Texte intégral
LEOPOLD STRAJNIC
Dans deux heures, vous serez à Grenoble pour évoquer les questions de santé. Vous allez vous rendre ce matin au CHU de Grenoble. Quels sont les temps forts de cette visite, sachant que le climat est relativement tendu, les urgentistes sont en grève depuis quinze jours, et ils menacent de démissionner ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ecoutez, j'ai plusieurs temps dans cette visite à Grenoble, d'abord, au CHU, où je visiterai et rencontrerai les équipes du tout récent hôpital Couple Enfant, avant une présentation par l'équipe de neurochirurgie d'une technique qui fait la renommée internationale de Grenoble, comme vous le savez, la stéréotaxie, qui constitue un progrès considérable pour les malades atteints de Parkinson, donc pour montrer aussi tous les progrès que fait la médecine française, sa performance, et puis en même temps, je rencontrerai des professionnels de santé libéraux à Saint-Martin-D'hères, qui ont décidé de travailler ensemble, de façon coordonnée, des médecins, des infirmières, des kinés, des psychologues, au sein d'un pôle de santé et de proximité, qui est au début de la chaîne, en quelque sorte, et qui répond aussi à des questions concernant les urgences, et j'y reviendrai. Et en tout cas, ce qui est très important, c'est que pour moi, ça sera l'occasion d'expliquer ce que le gouvernement veut faire en lançant la Stratégie nationale de santé. C'est quoi la Stratégie nationale de santé ? Je l'avais déjà annoncée en juillet dernier, et le président de la République l'a évoquée le 20 octobre devant la Mutualité, à son congrès, c'est pour fixer pour les cinq à dix années à venir une nouvelle stratégie, un cap, avec des réorganisations indispensables à notre système de santé pour répondre aux défis de notre temps, et surtout, pour répondre aux tensions que connaît notre système, qui coûte beaucoup d'argent, c'est vrai, en même temps, c'est juste, c'est légitime, et les besoins de santé sont croissants, mais en même temps, comment expliquer malgré cet argent, cet investissement, que notre système de santé reste profondément inégalitaire, que des problèmes d'accès aux soins se posent, voire s'aggravent avec les déserts médicaux par exemple, nous n'avons pas encore pris la mesure de l'évolution des patients, avec des maladies nouvelles, des maladies chroniques, des maladies comme les poly-pathologies. Donc c'est ces grandes lignes de cette politique que je vais présenter à l'issue de ma visite à Grenoble, en présence de sept autres personnalités des experts du monde de la santé et de la recherche que j'ai chargé, avec Marisol TOURAINE, ministre des Affaires sociales et de la santé de coordonner cette démarche, et qui sont réunies au sein d'un comité des Sages qui fera des propositions concrètes.
LEOPOLD STRAJNIC
Alors Monsieur le Premier ministre, vous avez évoqué les déserts médicaux, on va y revenir, mais j'insiste sur les urgentistes, car
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, tout à fait
LEOPOLD STRAJNIC
C'est la première fois qu'une vingtaine de médecins menacent de démissionner, est-ce que vous reconnaissez
JEAN-MARC AYRAULT
Je suis bien informé de ça, oui
LEOPOLD STRAJNIC
Voilà, vous reconnaissez qu'il y a un manque de moyens aux urgences ?
JEAN-MARC AYRAULT
Alors, il y a deux problèmes pour les urgences, il y a un problème spécifique pour Grenoble, que je reconnais tout à fait, d'ailleurs, il y a déjà eu des réunions de tenues, les professionnels urgentistes ont demandé à être reçus, ils le seront, notamment par Marisol TOURAINE
LEOPOLD STRAJNIC
Vous allez les recevoir, vous, vous allez les rencontrer ?
