Interview de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, à "RMC" le 21 mai 2013, sur la lutte contre l'évasion fiscale, sur la réforme bancaire.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous avez écouté Jérôme CAHUZAC sur RTL tout à l’heure ?
PIERRE MOSCOVICI
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, vous n’avez pas perdu grand-chose. Parce qu’il n’a pas dit, il n’a rien dit sur ce que vous auriez pu savoir au gouvernement, sur la fraude fiscale commise par Jérôme CAHUZAC. Il avait quand même dit, c’était il y a quelques jours : « c’est moins grave de mentir pendant 15 secondes devant 577 députés que de mentir depuis un an, sur l’état de la France, comme le fait François HOLLANDE. »
PIERRE MOSCOVICI
Je ne sais pas s’il a dit ça ! Mais je trouve ce propos totalement déplacé, s’il a été tenu. Parce qu’un côté, il y a un manquement à l’éthique républicaine, il y a un mensonge que d’ailleurs, il a lui-même confessé, dont il a tiré les leçons, péniblement peut-être, mais il les a tirées et de l’autre côté, il y a une vérité. Et jamais nous n’avons menti aux Français ! Jamais ! La campagne présidentielle a été une campagne de vérité. C’était une campagne qui a dit aux Français : la situation est grave, la crise est là, nous allons réduire les déficits, nous vous demanderons des efforts, il y aura dans ce quinquennat deux temps. Un temps qui est un temps de redressement, et nous y sommes et puis un temps de dépassement. Et puis, il y a aussi le fait, que nous vivons dans un environnement, nous ne sommes pas un isola, la France, ce n’est pas une île. La France est un pays qui est au coeur de l’Europe, et ce qui s’est produit, et ce qui explique, en effet, que les chiffres soient moins bons, et Jérôme CAHUZAC était bien placé pour les connaître ! Puisqu’il était ministre délégué chargé du Budget auprès de moi. Ce qui explique que les chiffres soient moins bons, c’est tout simplement que la zone euro connaît une deuxième année de récession. Ce qui explique que les chiffres soient moins bons, c’est tout simplement, que la zone euro connait une deuxième année de récession. Ce qui explique l’orientation qui a été prise par le président de la République, François HOLLANDE, dans sa conférence de presse qui est double, c’est un, comment peut-on sortir la France de la crise, en la rendant plus forte, plus réactive, plus créative, plus innovante, en un mot plus compétitive ? Et de l’autre côté, comment peut-on donner un avenir à l’Europe ? Et ces deux choses, elles vont ensemble.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va en parler !
PIERRE MOSCOVICI
Etre Français et être Européen ce sont deux choses qui ne s’opposent pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va en parler, Pierre MOSCOVICI.
PIERRE MOSCOVICI
Et donc il n’y a aucun mensonge.
JEAN-JACQUES BOURDIN
4 décembre 2012, révélation de l’existence du compte CAHUZAC, par MEDIAPART. 2 avril, aveux, mise en examen, Jérôme CAHUZAC, 4 mois. Vous allez être auditionné par la Commission d’enquête parlementaire. Edwy PLENEL, vous accuse d’avoir instrumentalisé l’administration fiscale pour protéger Jérôme CAHUZAC. Qu’allez-vous dire à la Commission ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, nous n’en sommes plus tout à fait là ! Vous situez…dans ce que je sais, y compris dans les accusations d’Edwy PLENEL, il va s’exprimer devant la Commission d’enquête, je le ferais à mon tour. Ce que je veux vous dire, c’est ce que j’ai déjà dit devant la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, c’était il y a plus d’un mois. Ce que j’ai constaté, c’est que depuis que je me suis expliqué de manière très claire, en disant la vérité, à savoir que l’administration fiscale, avait fait tout ce qu’elle pouvait, tout ce qu’elle devait, qu’elle avait été irréprochable, exemplaire, sous mon autorité. Eh bien, on n’en parle plus ! On en reparlera devant la Commission d’enquête. Moi, je respecte les parlementaires, j’irai devant eux, je prêterai serment, j’ai toujours dit la vérité, je dirai la même vérité. Et honnêtement non ! Faire un procès à l’administration fiscale ou au gouvernement, pour une faute qui est une faute personnelle, non ! C’est peut-être un procédé politique, mais ce n’est pas une vérité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il n’y a pas de vérité à attendre ? Pas de vérité, pas de révélation à attendre ? La vérité, c’est celle que vous exposez ce matin ?
PIERRE MOSCOVICI
Mais la vérité, elle est très simple, c’est que jusqu’au jour où Jérôme CAHUZAC a fait l’aveu qu’il avait menti. Eh bien, personne, je dis bien personne dans le gouvernement n’était au courant de cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On pensait qu’il était possible qu’il détienne un compte en Suisse.
