle.
Le 5 juillet 2006, le ministre, Renaud Donnedieu de Vabres, ici présent, procédait à lacquisition du terrain. Le 11 septembre 2009, François Fillon posait la première pierre de lédifice, première pierre, dailleurs toute virtuelle, si je comprends bien les matériaux qui ont été utilisés. Aujourdhui, avec Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture, il nous revient den poser la dernière de cet édifice. Celle de linauguration.
Le choix de Pierrefitte-sur-Seine était un choix audacieux, mais aussi un choix chargé de sens et de symboles.
Dabord, la présence des archives nationales dans ce paysage contemporain démontre que la mémoire, ce nest pas loubli du présent, cest au contraire une façon de mieux le comprendre. Cest ce quexprimait Marc Bloch, dont un certain nombre de traces sont ici présentes : «Lhistoire, écrivait-il, cest le présent expliqué par le passé, et cest le passé expliqué par le présent ». Bien plus tard, un grand constitutionnaliste juriste, Guy Braibant lavait écrit dans son célèbre rapport : « sans archives, pas dhistoire, pas de République ».
Ensuite, le choix de Pierrefitte exprime une volonté douverture à tous les publics, ce qui est le sens même de la création des archives sous la Révolution française. Cette commune, ce département, la Seine-Saint-Denis, sont parmi les plus jeunes de France. Ils sont aussi parmi les plus divers par les origines ou par les cultures. Cest le signe que nous voulions donner. La mémoire de la France appartient à tous ceux qui vivent dans notre pays aujourdhui et qui laiment. Cest ce dont les archives nationales ont toujours témoigné, et encore récemment en ouvrant ces portes ces derniers jours, pour que la découverte du nouveau bâtiment soit réservée prioritairement aux habitants de la Seine-Saint-Denis.
Enfin, Pierrefitte à coté de Saint-Denis, cest la proximité de la Basilique, là où reposent les rois de France. La France républicaine est dépositaire de la totalité de la mémoire nationale. A elle, de la faire vivre, dans ses contradictions et dans sa cohérence, sa mémoire.
Voilà ce quincarne le merveilleux bâtiment, conçu par M. et Mme Fuksas, qui met la modernité au service de la révélation du passé. Les chercheurs, mais aussi les curieux vont bénéficier ici de conditions de travail exceptionnelles, grâce à léquipement informatique et numérique. Les procédés de conservation les plus aboutis permettront aux 5 millions de documents, souvent fragiles, dêtre protégés de la façon la plus sûre, dêtre réparés comme il men a été fait démonstration.
Je sais quen dépit de ces progrès, et souvent à cause deux, à cause de la technologie, des questions restent présentes à lesprit des historiens, des archivistes, des chercheurs.
La première concerne la préservation des archives électroniques. Quand cétait du papier, il était sans doute déjà difficile de conserver cette mémoire, il y fallait beaucoup dattention, beaucoup de persévérance mais il y avait une trace. A présent que se développent les courriers électroniques, des documents dématérialisés, et je ne parle pas des sms, de nouveaux types de préservation doivent être définis. Il y a urgence. Sinon, cest une perte là encore, dexplications et de mémoire qui risquent dêtre enregistrés. Tous les services darchives, quel que soit leur rattachement administratif, doivent se mobiliser pour relever le défi de la transmission des traces les plus significatives de notre époque -de ce point de vue, lEtat doit montrer lexemple et celles et ceux qui le servent, encore davantage pour mettre le plus de documents possibles et quelle quen soit la forme, à la disposition des archives.
Internet offre aussi une chance : il est un outil irremplaçable de diffusion des archives. Aujourdhui, près de trois cent millions de pages darchives numérisées sont accessibles gratuitement sur les sites des collectivités publiques. Chaque année, deux milliards de pages peuvent être vues par des internautes du monde entier. Disons-le avec fierté, notre pays dispose dune réelle avance en ce domaine. Il le doit notamment aux efforts des Conseils généraux que je veux saluer, qui soutiennent les politiques de numérisation des archives départementales.
