Déclaration de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur la démolition-reconstruction d’un foyer de travailleurs migrants en état de délabrement et en situation de sur-occupation, à Montreuil le 18 février 2013.

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Circonstance : Signature du protocole de reconstruction du foyer de travailleurs migrants de la rue Bara, à Montreuil (Seine-Saint-Denis) le 18 février 2013

Texte intégral

Madame la maire,
mesdames et Messieurs les élus,
mesdames et Messieurs,
La vie de ministre est telle, que les obligations liées à la mission qui sont la mienne, m'amènent à prononcer de nombreux discours. Mais celui ci revêt à mes yeux une importance particulière, quasi symbolique. Nous sommes en effet réunis aujourd'hui, à l'occasion de la signature de ce protocole en faveur de la démolition – reconstruction du foyer Bara.
Cette signature est une étape essentielle importante d'abord pour les personnes qui vivent ici, je veux parler de ceux que l'on appelle les travailleurs migrants. Je veux ce matin vous rendre hommage.
Nous savons ce que vous apportez à ce pays. Nous savons combien vous manquez au vôtre. Nous connaissons la difficulté parfois de votre exil, la douleur d'être tenu loin des vôtres, la rudesse des tâches que vous accomplissez, le dénuement qui est parfois le vôtre. Nous savons aussi l'espoir qui vous porte et qui vous les rend si proches : celui d'offrir à votre famille une vie meilleure.
Pour toutes ces raisons je veux vous dire que votre dignité est sans égale et que votre courage est manière d'exemple. Je veux dire plus largement, et chacun comprendra que mon discours dépasse les limites du foyer Bara, que l'immigration n'est pas un fléau, qu'elle n'est pas même un problème, pour qui sait loin de la démagogie ouvrir des chemins nouveaux.
Le dire ici, en Seine-Saint-Denis, prend un sens particulier. Premier département de France en matière de foyers de travailleurs migrants, la Seine-Saint-Denis se distingue par l'ampleur de la mobilisation de ses élus – et Dominique Voynet en est un très bon exemple –, de ses bailleurs, de ses gestionnaires et des services de l'État pour prendre à bras le corps ce défi.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : ces deux dernières années près de 37 % de la dotation départementale des aides à la pierre de l'État ont été consacrés à l'effort de traitement de cinq foyers de travailleurs migrants séquano-dyonisiens, soit plus de 11 millions d'euros par an, auxquels s'ajoute également l'intervention de l'Anru. Beaucoup reste cependant à faire. Sur les 52 foyers qui figuraient initialement dans le plan de traitement, 19 restent encore à gérer. C'est dire l'ampleur de l'effort qui doit encore être fourni. L'État entend y prendre toute sa part, en partenariat étroit avec Action Logement, et compte sur les collectivités pour le rejoindre dans cette mobilisation.
Ma présence ici ce matin témoigne de l'importance que j'accorde à ce sujet, et de tout le respect que j'ai pour ceux, qui ayant quitté leur pays pour faire vivre leur famille restée au pays, participent depuis de nombreuses décennies à l'économie de notre pays.
En particulier, je pense en ce jour, aux années de lutte des résidents des foyers qui, ici à Montreuil, ou ailleurs dans notre pays, n'ont jamais cessé de faire résonner sous le ciel républicain, une demande de dignité, une demande de justice, en réclamant une amélioration de leurs conditions de vie.
Il était plus que temps que nous nous mobilisions ensemble pour mettre fin aux conditions de vie inacceptables que connaissent ici les résidents. Je sais, madame la maire, chère Dominique, que vous n'avez pas ménagé votre peine.
Face à la sur-occupation extrême de ce bâtiment vétuste qui n'a jamais été conçu pour accueillir 800 personnes, face aux risques qu'une telle situation faisait courir aux résidents eux mêmes, il fallait agir avec détermination.
D'aucuns disaient que le problème était insurmontable et pariaient sur votre échec. Mais vous avez tout de même agi. De la concertation est née une solution. Et bien qu'il ne s'agisse que d'un point de départ, c'est donc un grand pas qui est franchi aujourd'hui.
Le calendrier est fixé, la méthode est définie. Les sites de reconstitution de l'offre sont déjà tous identifiés, démontrant ainsi la crédibilité du projet. Deux opérations de reconstitution sont d'ores et déjà engagées financièrement. Un diagnostic social débutera dans les tous prochains jours. La dynamique est donc irrémédiablement enclenchée et nous irons au bout de ce processus.
Dans un peu plus de cinq années, avant la fin de l'année 2018, une résidence sociale flambant neuve se dressera en lieu et place du foyer actuel.
C'est essentiel à mes yeux car le foyer Bara est plus qu'un bâtiment insalubre qu'il convient de démolir et reconstruire au plus vite, c'est une preuve que la ténacité paie. Le protocole qui va être signé ce jour, est le fruit d'un engagement dans la durée.
