Texte intégral
Un congrès est un rendez-vous important dans la vie dune organisation. Je vous parle dexpérience
Cest loccasion de faire le point sur le travail accompli. Celui de lUNAPEI est considérable. Cest aussi loccasion de se projeter et dengager une nouvelle séquence. De choisir vos priorités pour les mois et les années à venir.
Vous avez fait le choix de la santé et je comprends ce choix.
La santé, cest la vie. Rien nest plus important, et par conséquent, rien nest plus injuste que les inégalités face à la maladie, mais aussi que les inégalités daccès aux soins et à la santé. Si les premières sont le fait du destin, il nous appartient de lutter avec acharnement contre les secondes.
Ces inégalités sont des inégalités territoriales. Tous les territoires ne sont pas également dotés quand il sagit de se soigner ; certains sont de véritables déserts médicaux.
Ces inégalités sont des inégalités sociales. La maladie touche davantage les plus démunis, ceux dont le travail est pénible, ceux qui nont pas les moyens de soffrir et doffrir à leurs enfants la meilleure alimentation.
Ces inégalités sont aussi liées à lâge. Vivre plus longtemps est certainement le marqueur du progrès dune société. Mais cela pose des défis immenses, notamment pour que cette vie plus longue soit une vie en bonne santé.
Et ces inégalités sont aussi liées au handicap. Le handicap qui met mal à laise, le handicap qui fait détourner le regard. Et finalement, le handicap que lon ne voit plus, alors quil est là et quil appelle une attention particulière, parfois un accompagnement particulier, pour que les personnes handicapées puissent être prises en charge « comme tout le monde ». Cest bien cela lenjeu : tenir compte des situations particulières pour assurer légalité entre tous.
Actuellement, les personnes handicapées sont trop souvent oubliées des actions de prévention et de santé publique.
Parce que lexpression de leur douleur nest pas habituelle, elle nest pas entendue. Ou mal entendue, mal interprétée.
Parce que la spécificité de leur situation nest pas prise en compte, ces personnes passent largement au travers des campagnes de prévention.
Parce quelles sont écartées du marché de lemploi, elles le sont aussi de la médecine du travail, subissant une sorte de double peine. Les difficultés à mener une vie ordinaire, dans lécole, dans lentreprise, dans la cité, se traduisent par une prise en charge sanitaire qui nest pas non plus ordinaire, qui nest pas celle de tout un chacun.
Les personnes handicapées ont plus de difficultés que les autres à bénéficier de soins courants : soins bucco-dentaires, gynécologie, ophtalmologie, orthodontie, etc
Bien souvent, cest à lhôpital que ces soins, pourtant simples, doivent être réalisés. Et parfois en urgence, avec toutes les difficultés que cela engendre, pour les personnes handicapées, leur entourage et aussi le personnel soignant.
Au final, comme le souligne le livre blanc que vous publiez, les personnes handicapées sont plus exposées que la population générale, non seulement du fait de leur handicap qui les prédispose à un risque plus élevé, mais également du fait dune prise en charge insuffisante ou inadéquate.
Les raisons de cette situation sont multiples : la mauvaise accessibilité des lieux de soins ou la délicate coordination des intervenants entre secteurs médico-social et sanitaire sont deux écueils majeurs. Les réticences des personnes handicapées elles- mêmes constituent parfois un obstacle.
Mais je crois que le coeur du problème, cest la méconnaissance mutuelle.
Nous devons, tous, la société entière, nous familiariser avec cette différence quest le handicap.
Nous vivons dans une société de la différence. Lautonomie, loriginalité personnelle, lépanouissement de nos sensibilités, sont nos aspirations les mieux partagées. La variété des opinions, des origines, des cultures, des sexualités, des styles de vie est notre lot commun. Nous baignons dans cette diversité. Et si la tolérance nest pas toujours au rendez-vous, il est incontestable quelle progresse considérablement.
Pourtant, toutes ces différences ne se valent pas. Comme sil y avait des différences plus différentes que dautres, plus irréductibles. Malheureusement, le handicap fait encore partie de celles-ci.
Le handicap paraît à ceux qui ne le côtoient pas, et parfois même à ceux qui le côtoient, particulièrement étrange.
Notre objectif est clair : nous devons faire en sorte que les professionnels de santé connaissent le handicap.
Nous le devons pour que plus aucune demande de soins ne soit refusée du seul fait du handicap.
Nous le devons pour que plus aucune personne handicapée ne ressorte des urgences sans les soins dont elle a besoin. Et si possible pour quelle évite les urgences quand cela nest pas indispensable.
Nous le devons aux personnes handicapées dont la santé mérite dêtre protégée au même titre que tout autre personne.
Laccès aux soins et à la santé des personnes handicapées sera donc une préoccupation majeure de la stratégie nationale de santé que dévoilera Marisol Touraine très prochainement.
Cest dans cette perspective que jai confié, dès ma prise de fonction, une mission à Pascal Jacob. Il remettra son rapport début juin, autant dire demain, à la Ministre de la santé et moi-même. Cette contribution sera une contribution très importante qui viendra sajouter aux conclusions du groupe de travail « Accès aux soins » du CNCPH, aux résultats de lAudition publique organisée par la HAS en 2008 sur laccès aux soins des personnes handicapées et bien sûr au livre blanc que vous venez de publier et qui est dune grande qualité.
A partir de tout ce travail, de toute cette expertise, nous allons prendre des décisions au cours du prochain Comité Interministériel du Handicap (CIH). Celui-ci navait jamais été réuni depuis sa création ; jai souhaité le réactiver, avec laccord du Premier Ministre.
Ce rendez-vous majeur témoigne de limplication collective de notre Gouvernement pour améliorer la prise en charge du handicap. Il témoigne de notre attachement à la solidarité vis-à-vis de nos concitoyens qui connaissent, temporairement ou durablement, une situation de vulnérabilité.
