Texte intégral
R. Arzt - Selon vous, est-ce qu'il y a un moment où se posera la question de l'amnistie de ceux que les nationalistes corses appellent les prisonniers politiques ?
- "Nous verrons bien, nous n'en sommes pas là. Il y a eu un processus qui a été engagé en Corse par L. Jospin, il y a maintenant plus d'un an, et qui a permis, par le dialogue politique et dans la transparence, d'arriver à un premier projet de loi qui a été soumis au Parlement, qui a été d'ailleurs adopté à l'Assemblée nationale et qui reviendra en seconde lecture à l'automne. Nous avons aussi un deuxième projet de loi qui est prévu en 2004. Cette question de l'amnistie ne peut pas être évoquée comme un préalable ou comme un chantage : elle est aujourd'hui prématurée. Par ailleurs, le Premier ministre a toujours dit, dans toutes les réunions auxquelles il a participé, à l'Assemblée nationale où il a été interpellé - c'était normal d'ailleurs - par les députés, qu'il ne pouvait y avoir d'amnistie pour les crimes de sang et bien entendu pour les assassins du préfet Erignac."
Est-ce que dans ces conditions les positions de J.-L. Bennahmias et d'A. Lipietz préconisant l'amnistie en Corse vous ont choqué ?
- '"Ce qui m'a choqué, ce n'est pas qu'on puisse parler d'amnistie - il y a eu déjà des amnisties dans notre pays notamment en Corse - mais c'est le fait qu'on puisse évoquer une amnistie pour des criminels, notamment pour ceux qui ont assassiné le préfet Erignac. C'est ce qui reste choquant ; on peut comprendre qu'il puisse y avoir, après un long processus de retour à la paix civile, la fin des violences, une espèce d'abandon d'un certain nombre de poursuites mais on ne peut comprendre qu'elle puisse concerner des assassins et des criminels contre un représentant de l'Etat. C'est ce qui est choquant, ainsi que les comparaisons avec la guerre d'Algérie ou avec une guerre civile."
Ou l'apartheid en Afrique du Sud qu'a évoqué A. Lipietz. Ce sont des références que vous n'admettez pas ?
- "Cela n'a pas de sens ni de réalité. La violence en Corse qui existe depuis 25 ans - incontestablement une violence criminelle - ne peut pas être assimilée à une guerre de décolonisation ou à une guerre civile. C'est une violence inadmissible, une violence qu'il faut absolument éradiquer. C'est une violence que l'on peut d'ailleurs abandonner par le dialogue politique. C'est ce qu'a fait L. Jospin à travers ce processus de Matignon."
Si ce n'est pas l'amnistie, peut-il y avoir des regroupements de prisonniers ou des libérations conditionnelles ? Vous pensez qu'on se dirige dans ce sens ?
- "Nous verrons bien. C'est une affaire de justice. Cela fait partie de ces dispositions humanitaires qui peuvent être prises pour la Corse ou pour tout autre cas, mais nous ne pouvons pas aujourd'hui, alors que le processus est encore dans sa première étape, sa première phase - il n'y a aujourd'hui qu'un premier projet de loi et ce premier projet de loi n'est pas encore voté - évoquer une question qui est une question qui pourrait éventuellement se poser à la fin d'un processus. Comme je l'ai dit, elle devra être étroitement circonscrite puisqu'elle ne peut pas concerner des criminels, des assassins et notamment ceux du préfet Erignac. Voilà pourquoi cette question était totalement hors de propos et tout à fait prématurée."
Est-ce que vous appréciez que D. Voynet, qui a dit que l'amnistie n'est pas d'actualité, soit intervenue de la sorte ? Est-ce que, selon vous, elle a remis de l'ordre comme doit le faire un chef de parti ?
- "Oui. Je pense qu'elle a pris une position qui est d'ailleurs celle de la majorité plurielle, à l'exception du Mouvement des citoyens qui s'en était écarté avec J.-P. Chevènement. Elle a pris la position qui est celle que nous partageons avec L. Jospin. Le processus de Matignon est un processus de dialogue, c'est un processus qui doit trouver sa concrétisation dans la loi."
Vous la remercier d'être intervenue ?
- "Je n'ai pas à la remercier ni à la juger. Je pense qu'il y avait des voix contradictoires dans son mouvement, qu'il pouvait y avoir un doute sur la ligne de son parti. Elle l'a refixée et je m'en félicite parce que c'est la ligne du Gouvernement."
En tant que dirigeant du PS, souhaitez-vous qu'A. Lipietz continue d'alimenter le débat politique comme il vient de commencer à le faire ?
- "Là aussi, je n'ai pas à juger un candidat à l'élection présidentielle puisqu'A. Lipietz est le candidat des Verts pour cette élection. Il peut prendre des positions - c'est tout à fait son droit - et ce sont les Français qui jugeront puisqu'il est candidat. Ses rapports avec son mouvement - j'ai entendu D. Voynet rappeler les positions qui sont les siennes et celles de son parti - le concernent lui seul mais il aura à être confronté au suffrage universel. Qu'il défende des positions et les Français ensuite seront les juges."
Autre sujet : le dernier rebondissement à propos des fonds spéciaux. Il y a une indication selon laquelle les ministres ou membres de cabinet qui ne déclaraient pas les primes venues de ces fonds spéciaux pourraient être poursuivis pour fraude fiscale mais pas J. Chirac parce que ces fameux voyages payés en liquide ont eu lieu dans une période fiscalement prescrite. Qu'est-ce que vous pensez de cela ?
