Extraits d'un entretien de Mme Hélène Conway-Mouret, ministre des Français de l'étranger, avec TV5-Monde le 12 février 2013, notamment sur la sécurité des Français au Mali et au Niger.

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Média : TV5

Texte intégral

Q - Bonjour Madame la Ministre, vous rentrez du Niger, vous êtes allée au Mali. Quelle est la situation des Français qui se trouvent sur place, notamment à Bamako ou Niamey ? Quel est leur sentiment aujourd'hui par rapport à cette guerre qui se poursuit ?
R - C'est un sentiment assez contrasté puisque le Mali est aujourd'hui un pays en guerre alors que le Niger ne l'est pas, bien que les Nigériens aient une unité qui est intervenue très vite, dès le 28 janvier avec 500 hommes qui ont été mis à disposition et qui ont combattu aux côtés des troupes maliennes et françaises au Nord-Mali. C'est une situation assez paradoxale car le Mali est en guerre, mais ce que j'ai vu à Bamako, c'est une vie normale et des Français qui continuent de travailler.
Q - Vous rassurez les Français qui ne sont pas inquiets au-delà ?
R - Rassurés, ils ne le sont peut-être pas complètement. Ils savent très bien qu'il existe une menace, une menace terroriste qui malheureusement aujourd'hui est assez visible en tout cas dans le Nord-Mali avec ce qui s'est passé à Gao. Mais en tout état de cause, la vie à Bamako est normale, il n'y a pas de barrage ni de couvre-feu.
Q - Pour autant, les lycées ne sont toujours pas réouverts.
R - Le lycée français n'est pas réouvert, tout simplement parce que nous ne sommes pas certains aujourd'hui que la sécurité extérieure du lycée puisse être assurée.
Q - Est-ce à dire que l'on espère rapidement l'ouverture de ce lycée ?
R - En tout cas, ce qui a été prévu, c'est qu'il sera rouvert au mois d'avril. Si la sécurité peut être assurée avant la réouverture, cela aura lieu mais pour le moment, nous restons sur la date indiquée.
Q - Votre sentiment, c'est donc que les conditions ne sont pas réunies pour la réouverture de ce lycée. Pour le moment, la sécurité n'est donc pas garantie par les troupes maliennes ?
R - Je dirai que la menace terroriste est forte et que l'on ne peut pas s'assurer aujourd'hui de la sécurité des enfants. Plutôt que de les mettre en danger, nous préférons plus de sécurité. Fermer un lycée est une décision très grave parce que, c'est donner l'impression à l'ensemble de la communauté qu'en effet, il y a cette menace.
Q - Vous dites que cela contribue à leur inquiétude ?
R - Souvent, l'évacuation suit pratiquement automatiquement. Là, ce n'est pas le cas. Lorsque l'on traverse la ville de Bamako, on se rend compte que la vie est presque normale. On voit bien que le Centre culturel français est aussi fermé, cela pour assurer la sécurité passive c'est-à-dire que l'on a besoin de quelques constructions à l'extérieur pour assurer la sécurité du bâtiment.
En tout cas, à Niamey, la situation est différente. Il y a même une sécurité qui est assez contraignante pour notre communauté française, cette sécurité est assurée et le lycée est ouvert car on peut justement compter sur les forces de sécurité locales mises en place et qui sont assurés par les Nigériens.
Q - Y a-t-il des Français dans le nord, malgré les conseils qui ont été donnés et qui indiquent qu'il ne faut pas se rendre près de la zone rouge ?
R - Lorsque j'étais à Bamako, on m'a dit que certains Français entendaient bien retourner dans le nord parce qu'ils y avaient toujours habités et qu'ils ont tout simplement envie de retourner chez eux. Bien sûr, ils en sont dissuadés mais après, on ne peut rien imposer aux personnes.
Q - Quelle est la situation des sept Français qui sont pris en otage ?
R - C'est une situation que nous suivons quotidiennement. Le président de la République a reçu les familles, le Centre de crise est en liaison pratiquement quotidienne avec elles aussi pour les rassurer et pour maintenir un suivi.
Q - Cela veut donc dire que le contact est toujours établi avec les ravisseurs ?
R -Il faut être incroyablement prudents. Je déplore certaines rumeurs.
Q - Vous faites allusion notamment à la version d'une rançon ?
R - Voilà, mais cela sert à quoi de dire ce genre de choses. On propage une rumeur qui est infondée, qui n'est pas vrai, dans quel but ?
Q - Je voudrais revenir en France pour parler de quelque chose qui touche les Français de l'étranger, c'est le mariage pour tous qui va être voté par l'Assemblée nationale aujourd'hui.
Qu'est-ce qui va changer pour ces Français homosexuels qui se sont mariés dans des pays où le mariage homosexuels est autorisé et il y en a beaucoup ?
R - Tout d'abord, c'est une égalité des droits. (...) Aujourd'hui, nous avons des ressortissants français, mariés avec d'autres Français ou mariés avec des nationaux. Pour eux, la première étape est bien sûr la reconnaissance de ce mariage en France qui aujourd'hui n'est pas possible, avec une transcription de l'acte d'état civil qui indiquera qu'en effet, ils ont un conjoint et qu'ils sont bien mariés.
Q - Et ce sera immédiat, dès que la loi sera votée ?
R - Oui bien sûr. Par ailleurs, pour d'autres, ce sera la possibilité de se marier en France puisque cela n'est pour le moment pas possible, cela le deviendra à la fin du débat.
C'est la première étape, c'est le vote à l'Assemblée nationale qui est une étape importante. Ensuite il y aura un débat au Sénat et le retour à l'Assemblée nationale.
(...) .
Q - Le mois prochain, vous allez présenter un projet de loi qui est censé rapprocher les élus des Français de l'étranger. Il y aura donc un certain nombre d'élus supplémentaires ?
R - Vous savez que depuis le mois de juin dernier, nous avons des députés qui ont un ancrage territorial puisqu'ils sont élus sur une circonscription. Nous avons aussi des sénateurs qui ont la planète pour circonscription. Il fallait donc absolument réformer l'Assemblée des Français de l'étranger qui jusqu'à lors avait 155 conseillers représentant les Français dans des circonscriptions. L'arrivée des députés fait que l'on ne peut pas avoir des députés et des sous-députés. Il faut donc rééquilibrer à la fois les compétences de ces conseillers élus locaux par rapport aux parlementaires.
Q - Et finalement, ce sont plus d'élus, 450 élus !
R - Oui, mais la planète est vaste, nous avons deux millions et demi de Français à l'étranger. Donc, avoir 450 personnes qui représentent deux millions et demi de Français, ce n'est pas un quota si important.
Q - Et ça va coûter plus cher ?
R - Non cela ne coûtera pas plus cher puisque la réforme se fait à coût constant. (...).
Q - Ils vont donc gagner moins et peut-être avoir des difficultés pour exercer leur mandat ?
R - Non, parce que le mandat s'exerce aujourd'hui sur une circonscription qui peut être très vaste. Demain, nous aurons des élus locaux, tels des conseillers municipaux qui seront au plus près de leur communauté française et donc ils n'auront pas à traverser des continents entiers comme c'est le cas pour certains, notamment en Chine. Ils seront élus au sein de conseils consulaires localement et nous avons prévu qu'il y ait, au niveau régional, des rencontres pour qu'ils puissent échanger.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 février 2013