Texte intégral
Merci, Madame la Présidente, pour cette première invitation à échanger au sein de votre commission, même si j'ai déjà eu l'occasion de débattre avec vous par deux fois dans l'hémicycle. Je suis également ravi d'être devant vous au lendemain de mon déplacement à Strasbourg.
Le contexte de crise à l'échelle de l'Union va sans doute me faire apparaître plus souvent comme pompier, au moins dans l'immédiat, mais un pompier-architecte oeuvrant à une réorientation de la construction européenne, comme le faisait avant lui son prédécesseur, suivant en cela le cap fixé par le président de la République. L'Union traverse une crise économique difficile qui a des conséquences majeures sur la vie de nos concitoyens, notamment à travers le chômage, mais qui se traduit aussi par la montée de mouvements populistes d'expressions différentes : élection de Bepe Grillo non loin de chez nous, émergence du parti des vrais Finlandais en Finlande, vote de lois constitutionnelles peu conformes à l'esprit des traités de l'Union en Hongrie, chefs de gouvernement menaçant d'en appeler au référendum populaire pour décider si leur pays doit rester ou non dans l'Union. Je ne les citerai pas, mais nombreux aussi sont les responsables politiques français qui ont récemment tenus sur l'Europe des propos tendant à en faire le bouc émissaire des difficultés nationales. À un an des élections, les partis démocrates doivent prendre garde à ne pas contribuer avec leurs propres arguments à cette stratégie de délitement du lien d'Europe : ils en seront les grands perdants.
Nous voulons réorienter la construction européenne pour retrouver du sens, pour dire clairement que nous refusons l'austérité comme seul horizon des peuples européens, pour remettre la croissance et l'emploi au coeur de l'action de l'Europe, pour poursuivre la régulation de la finance. C'est un triptyque croissance-responsabilité-régulation de la finance qui doit être le principe directeur de la construction de l'Europe de demain.
La responsabilité budgétaire est nécessaire d'abord à l'échelon national, pas forcément vis-à-vis de l'Europe. Je dis cela pour couper court à l'idée qui s'installe dans notre pays laissant à penser qu'une bonne gestion budgétaire serait imposée par une décision européenne. Or la bonne gestion budgétaire est une nécessité y compris à l'égard du marché monétaire car, si d'aventure notre déficit se creusait dans des proportions inacceptables, nous aurions à en payer le prix sur la scène nationale, indépendamment des objectifs que nous demande l'Union européenne. Aujourd'hui, un point d'augmentation du taux auquel nous empruntons, qui peut résulter de l'inquiétude des agences de notation et des marchés financiers face à l'aggravation du déficit budgétaire, c'est 2 milliards d'euros cash sur une année pour un emprunt à court terme et 7 milliards sur les emprunts sur six ans.
La nécessaire responsabilité budgétaire doit être associée à un message sur la croissance et l'emploi. Au cours des dix derniers mois, vous avez débattu de mesures qui ont été prises, comme les 120 milliards d'euros du pacte de croissance actés en juin 2012. D'autres vont suivre avec les nouvelles propositions de la Commission au Parlement européen liées au cadre financier pluriannuel 2014-2020, comme la création d'une ligne de 6 milliards d'euros consacrés à la formation des jeunes dans les régions où le taux de chômage des jeunes est important, ou encore la mise en place de la taxe sur les transactions financières pour donner demain de nouvelles ressources propres à toute l'Europe ou à la seule zone euro. On voit bien ainsi qu'une gestion rigoureuse de notre budget n'entraîne pas, à l'échelle de l'Union européenne, la privation d'outils nouveaux de nature à nous conduire vers la croissance et vers l'emploi.
Bien sûr, nos perspectives budgétaires nationales peuvent se révéler plus difficiles que prévu : la croissance qui n'est pas au rendez-vous, au dernier semestre 2012, dans l'ensemble des pays de l'Union européenne, c'est moins de recettes pour notre pays ; une intervention militaire que nous n'avions pas anticipée, c'est aussi de la dépense publique dont on doit tenir compte ; la proposition de la Commission pour le cadre financier pluriannuel, qui pourrait se traduire par une dépense sur la période 2014-2020 en augmentation d'environ 50 milliards d'euros par rapport à la période 2007-2013, a aussi des répercussions sur la gestion du budget en France. Cette proposition aurait ceci de bon qu'elle permettrait de conforter les politiques structurelles, de créer de l'emploi à travers le lancement de grands chantiers. Or le Parlement européen pose des préalables à son adoption. Souhaitant s'assurer que ce qui est acté dans le budget est bien consommé, celui-ci réclame une clause de revoyure à mi-chemin en vue de réorienter les crédits non consommés. Une deuxième condition est l'introduction de flexibilité, d'une part, entre les rubriques, d'autre part, d'une année à l'autre, là aussi pour s'assurer que les budgets sont bien consommés. Sur ces deux premiers points, la France s'est déclarée ouverte au dialogue avec le Parlement.