Laccès aux soins est lun des quatre points qui sera abordé à loccasion de ce Comité Interministériel.
Nous le ferons avec la volonté ferme daméliorer :
- lorganisation de loffre de premier recours, par la constitution déquipes pluri-professionnelles de proximité
- la prise en charge hospitalière des personnes handicapées par la mise en place dun appui spécifique aux équipes médicales et paramédicales
- laccessibilité des lieux de soins grâce à des efforts dorganisation, dinformation des personnes handicapées et de leurs famille, et daccompagnement des professionnels de santé
- laccès à la prévention au plan individuel à travers lamélioration du suivi médical et au plan collectif par ladaptation des actions de santé publique
- les pratiques des professionnels de santé par une sensibilisation accrue au handicap lors de leur formation et la diffusion des recommandations de la HAS
- enfin, la coordination entre secteurs sanitaire et médico-social.
Il est trop tôt pour que jentre davantage dans le détail mais sachez que le cap est fixé et que des décisions seront prises à lissue du CIH.
Même si ce nest pas le thème de votre congrès, vous ne me tiendrez pas rigueur de vous signaler ce que seront les autres axes de ce CIH.
Je veux que nous traitions de laccessibilité.
De laccessibilité « physique », de celle du bâti notamment, qui a pris beaucoup de retard. Le Gouvernement précédent a préféré dissimuler le rapport de lIGAS qui faisait état des difficultés Je crois au contraire quil faut avoir le courage de les affronter et de trouver des solutions pragmatiques pour maintenir léchéance de 2015.
Mais au-delà de cette échéance, je veux continuer à avancer énergiquement sur le chemin de laccessibilité universelle. Cétait une grande idée de la loi de 2005, mais vous avez raison Madame la Présidente : une grande idée qui ne trouve pas à sappliquer cesse dêtre une grande idée pour devenir une grande faillite.
Légalité est la raison dêtre du Gouvernement, cest son identité. Légalité pour laquelle nous nous battons nest pas une égalité formelle, elle est une égalité réelle, une égalité en actes.
Jaurai rempli ma part si laccessibilité universelle se concrétise. Cela prendra du temps avant quelle soit totale, mais jai la ferme intention quelle progresse significativement dans le domaine de lemploi, de lécole, de la citoyenneté et tout simplement de la vie.
Lemploi est la priorité de notre Gouvernement. Pour les tous les Français, sans exclusive. Notre nation a besoin de tous les talents, de toutes les énergies, pour sortir de la crise et relancer notre économie. Le sous-emploi des personnes handicapées est un gâchis collectif en plus dêtre souvent un drame individuel.
Le secteur protégé répond à ces deux dimensions : il permet dune part de reconnaître les compétences et la valeur sociale des travailleurs handicapés ; et dautre part, il participe, au sein de la galaxie de léconomie sociale et solidaire, à consolider notre capacité de production. Je pars dun principe : personne nest inemployable.
Je veux donc laccessibilité dans le travail mais aussi à lécole. Je veux offrir de nouvelles perspectives aux jeunes handicapés. Ils sont la jeunesse de notre pays, son avenir, son espoir, au même titre que chaque jeune de France.
Cest pour eux que nous avons créé des postes dauxiliaires de vie scolaire ; cest pour eux que nous voulons avec George Pau-Langevin aller vers la professionnalisation des accompagnants ; cest pour eux encore que nous devons renforcer la coopération entre milieu ordinaire et milieu médico-social.
Je vous avais promis que Vincent Peillon se libérerait pour votre congrès ; malheureusement, il est retenu au Sénat où la loi de refondation de lécole est discutée. Mais il ma assuré quil viendrait rapidement vous rencontrer.
Par accessibilité, jentends aussi la possibilité dexercer pleinement sa citoyenneté. Là encore, le droit de vote est une avancée importante mais ce nest pas un aboutissement. Être un citoyen, cest pouvoir voter en conscience. Cest donc pour voir accéder à linformation et au débat public. Cette exigence a conduit à la transcription du discours de politique générale du Premier Ministre en facile à lire et à comprendre. Cétait un acte important ; il doit être suivi dautres jusquà devenir la norme.
Rien ne doit empêcher les personnes handicapées dêtre des écoliers et des étudiants, des travailleurs, des citoyens. Plus fondamentalement encore, rien ne doit les empêcher dexprimer leurs sentiments dhommes et de femmes, de connaître la joie de lamitié et les tracas de lamour. Ou linverse.
Cette dimension existentielle doit donc être présente à travers la construction de moments et despaces qui permettent lépanouissement relationnel, y compris au sein de linstitution.
Mesdames, Messieurs les congressistes,
Je vous souhaite dexcellents travaux. Des travaux utiles à notre engagement commun pour que les personnes handicapées mentales puissent non seulement vivre dans des conditions dignes, cest la moindre des choses, mais quelles puissent vivre une vie riche, une vie dense, comme chacun y prétend.
Jimagine que les sujets de doutes quant à la politique qui est menée par le Gouvernement existent. Il y a une chose sur laquelle jespère que nous pourrons être daccord : les associations, les corps intermédiaires, sont respectés. La concertation est au coeur de notre action. Lélaboration du 3è plan autisme en est encore une preuve récente. Jen profite dailleurs pour remercier Christel Prado qui a été en première ligne dans ce travail collectif.
Alors, je vais vous laisser reprendre vos réflexions ; je tenais à saluer votre contribution, exigeante mais constructive, à faire de notre pays un pays plus égalitaire, plus attentif au respect des personnes handicapées. Et finalement un pays dont nous sommes fiers quand il offre le visage dune République vivace et soudée.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 24 mai 2013