Déclaration de Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, sur les inégalités d'accès aux soins et à la santé, Marseille le 24 mai 2013.

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Circonstance : 53ème congrès de l'UNAPEL à Marseille le 24 mai 2013

Texte intégral


Un congrès est un rendez-vous important dans la vie d’une organisation. Je vous parle d’expérience…
C’est l’occasion de faire le point sur le travail accompli. Celui de l’UNAPEI est considérable. C’est aussi l’occasion de se projeter et d’engager une nouvelle séquence. De choisir vos priorités pour les mois et les années à venir.
Vous avez fait le choix de la santé et je comprends ce choix.
La santé, c’est la vie. Rien n’est plus important, et par conséquent, rien n’est plus injuste que les inégalités face à la maladie, mais aussi que les inégalités d’accès aux soins et à la santé. Si les premières sont le fait du destin, il nous appartient de lutter avec acharnement contre les secondes.
Ces inégalités sont des inégalités territoriales. Tous les territoires ne sont pas également dotés quand il s’agit de se soigner ; certains sont de véritables déserts médicaux.
Ces inégalités sont des inégalités sociales. La maladie touche davantage les plus démunis, ceux dont le travail est pénible, ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir et d’offrir à leurs enfants la meilleure alimentation.
Ces inégalités sont aussi liées à l’âge. Vivre plus longtemps est certainement le marqueur du progrès d’une société. Mais cela pose des défis immenses, notamment pour que cette vie plus longue soit une vie en bonne santé.
Et ces inégalités sont aussi liées au handicap. Le handicap qui met mal à l’aise, le handicap qui fait détourner le regard. Et finalement, le handicap que l’on ne voit plus, alors qu’il est là et qu’il appelle une attention particulière, parfois un accompagnement particulier, pour que les personnes handicapées puissent être prises en charge « comme tout le monde ». C’est bien cela l’enjeu : tenir compte des situations particulières pour assurer l’égalité entre tous.
Actuellement, les personnes handicapées sont trop souvent oubliées des actions de prévention et de santé publique.
Parce que l’expression de leur douleur n’est pas habituelle, elle n’est pas entendue. Ou mal entendue, mal interprétée.
Parce que la spécificité de leur situation n’est pas prise en compte, ces personnes passent largement au travers des campagnes de prévention.
Parce qu’elles sont écartées du marché de l’emploi, elles le sont aussi de la médecine du travail, subissant une sorte de double peine. Les difficultés à mener une vie ordinaire, dans l’école, dans l’entreprise, dans la cité, se traduisent par une prise en charge sanitaire qui n’est pas non plus ordinaire, qui n’est pas celle de tout un chacun.
Les personnes handicapées ont plus de difficultés que les autres à bénéficier de soins courants : soins bucco-dentaires, gynécologie, ophtalmologie, orthodontie, etc…
Bien souvent, c’est à l’hôpital que ces soins, pourtant simples, doivent être réalisés. Et parfois en urgence, avec toutes les difficultés que cela engendre, pour les personnes handicapées, leur entourage et aussi le personnel soignant.
Au final, comme le souligne le livre blanc que vous publiez, les personnes handicapées sont plus exposées que la population générale, non seulement du fait de leur handicap qui les prédispose à un risque plus élevé, mais également du fait d’une prise en charge insuffisante ou inadéquate.
Les raisons de cette situation sont multiples : la mauvaise accessibilité des lieux de soins ou la délicate coordination des intervenants entre secteurs médico-social et sanitaire sont deux écueils majeurs. Les réticences des personnes handicapées elles- mêmes constituent parfois un obstacle.
Mais je crois que le coeur du problème, c’est la méconnaissance mutuelle.
Nous devons, tous, la société entière, nous familiariser avec cette différence qu’est le handicap.
Nous vivons dans une société de la différence. L’autonomie, l’originalité personnelle, l’épanouissement de nos sensibilités, sont nos aspirations les mieux partagées. La variété des opinions, des origines, des cultures, des sexualités, des styles de vie est notre lot commun. Nous baignons dans cette diversité. Et si la tolérance n’est pas toujours au rendez-vous, il est incontestable qu’elle progresse considérablement.