- "Certaines personnes essayent d'entretenir une confusion détestable. Les fonds spéciaux - on peut en penser ce qu'on en veut et sans doute faudra-t-il réformer cette pratique - existent depuis 50 ans et visent à favoriser le fonctionnement de l'Etat, notamment les cabinets ministériels. Cela n'est pas prévu pour accumuler un patrimoine et pour ensuite en faire un usage privé lorsqu'on a plus de fonction dans l'Etat. Voilà la règle que chacun connaît."
Pour l'instant, quels sont ceux qui pourraient être poursuivis pour fraude fiscale dans les membres du Gouvernement par exemple ?
- "Je ne vois pas pourquoi il y aurait des poursuites concernant des membres du Gouvernement qui n'ont rien à se reprocher, qui n'ont pas été pris dans je ne sais quelle procédure judiciaire ou dans je ne sais quelle enquête. Si cette affaire des fonds spéciaux aujourd'hui est dans le débat public, c'est parce qu'il y a eu des révélations concernant J. Chirac pour le financement de ses voyages privés à travers des fonds qui n'auraient pas dû d'ailleurs être utilisés à cette fin puisque ce sont des fonds qui sont prévus pour le fonctionnement de l'Etat. Concernant les voyages de J. Chirac, vous savez qu'il n'était pas en fonction dans l'appareil d'Etat. A partir de là je ne vois pas pourquoi on entretiendrait - ou je vois trop pourquoi - on entretiendrait une confusion."
Qu'est-ce que vous voyez ?
- "Je vois qu'il y là une opération menée par deux personnages, un ancien ministre et un avocat proche du RPR pour entretenir..."
...B. Debré et J. Vergès...
- ."..pour entretenir je ne sais quelle diversion ou confusion. Que la justice fasse son travail ! Je ne voudrais pas que les Français, que l'opinion puisse elle aussi être mise dans la confusion. Tout le monde n'est pas dans la même situation. B. Debré, ancien ministre, confie lui-même qu'il a touché des fonds spéciaux et qu'il les a utilisés quand il était dans sa fonction de ministre. Chacun jugera, mais je trouve qu'il y là comme une opération et je ne pense pas qu'il soit bon, lorsque l'on est soit même..."
...Cela augure mal de la campagne présidentielle ?
- "Je veux croire qu'il s'agit - voyez comme je suis naïf ! - d'une opération isolée, qu'il n'y a pas là de défense - elle serait d'ailleurs très maladroite - de J. Chirac."
Actuellement, il y a un ralentissement économique - pas seulement en France - : les chiffres du chômage ne sont pas bons... Vous craignez que cela assombrisse le bilan de 5 ans de gauche au pouvoir ?
- "Nous sommes devant une situation ambiguë pour le moment : d'un côté, il y a une croissance qui demeure vigoureuse, parce que lorsque l'on est à plus de 2 % de croissance en France, c'est quand même quatre fois de plus de ce que l'on avait sous le Gouvernement d'A. Juppé. Il y a donc encore un ressort pour la croissance française et en même temps, nous avons les signes d'un ralentissement venu des Etats-Unis et d'Allemagne - comme l'affirmait la chronique économique sur votre antenne. On voit bien qu'il y a des risques pour l'avenir..."
...Et donc une inquiétude ?
- "Dans ces conditions, je pense qu'il ne faut pas nourrir trop d'inquiétude ou trop d'optimisme, il faut agir. D'abord, en intensifiant les efforts du Gouvernement de L. Jospin en matière d'emploi - les 35 heures, les emplois-jeunes luttent contre le chômage de longue durée - et en agissant au niveau approprié, c'est-à-dire au niveau européen. La BCE agit pour les taux d'intérêt ; elle prendra ses décisions à la rentrée. Moi, je demande que les gouvernements européens coordonnent encore davantage leurs politiques économiques dans cette période où existe effectivement une hésitation, notamment des principaux acteurs économiques, à savoir, les entreprises."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 9 août 2001)
E. Martichoux Quand L. Jospin va-t-il sortir du silence sur le dossier corse ?
- "L. Jospin a une politique, chacun la connaît. Cette politique, c'est celle du dialogue avec les élus pour leur donner plus d'autonomie afin d'assurer le développement économique, social, culturel de la Corse, tout en assurant, autant qu'il est possible après 25 ans de violence en Corse, la sécurité sur cette île. Il y a des accidents graves, un assassinat, qui vient hélas ! après beaucoup d'autres. Si on faisait la comptabilité morbide de tout ce qui s'est produit depuis 25 ans, on aurait une liste très longue ! Mais il y a une volonté et cette volonté demeure plus que jamais car qui d'autre propose une politique différente ? Le respect de l'Etat de droit, ce n'est pas une politique mais c'est une nécessité qui ne peut pas valoir alternative. Abandonner le dialogue avec les élus, abandonner l'autonomie pour assurer le développement, qui prétendrait que ce serait la solution aujourd'hui ?
Il y a eu quand même l'affaire de l'amnistie, vendredi cette exécution de Santoni, des attentats qui, de toute façon, émaillent le calendrier depuis des mois. Le processus de Matignon, vous ne pouvez pas le nier, est ébranlé, fragilisé, on se pose des questions. Est-ce qu' on n'attend pas de celui qui incarne cette négociation, ce processus de Matignon, qu'il réaffirme lui-même sa confiance dans cette voie choisie ?