Sur un troisième point concernant la possibilité pour l'Europe d'avoir un jour des ressources propres dans le budget, l'ouverture n'est pas totale. D'une part, cela ne pourrait pas se faire avant l'adoption du budget en juin ou juillet prochain. D'autre part, la discussion sur l'affectation par exemple d'une partie de la taxe sur les transactions financières ne pourrait se dérouler aujourd'hui qu'à traité de fonctionnement de l'Union européenne constant. Toutefois, la vraie difficulté n'est pas là, elle est sur le budget rectificatif dont on attend qu'il solde les factures du passé pour ne pas obérer l'enveloppe 2014-2020. La Commission estime à 11,2 milliards d'euros le versement supplémentaire que les pays de l'Union européenne devraient effectuer pour payer des dépenses du FSE ou du FEDER. Cet argent n'est pas inventé, il faut le sortir de nos caisses. Pour notre pays, c'est une dépense budgétaire supplémentaire de 1,8 milliard d'euros qui n'avait pas été intégrée dans le calcul de l'objectif des 3 % de déficit fixé par l'Union européenne. La France n'a pas opposé un refus catégorique mais a demandé, en contrepartie, que la Commission tienne compte de cet élément nouveau et accepte de repousser l'objectif de 3 % à 2014. Cette demande a reçu un accueil plutôt positif, en raison des réformes structurelles engagées par la France au cours des deux dernières années, qui la placent sur une bonne trajectoire. Cela dit, tous les membres de l'Union européenne n'ont pas la même position, notamment des petits pays dont la contribution serait pourtant bien moindre que celle de la France, de l'ordre de 200 à 300 millions d'euros.
L'union économique et monétaire doit constituer la suite des avancées qui ont été actées au cours des derniers mois dans l'établissement d'une véritable union bancaire de la zone euro. L'expérience chypriote a montré combien ces avancées étaient nécessaires et positives : elles ont quand même permis de répondre à une crise majeure d'un pays, ce que l'on a, me semble-t-il, un peu rapidement gommé. La vision négative qu'ont contribué à en donner les communications sur le sujet est tout à fait regrettable. Maintenant, il faut avancer sur la question de savoir si cette crise aurait pu être évitée grâce à certains mécanismes de prévention. Dès lors qu'on reconnaît à la Banque centrale européenne la capacité d'accompagner les États, on voit bien qu'il faut pousser au-delà pour accompagner désormais directement les banques afin d'éviter d'aggraver la qualité de la dette souveraine des États. La France défend l'accord de recapitalisation directe des banques vers lequel on s'achemine. Il se trouve que le COREPER se réunit aujourd'hui pour s'accorder sur les modalités de la supervision bancaire. Il faut toujours avoir dans le viseur qu'une avancée sur les outils économiques doit s'accompagner d'une avancée politique perceptible par les concitoyens européens. En même temps qu'on progresse dans la sécurisation des banques, il faut trouver des solutions pour sécuriser leurs clients que sont les épargnants, mettre en place des mécanismes qui protègent l'épargne et des mécanismes qui dissuadent la spéculation, et s'assurer finalement, à travers la supervision bancaire, que l'argent est effectivement utilisé pour l'économie réelle et non plus pour la spéculation financière. Ce sont des chantiers aujourd'hui en cours.
Plusieurs de mes déplacements, dont l'un de deux jours au Parlement européen, m'ont fourni l'occasion de m'entretenir de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale. À toute chose malheur est bon, les efforts engagés depuis le mois de novembre au sein du Conseil, à l'initiative de la France, et visant à mettre en place des mécanismes de transparence, sans barrière, entre les membres de l'Union, vont sans doute connaître un aboutissement que seule peut déclencher la prise de conscience que cela suffisait, qu'on était arrivé au bout de l'acceptable : dans notre propre périmètre de l'Union européenne, nous n'arrivions pas à obtenir la transparence des comptes alors même que certains membres de l'Union, qui, aujourd'hui encore, sont des paradis fiscaux, acceptaient d'avoir cette transparence vis-à-vis d'États tiers, notamment les États-Unis. Sous la pression, le Luxembourg et l'Autriche, pays petits par la taille et la population mais importants par leur réseau bancaire, ont concédé des ouvertures. Les arguments se font très pressants pour qu'ils aillent jusqu'au bout. Au plus haut niveau des États et de la Commission, on a bon espoir, même si l'un des deux pays indique qu'il se décidera définitivement après l'été, à l'issue d'une échéance électorale.
(Interventions des parlementaires)
Je mesure à l'étendue de vos questions l'immensité du travail qui est devant moi !
Je n'ai pas assisté à la réunion informelle de l'Écofin, mais je souhaite relativiser la portée de l'annonce qui a été faite sur la prétendue nécessité de réviser les traités pour pérenniser l'Union bancaire. Cette déclaration, le représentant allemand en a pris l'initiative. Je réaffirme ici que nous tenons au respect du calendrier de l'union bancaire tel qu'il a été convenu lors du Conseil européen de décembre dernier, dans le cadre duquel l'accord sur la supervision bancaire constituait une étape importante vers la recapitalisation des banques. Pour aller plus loin, comme nous le souhaitons, le ministre allemand a indiqué qu'une révision des traités lui semblait nécessaire, pour bien marquer, finalement, la différence entre les activités monétaires de la banque et la supervision bancaire. À leur niveau, les ministres des finances ont dit qu'ils y étaient prêts lorsque le moment sera venu. Nous verrons si cette révision interviendra dans les prochaines années ; pour le moment, aucun terme n'a été fixé. Vous connaissez mieux que moi le fonctionnement des institutions européennes, l'importance des calendriers électoraux et leur répercussion sur l'ouverture ou non de certains débats. Je ne crois pas qu'on puisse envisager une révision des traités avant 2017. Il n'y a donc pas urgence. Si la France n'a jamais fait de cette discussion un tabou, dans l'immédiat, elle préfère chercher des solutions dans le cadre des traités actuels. Sans doute offrent-ils aujourd'hui une marge suffisante pour ne pas avoir à ouvrir une révision des traités. En tout cas, ce n'est pas une précondition à l'adoption des textes relatifs à la supervision bancaire. D'ailleurs, l'Écofin informel a rappelé l'urgence à traiter ce dossier, le mot même d'urgence étant incompatible avec l'idée de révision.
