Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, à "Canal Plus" le 1er mars 2013, sur l'intervention de l'Etat suite aux révélations de fraude sur des produits destinés à la consommation.

Prononcé le 1er mars 2013

Intervenant(s) : 

Média : Canal Plus

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, les plats retirés, seront donc redistribués aux associations. Le cheval que l’on appelle boeuf, ce n'est pas bon pour la vente, mais par contre, c'est bon pour les pauvres.
STEPHANE LE FOLL
Vous ne pouvez pas dire ça. Ce qui va se passer aujourd'hui, c'est que tout ce qui a été retiré, d’abord, n’appartient pas à l’Etat, appartient d’abord aux entreprises qui l’ont retiré. Deuxièmement, à partir de là, une discussion peut s’engager entre ces entreprises et les associations caritatives, et ce n'est pas l’Etat qui va décider si on distribue ou pas.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est quand même l’Etat qui a donné le feu vert.
STEPHANE LE FOLL
Le feu vert était donné, parce que ces produits étaient propriété d’entreprise. A partir de là, chacun peu, comme il le souhaite, faire des dons. Bon, on a simplement indiqué qu’il était tout-à-fait possible de le faire, maintenant c'est dans une négociation avec les associations caritatives, et vous avez vu, d’ailleurs, j’ai regardé ça à la télé, juste ce matin, chez vous, qu’un certain nombre d’associations, eh bien disent « oui, c'est du surgelé, il faut des frigos, il faut pouvoir les stocker », donc ce n'est pas simple.
APOLLINE DE MALHERBE
Exactement. Stockage, transport…
STEPHANE LE FOLL
Donc, moi, ce que je dis, c'est possible, mais maintenant c'est une négociation entre ceux qui ont retiré ces produits et les associations caritatives, et il ne faut surtout pas s’engager dans un débat, ni éthique, ni sur un rôle spécifique de l’Etat, ça doit se faire de manière tout-à-fait normale.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais, est-ce que, simplement, pour justement ces questions de stockage, de transport, est-ce que l’Etat pourrait aider, donner un petit coup de pouce, pour qu’au moins ces plats ne soient pas totalement gâchés ?
STEPHANE LE FOLL
Vous avez vu, vous avez posé une première question qui consiste à dire : est-ce que l’on donne de la viande qui a été retirée, à des pauvres…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais à partir du moment…
STEPHANE LE FOLL
… et puis maintenant vous nous dites : est-ce qu’on ne pourrait pas organiser ?
APOLLINE DE MALHERBE
Evidemment qu’on se pose quand même la question, Stéphane LE FOLL…
STEPHANE LE FOLL
Ecoutez, moi, il y a une négociation…
APOLLINE DE MALHERBE
On se dit, c'est quand même étrange, attendez, le fait…
STEPHANE LE FOLL
On a une négociation qui va s’engager, avec les associations caritative, Marie-Arlette CARLOTTI va les recevoir, je crois, la semaine prochaine, donc, moi j’attendrai, je regarderai. C’était possible depuis le départ, tout produit retiré peut être donné, il y a des dons qui se font dans le cadre, par exemple, des banques alimentaires, l’Etat n’intervient pas, ça se fait, donc maintenant, il faut que ça soit organisé, que ça se fasse dans de bonnes conditions, et surtout, c'est aux associations de décider.
APOLLINE DE MALHERBE
SPANGHERO porte plainte.
STEPHANE LE FOLL
Oui.
APOLLINE DE MALHERBE
SPANGHERO porte plainte pour tromperie…
STEPHANE LE FOLL
Ça, je l’ai vu aussi.
APOLLINE DE MALHERBE
Ils estiment qu’ils sont victimes et non pas coupables. Est-ce que vous regrettez d’avoir stigmatisé SPANGHERO ?
STEPHANE LE FOLL
Je ne regrette rien. On a une affaire, aujourd'hui, qui a une dimension européenne. Il s'est trouvé que cette affaire a été démasquée, suite à des produits qui ont été retirés et repérés par une entreprise appelée FINDUS. Qu’on a remonté une chaine, qui a consisté à identifier une autre société, COMIGEL, qui fournissait FINDUS, qui a acheté de la viande et du fameux minerai, chez SPANGHERO, société SPANGHERO SA, rien à voir avec les SPANGHERO et le nom…
APOLLINE DE MALHERBE
On l’a bien compris, ça.
STEPHANE LE FOLL
… qui, elle-même, achetait à un trader néerlandais, et on l’a dit dix fois, qui lui-même achetait en Roumanie.