- "Vous répondez à la place de celui que vous interrogez. Premièrement, il n'y a pas d'affaire de l'amnistie. Il y a une position qui est connue également du Gouvernement depuis toujours : il ne peut pas y avoir d'amnistie pour ceux qui ont fait couler le sang. Cette question est hors de propos. Deuxièmement, la sécurité en Corse, s'est-elle dégradée ? Mais elle a toujours été, hélas ! , battue en brèche depuis 25 ans ! Pour les deux années - je ne les prends pas au hasard - 95 et 96, c'était la droite qui avait tous les pouvoirs. Il y a eu près de 20 assassinats en Corse de nationalistes, de règlement de comptes ! Où serait la dégradation ? Je ne dis cependant pas qu'il faut se satisfaire d'une décrue de la violence en Corse, quand il y a mort d'homme il y a quelques jours. Troisièmement, est-ce que vous avez entendu des élus corses, ceux de l'Assemblée territoriale, ceux qui sont légitimes, se départir des accords de Matignon ? Avez-vous entendu J. Rossi, M. Baggionni ..."
On n'a pas encore entendu J. Rossi ...
-"... l'un est DL, l'autre est RPR, ils sont les principales personnalités de l'Assemblée territoriale corse - l'un est président du conseil exécutif, l'autre président de l'Assemblée - mettre en cause de Matignon ? Donc, il n'y a pas de raison de vouloir laisser planer un doute sur un processus qui est le seul possible. Et quand je vois ou j'entends l'opposition faire la leçon, je lui dis ' Il faut peut-être vous raffraîchir la mémoire ! Je pense que vous avez oublié quelle était votre responsabilité et quels étaient vos résultats !"
Il y a quand même une question qui vient en boomerang si je puis dire, c'est celle des crimes non élucidés en Corse : les assassins du préfet Erignac, J.-M. Rossi ...
- "Je vous arrête une seconde. Le crime du préfet Erignac a été élucidé."
Exactement.
- "La plupart de ceux qui ont commis ce crime sont arrêtés. Il n'y en a qu'un qui ..."
...Y. Colonna court toujours selon la formule ...
- .".. il n'y en qu'un qui court encore et qu'il faut absolument arrêter, c'est Colonna qui est l'auteur présumé."
L'assassinat de J.-M. Rossi n'a pas été élucidé. Beaucoup disent que celui de Santoni ne le sera sans doute pas. De toute façon, le taux d'élucidation des crimes en Corse est de 20 % inférieur à celui du continent. Pourquoi, quelle est votre explication, où est le problème ?
- "L'histoire de la Corse, c'est l'utilisation de la violence comme mode de règlement des conflits. Cela fait quand même des années, des décennies, que l'on constate, pour des raisons privées, pour des raisons politiques, pour des raisons affairistes qu'il y a cette forme de "conclusion" du débat privé ou public. Deuxièmement, il y a, et je pense que c'est la responsabilité des Corses, de la société corse, une façon d'accepter cette violence et surtout une loi du silence que l'on connaît bien, que l'on constate encore après cet assassinat. C'est vrai qu'il y a des menaces, qu'il y a des risques, c'est vrai qu'il faut que l'Etat soit encore davantage protecteur. Je pense qu'on n'extirpera la violence en Corse qu'avec des moyens de sécurité, ce que l'Etat doit mettre en place, mais aussi avec la participation des Corses eux-mêmes qui, pour l'essentiel, aspirent à cette sécurité."
Pour lier le processus de Matignon à ce dont vous parlez, peut-on effectivement négocier la paix en laissant justement des assassins en liberté ? Est-ce qu'il n'y a pas un paradoxe ?
- "Ceux qui ont commis ces assassinats depuis des années sont précisément ceux qui ne veulent pas qu'il y ait la paix. Donc, si on arrêtait un processus qui va dans le sens de la dévolution de nouvelles compétences en Corse, de l'autonomie, du développement économique, on leur rendrait service. C'est d'ailleurs ce qu'ils attendent pour reprendre leurs trafics, leurs opérations, et leur violence. Il faut donc, à la fois poursuivre un processus pour montrer que la France, dans son ensemble, est attentive à la société corse pour son développement, mais en même temps, il faut qu'on lutte contre les violences avec les Corses eux-mêmes."
Plus anedoctiquement, les salves qui ont été tirées hier pendant les obsèques de F. Santoni vous choquent-elles ?
- "Oui, ça me choque comme cela a dû choquer tous les français, car c'est une présence de violence symbolique, même si on sait bien que ça fait partie du rite. Ce qui m'a beaucoup plus choqué quand même, c'est ce qui ne se produit plus, c'était ce qu'on avait appelé "le rassemblement de Tralonca" ; c'était J.-L. Debré qui était ministre de l'Intérieur et monsieur Juppé qui était Premier ministre. On avait, avec monsieur Santoni, dans la clandestinité, de façon souterraine, permis ces photos de près de 400 nationalistes en armes et cagoulés ! C'est effectivement très choquant. Mais je vous fais observer que cela ne se reproduit plus."
La plupart des ténors de droite, sauf A. Madelin, demandent un arrêt des négociations avec les nationalistes. Ils proposent de dissoudre l'Assemblée de Corse et envisagent une consultation, certains parlent de référendum ...