S'agissant de l'accord entre Union européenne et États-Unis, le mandat De Gucht fait aujourd'hui l'objet d'une expertise. Avant de devenir définitif, il est soumis à l'analyse des différents États et à discussion. Comme une grande majorité des pays, la France penche pour prendre le temps nécessaire à la finalisation du projet. C'est que nous sommes moins pressés que l'actuelle Commission qui désire mettre à son actif un accord commercial avant le terme de son mandat. Si le dossier peut être ouvert sous l'actuelle Commission, il peut très bien se conclure sous la prochaine, à l'issue d'une échéance démocratique dans le cadre de laquelle les concitoyens européens seront appelés à voter pour des orientations. La France s'est déclarée ouverte, car nous y avons sans doute intérêt si les choses sont bien bordées. En particulier, certains points incontournables sont des préalables à discuter qui ne devront pas figurer dans le mandat.
Ce qui fait la spécificité française est l'exception culturelle. Toutefois, la France ne doit pas être la seule à demander que l'aspect culturel soit sorti du mandat. À l'heure où nous parlons, plusieurs pays ont déjà rallié la position française, par exemple la Pologne. Le président slovène, que j'ai rencontré à midi, m'a assuré également de son soutien. Le ministre allemand de la culture, à défaut du Gouvernement, a soutenu aussi la position d'Aurélie Filippetti en signant un courrier adressé au président de la Commission. D'autres pays sont sur le point de nous rejoindre, comme l'Italie et la Roumanie. Nous sommes plutôt bien partis pour obtenir cette exclusion. D'ailleurs, dans un précédent dossier de même nature entre l'Europe et le Canada où l'exception culturelle n'était pas sortie initialement, nous avons obtenu qu'elle le soit.
La Défense, à propos de laquelle M. Pueyo a exprimé sa préoccupation, constitue le deuxième point indiscutable. Partout où je vais, je relaie la position ferme de Jean-Yves Le Drian : pas d'ouverture des marchés publics de la Défense. Cela a toujours été le cas et nous souhaitons que les acquis ne soient pas remis en cause.
Le troisième point concerne tout ce qui reviendrait à mettre en cause des choix culturels très forts, des choix de protection des consommateurs et d'une qualité de l'agriculture et de ses produits dérivés. Mon collègue et ami Stéphane Le Foll est en première ligne sur ce dossier. Nous nous sommes vus ce matin. Il estime qu'on peut ouvrir la discussion dès lors que cette demande française est admise comme ligne rouge au mandat de négociation. Sur ce sujet de l'agriculture, ce sont les normes qui constituent les vraies difficultés.
En résumé, oui à la discussion sous réserve de l'exclusion de l'accord de libre-échange de ces trois points sensibles.
En venant ici, je découvre certains sujets et la pêche en eaux profondes est de ceux-là. Je suis désolé de ne pouvoir vous répondre précisément après seulement trois semaines dans mes fonctions. Je puis vous assurer que, d'ici peu, vous ne me prendrez plus en défaut. Ce que je peux vous dire, c'est que, l'été dernier, la Commission a fait une proposition à laquelle la France était opposée ainsi que, dans une moindre mesure, l'Espagne. Le vote de la commission environnement sur ce sujet n'est pas représentatif du vote du Parlement européen. Il y a donc matière à discussion. Le vote de la commission de la pêche, comme les discussions du Conseil, devraient permettre un compromis final plus équilibré. Les discussions se poursuivent.
Le Portugal, l'Irlande et la Grèce connaissent toujours des difficultés mais il y a des avancées positives. En Grèce, les réformes sont à l'oeuvre et les messages de la troïka sont plutôt positifs. Aujourd'hui, la Grèce peut de nouveau toucher des aides financières pour accompagner les réformes. Le risque que ce pays faisait courir à la zone euro est aujourd'hui bien écarté. L'Irlande a fait énormément d'efforts depuis le plan d'aide de 85 milliards d'euros de 2010, au titre duquel l'Europe a apporté 67 milliards. Elle commence peu à peu à retrouver de la visibilité sur les marchés financiers puisqu'elle a réussi à lever un emprunt de 5 milliards d'euros, il y a une dizaine de jours. C'est un signe que les marchés financiers la considèrent sur la bonne trajectoire. Lors de l'informel Écofin du 5 avril, un accord est intervenu pour étaler le remboursement des prêts contractés par le Portugal et l'Irlande. Il reste que ces pays ont besoin de retrouver également le chemin de la croissance, et l'Union européenne doit mobiliser tous les instruments politiques à cette fin.
À propos de croissance, précisément, sur les 120 milliards d'euros du pacte de croissance européen, la France recevra une part à due proportion de ce qu'elle représente. Sur cette question, un très bon rapport à mi-parcours a été rédigé par M. Razzi Hammadi, et la Commission elle-même devrait faire un rapport pour le mois de juin prochain. La France devrait récupérer quelque 2,1 milliards d'euros en fonds structurels. C'est grâce à de tels fonds qu'Alain Clayes a pu lancer l'aménagement à Poitiers du viaduc des Rocs, que j'ai visité la semaine dernière, et qui permettra de mettre en place un service de bus de haut niveau pour traverser la ville. Ce projet est l'un des tout premiers qui ait été financé sur cette enveloppe de 2,1 milliards. Une part très importante des 120 milliards d'euros sera assurée par la BEI, qui mobilisera ses moyens pour accompagner des projets publics, des collectivités locales, mais aussi, ce qui n'était pas possible par le passé, des investissements dans les hôpitaux et les universités. C'est dans le cadre du pacte de croissance qu'il a été décidé d'ouvrir les financements de la BEI aux hôpitaux et aux universités, ce que beaucoup d'élus ignorent encore. Pour notre pays, l'intervention de la BEI n'est pas neutre. Sa recapitalisation à hauteur de 10 milliards d'euros va lui permettre d'en prêter 60, sur lesquels la France pourrait bénéficier de 7 milliards de droits de tirage en 2013, 7 milliards en 2014 et 7 milliards en 2015.