Pourtant, toutes ces différences ne se valent pas. Comme s’il y avait des différences plus différentes que d’autres, plus irréductibles. Malheureusement, le handicap fait encore partie de celles-ci.
Le handicap paraît à ceux qui ne le côtoient pas, et parfois même à ceux qui le côtoient, particulièrement étrange.
Notre objectif est clair : nous devons faire en sorte que les professionnels de santé connaissent le handicap.
Nous le devons pour que plus aucune demande de soins ne soit refusée du seul fait du handicap.
Nous le devons pour que plus aucune personne handicapée ne ressorte des urgences sans les soins dont elle a besoin. Et si possible pour qu’elle évite les urgences quand cela n’est pas indispensable.
Nous le devons aux personnes handicapées dont la santé mérite d’être protégée au même titre que tout autre personne.
L’accès aux soins et à la santé des personnes handicapées sera donc une préoccupation majeure de la stratégie nationale de santé que dévoilera Marisol Touraine très prochainement.
C’est dans cette perspective que j’ai confié, dès ma prise de fonction, une mission à Pascal Jacob. Il remettra son rapport début juin, autant dire demain, à la Ministre de la santé et moi-même. Cette contribution sera une contribution très importante qui viendra s’ajouter aux conclusions du groupe de travail « Accès aux soins » du CNCPH, aux résultats de l’Audition publique organisée par la HAS en 2008 sur l’accès aux soins des personnes handicapées et bien sûr au livre blanc que vous venez de publier et qui est d’une grande qualité.
A partir de tout ce travail, de toute cette expertise, nous allons prendre des décisions au cours du prochain Comité Interministériel du Handicap (CIH). Celui-ci n’avait jamais été réuni depuis sa création ; j’ai souhaité le réactiver, avec l’accord du Premier Ministre.
Ce rendez-vous majeur témoigne de l’implication collective de notre Gouvernement pour améliorer la prise en charge du handicap. Il témoigne de notre attachement à la solidarité vis-à-vis de nos concitoyens qui connaissent, temporairement ou durablement, une situation de vulnérabilité.
L’accès aux soins est l’un des quatre points qui sera abordé à l’occasion de ce Comité Interministériel.
Nous le ferons avec la volonté ferme d’améliorer :
- l’organisation de l’offre de premier recours, par la constitution d’équipes pluri-professionnelles de proximité
- la prise en charge hospitalière des personnes handicapées par la mise en place d’un appui spécifique aux équipes médicales et paramédicales
- l’accessibilité des lieux de soins grâce à des efforts d’organisation, d’information des personnes handicapées et de leurs famille, et d’accompagnement des professionnels de santé
- l’accès à la prévention au plan individuel à travers l’amélioration du suivi médical et au plan collectif par l’adaptation des actions de santé publique
- les pratiques des professionnels de santé par une sensibilisation accrue au handicap lors de leur formation et la diffusion des recommandations de la HAS
- enfin, la coordination entre secteurs sanitaire et médico-social.
Il est trop tôt pour que j’entre davantage dans le détail mais sachez que le cap est fixé et que des décisions seront prises à l’issue du CIH.
Même si ce n’est pas le thème de votre congrès, vous ne me tiendrez pas rigueur de vous signaler ce que seront les autres axes de ce CIH.
Je veux que nous traitions de l’accessibilité.
De l’accessibilité « physique », de celle du bâti notamment, qui a pris beaucoup de retard. Le Gouvernement précédent a préféré dissimuler le rapport de l’IGAS qui faisait état des difficultés… Je crois au contraire qu’il faut avoir le courage de les affronter et de trouver des solutions pragmatiques pour maintenir l’échéance de 2015.
Mais au-delà de cette échéance, je veux continuer à avancer énergiquement sur le chemin de l’accessibilité universelle. C’était une grande idée de la loi de 2005, mais vous avez raison Madame la Présidente : une grande idée qui ne trouve pas à s’appliquer cesse d’être une grande idée pour devenir une grande faillite.