JEAN-MARC AYRAULT
Et Marisol TOURAINE va les recevoir, et je pense que dans mon programme, je le modifierai pour avoir un contact avec eux, parce que c'est important, ce sont des gens en première ligne, je comprends leurs soucis, et aussi qu'il y a des problèmes spécifiques à Grenoble, je sais qu'il y a des problèmes de personnels, qu'il manque du personnel, qu'il y a des problèmes aussi de locaux, donc ce qui rend les conditions de travail et aussi d'accueil des patients très difficiles. En même temps, je sais aussi que c'est la deuxième réflexion c'est qu'il y a en France dans tous les services d'urgences vingt millions de Français qui sont accueillis, parfois dans des situations de détresse. Et alors, je crois que, au-delà de Grenoble, la question des urgences, c'est à la fois bien sûr celle qui est souvent mise en avant la question des moyens, mais ce n'est pas qu'une question de moyens, même si je reconnais qu'il y a un problème spécifique encore une fois à Grenoble. Les urgences, c'est là où sont dirigés aujourd'hui pratiquement beaucoup trop de monde, bien sûr, ceux qui sont dans des situations de risques vitaux, ils doivent aller aux urgences, c'est évident.
LEOPOLD STRAJNIC
C'est le problème de la permanence des soins, c'est ça ?
JEAN-MARC AYRAULT
C'est tout le parcours de soins, et ce n'est pas un hasard si je fais cette visite d'ailleurs, à Saint-Martin-d'Hères, parce que là on est très en amont, il y a énormément de gens qui pourraient être mieux pris en charge, mieux soignés, alors que, aujourd'hui, s'il n'y a pas de réponse très tôt, eh bien, on va aux urgences, on n'a pas d'autre solution.
LEOPOLD STRAJNIC
Donc il n'y a pas assez de médecins pour accueillir les patients le soir, le week-end ?
JEAN-MARC AYRAULT
Il y a surtout une mauvaise organisation, donc il faut
LEOPOLD STRAJNIC
A l'hôpital ?
JEAN-MARC AYRAULT
Pas seulement à l'hôpital, non, je veux dire dans l'ensemble de la chaîne de soins, c'est-à-dire à la fois au début, ce qu'on appelle l'amont, les pôles de santé sont une bonne réponse, à condition qu'ils soient bien positionnés sur le territoire, c'est tout le sens, d'ailleurs, du contrat territorial santé que Marisol TOURAINE propose, et puis il y a l'hôpital, l'organisation des urgences, avec l'ensemble des moyens, une fois que les personnes sont passées dans l'urgence, où vont-elles, si elles doivent aller dans des services elles y vont, mais une fois qu'elles sont dans ces services, qu'elles ont été soignées, parfois il y a un manque de place, ce qu'on appelle en aval, c'est-à-dire, une fois qu'on a été soigné à l'hôpital, qu'est-ce qu'on devient ? Est-ce qu'il y a suffisamment de lits dans des centres, ce qu'on appelle des soins de suite, ou alors est-ce qu'on organise suffisamment bien le retour à domicile dans les meilleures conditions, ou dans un établissement médicosocial ? C'est tout ça qu'il faut réorganiser. Donc, cette stratégie nationale de santé, a bien pour objectif de replacer chacun des maillons de la prise en charge, dont les urgences, dans leur rôle, dans leur mission. Je sais que c'est un vaste chantier, mais il faut absolument s'y attaquer, parce que sinon on ne résoudra jamais durablement les problèmes, on ne fera que cautériser, on ne fera que calmer telle ou telle douleur, et je pense que ça ne suffira pas.