Force est de constater que la mise en place a pris beaucoup de temps. Le vice-président de la BEI, que j'ai rencontré la semaine dernière, m'a expliqué qu'il a fallu attendre la modification des règlements puis, pour la recapitalisation, appeler la contribution des États jusqu'à atteindre les 10 milliards. La France a payé son 1,6 milliard il y a trois semaines. Aujourd'hui, la BEI est en capacité de prêter. Nous lui avons transmis des projets qui ont été repérés par les secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) notamment. Je trouve que les choses ne vont pas suffisamment vite. Si vous-mêmes avez la possibilité de motiver les services de la DATAR et des SGAR, n'hésitez pas à le faire.
Une petite ligne plus modeste de project bonds peut également bénéficier à la France. Quatre projets nous semblent pouvoir être soutenus via ces project bonds : deux programmes autoroutiers et deux programmes d'irrigation de territoire en réseaux d'information et de communication.
Un mot sur l'harmonisation fiscale, qui recouvre beaucoup de réalités. La TTF est une harmonisation fiscale en ce qu'elle implique le rapprochement des législations de onze États membres. Au cours des quelques pérégrinations que j'ai déjà pu effectuer dans différents États de l'Union, beaucoup des pays qui n'ont pas adhéré spontanément à l'idée de la TTF m'ont fait comprendre qu'ils souhaitaient ne pas être tenus éloignés des discussions de sa mise en place pour le jour où l'état de leur opinion publique ou du lobbying permettrait d'aborder le sujet.
L'harmonisation fiscale concerne aussi l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Elle est en cours : peu à peu, sous l'impulsion de la Commission, s'opère un rapprochement des taux ; à Chypre, le processus a été engagé à l'occasion de la crise ; un travail franco-allemand sur le sujet avance bien. La fiscalité de l'énergie fait également l'objet d'une réflexion, dans laquelle nous exigeons que soit prise en considération la taxation de CO2. À ce sujet, je regrette que le texte de backloading tendant à conforter le prix de la tonne de CO2 ait été repoussé, hier, par le Parlement européen, à une faible majorité. Ce texte a pâti d'une conjonction des contraires, une partie des eurodéputés considérant qu'on n'allait pas assez loin dans la fiscalité de l'écologie, une autre partie jugeant cette fiscalité trop lourde pour les entreprises. Il a également été prétexte à dépasser les logiques de partis, le sens national l'emportant sur le grand projet politique européen. Le pire a toutefois été évité puisque ce vote négatif n'est pas définitif : la Commission a été invitée à retravailler le texte pour le présenter à nouveau au Parlement. En ne rejetant pas complètement ce texte, les parlementaires ont fait preuve de maturité. De même, de nombreux chefs d'entreprises françaises m'ont dit souhaiter un prix de la tonne de CO2 suffisamment élevé pour créer une incitation à investir dans le développement durable et la protection de la planète. Or que s'est-il passé depuis hier ? Le marché a baissé. Alors qu'il n'était déjà pas élevé, il est aujourd'hui proche de zéro. Il faudra donc reparler de ce vrai sujet d'harmonisation fiscale sur lequel nous pourrions trouver un accord européen intéressant.
La politique de sécurité et de défense, pour laquelle nous souhaitons une approche ambitieuse sur trois volets, fera l'objet du Conseil de décembre 2013. Ce sommet sera l'occasion de revenir sur la question de l'état-major de l'Union européenne, qui est toujours sur la table, ainsi que de débattre sur les théâtres opérationnels. Au Mali notamment, il faut continuer à développer des opérations de formation pour que les Maliens puissent assurer complètement leur défense eux-mêmes. À ce sujet, les pays font preuve d'une réactivité assez positive en engageant, à due proportion de ce qu'ils représentent, quelques unités ou quelques centaines d'hommes. Nombreux sont les États membres de l'Union européenne à soutenir l'opération de sécurisation conduite par la France, qui, au-delà de son intérêt pour le pays concerné, peut avoir des développements intéressants à l'échelle internationale. Par ailleurs, nous attendons une communication de la Commission sur la base industrielle technologique de défense, aussi répondrai-je plus précisément à M. Pueyo par courrier. Les ministres de la défense des Vingt-sept discuteront de ces sujets à l'occasion d'une conférence affaires étrangères-défense la semaine prochaine.
Voilà les quelques éléments que je souhaitais vous apporter, même si j'ai bien conscience que toutes vos questions n'ont pas trouvé de réponse très précise. En cas de trop grande frustration, n'hésitez pas à me réinviter rapidement.