APOLLINE DE MALHERBE
Cela dit, vous êtes bien d’accord, le nom SPANGHERO…
STEPHANE LE FOLL
Donc, on a constaté – laissez-moi finir…
APOLLINE DE MALHERBE
…a été stigmatisé.
STEPHANE LE FOLL
Laissez-moi finir. On a constaté, dans l’entreprise SPANGHERO, des changements d’étiquettes. A partir de là, comme on est responsable, qu’il y a une loi et qu’il y a des règles qui doivent être respectées, ceux qui ne respectent pas la règle, eh bien on transmet ce dossier à la justice. C’était normal. Et on ne pourrait pas comprendre que l’on n’ait pas fait ce que nous avons fait, puisque nous avons fait que d’appliquer, et une enquête, et déterminé qui avait fait des fautes, et ensuite c'est la justice qui décidera.
APOLLINE DE MALHERBE
Si vous le faites pour SPANGHERO, que ne l’avez-vous pas fait pour toutes les autres ? Parce qu’on imagine bien que l’inondation de viande de cheval sur l’ensemble des marchés, ça ne vient pas seulement de SPANGHERO.
STEPHANE LE FOLL
Mais qu'est-ce que vous racontez ? Tout ce qui sera en France et qui aura été contraire à la loi, ça sera la même chose. La même chose. Il n’y a pas de raison de penser que l’on aurait fait une fixation sur un entreprise, on a fait simplement une enquête qui consistait à savoir d’où venait une tromperie, qui a consisté, vous l’avez dit tout à l'heure, ce qui n'est quand même pas si simple, à changer, à mettre du cheval à la place de la viande bovine. C'est normal, ça ? Qui est responsable ? D’abord, ceux qui ont changé, donc ils doivent être punis.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors, il y a un distributeur, qui, visiblement, pour le coup, a donné de la viande vraiment avariée, là ce n'est pas juste mettre du cheval pour du boeuf, et ça, c'est le scandale que dénonce ce matin LE PARISIEN, qui dit que FLUNCH, le restaurant FLUNCH, aurait servi de la viande avariée, qui aurait été vendue par CASTEL VIANDES. Alors, maintenant on fait quoi ?
STEPHANE LE FOLL
D’abord, un, LE PARISIEN dit « il y a une enquête qui est en cours. Les services vétérinaires ont été dépêchés. Deuxièmement, j’ai parfaitement vu l’histoire entre le responsable de la qualité qui fait les dénonciations, et un problème qui est évoqué. Il y a une enquête, et avant de dire « qu'est-ce qui s’est passé ? » ou exactement…
APOLLINE DE MALHERBE
Là vous êtes nettement plus prudent, quand même.
STEPHANE LE FOLL
Non, mais je ne suis pas plus prudent. Vous m’annoncez…
NATHALIE IANNETTA
Vous prenez plus de temps. Vous prenez plus de temps, Stéphane LE FOLL.
STEPHANE LE FOLL
Vous m’annoncez ce matin, au travers de FLUNCH, qu’une enquête ou une tricherie, a été vérifiée, soi-disant, simplement parce qu’il y a un article dans les journaux. Vous n’allez quand même pas me dire qu’à partir de là, je vais vous dire, bien sûr…
APOLLINE DE MALHERBE
J’ai quand même l’impression que sur la viande de cheval, vous êtes monté au créneau très vite. Très vite, très fort.
STEPHANE LE FOLL
Mais, comment vous pouvez dire des choses pareilles ? Dans tous les journaux, l’histoire du cheval à la place de la viande bovine, est sortie. Non mais, c'est quand même une plaisanterie ce matin. Et là, le premier article, alors que je n’ai pas encore les résultats d’une enquête, vous me dites : « Et alors, vous êtes plus prudent ».
APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien justement, on se demande, là, pour le coup…
STEPHANE LE FOLL
Vous ne pouvez pas…
APOLLINE DE MALHERBE
Là, pour le coup, c'est quand même de la viande avariée, des gens qui ont été malades.
STEPHANE LE FOLL
Vous ne pouvez pas avoir deux discours le matin, me dire, un jour que je vais vite, ou trop vite, et le lendemain que je ne vais pas assez vite. Je vais, moi, je vous le dis, à la même vitesse. Et ce n'est pas des articles de journaux, ni des journalistes, qui me feront changer.
