Déclaration de M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer, sur la nécessaire concertation entre l'Etat et les collectivités territoriales des outre-mer dans la définition et la mise en oeuvre des politiques publiques, à Paris le 8 avril 2013.

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Circonstance : Réunion avec les présidents des collectivités locales et les présidents des associations des maires des outre-mer, au ministère des Outre-mer, à Paris le 8 avril 2013

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
Je tiens à vous remercier d'emblée d'avoir répondu à notre invitation à participer à cette réunion, ici, au ministère des Outre-mer.
J'ai en effet souhaité vous réunir, vous les présidents de régions et de départements, vous les présidents de collectivités et d'assemblées territoriales et vous les présidents d'associations des maires de tous les outre-mer, afin de travailler ensemble sur des dossiers éminemment cruciaux, certains avec une actualité prégnante, pour le présent et l'avenir de nos territoires.
Depuis bientôt 11 mois que j'occupe mes fonctions de ministre, j'ai rencontré individuellement, au moins une fois, chacun des parlementaires des outre-mer.
A plusieurs reprises, j'ai reçu les députés et les sénateurs, ensemble ou par groupes plus restreints, pour aborder telle ou telle problématique, ou pour travailler sur les dossiers de tel ou tel territoire.
Durant ces 11 mois, je vous ai – vous aussi – rencontrés, ici dans ce ministère ou lors de mes déplacements. Mais au-delà de ces échanges que nous avons eus ces derniers mois, je dois vous avouer que je souhaitais pouvoir créer les conditions structurelles d'un travail commun avec vous, qui pourrait prendre la forme de la conférence de ce matin.
Une conférence qui aurait vocation à se réunir régulièrement – pourquoi pas chaque semestre ?
Une conférence au sein de laquelle l'Etat et les élus les plus proches des réalités du terrain, ceux qui, à la confluence de court, du moyen et du long terme, assurent à la fois la gestion quotidienne des territoires, mais aussi les réflexions prospectives qui tracent leurs perspectives d'avenir, pourraient échanger, discuter et confronter leurs analyses, leurs idées et leurs propositions.
Oui, une conférence pour dégager ensemble des pistes d'actions sinon communes, mais à tout le moins concertées et partagées au bénéfice des habitants des outre-mer.
Notre réunion d'aujourd'hui en trace la voie.
Je tiens à cette instance de travail, car elle est à mon sens une traduction concrète de la méthode que j'ai mise en pratique depuis 11 mois. Une méthode décidée par le Premier ministre, à l'image de celle du gouvernement, qui privilégie le dialogue et la concertation pour élaborer et mettre en œuvre les politiques publiques.
Une méthode qui privilégie les échanges et l'intelligence collective.
Une méthode garante de l'efficacité et de l'efficience des décisions publiques.
Les élus sont à mes yeux des partenaires incontournables car ils sont assurément les meilleurs experts de leurs territoires. C'est pourquoi, je l'ai dit et je le répète : cette maison est la maison des élus. Sa porte est ouverte à toutes celles et tous ceux qui veulent travailler dans l'intérêt général des outre-mer, quelles que puissent être nos appartenances politiques, nos différences et même nos divergences.
L'élaboration de loi de régulation économique a été, à ce titre, le premier exemple de cette volonté d'associer les élus à nos réflexions afin de les enrichir, de les confronter à leurs réalités et afin d'améliorer sans cesse le texte, ses objectifs et ses dispositifs. Nous y sommes parvenus, il me semble.
Cette loi contre la vie chère dans les outre-mer a constitué une part importante de notre action durant cette première année de gouvernement. Mais elle n'a pas été la seule et, là encore, je me suis efforcé d'associer, autant que possible, les élus lorsqu'il s'est agi de défendre un budget en progression significative pour la mission outre-mer, avec des choix forts en faveur du logement, de l'éducation e, de la formation et des investissements structurants.
Associer les élus, également, lorsqu'il s'est agi de maintenir pour 2013 l'attractivité des dispositifs incitatifs à l'investissement pour nos territoires.
Aujourd'hui, l'ordre du jour de nos travaux en est la preuve, de nouveaux enjeux sont face à nous et ils exigent encore plus de concertation, encore plus d'échanges, encore plus de travail commun afin de répondre au défi qui se présente à nous et qui est rien moins que celui de redéfinir un modèle de développement pour les outre-mer.
Oui, qu'il s'agisse d'octroi de mer, de financement de nos économies ou du rôle des collectivités dans une République mieux décentralisée, nous sommes en réalité au cœur de cette réflexion que nous devons avoir sur l'avenir de nos territoires, sur les moyens de renouer avec une croissance durable, qui crée des emplois en préservant les équilibres sociaux et environnementaux.
On pourrait penser que ce n'est pas en période de crise économique que de tels changements de paradigmes sont possibles. Et nous sommes précisément confronté à une conjoncture difficile.