Pour autant que mes missions à travers l'Europe m'en laissent le temps, je me tiendrai à la disposition de votre commission. Je sais l'importance que peut avoir, à l'approche des Conseils, le travail de proximité entre Parlement et gouvernement, même si certains arbitrages de dernière minute entre pays rendent parfois l'exercice difficile. En tout cas, je vous assure de ma volonté d'être aussi réactif et pertinent qu'a pu l'être mon prédécesseur Bernard Cazeneuve, dont je compte bien qu'à la place qu'il occupe maintenant, il puisse toujours manifester, dans les arbitrages interministériels budgétaires, un intérêt pour la cause européenne.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 mai 2013
Le contexte de crise à l'échelle de l'Union va sans doute me faire apparaître plus souvent comme pompier, au moins dans l'immédiat, mais un pompier-architecte oeuvrant à une réorientation de la construction européenne, comme le faisait avant lui son prédécesseur, suivant en cela le cap fixé par le président de la République. L'Union traverse une crise économique difficile qui a des conséquences majeures sur la vie de nos concitoyens, notamment à travers le chômage, mais qui se traduit aussi par la montée de mouvements populistes d'expressions différentes : élection de Bepe Grillo non loin de chez nous, émergence du parti des vrais Finlandais en Finlande, vote de lois constitutionnelles peu conformes à l'esprit des traités de l'Union en Hongrie, chefs de gouvernement menaçant d'en appeler au référendum populaire pour décider si leur pays doit rester ou non dans l'Union. Je ne les citerai pas, mais nombreux aussi sont les responsables politiques français qui ont récemment tenus sur l'Europe des propos tendant à en faire le bouc émissaire des difficultés nationales. À un an des élections, les partis démocrates doivent prendre garde à ne pas contribuer avec leurs propres arguments à cette stratégie de délitement du lien d'Europe : ils en seront les grands perdants.
Nous voulons réorienter la construction européenne pour retrouver du sens, pour dire clairement que nous refusons l'austérité comme seul horizon des peuples européens, pour remettre la croissance et l'emploi au coeur de l'action de l'Europe, pour poursuivre la régulation de la finance. C'est un triptyque croissance-responsabilité-régulation de la finance qui doit être le principe directeur de la construction de l'Europe de demain.
La responsabilité budgétaire est nécessaire d'abord à l'échelon national, pas forcément vis-à-vis de l'Europe. Je dis cela pour couper court à l'idée qui s'installe dans notre pays laissant à penser qu'une bonne gestion budgétaire serait imposée par une décision européenne. Or la bonne gestion budgétaire est une nécessité y compris à l'égard du marché monétaire car, si d'aventure notre déficit se creusait dans des proportions inacceptables, nous aurions à en payer le prix sur la scène nationale, indépendamment des objectifs que nous demande l'Union européenne. Aujourd'hui, un point d'augmentation du taux auquel nous empruntons, qui peut résulter de l'inquiétude des agences de notation et des marchés financiers face à l'aggravation du déficit budgétaire, c'est 2 milliards d'euros cash sur une année pour un emprunt à court terme et 7 milliards sur les emprunts sur six ans.
La nécessaire responsabilité budgétaire doit être associée à un message sur la croissance et l'emploi. Au cours des dix derniers mois, vous avez débattu de mesures qui ont été prises, comme les 120 milliards d'euros du pacte de croissance actés en juin 2012. D'autres vont suivre avec les nouvelles propositions de la Commission au Parlement européen liées au cadre financier pluriannuel 2014-2020, comme la création d'une ligne de 6 milliards d'euros consacrés à la formation des jeunes dans les régions où le taux de chômage des jeunes est important, ou encore la mise en place de la taxe sur les transactions financières pour donner demain de nouvelles ressources propres à toute l'Europe ou à la seule zone euro. On voit bien ainsi qu'une gestion rigoureuse de notre budget n'entraîne pas, à l'échelle de l'Union européenne, la privation d'outils nouveaux de nature à nous conduire vers la croissance et vers l'emploi.
Bien sûr, nos perspectives budgétaires nationales peuvent se révéler plus difficiles que prévu : la croissance qui n'est pas au rendez-vous, au dernier semestre 2012, dans l'ensemble des pays de l'Union européenne, c'est moins de recettes pour notre pays ; une intervention militaire que nous n'avions pas anticipée, c'est aussi de la dépense publique dont on doit tenir compte ; la proposition de la Commission pour le cadre financier pluriannuel, qui pourrait se traduire par une dépense sur la période 2014-2020 en augmentation d'environ 50 milliards d'euros par rapport à la période 2007-2013, a aussi des répercussions sur la gestion du budget en France. Cette proposition aurait ceci de bon qu'elle permettrait de conforter les politiques structurelles, de créer de l'emploi à travers le lancement de grands chantiers. Or le Parlement européen pose des préalables à son adoption. Souhaitant s'assurer que ce qui est acté dans le budget est bien consommé, celui-ci réclame une clause de revoyure à mi-chemin en vue de réorienter les crédits non consommés. Une deuxième condition est l'introduction de flexibilité, d'une part, entre les rubriques, d'autre part, d'une année à l'autre, là aussi pour s'assurer que les budgets sont bien consommés. Sur ces deux premiers points, la France s'est déclarée ouverte au dialogue avec le Parlement.