Je tiens ici à saluer l'action et l'intelligence de l'ensemble des acteurs qui ont uni leur effort dans le but de trouver une solution à la situation de ce foyer, qui pouvait paraître inextricable. Votre pragmatisme et votre respect des valeurs républicaines ont permis la réussite de votre entreprise commune. Ce n'est que par cette volonté partagée des acteurs de trouver une solution malgré les contraintes que nous pouvons nous réunir aujourd'hui pour signer ce protocole.
Je pense bien sûr au propriétaire, Antin Résidence, et au gestionnaire, Coallia, qui ont accepté de s'inscrire dans une démarche participative et innovante, qui ont construit un projet viable en lien avec les collectivités et les résidents.
Je tiens aussi à saluer la participation d'Action Logement, partenaire indispensable du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants, avec lequel nous avons récemment conclu une lettre d'engagement mutuel en faveur du logement social, qui se traduira aussi par un effort accru pour résoudre la situation des foyers.
C'est, également, le produit d'un travail dévoué des services de l'État, du préfet et du sous-préfet auxquels je tiens tout particulièrement à rendre hommage. Il s'agit des services déconcentrés, via l'action de l'unité territoriale de la DRIHL et de son directeur Jacques SALHI, auprès du préfet de Département, M. Lambert, dont vous connaissez la volonté d'agir et son refus du défaitisme. Il s'agit également de la CILPI, et je tiens à saluer tout particulièrement l'implication sans relâche de son délégué général, M. Pierre-Yves REBERIOUX, qui oeuvre depuis de nombreuses années pour améliorer les conditions de logement des populations immigrées et qui à l'heure d'un départ prochain à la retraite, peut être fier du travail accompli.
Ce protocole, c'est enfin, le résultat de l'action de la ville de Montreuil, dont il faut à nouveau souligner l'implication centrale. L'engagement de Montreuil pour l'amélioration des conditions de vie dans ses foyers est décisif. Je tiens donc ici à saluer l'action de sa maire, Dominique Voynet, et de son équipe, qui se mobilisent depuis plusieurs années pour requalifier ces foyers, qu'ils soient constitués de logements sociaux, ou qu'ils soient le fruit d'une histoire plus complexe, de nature informelle comme le foyer du Centenaire.
Concernant ce foyer du Centenaire, je dois d'ailleurs dire la encore de ma grande satisfaction qu'une solution ait enfin pu être trouvée en fin d'année dernière pour résoudre la question de cet immeuble. Là aussi l'effort de l'État a été conséquent, via l'apport d'un financement de plus de 3 millions d'euros, obligatoire pour rendre possible l'opération.
Le protocole signé ce jour, est à mes yeux le symbole d'une action publique renouvelée, qui sait forger des solutions inédites, qui sait prendre en compte la réalité des spécificités des migrants pour nouer des accords permettant de rapprocher des points de vue qui paraissaient parfois antinomiques. Qu'il s'agisse des logements à confort partagé ou des unités de vie, je tiens à me féliciter du travail de collaboration entre les différents partenaires qui a permis de dégager des solutions.
Une telle démarche est nécessairement le fruit d'une démarche participative dans laquelle les résidents occupent une place à part entière. C'est l'une des clefs essentielles de la réussite de ce projet, et la leçon que j'en tire. Nous devons persister à faire le pari de l'intelligence collective, et laisser la possibilité d'expérimenter de nouveaux usages, définis en fonction des besoins des futurs occupants. Je suis convaincue qu'une implication plus importante des résidents dans la conception et le fonctionnement des structures auraient évité bien des situations auxquelles nous faisons face aujourd'hui.
Le protocole que vous vous apprêtez à signer marque donc le début d'un formidable projet, qui s'inscrit dans une ambition plus large. Il nous faut achever rapidement le plan de traitement des foyers de travailleurs migrants. L'implication au côté de l'État, des collectivités et des partenaires sociaux, est indispensable.
Évidemment, ici, au foyer Bara, aujourd'hui, c'est un moment tout particulier. Les liens entre la France et le Mali se sont récemment renoués très fortement, dans des circonstances difficiles et même dramatiques parfois pour le peuple malien. Ce lien est très fort ; et ici à Montreuil plus qu'ailleurs. Voilà qui démontre à ceux et celles qui tentent parfois d'opposer les gens sur notre territoire qu'ils trouveront face à eux des volontés résolues de faire primer la solidarité et l'échange.
Je vous remercie et vous donne rendez-vous ici même pour l'inauguration du nouveau foyer.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 19 février 2013