Nous avons réussi une avance grâce à une grande passion, lengouement que nos concitoyens ont pour les archives, en allant chercher, soit des vérifications historiques, soit une histoire personnelle, familiale. Il est bien que la France se mobilise pour quà partir de cette force, à partir de ce réseau, nous puissions avoir une capacité à détenir notre mémoire, m??moire locale, mémoire nationale.
La mémoire de la France ne peut pas se réduire aux seules archives de lEtat ou même des collectivités locales. Il est nécessaire de recueillir et de sauvegarder. Désormais, cest une question qui est posée pour les archives privées des individus, mais aussi des entreprises. Parce que là aussi lhistoire se fait du côté des entreprises. Nous devons donc associer de nombreuses institutions publiques, privées, associatives pour atteindre cet objectif.
Enfin demeure la question démocratique celle de laccès aux archives. La ministre de la Culture et de la Communication présentera au Parlement, en 2014, un projet de loi sur le patrimoine. Je souhaite que les archives, qui en sont une composante essentielle, figurent dans ce texte. Ce qui supposera dadapter au développement des supports numériques, le droit applicable aux archives. Nous devrons également concilier la protection des données personnelles et les progrès de la science historique. La question des délais sera abordée dans cette loi. Le secret, grande tradition française protège tant les intérêts publics que les personnes privées.
Mais il doit être mesuré dans le temps, afin de ne pas devenir une occultation du passé. Aucun secret nest en principe éternel. La presse et les historiens généralement arrivent à le percer.
Par ailleurs, il ne conviendrait pas que le secret puisse résister trop longtemps car nous devons avoir cette exigence de transparence. Il est donc légitime que nous nous posions à travers cette loi, la question des délais daccès aux documents.
Un peuple, cest une histoire et une mémoire commune. Cette mémoire se fonde sur trois principes.
Le premier cest la vérité. Un pays se construit en ayant une fierté par rapport à son histoire mais aussi une lucidité face à des moments de défaillance. La vérité nabaisse pas, elle élève. Cest pourquoi lhistoire doit toujours être dite et les archives y contribuent.
Le deuxième principe cest la liberté de la recherche. Linvestigation des historiens ne doit rencontrer aucune limite, leur curiosité ne doit se heurter à aucune borne. Certes, nous devons lutter contre les falsifications, les négationnismes qui doivent être sanctionnés à la hauteur de loutrage quils constituent. Cependant je refuse la dérive qui consiste à brider ou à guider par la loi le travail des historiens.
Cette liberté, cest aussi le refus denfermer lhistoire, de la figer, de la centraliser, de la contrôler. Il ny a pas, en France de récit officiel. Longtemps, il y a eu cette tentation.
Cest dans cette perspective que jai décidé de renoncer au « Musée de lHistoire de France ». La première raison, qui suffisait à toutes les autres, cest quil nétait pas financé. Mais il y en avait une autre, car au-delà de la qualité des équipes chargées de préfigurer ce musée, il y avait une polémique de plus. En France, toute tentative de musée national unifié sest révélée impossible - Louis-Philippe avait déjà conçu ce projet à Versailles. Vient ensuite celle de Napoléon III au Louvre, qui na pas non plus abouti. La culture de notre pays, son histoire, son identité, reposent en grande partie sur une constellation dinstitutions, de « musées de province » comme on dit, auxquels Pierre Nora consacre, un beau chapitre de ses Lieux de mémoire. Chacun de ces musées a son esprit, son caractère, son inspiration, ses publics. Ce que pourrait être un Musée de lhistoire de France, ce serait de mettre en réseaux ces lieux et le numérique pourra nous y aider tout en gardant la diversité.
On nous dira : « Est-ce que ce nest pas mettre en cause lunité de la mémoire nationale ? Je ne le crois pas, nous avons besoin de cette diversité pour construire cette unité.