- "Revenons d'abord sur la proposition de dissolution de l'Assemblée territoriale corse. Si je voulais faire un trait d'esprit, mais je ne suis pas sûr qu'il soit approprié aujourd'hui dans les circonstances, c'est que l'idée de dissolution, visiblement, n'est pas encore complètement absente des esprits de ceux qui l'ont pourtant utilisée à leurs dépens pour l'Assemblée nationale. Mais pourquoi dissoudre l'Assemblée territoriale corse ? Parce qu'elle serait bloquée ? Au contraire, plus des deux tiers des élus corses, de droite comme de gauche, ont voulu le processus de Matignon. Est-ce qu'il y aurait un fait nouveau qui serait, par exemple, que la droite corse ne voudrait pas aller dans le sens des accords Matignon ? Pas du tout, puisque je vous l'ai dit, monsieur Rossi, DL, et monsieur Baggioni, RPR, et beaucoup d'autres à droite, sont pour ce processus. Je trouve qu'il y a là, d'ailleurs, une forme de rassemblement des élus dont on ne vas pas se plaindre pour une fois. Et donc, je ne comprends pas l'idée de vouloir dissoudre une Assemblée territoriale corse qui fonctionne et qui adhère à un processus, sauf pour arrêter ce processus. Donner la parole à la population, bien sûr, et d'ailleurs pas simplement aux Corses mais à tous les français, c'est la proposition que nous faisons pour 2004, quand on sera au terme du processus d'autonomie, de décentralisation, d'évolution des compétences en Corse. Il sera légitime que la population donne sa position et ratifie ce qui sera fait."
Parlons de vos amis. J.-P. Chevènement était le premier responsable politique à réagir vendredi matin. Depuis il tire à boulets rouges sur le Gouvernement. A-t-il "franchi les limites" comme le dit J. Glavany ? Est-il encore l'ami de L. Jospin ?
- "En tout cas, il est le mien. J.-P. Chevènement est un homme respectable, qui a des idées. Il n'est pas d'accord sur ce qui s'est passé ..."
A-t-il "franchi les limites" ? Est-ce que vous reprenez cette formule de J. Glavany ?
- "Je ne prends les formules de personne. Je dis qu'il a sans doute le souci, aujourd'hui, de préparer une candidature à l'élection présidentielle, et il en a bien le droit. Après, il faut faire un résultat, mais nous verrons bien, ce sont les Français qui jugent. Il est parti sur le dossier corse, et il est aujourd'hui soucieux d'affirmer sa position là-dessus. Faut-il aussi également qu'il ait de la mémoire. Ce n'est pas facile d'établir la sécurité en Corse. C'est quand il était ministre de l'Intérieur qu'il y a eu l'assassinat du préfet Erignac. Il sait mieux que quiconque combien il est difficile d'établir la sécurité en Corse. Il n'est pas d'accord, je respecte ce désaccord et puis, c'est à la population de trancher."
Il peut exprimer son désaccord dans les termes qu'il veut, qu'il choisit .. En tout cas le premier secrétaire du PS ne sortira pas de ses gonds dans cette affaire ?
- "Je préfère qu'on utilise des termes qui ne soient pas ceux repris par l'opposition et par la droite. C'est la seule limite que je pose."
Il dit la même chose que la droite ...
- "On a le droit de dire sa position. Il faut le faire avec des mots qui ne soient pas les mots d'un opposant."
Néanmoins, tout cela n'est pas très bon quand même pour la gauche plurielle. Vous devez mener les troupes jusqu'à la présidentielle. Les Verts sont déchirés par la candidature Lipietz ; le PC est un peu inquiet de son score ; Chevènement est ailleurs ...
- "Je suis, comme vous l'avez dit, premier secrétaire du PS. Je ne suis pas responsable, et d'ailleurs ils ne le souhaiteraient pas ..."
C'est vous qui négociez avec vos partenaires ...
- .".. ni des Verts et de leur candidat, ni de J.-P. Chevènement qui, sans doute, se prépare à une candidature, ni du PC et de R. Hue."
Quels sont vos partenaires ?
- "On va vers une élection présidentielle. Et dans cette élection présidentielle, il y aura, je le suppose, un candidat communiste, un candidat Vert, un candidat peut-être du MDC. Je vous donne une information, il y aura aussi, sans doute, un candidat socialiste ! Je serai responsable de ce candidat. Mais je trouve tout à fait normal que, dans la préparation de cette échéance, et on voit bien d'ailleurs que cela se produit également à droite, c'est légitime, que tous ceux qui ont vocation être candidats, expriment leur position. C'est la moindre des choses dans un débat démocratique. Il y a une majorité plurielle qui doit être soudée par rapport à l'action du Gouvernement, notamment sur les questions économiques et sociales, qui sont quand même majeures à la rentrée. Et puis, il y a une préparation d'élections présidentielles où chacun ira avec ses propres couleurs, avec le souci, quand même commun, de faire gagner la gauche au deuxième tour."
Effectivement, c'est la rentrée politique. Jeudi, premier Conseil des ministres, l'économie on en reparlera avec les baisses d'impôts. Encore un mot sur L. Jospin, puisqu'on l'attend, tout de même. Il hésite encore sur sa candidature ? Quel est son état d'esprit ?