Sur un troisième point concernant la possibilité pour l'Europe d'avoir un jour des ressources propres dans le budget, l'ouverture n'est pas totale. D'une part, cela ne pourrait pas se faire avant l'adoption du budget en juin ou juillet prochain. D'autre part, la discussion sur l'affectation par exemple d'une partie de la taxe sur les transactions financières ne pourrait se dérouler aujourd'hui qu'à traité de fonctionnement de l'Union européenne constant. Toutefois, la vraie difficulté n'est pas là, elle est sur le budget rectificatif dont on attend qu'il solde les factures du passé pour ne pas obérer l'enveloppe 2014-2020. La Commission estime à 11,2 milliards d'euros le versement supplémentaire que les pays de l'Union européenne devraient effectuer pour payer des dépenses du FSE ou du FEDER. Cet argent n'est pas inventé, il faut le sortir de nos caisses. Pour notre pays, c'est une dépense budgétaire supplémentaire de 1,8 milliard d'euros qui n'avait pas été intégrée dans le calcul de l'objectif des 3 % de déficit fixé par l'Union européenne. La France n'a pas opposé un refus catégorique mais a demandé, en contrepartie, que la Commission tienne compte de cet élément nouveau et accepte de repousser l'objectif de 3 % à 2014. Cette demande a reçu un accueil plutôt positif, en raison des réformes structurelles engagées par la France au cours des deux dernières années, qui la placent sur une bonne trajectoire. Cela dit, tous les membres de l'Union européenne n'ont pas la même position, notamment des petits pays dont la contribution serait pourtant bien moindre que celle de la France, de l'ordre de 200 à 300 millions d'euros.
L'union économique et monétaire doit constituer la suite des avancées qui ont été actées au cours des derniers mois dans l'établissement d'une véritable union bancaire de la zone euro. L'expérience chypriote a montré combien ces avancées étaient nécessaires et positives : elles ont quand même permis de répondre à une crise majeure d'un pays, ce que l'on a, me semble-t-il, un peu rapidement gommé. La vision négative qu'ont contribué à en donner les communications sur le sujet est tout à fait regrettable. Maintenant, il faut avancer sur la question de savoir si cette crise aurait pu être évitée grâce à certains mécanismes de prévention. Dès lors qu'on reconnaît à la Banque centrale européenne la capacité d'accompagner les États, on voit bien qu'il faut pousser au-delà pour accompagner désormais directement les banques afin d'éviter d'aggraver la qualité de la dette souveraine des États. La France défend l'accord de recapitalisation directe des banques vers lequel on s'achemine. Il se trouve que le COREPER se réunit aujourd'hui pour s'accorder sur les modalités de la supervision bancaire. Il faut toujours avoir dans le viseur qu'une avancée sur les outils économiques doit s'accompagner d'une avancée politique perceptible par les concitoyens européens. En même temps qu'on progresse dans la sécurisation des banques, il faut trouver des solutions pour sécuriser leurs clients que sont les épargnants, mettre en place des mécanismes qui protègent l'épargne et des mécanismes qui dissuadent la spéculation, et s'assurer finalement, à travers la supervision bancaire, que l'argent est effectivement utilisé pour l'économie réelle et non plus pour la spéculation financière. Ce sont des chantiers aujourd'hui en cours.
Plusieurs de mes déplacements, dont l'un de deux jours au Parlement européen, m'ont fourni l'occasion de m'entretenir de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale. À toute chose malheur est bon, les efforts engagés depuis le mois de novembre au sein du Conseil, à l'initiative de la France, et visant à mettre en place des mécanismes de transparence, sans barrière, entre les membres de l'Union, vont sans doute connaître un aboutissement que seule peut déclencher la prise de conscience que cela suffisait, qu'on était arrivé au bout de l'acceptable : dans notre propre périmètre de l'Union européenne, nous n'arrivions pas à obtenir la transparence des comptes alors même que certains membres de l'Union, qui, aujourd'hui encore, sont des paradis fiscaux, acceptaient d'avoir cette transparence vis-à-vis d'États tiers, notamment les États-Unis. Sous la pression, le Luxembourg et l'Autriche, pays petits par la taille et la population mais importants par leur réseau bancaire, ont concédé des ouvertures. Les arguments se font très pressants pour qu'ils aillent jusqu'au bout. Au plus haut niveau des États et de la Commission, on a bon espoir, même si l'un des deux pays indique qu'il se décidera définitivement après l'été, à l'issue d'une échéance électorale.
(Interventions des parlementaires)
Je mesure à l'étendue de vos questions l'immensité du travail qui est devant moi !
Je n'ai pas assisté à la réunion informelle de l'Écofin, mais je souhaite relativiser la portée de l'annonce qui a été faite sur la prétendue nécessité de réviser les traités pour pérenniser l'Union bancaire. Cette déclaration, le représentant allemand en a pris l'initiative. Je réaffirme ici que nous tenons au respect du calendrier de l'union bancaire tel qu'il a été convenu lors du Conseil européen de décembre dernier, dans le cadre duquel l'accord sur la supervision bancaire constituait une étape importante vers la recapitalisation des banques. Pour aller plus loin, comme nous le souhaitons, le ministre allemand a indiqué qu'une révision des traités lui semblait nécessaire, pour bien marquer, finalement, la différence entre les activités monétaires de la banque et la supervision bancaire. À leur niveau, les ministres des finances ont dit qu'ils y étaient prêts lorsque le moment sera venu. Nous verrons si cette révision interviendra dans les prochaines années ; pour le moment, aucun terme n'a été fixé. Vous connaissez mieux que moi le fonctionnement des institutions européennes, l'importance des calendriers électoraux et leur répercussion sur l'ouverture ou non de certains débats. Je ne crois pas qu'on puisse envisager une révision des traités avant 2017. Il n'y a donc pas urgence. Si la France n'a jamais fait de cette discussion un tabou, dans l'immédiat, elle préfère chercher des solutions dans le cadre des traités actuels. Sans doute offrent-ils aujourd'hui une marge suffisante pour ne pas avoir à ouvrir une révision des traités. En tout cas, ce n'est pas une précondition à l'adoption des textes relatifs à la supervision bancaire. D'ailleurs, l'Écofin informel a rappelé l'urgence à traiter ce dossier, le mot même d'urgence étant incompatible avec l'idée de révision.