Mais, l'étymologie du mot crise – krisis en grec – nous rappelle au contraire que la crise c'est précisément le moment décisif d'une maladie, ce moment critique où il faut faire des choix et faire preuve de jugement et de discernement.
Sur chacun des sujets que nous aborderons aujourd'hui et qui nous occuperont dans les prochaines semaines, nous devrons décider pour agir et le gouvernement souhaite ne pas décider seul, ni agir seul. En tout cas, ne pas décider, ni agir sans vous associer au constat et aux solutions que nous pouvons mettre en œuvre.
C'est à une forme de coproduction que je vous invite aujourd'hui sur ces sujets cruciaux pour l'avenir de nos territoires.
Bien sûr nous ne pensons pas tous la même chose, et c'est tant mieux, car si nous pensions tous pareil, cela voudrait dire que nous ne pensons pas grand-chose.
Bien sûr, il y a entre nous des différences, à commencer par celles qui trouvent leur origine dans les spécificités de chaque territoire.
Bien sûr, nous ne serons pas toujours d'accord sur les solutions à mettre en œuvre.
En revanche, je suis sûr que tous, ici, nous partageons l'ambition de lever les freins qui entravent le développement des outre-mer depuis des décennies.
C'est en tout cas la volonté de ce gouvernement depuis mai 2012. La vie chère, les prix élevés qui frappent tous les outre-mer, et aussi bien les ménages que les entreprises, sont un exemple de frein au développement et c'est pourquoi nous nous y sommes attaqués.
Mais il y en a d'autres qui touchent aussi bien les ressources des collectivités, le financement des entreprises, la structuration des filières économiques, la capacité à coopérer dans l'environnement régional, la mobilisation des fonds structurels européens, et j'en passe…
Et c'est parce que ce gouvernement manifeste depuis 11 mois une réelle volonté politique de changement dans les outre-mer, une volonté agissante et mobilisatrice sans précédent, que je vous invite à saisir cette occasion historique de fédérer et de libérer les énergies.
Cette volonté d'agir s'est manifestée par les politiques mises en œuvre spécifiquement pour les outre-mer, mais aussi par l'application sans délai des dispositifs nationaux à nos territoires.
Que ce soit pour la mise en œuvre des emplois d'avenir et bientôt des contrats de génération, ou encore pour le crédit d'impôt compétitivité emploi, le CICE, ou pour le plan d'urgence en faveur du logement, le temps où il fallait attendre des mois voire des années pour que les politiques nationales soient déclinées outre-mer est révolu.
Il n'y a pas si longtemps, j'étais l'un des vôtres.
Pendant 8 ans, j'ai dirigé une région et j'ai pu expérimenter la frustration de l'élu local qui est peu ou pas écouté. Pire, j'ai eu à mesurer les effets dévastateurs d'une défiance, presque d'une guerre larvée et parfois même ouverte, entre l'Etat et les collectivités locales. Enfin, et surtout, j'ai pu constater avec effroi les désengagements progressifs de l'Etat dans nos territoires.
Ce temps, lui aussi, je vous le dis, est révolu.
J'ai souvent résumé l'ambition – les ambitions, même, tant elles sont nombreuses – du président François Hollande et du Premier ministre Jean-Marc Ayrault en disant qu'il s'agit pour ce gouvernement de concrétiser le retour de l'Etat dans les Outre-mer et le retour des Outre-mer au cœur de la République.
L'engagement est tenu.
Ce double mouvement qui doit trouver sa traduction concrète dans les politiques publiques mises en œuvre dans les territoires ne peut s'envisager sans un travail commun entre l'Etat et les collectivités locales.
Un Etat fort peut et doit aller avec des collectivités locales fortes. Ce n'est pas l'un contre les autres ou l'un au détriment des autres. Ce doit être au contraire l'un avec les autres, dans une synergie de travail et d'actions, tant les besoins sont là et tant l'attente sociale de nos compatriotes est criante.
J'ai conscience, en mesurant ça et là des crispations qui à mes yeux n'ont pas lieu d'être, de ce que la méthode que je propose peut intriguer, voire déranger. Non pas en que telle, mais probablement parce que cela fait bien longtemps que vous élus avez perdu l'habitude d'un tel langage de la part de l'Etat.
Pour ma part, je veux vous convaincre de la volonté sincère de ce gouvernement de dépasser les clivages pour agir enfin de façon significative et durable les structures de nos économies pour créer une croissance saine dont les bénéfices sont équitablement répartis, pour combattre et endiguer ce fléau qu'est le chômage, notamment pour nos jeunes.
Je veux vous convaincre que nous pouvons ensemble réussir là ou d'autres avant nous n'ont pas pu ou n'ont pas su enclencher cette nouvelle dynamique.
Oui, je veux vous convaincre que nous pourrions échouer ensemble, mais que nous ne réussirons qu'ensemble.
Je vous remercie.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 10 avril 2013