Texte intégral
Je vous prie de mexcuser de navoir pu ouvrir le colloque ce matin. Je préparais avec le Premier ministre une réunion interministérielle sur le handicap, où lautisme tiendra une place prépondérante.
Je sais que le Sénat est très engagé sur la question du handicap et de lautisme. Je vous remercie pour lorganisation de ce colloque, car son compte rendu me sera très utile dans le travail que je mène actuellement sur le plan autisme. Son contenu nest pas encore révélé, mais nous sommes dans une phase de large concertation, dont nous tirerons des éléments utiles à notre réflexion.
Jai entendu vos cris, vos souffrances et je respecte vos parcours, cependant, mes fonctions mobligent à prononcer un discours formel de ministre. En effet, mon travail consiste à entendre vos témoignages et à en tirer une politique dun abord inévitablement plus technique.
Nous avons limpression que lautisme constitue un sujet qui a été longuement abordé cette année. Lavis de la HAS et de lAnesm rendu le 8 mars est très important, et de nombreux débats se sont déroulés, toutefois je considère que le sujet na pas été suffisamment évoqué cette année. De nombreuses polémiques ont également agité cette période, probablement difficile à vivre pour les parents et les professionnels.
Je voudrais à présent ouvrir une phase plus concrète, et je suis certaine que nous parviendrons à travailler ensemble. Nous devons en priorité diffuser massivement létat de nos connaissances sur les troubles liés à lautisme, car le besoin dinformation du public est immense. Il est indispensable que vous parliez de ce que vous avez vécu, car vous connaissez la réalité de lautisme.
Lors de la soirée télévisée, vous avez peut-être regardé le film Le cerveau dHugo, et constaté les réactions dincompréhension, de rejet, parfois de violence. Ces réactions témoignent dune méconnaissance, car nous jugeons cette personne à laune de nos propres critères de comportement et de nos propres catégories. Nous nous interdisons ainsi de comprendre lautre. Je découvre à travers vos témoignages la réalité de lautisme. Imaginez donc ce que le grand public en perçoit, et les efforts quil reste à accomplir pour linformer. Nos connaissances de la représentation du monde pour les personnes avec autisme sont encore faibles. Nous savons quelles manquent de vision densemble et perçoivent en priorité les détails. Jessaie dimaginer langoisse que peut susciter la perception dune multitude chaotique de détails. Je comprends mieux les cris, les pleurs, les regards évités et je saisis langoisse des parents qui réalisent que leurs enfants ne se développent pas de manière attendue.
Je suis consciente du parcours du combattant que constituent laccès au diagnostic et la lutte contre les attitudes trop rassurantes ou au contraire culpabilisantes. Jen ai pris connaissance à votre contact, en mentretenant avec vous. Je tiens à rappeler que je partage votre approche. Les parents ne sont pas responsables de lautisme de leurs enfants, malgré ce que certains ont cherché à leur faire croire.
Comment répondre aux besoins immenses suscités par le nombre important de personnes concernées ? La fourchette chiffrée est large, de 250 000 à 600 000 personnes, ce qui nest pas uniquement dû à limprécision de la définition. En effet, en France, nous ne disposons pas dune connaissance exacte des personnes avec autisme, ni de leurs lieux ou conditions de vie. Nous sommes capables détablir quelques statistiques concernant les enfants, grâce à lengagement des familles. En revanche, il est plus complexe de mesurer la population des adultes autistes, en raison des pathologies additionnelles quils ont pu développer, de leurs parcours incluant des séjours en hôpital psychiatrique, et de leur fréquente situation de maintien au domicile de leurs parents.
Je tiens à rendre hommage aux deux précédents plans autisme, ainsi quà Valérie Létard. Grâce à laction que vous avez menée dans les deux plans précédents, vous avez fait sortir lautisme de lombre. Je salue également le rapport de M. Chossy. Des institutions ont été créées, comme les centres de ressources Autisme, quil conviendrait de rapprocher des parents, et des places ont été ajoutées. Toutefois, de nombreuses actions restent à accomplir. Jai donc décidé de remettre à lordre du jour lannonce du troisième plan autisme dès ma nomination.