LEOPOLD STRAJNIC
Monsieur le Premier ministre, vous l'évoquiez tout à l'heure, l'Isère est un département, parmi d'autres, confronté à ce qu'on appelle les déserts médicaux. Le Sénat vient de rendre public un rapport qui propose d'exclure de la Sécu les médecins qui veulent s'installer dans des zones où il y a déjà trop de praticiens, est-ce que c'est une bonne solution selon vous ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je crois que ça fait consensus pour dire que ce n'est pas une bonne solution, c'est plus un cri d'alarme qu'autre chose, mais, vous parlez de l'Isère, l'Isère n'est pas le seul département concerné par ces problèmes de démographie médicale, il y a beaucoup de Français qui sont concernés, qui manquent de médecins à proximité de leur lieu de vie, ou qui ont des problèmes de délais pour accéder à une médecine spécialisée, ça devient plus difficile. Et puis ça ne concerne pas que les territoires ruraux, ça concerne aussi les banlieues des grandes villes, les zones périurbaines, donc le cri d'alarme des sénateurs il faut l'entendre, mais en même temps il faut trouver la bonne solution, et ce n'est pas la contrainte qui réglera le problème, et je pense que ça pourrait même décourager les jeunes de s'installer, donc il faut trouver une autre solution, mais il faut trouver une solution. Il y a des nouvelles formules, il faut organiser les soins différemment.
LEOPOLD STRAJNIC
Marisol TOURAINE a proposé justement de garantir un salaire minimum
JEAN-MARC AYRAULT
Absolument.
LEOPOLD STRAJNIC
Pour des médecins qui s'installeraient en campagne, dans des zones
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, ça fait partie des 12 mesures qu'elle a annoncées dans le cadre de son pacte santé-territoire, que nous voulons aussi négocier avec les collectivités territoriales, il faut aussi changer la donne dès la formation des médecins, et donc, comme vous l'avez dit, faciliter l'installation des jeunes médecins, mais aussi accompagner les évolutions dans les conditions d'exercice des médecins, renforcer aussi l'attractivité des lieux où ils vont travailler, habiter. Donc je pense que, si je parle de stratégie nationale de santé, si je parle d'un temps relativement long, c'est parce qu'il y a beaucoup de choses qui n'ont pas été faites les années passées, et qu'il y a énormément à rattraper, mais il faut, pour ça, avoir un but, un cap, une stratégie, comme je viens de le dire, et c'est comme ça qu'on y arrivera, mais on y arrivera en mettant autour de la table
LEOPOLD STRAJNIC
Il va falloir faire des économies, vous parlez de stratégie, on est dans une période de l'économie budgétaire, il faudra faire des économies, par exemple peut-être plus encourager la prescription des médicaments génériques.
JEAN-MARC AYRAULT
Il faut encourager la prescription des médicaments génériques, parfois même je constate qu'il y a une certaine tendance au recul de l'usage de ces médicaments, qui ont la même valeur que les autres, mais que parfois il y a un climat de méfiance et mais ça coûte énormément d'argent à la Sécurité Sociale, et la Sécurité Sociale c'est les assurés sociaux, et si on peut faire des économies sans dégrader la qualité des soins, je dirais même en les améliorant, c'est tout le sens de la stratégie que je vais présenter, la réorganisation, la réforme de structure, alors on aura fait une oeuvre utile, parce que se soigner est un droit, mais, je le répète, il y a trop d'inégalités d'accès aux soins, des inégalités territoriales, des inégalités sociales, et tout le monde a le droit, je pense, à la couverture santé, à la couverture complémentaire. J'ai annoncé, il y a quelques mois, des mesures pour les personnes les plus en difficulté. Je crois qu'il y a un vaste chantier qui permettra de redonner confiance dans notre système de santé, mais pour ça il faut avoir le courage de dire les choses, de les décrire, d'identifier les problèmes, et puis proposer des solutions qui soient partagées, et qui nous permettent de trouver des réponses aux problèmes d'aujourd'hui, parce que ce n'est pas la nostalgie qui nous réglera les problèmes. On pensait qu'autrefois il y avait le médecin de campagne, qui était à côté de chez soi, que tout était mais, les médecins ont changé leurs conditions de vie, les Français eux-mêmes ont changé leurs conditions de vie, leur rapport à la santé, par exemple, ils veulent de la proximité, mais ils veulent aussi de la qualité, ils veulent des spécialistes, il n'y aura pas des spécialistes partout, donc comment on organise toute cette chaîne, d'organisation des soins, et c'est tout le chantier que je vais lancer, que je vais, avec Marisol TOURAINE, annoncer à Grenoble.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 février 2013