Car la mémoire, cest la continuité de la Nation dans le temps. Cest un fonds commun qui se transmet de génération en génération, et qui permet à un pays la conscience de lui-même, de découvrir à travers son histoire, en réalité son projet. Voilà pourquoi la transmission est un devoir. Les archives contribuent à cette transmission. La preuve, cest le nombre de personnes accueillies. Mais la transmission cest lécole, tout à lheure nous avons consulté les textes de Jean ZAY qui nont rien perdu de leur actualité. Toujours cette réforme de léducation que nous devons engager et qui rencontre les mêmes obstacles. Dans son texte il sagissait de lorientation. Aujourdhui encore, cette question est posée. Lenseignement de lhistoire doit être de nouveau considéré comme une obligation. Cest pourquoi nous avons rétabli lenseignement obligatoire de lHistoire en terminale S, et le retour de lépreuve dHistoire pour tous les candidats au baccalauréat général, qui sera effectif lors de la prochaine rentrée scolaire.
Cest pourquoi dans cette idée de transmission, je me félicite de la création de ce site qui permet à tous les citoyens de venir, dêtre accueillis parfois même accompagnés dans leurs recherches. Il y a aussi ce lien, établi avec luniversité, avec cette même volonté que les chercheurs trouvent partout les moyens daccomplir leur travail. Je remercie également les Archives nationales pour leur politique à légard du jeune public. Très tôt nous devons initier nos plus jeunes concitoyens à comprendre comment une recherche est menée, comment un document a été élaboré, quest ce qui fait quune décision a pu être prise, les cheminements qui ont pu être ceux des responsables dEtat. Là encore, la lecture des documents originaux remplace bien des manuels dHistoire. Voir comment les discours ont pu être rédigés. Les ratures enseignent autant que les phrases qui ont été prononcées. Il faudrait peut-être même faire un texte sur toutes les ratures auxquelles nous navons pas eu accès par définition. Seules les archives peuvent nous donner cette vérité. Chacun au moment de rédiger un discours peut maintenant savoir à quoi il sexpose
Conserver le patrimoine, le préserver dans son originalité, lenrichir, le rendre accessible à tous : cette tâche, la vôtre personnelle des archives, nest pas simplement une mission éminente de service public, cest également un enjeu de civilisation.
Il ma été donné par les circonstances daller récemment au Mali et à Tombouctou, jai pu y voir ce que la barbarie était capable dinfliger au passé. Détruire les traces, les écrits, les monuments, les symboles. La haine pour triompher, doit venir à bout de la mémoire. Tous les exemples de barbarie, ont toujours attesté de cette intention : effacer le passé pour créer un ordre nouveau. Chaque fois que la mémoire est plus forte, plus durable, chaque fois la démocratie progresse.
Rien nest donc plus vivant, quune archive, ce nest pas une lettre morte, cest une lettre qui instruit. Je pense à ce beau mot de Françoise SAGAN, qui avec acuité disait : « Je ne sais pas ce que le passé nous réserve ». Je sais quici, à Pierrefitte, il nous réserve bien des surprises, bien des révélations, bien des découvertes, dont chacune contribuera à lidée que la France se fait delle-même parce quelle saura doù elle vient.
Je vous remercie.
Mesdames les ministres,
Messieurs les présidents des grandes collectivités publiques, régions, départements, agglomérations,
Monsieur le maire, qui a transformé Pierrefitte en une immense roseraie et nous a fait un cours de botanique financière,
Madame la directrice des archives nationales,
Mesdames, Messieurs,
Donner un avenir à notre mémoire : voilà ce que nous accomplissons aujourdhui avec louverture du nouveau site des archives nationales.
Les archives nationales sont inscrites dans notre histoire.
Cest en effet le 12 décembre 1790, que cette institution a été créée par un décret de lAssemblée constituante.
Révolutionnaire, dans son organisation, les archives allaient devenir, quatre ans plus tard, démocratiques dans leur fonctionnement. La loi du 2 messidor an II -cest-à-dire pour ceux qui ont encore du mal avec cette transcription du 25 juin 1794- cette loi déclarait : « tout citoyen pourra demander, dans tous les dépôts, communication des pièces quils renferment. Elle leur sera donnée sans frais et sans déplacement ». En 1808, les archives nationales, sinstallaient à lhôtel de Soubise, au cur du Marais, à Paris.
204 ans plus tard, elles sinstallent aussi à Pierrefitte-sur-Seine.