L’égalité est la raison d’être du Gouvernement, c’est son identité. L’égalité pour laquelle nous nous battons n’est pas une égalité formelle, elle est une égalité réelle, une égalité en actes.
J’aurai rempli ma part si l’accessibilité universelle se concrétise. Cela prendra du temps avant qu’elle soit totale, mais j’ai la ferme intention qu’elle progresse significativement dans le domaine de l’emploi, de l’école, de la citoyenneté et tout simplement de la vie.
L’emploi est la priorité de notre Gouvernement. Pour les tous les Français, sans exclusive. Notre nation a besoin de tous les talents, de toutes les énergies, pour sortir de la crise et relancer notre économie. Le sous-emploi des personnes handicapées est un gâchis collectif en plus d’être souvent un drame individuel.
Le secteur protégé répond à ces deux dimensions : il permet d’une part de reconnaître les compétences et la valeur sociale des travailleurs handicapés ; et d’autre part, il participe, au sein de la galaxie de l’économie sociale et solidaire, à consolider notre capacité de production. Je pars d’un principe : personne n’est inemployable.
Je veux donc l’accessibilité dans le travail mais aussi à l’école. Je veux offrir de nouvelles perspectives aux jeunes handicapés. Ils sont la jeunesse de notre pays, son avenir, son espoir, au même titre que chaque jeune de France.
C’est pour eux que nous avons créé des postes d’auxiliaires de vie scolaire ; c’est pour eux que nous voulons avec George Pau-Langevin aller vers la professionnalisation des accompagnants ; c’est pour eux encore que nous devons renforcer la coopération entre milieu ordinaire et milieu médico-social.
Je vous avais promis que Vincent Peillon se libérerait pour votre congrès ; malheureusement, il est retenu au Sénat où la loi de refondation de l’école est discutée. Mais il m’a assuré qu’il viendrait rapidement vous rencontrer.
Par accessibilité, j’entends aussi la possibilité d’exercer pleinement sa citoyenneté. Là encore, le droit de vote est une avancée importante mais ce n’est pas un aboutissement. Être un citoyen, c’est pouvoir voter en conscience. C’est donc pour voir accéder à l’information et au débat public. Cette exigence a conduit à la transcription du discours de politique générale du Premier Ministre en facile à lire et à comprendre. C’était un acte important ; il doit être suivi d’autres jusqu’à devenir la norme.
Rien ne doit empêcher les personnes handicapées d’être des écoliers et des étudiants, des travailleurs, des citoyens. Plus fondamentalement encore, rien ne doit les empêcher d’exprimer leurs sentiments d’hommes et de femmes, de connaître la joie de l’amitié et les tracas de l’amour. Ou l’inverse.
Cette dimension existentielle doit donc être présente à travers la construction de moments et d’espaces qui permettent l’épanouissement relationnel, y compris au sein de l’institution.
Mesdames, Messieurs les congressistes,
Je vous souhaite d’excellents travaux. Des travaux utiles à notre engagement commun pour que les personnes handicapées mentales puissent non seulement vivre dans des conditions dignes, c’est la moindre des choses, mais qu’elles puissent vivre une vie riche, une vie dense, comme chacun y prétend.
J’imagine que les sujets de doutes quant à la politique qui est menée par le Gouvernement existent. Il y a une chose sur laquelle j’espère que nous pourrons être d’accord : les associations, les corps intermédiaires, sont respectés. La concertation est au coeur de notre action. L’élaboration du 3è plan autisme en est encore une preuve récente. J’en profite d’ailleurs pour remercier Christel Prado qui a été en première ligne dans ce travail collectif.
Alors, je vais vous laisser reprendre vos réflexions ; je tenais à saluer votre contribution, exigeante mais constructive, à faire de notre pays un pays plus égalitaire, plus attentif au respect des personnes handicapées. Et finalement un pays dont nous sommes fiers quand il offre le visage d’une République vivace et soudée.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 24 mai 2013