- "Son état d'esprit c'est que, aujourd'hui, ce n'est pas le moment d'en parler. On est à neuf mois - c'est une gestation - de l'élection présidentielle, de la campagne en tout cas qui va s'ouvrir à ce moment-là. Il est Premier ministre, il doit d'abord répondre aux exigences des Français. Vous avez évoqué le ralentissement économique : il faut se prémunir contre ses effets. Les baisses d'impôts qui arrivent sont particulièrement appropriées. Il faudra d'ailleurs aller plus loin, sans doute avoir une meilleure coordination avec nos partenaires européens. Il y a les questions de sécurité, on l'a bien vu tout au long de ces derniers mois, il faut les traiter avec courage et détermination. Il y a aussi les questions de redistribution, les questions sociales. Il y a suffisamment à faire pour ne pas être obsédé toujours par l'élection présidentielle. C'est pas parce qu'il y en a un qui parle toujours, même avant l'heure, qu'il faudrait être le plus prompt sur ce thème. "Le Lièvre et la tortue" vous savez ..."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 22 août 2001)
- "Nous verrons bien, nous n'en sommes pas là. Il y a eu un processus qui a été engagé en Corse par L. Jospin, il y a maintenant plus d'un an, et qui a permis, par le dialogue politique et dans la transparence, d'arriver à un premier projet de loi qui a été soumis au Parlement, qui a été d'ailleurs adopté à l'Assemblée nationale et qui reviendra en seconde lecture à l'automne. Nous avons aussi un deuxième projet de loi qui est prévu en 2004. Cette question de l'amnistie ne peut pas être évoquée comme un préalable ou comme un chantage : elle est aujourd'hui prématurée. Par ailleurs, le Premier ministre a toujours dit, dans toutes les réunions auxquelles il a participé, à l'Assemblée nationale où il a été interpellé - c'était normal d'ailleurs - par les députés, qu'il ne pouvait y avoir d'amnistie pour les crimes de sang et bien entendu pour les assassins du préfet Erignac."
Est-ce que dans ces conditions les positions de J.-L. Bennahmias et d'A. Lipietz préconisant l'amnistie en Corse vous ont choqué ?
- '"Ce qui m'a choqué, ce n'est pas qu'on puisse parler d'amnistie - il y a eu déjà des amnisties dans notre pays notamment en Corse - mais c'est le fait qu'on puisse évoquer une amnistie pour des criminels, notamment pour ceux qui ont assassiné le préfet Erignac. C'est ce qui reste choquant ; on peut comprendre qu'il puisse y avoir, après un long processus de retour à la paix civile, la fin des violences, une espèce d'abandon d'un certain nombre de poursuites mais on ne peut comprendre qu'elle puisse concerner des assassins et des criminels contre un représentant de l'Etat. C'est ce qui est choquant, ainsi que les comparaisons avec la guerre d'Algérie ou avec une guerre civile."
Ou l'apartheid en Afrique du Sud qu'a évoqué A. Lipietz. Ce sont des références que vous n'admettez pas ?
- "Cela n'a pas de sens ni de réalité. La violence en Corse qui existe depuis 25 ans - incontestablement une violence criminelle - ne peut pas être assimilée à une guerre de décolonisation ou à une guerre civile. C'est une violence inadmissible, une violence qu'il faut absolument éradiquer. C'est une violence que l'on peut d'ailleurs abandonner par le dialogue politique. C'est ce qu'a fait L. Jospin à travers ce processus de Matignon."
Si ce n'est pas l'amnistie, peut-il y avoir des regroupements de prisonniers ou des libérations conditionnelles ? Vous pensez qu'on se dirige dans ce sens ?
- "Nous verrons bien. C'est une affaire de justice. Cela fait partie de ces dispositions humanitaires qui peuvent être prises pour la Corse ou pour tout autre cas, mais nous ne pouvons pas aujourd'hui, alors que le processus est encore dans sa première étape, sa première phase - il n'y a aujourd'hui qu'un premier projet de loi et ce premier projet de loi n'est pas encore voté - évoquer une question qui est une question qui pourrait éventuellement se poser à la fin d'un processus. Comme je l'ai dit, elle devra être étroitement circonscrite puisqu'elle ne peut pas concerner des criminels, des assassins et notamment ceux du préfet Erignac. Voilà pourquoi cette question était totalement hors de propos et tout à fait prématurée."
Est-ce que vous appréciez que D. Voynet, qui a dit que l'amnistie n'est pas d'actualité, soit intervenue de la sorte ? Est-ce que, selon vous, elle a remis de l'ordre comme doit le faire un chef de parti ?
- "Oui. Je pense qu'elle a pris une position qui est d'ailleurs celle de la majorité plurielle, à l'exception du Mouvement des citoyens qui s'en était écarté avec J.-P. Chevènement. Elle a pris la position qui est celle que nous partageons avec L. Jospin. Le processus de Matignon est un processus de dialogue, c'est un processus qui doit trouver sa concrétisation dans la loi."
Vous la remercier d'être intervenue ?
- "Je n'ai pas à la remercier ni à la juger. Je pense qu'il y avait des voix contradictoires dans son mouvement, qu'il pouvait y avoir un doute sur la ligne de son parti. Elle l'a refixée et je m'en félicite parce que c'est la ligne du Gouvernement."
En tant que dirigeant du PS, souhaitez-vous qu'A. Lipietz continue d'alimenter le débat politique comme il vient de commencer à le faire ?
- "Là aussi, je n'ai pas à juger un candidat à l'élection présidentielle puisqu'A. Lipietz est le candidat des Verts pour cette élection. Il peut prendre des positions - c'est tout à fait son droit - et ce sont les Français qui jugeront puisqu'il est candidat. Ses rapports avec son mouvement - j'ai entendu D. Voynet rappeler les positions qui sont les siennes et celles de son parti - le concernent lui seul mais il aura à être confronté au suffrage universel. Qu'il défende des positions et les Français ensuite seront les juges."
Autre sujet : le dernier rebondissement à propos des fonds spéciaux. Il y a une indication selon laquelle les ministres ou membres de cabinet qui ne déclaraient pas les primes venues de ces fonds spéciaux pourraient être poursuivis pour fraude fiscale mais pas J. Chirac parce que ces fameux voyages payés en liquide ont eu lieu dans une période fiscalement prescrite. Qu'est-ce que vous pensez de cela ?