Dans deux heures, vous serez à Grenoble pour évoquer les questions de santé. Vous allez vous rendre ce matin au CHU de Grenoble. Quels sont les temps forts de cette visite, sachant que le climat est relativement tendu, les urgentistes sont en grève depuis quinze jours, et ils menacent de démissionner ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ecoutez, j'ai plusieurs temps dans cette visite à Grenoble, d'abord, au CHU, où je visiterai et rencontrerai les équipes du tout récent hôpital Couple Enfant, avant une présentation par l'équipe de neurochirurgie d'une technique qui fait la renommée internationale de Grenoble, comme vous le savez, la stéréotaxie, qui constitue un progrès considérable pour les malades atteints de Parkinson, donc pour montrer aussi tous les progrès que fait la médecine française, sa performance, et puis en même temps, je rencontrerai des professionnels de santé libéraux à Saint-Martin-D'hères, qui ont décidé de travailler ensemble, de façon coordonnée, des médecins, des infirmières, des kinés, des psychologues, au sein d'un pôle de santé et de proximité, qui est au début de la chaîne, en quelque sorte, et qui répond aussi à des questions concernant les urgences, et j'y reviendrai. Et en tout cas, ce qui est très important, c'est que pour moi, ça sera l'occasion d'expliquer ce que le gouvernement veut faire en lançant la Stratégie nationale de santé. C'est quoi la Stratégie nationale de santé ? Je l'avais déjà annoncée en juillet dernier, et le président de la République l'a évoquée le 20 octobre devant la Mutualité, à son congrès, c'est pour fixer pour les cinq à dix années à venir une nouvelle stratégie, un cap, avec des réorganisations indispensables à notre système de santé pour répondre aux défis de notre temps, et surtout, pour répondre aux tensions que connaît notre système, qui coûte beaucoup d'argent, c'est vrai, en même temps, c'est juste, c'est légitime, et les besoins de santé sont croissants, mais en même temps, comment expliquer malgré cet argent, cet investissement, que notre système de santé reste profondément inégalitaire, que des problèmes d'accès aux soins se posent, voire s'aggravent avec les déserts médicaux par exemple, nous n'avons pas encore pris la mesure de l'évolution des patients, avec des maladies nouvelles, des maladies chroniques, des maladies comme les poly-pathologies. Donc c'est ces grandes lignes de cette politique que je vais présenter à l'issue de ma visite à Grenoble, en présence de sept autres personnalités des experts du monde de la santé et de la recherche que j'ai chargé, avec Marisol TOURAINE, ministre des Affaires sociales et de la santé de coordonner cette démarche, et qui sont réunies au sein d'un comité des Sages qui fera des propositions concrètes.
LEOPOLD STRAJNIC
Alors Monsieur le Premier ministre, vous avez évoqué les déserts médicaux, on va y revenir, mais j'insiste sur les urgentistes, car
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, tout à fait
LEOPOLD STRAJNIC
C'est la première fois qu'une vingtaine de médecins menacent de démissionner, est-ce que vous reconnaissez
JEAN-MARC AYRAULT
Je suis bien informé de ça, oui
LEOPOLD STRAJNIC
Voilà, vous reconnaissez qu'il y a un manque de moyens aux urgences ?
JEAN-MARC AYRAULT
Alors, il y a deux problèmes pour les urgences, il y a un problème spécifique pour Grenoble, que je reconnais tout à fait, d'ailleurs, il y a déjà eu des réunions de tenues, les professionnels urgentistes ont demandé à être reçus, ils le seront, notamment par Marisol TOURAINE
LEOPOLD STRAJNIC
Vous allez les recevoir, vous, vous allez les rencontrer ?