S'agissant de l'accord entre Union européenne et États-Unis, le mandat De Gucht fait aujourd'hui l'objet d'une expertise. Avant de devenir définitif, il est soumis à l'analyse des différents États et à discussion. Comme une grande majorité des pays, la France penche pour prendre le temps nécessaire à la finalisation du projet. C'est que nous sommes moins pressés que l'actuelle Commission qui désire mettre à son actif un accord commercial avant le terme de son mandat. Si le dossier peut être ouvert sous l'actuelle Commission, il peut très bien se conclure sous la prochaine, à l'issue d'une échéance démocratique dans le cadre de laquelle les concitoyens européens seront appelés à voter pour des orientations. La France s'est déclarée ouverte, car nous y avons sans doute intérêt si les choses sont bien bordées. En particulier, certains points incontournables sont des préalables à discuter qui ne devront pas figurer dans le mandat.
Ce qui fait la spécificité française est l'exception culturelle. Toutefois, la France ne doit pas être la seule à demander que l'aspect culturel soit sorti du mandat. À l'heure où nous parlons, plusieurs pays ont déjà rallié la position française, par exemple la Pologne. Le président slovène, que j'ai rencontré à midi, m'a assuré également de son soutien. Le ministre allemand de la culture, à défaut du Gouvernement, a soutenu aussi la position d'Aurélie Filippetti en signant un courrier adressé au président de la Commission. D'autres pays sont sur le point de nous rejoindre, comme l'Italie et la Roumanie. Nous sommes plutôt bien partis pour obtenir cette exclusion. D'ailleurs, dans un précédent dossier de même nature entre l'Europe et le Canada où l'exception culturelle n'était pas sortie initialement, nous avons obtenu qu'elle le soit.
La Défense, à propos de laquelle M. Pueyo a exprimé sa préoccupation, constitue le deuxième point indiscutable. Partout où je vais, je relaie la position ferme de Jean-Yves Le Drian : pas d'ouverture des marchés publics de la Défense. Cela a toujours été le cas et nous souhaitons que les acquis ne soient pas remis en cause.
Le troisième point concerne tout ce qui reviendrait à mettre en cause des choix culturels très forts, des choix de protection des consommateurs et d'une qualité de l'agriculture et de ses produits dérivés. Mon collègue et ami Stéphane Le Foll est en première ligne sur ce dossier. Nous nous sommes vus ce matin. Il estime qu'on peut ouvrir la discussion dès lors que cette demande française est admise comme ligne rouge au mandat de négociation. Sur ce sujet de l'agriculture, ce sont les normes qui constituent les vraies difficultés.
En résumé, oui à la discussion sous réserve de l'exclusion de l'accord de libre-échange de ces trois points sensibles.
En venant ici, je découvre certains sujets et la pêche en eaux profondes est de ceux-là. Je suis désolé de ne pouvoir vous répondre précisément après seulement trois semaines dans mes fonctions. Je puis vous assurer que, d'ici peu, vous ne me prendrez plus en défaut. Ce que je peux vous dire, c'est que, l'été dernier, la Commission a fait une proposition à laquelle la France était opposée ainsi que, dans une moindre mesure, l'Espagne. Le vote de la commission environnement sur ce sujet n'est pas représentatif du vote du Parlement européen. Il y a donc matière à discussion. Le vote de la commission de la pêche, comme les discussions du Conseil, devraient permettre un compromis final plus équilibré. Les discussions se poursuivent.
Le Portugal, l'Irlande et la Grèce connaissent toujours des difficultés mais il y a des avancées positives. En Grèce, les réformes sont à l'oeuvre et les messages de la troïka sont plutôt positifs. Aujourd'hui, la Grèce peut de nouveau toucher des aides financières pour accompagner les réformes. Le risque que ce pays faisait courir à la zone euro est aujourd'hui bien écarté. L'Irlande a fait énormément d'efforts depuis le plan d'aide de 85 milliards d'euros de 2010, au titre duquel l'Europe a apporté 67 milliards. Elle commence peu à peu à retrouver de la visibilité sur les marchés financiers puisqu'elle a réussi à lever un emprunt de 5 milliards d'euros, il y a une dizaine de jours. C'est un signe que les marchés financiers la considèrent sur la bonne trajectoire. Lors de l'informel Écofin du 5 avril, un accord est intervenu pour étaler le remboursement des prêts contractés par le Portugal et l'Irlande. Il reste que ces pays ont besoin de retrouver également le chemin de la croissance, et l'Union européenne doit mobiliser tous les instruments politiques à cette fin.
À propos de croissance, précisément, sur les 120 milliards d'euros du pacte de croissance européen, la France recevra une part à due proportion de ce qu'elle représente. Sur cette question, un très bon rapport à mi-parcours a été rédigé par M. Razzi Hammadi, et la Commission elle-même devrait faire un rapport pour le mois de juin prochain. La France devrait récupérer quelque 2,1 milliards d'euros en fonds structurels. C'est grâce à de tels fonds qu'Alain Clayes a pu lancer l'aménagement à Poitiers du viaduc des Rocs, que j'ai visité la semaine dernière, et qui permettra de mettre en place un service de bus de haut niveau pour traverser la ville. Ce projet est l'un des tout premiers qui ait été financé sur cette enveloppe de 2,1 milliards. Une part très importante des 120 milliards d'euros sera assurée par la BEI, qui mobilisera ses moyens pour accompagner des projets publics, des collectivités locales, mais aussi, ce qui n'était pas possible par le passé, des investissements dans les hôpitaux et les universités. C'est dans le cadre du pacte de croissance qu'il a été décidé d'ouvrir les financements de la BEI aux hôpitaux et aux universités, ce que beaucoup d'élus ignorent encore. Pour notre pays, l'intervention de la BEI n'est pas neutre. Sa recapitalisation à hauteur de 10 milliards d'euros va lui permettre d'en prêter 60, sur lesquels la France pourrait bénéficier de 7 milliards de droits de tirage en 2013, 7 milliards en 2014 et 7 milliards en 2015.