APOLLINE DE MALHERBE
Une dernière question, très technique, avant qu’on passe à notre agriculteur…
STEPHANE LE FOLL
Vous pouvez, si vous voulez.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a cette loi sur l’amnistie sociale, qui est passée au Sénat, et en plus des questions de dégâts commis pendant les conflits sociaux, vos partenaires, Front de gauche, Parti communiste, aimeraient bien que l’on fasse aussi une amnistie pour les faucheurs d’OGM. Est-ce que vous allez leur donner le feu vert là-dessus ?
STEPHANE LE FOLL
Ecoutez, sur l’histoire des faucheurs d’OGM, sur cette loi, là, qui a été… loi votée amnistie par rapport à un certain nombre de problèmes…
APOLLINE DE MALHERBE
Il ne faut pas aller plus loin ?
STEPHANE LE FOLL
Ecoutez, il faut qu’on fasse très attention aussi, parce que, moi je sais aussi qu’il peut y avoir des colères qui s’expriment par des violences, et dans tous les secteurs. Et une fois qu’on pourrait annoncer que tout est amnistié, moi, après, je ferais attention. Donc, moi je suis très prudent…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc on ouvre la boite de Pandore, là.
STEPHANE LE FOLL
Eh bien, on ouvre une boite de Pandore, peut-être pas, j’espère que le sens de la responsabilité l’emporte à chaque fois, enfin, je sais aussi que ça peut aller très loin quelquefois, et après il sera trop tard. Donc, moi je ne suis pas là pour envoyer quelques signaux que ce soit, j’espère qu’une chose, c'est que dans le cadre de dialogue, de négociations, on puisse s’expliquer, s’exprimer, trouver des solutions, après je considère que la violence, qui est quelquefois une arme, dans la colère, elle peut être comprise, mais qu’elle ne doit pas être autorisée, comme si ce n’était pas grave.
APOLLINE DE MALHERBE
On a reçu tout à l'heure Godefroy POTIN, qui est céréalier dans le Val d’Oise et il a une question pour vous, regardez.
GODEFROY POTIN, AGRICULTEUR
Je pense que plutôt que d’opposer salariés et éleveurs, j’aimerais lui demander s’il aurait pas plutôt intérêt à s’attaquer aux marges des intermédiaires et de la grande distribution, pour donner un peu de valeur ajoutée aux agriculteurs et puis éviter, sûrement, certaines crises, éviter des doubles activités subies, comme la mienne, et puis garder la diversité de l’agriculture française, qui est quand même une force.
NATHALIE IANNETTA
Parce qu’en plus de son métier, en plus de son métier de céréalier, il répare des appareils de musculation. Qu’est-ce que vous pouvez répondre à Godefroy, sur la différence entre les céréaliers et les éleveurs ? Rapidement, Stéphane LE FOLL.
STEPHANE LE FOLL
Rapidement. La différence entre les éleveurs et les céréaliers aujourd'hui, c'est que les céréales se vendent bien. Bon.
NATHALIE IANNETTA
Cette année.
STEPHANE LE FOLL
Cette année. L’an dernier aussi, il y a une tendance assez forte sur le marché mondial, su les protéines végétales. Donc il y a un problème, le coût des céréales se répercute sur l’alimentation animale, et les prix de vente pour les animaux, enfin, la viande bovine dont on parle, toutes les viandes ne sont pas à des niveaux, qui permettent de répercuter aujourd'hui la différence. Donc, il y a une difficulté dans l’élevage. Deuxièmement, aujourd'hui, je le dis, il y a plein d’éleveurs qui arrêtent l’élevage, pour faire des céréales. C'est beaucoup plus facile et la productivité du travail étant beaucoup plus grande dans les céréales, qu’il y a une tendance aujourd'hui, donc l’élevage est en danger. Donc il faut aussi accepter que dans la répartition…
APOLLINE DE MALHERBE
Pour le moment, priorité à l’élevage.
STEPHANE LE FOLL
Pour le moment, priorité à l’élevage. On a besoin, dans la répartition des aides et de la politique agricole, de donner à ceux qui ont le plus de difficultés aujourd'hui.
NATHALIE IANNETTA
Merci beaucoup Stéphane LE FOLL, on souhaite bon courage à vos collaborateurs aujourd'hui, parce que…
STEPHANE LE FOLL
Je suis très content d’être venu ce matin !
APOLLINE DE MALHERBE
Oui…
NATHALIE IANNETTA
Vous avez l’air de vous être levé du pied gauche, hein, on s’est fait engueuler pendant 10 minutes !
STEPHANE LE FOLL
Ouais, j’ai mangé du cheval !
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 mars 2013