Jai demandé à Martine Pinville de coordonner ce travail, car il me paraît indispensable de montrer que la nation entière et ses représentants, notamment ses élus au Parlement, doivent collectivement se saisir de ce sujet. Lautisme ne doit plus être traité à huis-clos entre experts. Des solutions aux problèmes concrets que posent la scolarisation, lemploi, la vie quotidienne, relèvent de la société dans son ensemble. Jai décidé de rendre ce problème de société intelligible, sous tous ses aspects. Il me semble opportun que les trois axes qui soutiendront le plan autisme soient la recherche, la formation et le développement dune offre daccompagnement pour les enfants, les adolescents et les adultes. Nous aurons loccasion den rediscuter car je souhaite que ce plan fasse lobjet dun débat collectif.
Je tiens à renforcer la recherche épidémiologique, clinique et sociale. En effet, il est établi que lautisme est un trouble neurodéveloppemental à composante génétique, cependant nous ignorons létendue et les caractéristiques de la population touchée. Nous ignorons en outre les raisons de laugmentation de la prévalence. Il convient par ailleurs dévaluer les bénéfices procurés par chaque méthode, sans tabou. Des familles ont choisi des méthodes pour leurs enfants, et je veux quelles fassent partie prenante de lévolution de la recherche.
Je considère que nous devons mener ce combat en commun. En effet, les réticences existent dans les assemblées parlementaires, les ministères ainsi que dans votre vie quotidienne. Nous disposons dune gamme doutils qui permettront à vos enfants de mener une vie heureuse. Nous lutiliserons et personne ne pourra nous en empêcher.
Je souhaite que les connaissances sur lautisme se diffusent dans lensemble de la société grâce à des formations et des sensibilisations. Nous recourrons également aux médias. Un changement de regard est tout aussi nécessaire quun changement de pratique. Nous devons nous assurer que les professionnels sapproprient les recommandations de la HAS et de lAnesm. En outre il est indispensable de décliner les formations dans les régions et de les faire labelliser par la CNSA. Le troisième plan autisme pourra développer ces pistes.
Il est nécessaire de communiquer pour que la société civile sempare du sujet. Nous espérons par exemple quun film de renom soit réalisé, pour contribuer à modifier limage de lautisme et à lintégrer à notre existence. La Grande Cause nationale aurait dû fournir des occasions pour ce type de création mais un nombre insuffisant dactions a été réalisé dans ce cadre.
Le troisième axe du plan sintéresse à la continuité des parcours. Il est impératif de développer loffre daccompagnement et de renforcer la coordination des interventions dans les différents secteurs, afin déviter les ruptures. Offrir un accompagnement de proximité adéquat implique de lutter contre les inégalités territoriales, ce qui suppose dassurer la reconversion des places des hôpitaux vers les établissements et services médico-sociaux. Je ne dérogerai pas à cette volonté politique.
Ces trois axes font actuellement lobjet dun travail approfondi par les différentes administrations : la direction de loffre de soin, la direction de la cohésion sociale, la direction de la scolarité. Des personnes ressources nous apportent leur expertise au sein dun groupe de travail qui associe les représentants des familles, des professionnels, des chercheurs et des parlementaires. Je répète aux familles présentes que le Gouvernement écoutera vos propositions, qui seront reprises. Jespère que nous serons amenés à en discuter ensemble avant que le plan soit révélé. Ces groupes se réuniront jusquà la fin de cette année.
Le plan sera formellement annoncé début 2013 et jespère quil sera ratifié au cours du Comité interministériel du handicap. Tous les aspects de la vie sociale étant abordés, il sagira dun plan interministériel. La circulaire du 4 septembre exige en outre quun volet handicap figure dans chaque projet de loi, conformément à lengagement pris par le Président Hollande. Lautisme sera le premier sujet à bénéficier dune action interministérielle concertée et coordonnée.
Après des dizaines dannées de retard, il est temps de faire de lautisme un exemple de bonnes pratiques. Après sa laborieuse émergence dans notre conscience collective, je suis déterminée, avec laide de mes relais parlementaires, à mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour assurer la plus grande autonomie possible et linclusion dans la vie sociale des personnes autistes.
Source http://www.senat.fr, le 15 mars 2013