Force est de constater que la mise en place a pris beaucoup de temps. Le vice-président de la BEI, que j'ai rencontré la semaine dernière, m'a expliqué qu'il a fallu attendre la modification des règlements puis, pour la recapitalisation, appeler la contribution des États jusqu'à atteindre les 10 milliards. La France a payé son 1,6 milliard il y a trois semaines. Aujourd'hui, la BEI est en capacité de prêter. Nous lui avons transmis des projets qui ont été repérés par les secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) notamment. Je trouve que les choses ne vont pas suffisamment vite. Si vous-mêmes avez la possibilité de motiver les services de la DATAR et des SGAR, n'hésitez pas à le faire.
Une petite ligne plus modeste de project bonds peut également bénéficier à la France. Quatre projets nous semblent pouvoir être soutenus via ces project bonds : deux programmes autoroutiers et deux programmes d'irrigation de territoire en réseaux d'information et de communication.
Un mot sur l'harmonisation fiscale, qui recouvre beaucoup de réalités. La TTF est une harmonisation fiscale en ce qu'elle implique le rapprochement des législations de onze États membres. Au cours des quelques pérégrinations que j'ai déjà pu effectuer dans différents États de l'Union, beaucoup des pays qui n'ont pas adhéré spontanément à l'idée de la TTF m'ont fait comprendre qu'ils souhaitaient ne pas être tenus éloignés des discussions de sa mise en place pour le jour où l'état de leur opinion publique ou du lobbying permettrait d'aborder le sujet.
L'harmonisation fiscale concerne aussi l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Elle est en cours : peu à peu, sous l'impulsion de la Commission, s'opère un rapprochement des taux ; à Chypre, le processus a été engagé à l'occasion de la crise ; un travail franco-allemand sur le sujet avance bien. La fiscalité de l'énergie fait également l'objet d'une réflexion, dans laquelle nous exigeons que soit prise en considération la taxation de CO2. À ce sujet, je regrette que le texte de backloading tendant à conforter le prix de la tonne de CO2 ait été repoussé, hier, par le Parlement européen, à une faible majorité. Ce texte a pâti d'une conjonction des contraires, une partie des eurodéputés considérant qu'on n'allait pas assez loin dans la fiscalité de l'écologie, une autre partie jugeant cette fiscalité trop lourde pour les entreprises. Il a également été prétexte à dépasser les logiques de partis, le sens national l'emportant sur le grand projet politique européen. Le pire a toutefois été évité puisque ce vote négatif n'est pas définitif : la Commission a été invitée à retravailler le texte pour le présenter à nouveau au Parlement. En ne rejetant pas complètement ce texte, les parlementaires ont fait preuve de maturité. De même, de nombreux chefs d'entreprises françaises m'ont dit souhaiter un prix de la tonne de CO2 suffisamment élevé pour créer une incitation à investir dans le développement durable et la protection de la planète. Or que s'est-il passé depuis hier ? Le marché a baissé. Alors qu'il n'était déjà pas élevé, il est aujourd'hui proche de zéro. Il faudra donc reparler de ce vrai sujet d'harmonisation fiscale sur lequel nous pourrions trouver un accord européen intéressant.
La politique de sécurité et de défense, pour laquelle nous souhaitons une approche ambitieuse sur trois volets, fera l'objet du Conseil de décembre 2013. Ce sommet sera l'occasion de revenir sur la question de l'état-major de l'Union européenne, qui est toujours sur la table, ainsi que de débattre sur les théâtres opérationnels. Au Mali notamment, il faut continuer à développer des opérations de formation pour que les Maliens puissent assurer complètement leur défense eux-mêmes. À ce sujet, les pays font preuve d'une réactivité assez positive en engageant, à due proportion de ce qu'ils représentent, quelques unités ou quelques centaines d'hommes. Nombreux sont les États membres de l'Union européenne à soutenir l'opération de sécurisation conduite par la France, qui, au-delà de son intérêt pour le pays concerné, peut avoir des développements intéressants à l'échelle internationale. Par ailleurs, nous attendons une communication de la Commission sur la base industrielle technologique de défense, aussi répondrai-je plus précisément à M. Pueyo par courrier. Les ministres de la défense des Vingt-sept discuteront de ces sujets à l'occasion d'une conférence affaires étrangères-défense la semaine prochaine.
Voilà les quelques éléments que je souhaitais vous apporter, même si j'ai bien conscience que toutes vos questions n'ont pas trouvé de réponse très précise. En cas de trop grande frustration, n'hésitez pas à me réinviter rapidement.
Pour autant que mes missions à travers l'Europe m'en laissent le temps, je me tiendrai à la disposition de votre commission. Je sais l'importance que peut avoir, à l'approche des Conseils, le travail de proximité entre Parlement et gouvernement, même si certains arbitrages de dernière minute entre pays rendent parfois l'exercice difficile. En tout cas, je vous assure de ma volonté d'être aussi réactif et pertinent qu'a pu l'être mon prédécesseur Bernard Cazeneuve, dont je compte bien qu'à la place qu'il occupe maintenant, il puisse toujours manifester, dans les arbitrages interministériels budgétaires, un intérêt pour la cause européenne.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 mai 2013