Linitiative est venue des chercheurs et des historiens. Le 17 janvier 2001, ils étaient 150 - ce qui est un bon chiffre pour des historiens et des chercheurs, selon le ministère de lIntérieur - 150 réunis à la Sorbonne pour fonder une association intitulée : "Une cité pour les archives nationales". Son conseil d'administration était présidé par Annette WIEVIORKA, son comité dhonneur, comptait des personnalités comme René REMOND, aujourdhui disparu et Georgette ELGEY, ici présente. Toutes et tous se sont mobilisés avec ardeur pour que, les archives puissent disposer dun site à la hauteur de leur exceptionnelle richesse. Je veux ici les saluer car rien naurait été possible sans cette initiative.
Rien non plus naurait été accompli sans les personnels des archives, que je retrouve ici, qui, par leur talent et leur compétence, font vivre cette maison. Je dis ma reconnaissance à toutes les équipes, ainsi quà celles et ceux qui les ont dirigés. A Isabelle NEUSCHWANDER, qui, lorsquelle était directrice des archives nationales, porta ce projet avec constance, à Agnès Magnien qui lui succède aujourdhui, à Hervé Lemoine, directeur des archives de France.
Tous ont pu, pendant toutes ces années, compter sur le soutien constant de lEtat, au-delà des majorités, au-delà des ministres qui se sont succédés. Je vais en faire un bref historique, puisque je suis ici aux archives, pour que lon sache bien ce qui sest produit. Le 5 novembre 2001, le Premier ministre Lionel Jospin annonçait la création dun nouveau site pour les archives nationales. En 2004, Jacques Chirac président de la République prenait la décision essentielle.
Le 5 juillet 2006, le ministre, Renaud Donnedieu de Vabres, ici présent, procédait à lacquisition du terrain. Le 11 septembre 2009, François Fillon posait la première pierre de lédifice, première pierre, dailleurs toute virtuelle, si je comprends bien les matériaux qui ont été utilisés. Aujourdhui, avec Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture, il nous revient den poser la dernière de cet édifice. Celle de linauguration.
Le choix de Pierrefitte-sur-Seine était un choix audacieux, mais aussi un choix chargé de sens et de symboles.
Dabord, la présence des archives nationales dans ce paysage contemporain démontre que la mémoire, ce nest pas loubli du présent, cest au contraire une façon de mieux le comprendre. Cest ce quexprimait Marc Bloch, dont un certain nombre de traces sont ici présentes : «Lhistoire, écrivait-il, cest le présent expliqué par le passé, et cest le passé expliqué par le présent ». Bien plus tard, un grand constitutionnaliste juriste, Guy Braibant lavait écrit dans son célèbre rapport : « sans archives, pas dhistoire, pas de République ».
Ensuite, le choix de Pierrefitte exprime une volonté douverture à tous les publics, ce qui est le sens même de la création des archives sous la Révolution française. Cette commune, ce département, la Seine-Saint-Denis, sont parmi les plus jeunes de France. Ils sont aussi parmi les plus divers par les origines ou par les cultures. Cest le signe que nous voulions donner. La mémoire de la France appartient à tous ceux qui vivent dans notre pays aujourdhui et qui laiment. Cest ce dont les archives nationales ont toujours témoigné, et encore récemment en ouvrant ces portes ces derniers jours, pour que la découverte du nouveau bâtiment soit réservée prioritairement aux habitants de la Seine-Saint-Denis.
Enfin, Pierrefitte à coté de Saint-Denis, cest la proximité de la Basilique, là où reposent les rois de France. La France républicaine est dépositaire de la totalité de la mémoire nationale. A elle, de la faire vivre, dans ses contradictions et dans sa cohérence, sa mémoire.
Voilà ce quincarne le merveilleux bâtiment, conçu par M. et Mme Fuksas, qui met la modernité au service de la révélation du passé. Les chercheurs, mais aussi les curieux vont bénéficier ici de conditions de travail exceptionnelles, grâce à léquipement informatique et numérique. Les procédés de conservation les plus aboutis permettront aux 5 millions de documents, souvent fragiles, dêtre protégés de la façon la plus sûre, dêtre réparés comme il men a été fait démonstration.
Je sais quen dépit de ces progrès, et souvent à cause deux, à cause de la technologie, des questions restent présentes à lesprit des historiens, des archivistes, des chercheurs.