- "Certaines personnes essayent d'entretenir une confusion détestable. Les fonds spéciaux - on peut en penser ce qu'on en veut et sans doute faudra-t-il réformer cette pratique - existent depuis 50 ans et visent à favoriser le fonctionnement de l'Etat, notamment les cabinets ministériels. Cela n'est pas prévu pour accumuler un patrimoine et pour ensuite en faire un usage privé lorsqu'on a plus de fonction dans l'Etat. Voilà la règle que chacun connaît."
Pour l'instant, quels sont ceux qui pourraient être poursuivis pour fraude fiscale dans les membres du Gouvernement par exemple ?
- "Je ne vois pas pourquoi il y aurait des poursuites concernant des membres du Gouvernement qui n'ont rien à se reprocher, qui n'ont pas été pris dans je ne sais quelle procédure judiciaire ou dans je ne sais quelle enquête. Si cette affaire des fonds spéciaux aujourd'hui est dans le débat public, c'est parce qu'il y a eu des révélations concernant J. Chirac pour le financement de ses voyages privés à travers des fonds qui n'auraient pas dû d'ailleurs être utilisés à cette fin puisque ce sont des fonds qui sont prévus pour le fonctionnement de l'Etat. Concernant les voyages de J. Chirac, vous savez qu'il n'était pas en fonction dans l'appareil d'Etat. A partir de là je ne vois pas pourquoi on entretiendrait - ou je vois trop pourquoi - on entretiendrait une confusion."
Qu'est-ce que vous voyez ?
- "Je vois qu'il y là une opération menée par deux personnages, un ancien ministre et un avocat proche du RPR pour entretenir..."
...B. Debré et J. Vergès...
- ."..pour entretenir je ne sais quelle diversion ou confusion. Que la justice fasse son travail ! Je ne voudrais pas que les Français, que l'opinion puisse elle aussi être mise dans la confusion. Tout le monde n'est pas dans la même situation. B. Debré, ancien ministre, confie lui-même qu'il a touché des fonds spéciaux et qu'il les a utilisés quand il était dans sa fonction de ministre. Chacun jugera, mais je trouve qu'il y là comme une opération et je ne pense pas qu'il soit bon, lorsque l'on est soit même..."
...Cela augure mal de la campagne présidentielle ?
- "Je veux croire qu'il s'agit - voyez comme je suis naïf ! - d'une opération isolée, qu'il n'y a pas là de défense - elle serait d'ailleurs très maladroite - de J. Chirac."
Actuellement, il y a un ralentissement économique - pas seulement en France - : les chiffres du chômage ne sont pas bons... Vous craignez que cela assombrisse le bilan de 5 ans de gauche au pouvoir ?
- "Nous sommes devant une situation ambiguë pour le moment : d'un côté, il y a une croissance qui demeure vigoureuse, parce que lorsque l'on est à plus de 2 % de croissance en France, c'est quand même quatre fois de plus de ce que l'on avait sous le Gouvernement d'A. Juppé. Il y a donc encore un ressort pour la croissance française et en même temps, nous avons les signes d'un ralentissement venu des Etats-Unis et d'Allemagne - comme l'affirmait la chronique économique sur votre antenne. On voit bien qu'il y a des risques pour l'avenir..."
...Et donc une inquiétude ?
- "Dans ces conditions, je pense qu'il ne faut pas nourrir trop d'inquiétude ou trop d'optimisme, il faut agir. D'abord, en intensifiant les efforts du Gouvernement de L. Jospin en matière d'emploi - les 35 heures, les emplois-jeunes luttent contre le chômage de longue durée - et en agissant au niveau approprié, c'est-à-dire au niveau européen. La BCE agit pour les taux d'intérêt ; elle prendra ses décisions à la rentrée. Moi, je demande que les gouvernements européens coordonnent encore davantage leurs politiques économiques dans cette période où existe effectivement une hésitation, notamment des principaux acteurs économiques, à savoir, les entreprises."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 9 août 2001)
E. Martichoux Quand L. Jospin va-t-il sortir du silence sur le dossier corse ?
- "L. Jospin a une politique, chacun la connaît. Cette politique, c'est celle du dialogue avec les élus pour leur donner plus d'autonomie afin d'assurer le développement économique, social, culturel de la Corse, tout en assurant, autant qu'il est possible après 25 ans de violence en Corse, la sécurité sur cette île. Il y a des accidents graves, un assassinat, qui vient hélas ! après beaucoup d'autres. Si on faisait la comptabilité morbide de tout ce qui s'est produit depuis 25 ans, on aurait une liste très longue ! Mais il y a une volonté et cette volonté demeure plus que jamais car qui d'autre propose une politique différente ? Le respect de l'Etat de droit, ce n'est pas une politique mais c'est une nécessité qui ne peut pas valoir alternative. Abandonner le dialogue avec les élus, abandonner l'autonomie pour assurer le développement, qui prétendrait que ce serait la solution aujourd'hui ?
Il y a eu quand même l'affaire de l'amnistie, vendredi cette exécution de Santoni, des attentats qui, de toute façon, émaillent le calendrier depuis des mois. Le processus de Matignon, vous ne pouvez pas le nier, est ébranlé, fragilisé, on se pose des questions. Est-ce qu' on n'attend pas de celui qui incarne cette négociation, ce processus de Matignon, qu'il réaffirme lui-même sa confiance dans cette voie choisie ?