JEAN-MARC AYRAULT
Et Marisol TOURAINE va les recevoir, et je pense que dans mon programme, je le modifierai pour avoir un contact avec eux, parce que c'est important, ce sont des gens en première ligne, je comprends leurs soucis, et aussi qu'il y a des problèmes spécifiques à Grenoble, je sais qu'il y a des problèmes de personnels, qu'il manque du personnel, qu'il y a des problèmes aussi de locaux, donc ce qui rend les conditions de travail et aussi d'accueil des patients très difficiles. En même temps, je sais aussi que c'est la deuxième réflexion c'est qu'il y a en France dans tous les services d'urgences vingt millions de Français qui sont accueillis, parfois dans des situations de détresse. Et alors, je crois que, au-delà de Grenoble, la question des urgences, c'est à la fois bien sûr celle qui est souvent mise en avant la question des moyens, mais ce n'est pas qu'une question de moyens, même si je reconnais qu'il y a un problème spécifique encore une fois à Grenoble. Les urgences, c'est là où sont dirigés aujourd'hui pratiquement beaucoup trop de monde, bien sûr, ceux qui sont dans des situations de risques vitaux, ils doivent aller aux urgences, c'est évident.
LEOPOLD STRAJNIC
C'est le problème de la permanence des soins, c'est ça ?
JEAN-MARC AYRAULT
C'est tout le parcours de soins, et ce n'est pas un hasard si je fais cette visite d'ailleurs, à Saint-Martin-d'Hères, parce que là on est très en amont, il y a énormément de gens qui pourraient être mieux pris en charge, mieux soignés, alors que, aujourd'hui, s'il n'y a pas de réponse très tôt, eh bien, on va aux urgences, on n'a pas d'autre solution.
LEOPOLD STRAJNIC
Donc il n'y a pas assez de médecins pour accueillir les patients le soir, le week-end ?
JEAN-MARC AYRAULT
Il y a surtout une mauvaise organisation, donc il faut
LEOPOLD STRAJNIC
A l'hôpital ?
JEAN-MARC AYRAULT
Pas seulement à l'hôpital, non, je veux dire dans l'ensemble de la chaîne de soins, c'est-à-dire à la fois au début, ce qu'on appelle l'amont, les pôles de santé sont une bonne réponse, à condition qu'ils soient bien positionnés sur le territoire, c'est tout le sens, d'ailleurs, du contrat territorial santé que Marisol TOURAINE propose, et puis il y a l'hôpital, l'organisation des urgences, avec l'ensemble des moyens, une fois que les personnes sont passées dans l'urgence, où vont-elles, si elles doivent aller dans des services elles y vont, mais une fois qu'elles sont dans ces services, qu'elles ont été soignées, parfois il y a un manque de place, ce qu'on appelle en aval, c'est-à-dire, une fois qu'on a été soigné à l'hôpital, qu'est-ce qu'on devient ? Est-ce qu'il y a suffisamment de lits dans des centres, ce qu'on appelle des soins de suite, ou alors est-ce qu'on organise suffisamment bien le retour à domicile dans les meilleures conditions, ou dans un établissement médicosocial ? C'est tout ça qu'il faut réorganiser. Donc, cette stratégie nationale de santé, a bien pour objectif de replacer chacun des maillons de la prise en charge, dont les urgences, dans leur rôle, dans leur mission. Je sais que c'est un vaste chantier, mais il faut absolument s'y attaquer, parce que sinon on ne résoudra jamais durablement les problèmes, on ne fera que cautériser, on ne fera que calmer telle ou telle douleur, et je pense que ça ne suffira pas.