La première concerne la préservation des archives électroniques. Quand cétait du papier, il était sans doute déjà difficile de conserver cette mémoire, il y fallait beaucoup dattention, beaucoup de persévérance mais il y avait une trace. A présent que se développent les courriers électroniques, des documents dématérialisés, et je ne parle pas des sms, de nouveaux types de préservation doivent être définis. Il y a urgence. Sinon, cest une perte là encore, dexplications et de mémoire qui risquent dêtre enregistrés. Tous les services darchives, quel que soit leur rattachement administratif, doivent se mobiliser pour relever le défi de la transmission des traces les plus significatives de notre époque -de ce point de vue, lEtat doit montrer lexemple et celles et ceux qui le servent, encore davantage pour mettre le plus de documents possibles et quelle quen soit la forme, à la disposition des archives.
Internet offre aussi une chance : il est un outil irremplaçable de diffusion des archives. Aujourdhui, près de trois cent millions de pages darchives numérisées sont accessibles gratuitement sur les sites des collectivités publiques. Chaque année, deux milliards de pages peuvent être vues par des internautes du monde entier. Disons-le avec fierté, notre pays dispose dune réelle avance en ce domaine. Il le doit notamment aux efforts des Conseils généraux que je veux saluer, qui soutiennent les politiques de numérisation des archives départementales.
Nous avons réussi une avance grâce à une grande passion, lengouement que nos concitoyens ont pour les archives, en allant chercher, soit des vérifications historiques, soit une histoire personnelle, familiale. Il est bien que la France se mobilise pour quà partir de cette force, à partir de ce réseau, nous puissions avoir une capacité à détenir notre mémoire, m??moire locale, mémoire nationale.
La mémoire de la France ne peut pas se réduire aux seules archives de lEtat ou même des collectivités locales. Il est nécessaire de recueillir et de sauvegarder. Désormais, cest une question qui est posée pour les archives privées des individus, mais aussi des entreprises. Parce que là aussi lhistoire se fait du côté des entreprises. Nous devons donc associer de nombreuses institutions publiques, privées, associatives pour atteindre cet objectif.
Enfin demeure la question démocratique celle de laccès aux archives. La ministre de la Culture et de la Communication présentera au Parlement, en 2014, un projet de loi sur le patrimoine. Je souhaite que les archives, qui en sont une composante essentielle, figurent dans ce texte. Ce qui supposera dadapter au développement des supports numériques, le droit applicable aux archives. Nous devrons également concilier la protection des données personnelles et les progrès de la science historique. La question des délais sera abordée dans cette loi. Le secret, grande tradition française protège tant les intérêts publics que les personnes privées.
Mais il doit être mesuré dans le temps, afin de ne pas devenir une occultation du passé. Aucun secret nest en principe éternel. La presse et les historiens généralement arrivent à le percer.
Par ailleurs, il ne conviendrait pas que le secret puisse résister trop longtemps car nous devons avoir cette exigence de transparence. Il est donc légitime que nous nous posions à travers cette loi, la question des délais daccès aux documents.
Un peuple, cest une histoire et une mémoire commune. Cette mémoire se fonde sur trois principes.
Le premier cest la vérité. Un pays se construit en ayant une fierté par rapport à son histoire mais aussi une lucidité face à des moments de défaillance. La vérité nabaisse pas, elle élève. Cest pourquoi lhistoire doit toujours être dite et les archives y contribuent.
Le deuxième principe cest la liberté de la recherche. Linvestigation des historiens ne doit rencontrer aucune limite, leur curiosité ne doit se heurter à aucune borne. Certes, nous devons lutter contre les falsifications, les négationnismes qui doivent être sanctionnés à la hauteur de loutrage quils constituent. Cependant je refuse la dérive qui consiste à brider ou à guider par la loi le travail des historiens.
Cette liberté, cest aussi le refus denfermer lhistoire, de la figer, de la centraliser, de la contrôler. Il ny a pas, en France de récit officiel. Longtemps, il y a eu cette tentation.