- "Vous répondez à la place de celui que vous interrogez. Premièrement, il n'y a pas d'affaire de l'amnistie. Il y a une position qui est connue également du Gouvernement depuis toujours : il ne peut pas y avoir d'amnistie pour ceux qui ont fait couler le sang. Cette question est hors de propos. Deuxièmement, la sécurité en Corse, s'est-elle dégradée ? Mais elle a toujours été, hélas ! , battue en brèche depuis 25 ans ! Pour les deux années - je ne les prends pas au hasard - 95 et 96, c'était la droite qui avait tous les pouvoirs. Il y a eu près de 20 assassinats en Corse de nationalistes, de règlement de comptes ! Où serait la dégradation ? Je ne dis cependant pas qu'il faut se satisfaire d'une décrue de la violence en Corse, quand il y a mort d'homme il y a quelques jours. Troisièmement, est-ce que vous avez entendu des élus corses, ceux de l'Assemblée territoriale, ceux qui sont légitimes, se départir des accords de Matignon ? Avez-vous entendu J. Rossi, M. Baggionni ..."
On n'a pas encore entendu J. Rossi ...
-"... l'un est DL, l'autre est RPR, ils sont les principales personnalités de l'Assemblée territoriale corse - l'un est président du conseil exécutif, l'autre président de l'Assemblée - mettre en cause de Matignon ? Donc, il n'y a pas de raison de vouloir laisser planer un doute sur un processus qui est le seul possible. Et quand je vois ou j'entends l'opposition faire la leçon, je lui dis ' Il faut peut-être vous raffraîchir la mémoire ! Je pense que vous avez oublié quelle était votre responsabilité et quels étaient vos résultats !"
Il y a quand même une question qui vient en boomerang si je puis dire, c'est celle des crimes non élucidés en Corse : les assassins du préfet Erignac, J.-M. Rossi ...
- "Je vous arrête une seconde. Le crime du préfet Erignac a été élucidé."
Exactement.
- "La plupart de ceux qui ont commis ce crime sont arrêtés. Il n'y en a qu'un qui ..."
...Y. Colonna court toujours selon la formule ...
- .".. il n'y en qu'un qui court encore et qu'il faut absolument arrêter, c'est Colonna qui est l'auteur présumé."
L'assassinat de J.-M. Rossi n'a pas été élucidé. Beaucoup disent que celui de Santoni ne le sera sans doute pas. De toute façon, le taux d'élucidation des crimes en Corse est de 20 % inférieur à celui du continent. Pourquoi, quelle est votre explication, où est le problème ?
- "L'histoire de la Corse, c'est l'utilisation de la violence comme mode de règlement des conflits. Cela fait quand même des années, des décennies, que l'on constate, pour des raisons privées, pour des raisons politiques, pour des raisons affairistes qu'il y a cette forme de "conclusion" du débat privé ou public. Deuxièmement, il y a, et je pense que c'est la responsabilité des Corses, de la société corse, une façon d'accepter cette violence et surtout une loi du silence que l'on connaît bien, que l'on constate encore après cet assassinat. C'est vrai qu'il y a des menaces, qu'il y a des risques, c'est vrai qu'il faut que l'Etat soit encore davantage protecteur. Je pense qu'on n'extirpera la violence en Corse qu'avec des moyens de sécurité, ce que l'Etat doit mettre en place, mais aussi avec la participation des Corses eux-mêmes qui, pour l'essentiel, aspirent à cette sécurité."
Pour lier le processus de Matignon à ce dont vous parlez, peut-on effectivement négocier la paix en laissant justement des assassins en liberté ? Est-ce qu'il n'y a pas un paradoxe ?
- "Ceux qui ont commis ces assassinats depuis des années sont précisément ceux qui ne veulent pas qu'il y ait la paix. Donc, si on arrêtait un processus qui va dans le sens de la dévolution de nouvelles compétences en Corse, de l'autonomie, du développement économique, on leur rendrait service. C'est d'ailleurs ce qu'ils attendent pour reprendre leurs trafics, leurs opérations, et leur violence. Il faut donc, à la fois poursuivre un processus pour montrer que la France, dans son ensemble, est attentive à la société corse pour son développement, mais en même temps, il faut qu'on lutte contre les violences avec les Corses eux-mêmes."
Plus anedoctiquement, les salves qui ont été tirées hier pendant les obsèques de F. Santoni vous choquent-elles ?
- "Oui, ça me choque comme cela a dû choquer tous les français, car c'est une présence de violence symbolique, même si on sait bien que ça fait partie du rite. Ce qui m'a beaucoup plus choqué quand même, c'est ce qui ne se produit plus, c'était ce qu'on avait appelé "le rassemblement de Tralonca" ; c'était J.-L. Debré qui était ministre de l'Intérieur et monsieur Juppé qui était Premier ministre. On avait, avec monsieur Santoni, dans la clandestinité, de façon souterraine, permis ces photos de près de 400 nationalistes en armes et cagoulés ! C'est effectivement très choquant. Mais je vous fais observer que cela ne se reproduit plus."
La plupart des ténors de droite, sauf A. Madelin, demandent un arrêt des négociations avec les nationalistes. Ils proposent de dissoudre l'Assemblée de Corse et envisagent une consultation, certains parlent de référendum ...