LEOPOLD STRAJNIC
Monsieur le Premier ministre, vous l'évoquiez tout à l'heure, l'Isère est un département, parmi d'autres, confronté à ce qu'on appelle les déserts médicaux. Le Sénat vient de rendre public un rapport qui propose d'exclure de la Sécu les médecins qui veulent s'installer dans des zones où il y a déjà trop de praticiens, est-ce que c'est une bonne solution selon vous ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je crois que ça fait consensus pour dire que ce n'est pas une bonne solution, c'est plus un cri d'alarme qu'autre chose, mais, vous parlez de l'Isère, l'Isère n'est pas le seul département concerné par ces problèmes de démographie médicale, il y a beaucoup de Français qui sont concernés, qui manquent de médecins à proximité de leur lieu de vie, ou qui ont des problèmes de délais pour accéder à une médecine spécialisée, ça devient plus difficile. Et puis ça ne concerne pas que les territoires ruraux, ça concerne aussi les banlieues des grandes villes, les zones périurbaines, donc le cri d'alarme des sénateurs il faut l'entendre, mais en même temps il faut trouver la bonne solution, et ce n'est pas la contrainte qui réglera le problème, et je pense que ça pourrait même décourager les jeunes de s'installer, donc il faut trouver une autre solution, mais il faut trouver une solution. Il y a des nouvelles formules, il faut organiser les soins différemment.
LEOPOLD STRAJNIC
Marisol TOURAINE a proposé justement de garantir un salaire minimum
JEAN-MARC AYRAULT
Absolument.
LEOPOLD STRAJNIC
Pour des médecins qui s'installeraient en campagne, dans des zones
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, ça fait partie des 12 mesures qu'elle a annoncées dans le cadre de son pacte santé-territoire, que nous voulons aussi négocier avec les collectivités territoriales, il faut aussi changer la donne dès la formation des médecins, et donc, comme vous l'avez dit, faciliter l'installation des jeunes médecins, mais aussi accompagner les évolutions dans les conditions d'exercice des médecins, renforcer aussi l'attractivité des lieux où ils vont travailler, habiter. Donc je pense que, si je parle de stratégie nationale de santé, si je parle d'un temps relativement long, c'est parce qu'il y a beaucoup de choses qui n'ont pas été faites les années passées, et qu'il y a énormément à rattraper, mais il faut, pour ça, avoir un but, un cap, une stratégie, comme je viens de le dire, et c'est comme ça qu'on y arrivera, mais on y arrivera en mettant autour de la table
LEOPOLD STRAJNIC
Il va falloir faire des économies, vous parlez de stratégie, on est dans une période de l'économie budgétaire, il faudra faire des économies, par exemple peut-être plus encourager la prescription des médicaments génériques.
JEAN-MARC AYRAULT
Il faut encourager la prescription des médicaments génériques, parfois même je constate qu'il y a une certaine tendance au recul de l'usage de ces médicaments, qui ont la même valeur que les autres, mais que parfois il y a un climat de méfiance et mais ça coûte énormément d'argent à la Sécurité Sociale, et la Sécurité Sociale c'est les assurés sociaux, et si on peut faire des économies sans dégrader la qualité des soins, je dirais même en les améliorant, c'est tout le sens de la stratégie que je vais présenter, la réorganisation, la réforme de structure, alors on aura fait une oeuvre utile, parce que se soigner est un droit, mais, je le répète, il y a trop d'inégalités d'accès aux soins, des inégalités territoriales, des inégalités sociales, et tout le monde a le droit, je pense, à la couverture santé, à la couverture complémentaire. J'ai annoncé, il y a quelques mois, des mesures pour les personnes les plus en difficulté. Je crois qu'il y a un vaste chantier qui permettra de redonner confiance dans notre système de santé, mais pour ça il faut avoir le courage de dire les choses, de les décrire, d'identifier les problèmes, et puis proposer des solutions qui soient partagées, et qui nous permettent de trouver des réponses aux problèmes d'aujourd'hui, parce que ce n'est pas la nostalgie qui nous réglera les problèmes. On pensait qu'autrefois il y avait le médecin de campagne, qui était à côté de chez soi, que tout était mais, les médecins ont changé leurs conditions de vie, les Français eux-mêmes ont changé leurs conditions de vie, leur rapport à la santé, par exemple, ils veulent de la proximité, mais ils veulent aussi de la qualité, ils veulent des spécialistes, il n'y aura pas des spécialistes partout, donc comment on organise toute cette chaîne, d'organisation des soins, et c'est tout le chantier que je vais lancer, que je vais, avec Marisol TOURAINE, annoncer à Grenoble.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 février 2013