Cest dans cette perspective que jai décidé de renoncer au « Musée de lHistoire de France ». La première raison, qui suffisait à toutes les autres, cest quil nétait pas financé. Mais il y en avait une autre, car au-delà de la qualité des équipes chargées de préfigurer ce musée, il y avait une polémique de plus. En France, toute tentative de musée national unifié sest révélée impossible - Louis-Philippe avait déjà conçu ce projet à Versailles. Vient ensuite celle de Napoléon III au Louvre, qui na pas non plus abouti. La culture de notre pays, son histoire, son identité, reposent en grande partie sur une constellation dinstitutions, de « musées de province » comme on dit, auxquels Pierre Nora consacre, un beau chapitre de ses Lieux de mémoire. Chacun de ces musées a son esprit, son caractère, son inspiration, ses publics. Ce que pourrait être un Musée de lhistoire de France, ce serait de mettre en réseaux ces lieux et le numérique pourra nous y aider tout en gardant la diversité.
On nous dira : « Est-ce que ce nest pas mettre en cause lunité de la mémoire nationale ? Je ne le crois pas, nous avons besoin de cette diversité pour construire cette unité.
Car la mémoire, cest la continuité de la Nation dans le temps. Cest un fonds commun qui se transmet de génération en génération, et qui permet à un pays la conscience de lui-même, de découvrir à travers son histoire, en réalité son projet. Voilà pourquoi la transmission est un devoir. Les archives contribuent à cette transmission. La preuve, cest le nombre de personnes accueillies. Mais la transmission cest lécole, tout à lheure nous avons consulté les textes de Jean ZAY qui nont rien perdu de leur actualité. Toujours cette réforme de léducation que nous devons engager et qui rencontre les mêmes obstacles. Dans son texte il sagissait de lorientation. Aujourdhui encore, cette question est posée. Lenseignement de lhistoire doit être de nouveau considéré comme une obligation. Cest pourquoi nous avons rétabli lenseignement obligatoire de lHistoire en terminale S, et le retour de lépreuve dHistoire pour tous les candidats au baccalauréat général, qui sera effectif lors de la prochaine rentrée scolaire.
Cest pourquoi dans cette idée de transmission, je me félicite de la création de ce site qui permet à tous les citoyens de venir, dêtre accueillis parfois même accompagnés dans leurs recherches. Il y a aussi ce lien, établi avec luniversité, avec cette même volonté que les chercheurs trouvent partout les moyens daccomplir leur travail. Je remercie également les Archives nationales pour leur politique à légard du jeune public. Très tôt nous devons initier nos plus jeunes concitoyens à comprendre comment une recherche est menée, comment un document a été élaboré, quest ce qui fait quune décision a pu être prise, les cheminements qui ont pu être ceux des responsables dEtat. Là encore, la lecture des documents originaux remplace bien des manuels dHistoire. Voir comment les discours ont pu être rédigés. Les ratures enseignent autant que les phrases qui ont été prononcées. Il faudrait peut-être même faire un texte sur toutes les ratures auxquelles nous navons pas eu accès par définition. Seules les archives peuvent nous donner cette vérité. Chacun au moment de rédiger un discours peut maintenant savoir à quoi il sexpose
Conserver le patrimoine, le préserver dans son originalité, lenrichir, le rendre accessible à tous : cette tâche, la vôtre personnelle des archives, nest pas simplement une mission éminente de service public, cest également un enjeu de civilisation.
Il ma été donné par les circonstances daller récemment au Mali et à Tombouctou, jai pu y voir ce que la barbarie était capable dinfliger au passé. Détruire les traces, les écrits, les monuments, les symboles. La haine pour triompher, doit venir à bout de la mémoire. Tous les exemples de barbarie, ont toujours attesté de cette intention : effacer le passé pour créer un ordre nouveau. Chaque fois que la mémoire est plus forte, plus durable, chaque fois la démocratie progresse.
Rien nest donc plus vivant, quune archive, ce nest pas une lettre morte, cest une lettre qui instruit. Je pense à ce beau mot de Françoise SAGAN, qui avec acuité disait : « Je ne sais pas ce que le passé nous réserve ». Je sais quici, à Pierrefitte, il nous réserve bien des surprises, bien des révélations, bien des découvertes, dont chacune contribuera à lidée que la France se fait delle-même parce quelle saura doù elle vient.
Je vous remercie.