- "Revenons d'abord sur la proposition de dissolution de l'Assemblée territoriale corse. Si je voulais faire un trait d'esprit, mais je ne suis pas sûr qu'il soit approprié aujourd'hui dans les circonstances, c'est que l'idée de dissolution, visiblement, n'est pas encore complètement absente des esprits de ceux qui l'ont pourtant utilisée à leurs dépens pour l'Assemblée nationale. Mais pourquoi dissoudre l'Assemblée territoriale corse ? Parce qu'elle serait bloquée ? Au contraire, plus des deux tiers des élus corses, de droite comme de gauche, ont voulu le processus de Matignon. Est-ce qu'il y aurait un fait nouveau qui serait, par exemple, que la droite corse ne voudrait pas aller dans le sens des accords Matignon ? Pas du tout, puisque je vous l'ai dit, monsieur Rossi, DL, et monsieur Baggioni, RPR, et beaucoup d'autres à droite, sont pour ce processus. Je trouve qu'il y a là, d'ailleurs, une forme de rassemblement des élus dont on ne vas pas se plaindre pour une fois. Et donc, je ne comprends pas l'idée de vouloir dissoudre une Assemblée territoriale corse qui fonctionne et qui adhère à un processus, sauf pour arrêter ce processus. Donner la parole à la population, bien sûr, et d'ailleurs pas simplement aux Corses mais à tous les français, c'est la proposition que nous faisons pour 2004, quand on sera au terme du processus d'autonomie, de décentralisation, d'évolution des compétences en Corse. Il sera légitime que la population donne sa position et ratifie ce qui sera fait."
Parlons de vos amis. J.-P. Chevènement était le premier responsable politique à réagir vendredi matin. Depuis il tire à boulets rouges sur le Gouvernement. A-t-il "franchi les limites" comme le dit J. Glavany ? Est-il encore l'ami de L. Jospin ?
- "En tout cas, il est le mien. J.-P. Chevènement est un homme respectable, qui a des idées. Il n'est pas d'accord sur ce qui s'est passé ..."
A-t-il "franchi les limites" ? Est-ce que vous reprenez cette formule de J. Glavany ?
- "Je ne prends les formules de personne. Je dis qu'il a sans doute le souci, aujourd'hui, de préparer une candidature à l'élection présidentielle, et il en a bien le droit. Après, il faut faire un résultat, mais nous verrons bien, ce sont les Français qui jugent. Il est parti sur le dossier corse, et il est aujourd'hui soucieux d'affirmer sa position là-dessus. Faut-il aussi également qu'il ait de la mémoire. Ce n'est pas facile d'établir la sécurité en Corse. C'est quand il était ministre de l'Intérieur qu'il y a eu l'assassinat du préfet Erignac. Il sait mieux que quiconque combien il est difficile d'établir la sécurité en Corse. Il n'est pas d'accord, je respecte ce désaccord et puis, c'est à la population de trancher."
Il peut exprimer son désaccord dans les termes qu'il veut, qu'il choisit .. En tout cas le premier secrétaire du PS ne sortira pas de ses gonds dans cette affaire ?
- "Je préfère qu'on utilise des termes qui ne soient pas ceux repris par l'opposition et par la droite. C'est la seule limite que je pose."
Il dit la même chose que la droite ...
- "On a le droit de dire sa position. Il faut le faire avec des mots qui ne soient pas les mots d'un opposant."
Néanmoins, tout cela n'est pas très bon quand même pour la gauche plurielle. Vous devez mener les troupes jusqu'à la présidentielle. Les Verts sont déchirés par la candidature Lipietz ; le PC est un peu inquiet de son score ; Chevènement est ailleurs ...
- "Je suis, comme vous l'avez dit, premier secrétaire du PS. Je ne suis pas responsable, et d'ailleurs ils ne le souhaiteraient pas ..."
C'est vous qui négociez avec vos partenaires ...
- .".. ni des Verts et de leur candidat, ni de J.-P. Chevènement qui, sans doute, se prépare à une candidature, ni du PC et de R. Hue."
Quels sont vos partenaires ?
- "On va vers une élection présidentielle. Et dans cette élection présidentielle, il y aura, je le suppose, un candidat communiste, un candidat Vert, un candidat peut-être du MDC. Je vous donne une information, il y aura aussi, sans doute, un candidat socialiste ! Je serai responsable de ce candidat. Mais je trouve tout à fait normal que, dans la préparation de cette échéance, et on voit bien d'ailleurs que cela se produit également à droite, c'est légitime, que tous ceux qui ont vocation être candidats, expriment leur position. C'est la moindre des choses dans un débat démocratique. Il y a une majorité plurielle qui doit être soudée par rapport à l'action du Gouvernement, notamment sur les questions économiques et sociales, qui sont quand même majeures à la rentrée. Et puis, il y a une préparation d'élections présidentielles où chacun ira avec ses propres couleurs, avec le souci, quand même commun, de faire gagner la gauche au deuxième tour."
Effectivement, c'est la rentrée politique. Jeudi, premier Conseil des ministres, l'économie on en reparlera avec les baisses d'impôts. Encore un mot sur L. Jospin, puisqu'on l'attend, tout de même. Il hésite encore sur sa candidature ? Quel est son état d'esprit ?
- "Son état d'esprit c'est que, aujourd'hui, ce n'est pas le moment d'en parler. On est à neuf mois - c'est une gestation - de l'élection présidentielle, de la campagne en tout cas qui va s'ouvrir à ce moment-là. Il est Premier ministre, il doit d'abord répondre aux exigences des Français. Vous avez évoqué le ralentissement économique : il faut se prémunir contre ses effets. Les baisses d'impôts qui arrivent sont particulièrement appropriées. Il faudra d'ailleurs aller plus loin, sans doute avoir une meilleure coordination avec nos partenaires européens. Il y a les questions de sécurité, on l'a bien vu tout au long de ces derniers mois, il faut les traiter avec courage et détermination. Il y a aussi les questions de redistribution, les questions sociales. Il y a suffisamment à faire pour ne pas être obsédé toujours par l'élection présidentielle. C'est pas parce qu'il y en a un qui parle toujours, même avant l'heure, qu'il faudrait être le plus prompt sur ce thème. "Le Lièvre et la tortue" vous savez ..."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 22 août 2001)