PIERRE MOSCOVICI
Je dis bien personne ne savait. Et j’ajoute que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Certains le pensaient…vous pensiez que c’était possible ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, ce n’est pas ça que je veux dire. A partir du moment où l’administration fiscale a fait des diligences, et elle en a faite ! Un certain nombre, je ne vais pas y revenir ici. C’est qu’elle estimait, en effet, que dès lors qu’il y avait une enquête préliminaire, il était logique qu’elle les fasse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dites-moi, Bernard CAZENEUVE planche sur les mesures pour faire revenir les exilés fiscaux, sous votre autorité j’imagine ?
PIERRE MOSCOVICI
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que c’est vous le patron à Bercy !
PIERRE MOSCOVICI
Attendez, resituons ça, parce que ça c’est une…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, on va parler des exilés. De l’exilé fiscal…
PIERRE MOSCOVICI
C’est le titre d’une dépêche ! Je voudrais que l’on reprenne les choses dans l’ordre. D’abord, il y a eu une démarche qui a été proposée, impulsée par le président de la République, à laquelle il tient fondamentalement, qui est une démarche de moralisation de la vie publique, qui passe par des éléments de transparence, on le sait. Transparence des patrimoines, transparence sur les conflits d’intérêt, qui passe par une dimension internationale, qui est étroitement liée à ça, j’espère qu’on en parlera, c'est-à-dire faire en sorte que dans l’Europe, on fasse reculer, les paradis fiscaux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, on va en parler.
PIERRE MOSCOVICI
Qu’on fasse reculer le secret bancaire. Qu’on passe, s’agissant des comptes à l’étranger, ce qu’on appelle l’échange de données à la demande. Autrement dit, est-ce que monsieur X a un compte à l’étranger ? On le demande, on a une réponse, on n’en a pas. Non ! Faisons autre chose, c'est-à-dire l’échange automatique de données.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va en parler.
PIERRE MOSCOVICI
Donc et la troisième dimension, c’est la lutte contre la fraude fiscale. Et dans ce contexte-là, un projet de loi, sera voté par le parlement, dans la deuxième quinzaine de juin, et qui est en effet préparé par Bernard CAZENEUVE, par Christiane TAUBIRA, avec moi-même et nous le présenterons, qui va faire en sorte que nous soyons plus efficaces dans la lutte contre la fraude fiscale. Et ça veut dire quoi ? Ça veut dire d’abord, renforcer l’administration fiscale. Ça veut dire renforcer aussi l’arsenal juridique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Renforcer comment ?
PIERRE MOSCOVICI
En terme humain d’abord.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En terme humain…
PIERRE MOSCOVICI
Oui, et en terme…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que vous allez renforcer les équipes, embaucher, je ne sais pas…
PIERRE MOSCOVICI
Une cinquantaine de personnes, parce que nous sommes aussi, dans un contexte de finances publiques qui est contraint…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, difficile.
PIERRE MOSCOVICI
Mais aussi donner des moyens d’investigation supplémentaire. Faire en sorte, qu’il y ait un Parquet qui puisse travailler sur ces questions. Que la coopération entre le ministère de la Justice et le ministère des Finances soit meilleure, tout en respectant le rôle des uns et des autres. Et faire en sorte aussi, de durcir les sanctions contre les fraudeurs. Ce que nous avions déjà commencé à faire. Parce que je voudrais quand même rappeler, les enjeux, ils sont considérables. On peut estimer à l’échelle de l’Europe, il y a des estimations qu’ils font à peu près…
JEAN-JACQUES BOURDIN
1000 milliards…
PIERRE MOSCOVICI
A peu près 1000 milliards, et s’agissant de la France, ça peut aller de 60 à 80 milliards. Enfin ce sont des chiffres maximaux sans doute. Est-ce que vous savez que la…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un euro sur 5 échapperait au fisc.
PIERRE MOSCOVICI
Est-ce que vous savez que la lutte contre la fraude fiscale, a rapporté en 2012, 18 milliards d’euros. 16 milliards au titre des droits dus et 2 milliards au titre des pénalités. Non, je me trompe de chiffre, c’est 13 et 5 et que ça a augmenté de 2 milliards, c’est ce chiffre-là, que je cherchais. Ca a augmenté de 2 milliards, grâce à la diligence que nous avons faite. Et si on est capable…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pouvez faire encore mieux ?
PIERRE MOSCOVICI
On peut faire mieux. Et donc c’est ce que Bernard CAZENEUVE va mettre en oeuvre, dans le cadre de ce projet de loi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc augmenter les sanctions, c'est-à-dire ? Aller jusqu’où ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, on peut faire en sorte, je vais prendre un exemple, on l’a déjà fait. Prenez l’exemple de quelqu’un qui a un compte à l’étranger non-déclaré, on s’aperçoit etc. eh bien, il doit payer 60 % là-dessus, sur tout ! Et on peut aller jusqu’à des peines de prison. Et c’est dans ce…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jérôme CAHUZAC paiera 60 % sur tout ?
PIERRE MOSCOVICI
Oui, sans aucun doute. Mais enfin, là, c’est la justice qui fait son travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, non, mais d’accord, mais enfin la justice fiscale, ça existe aussi.
PIERRE MOSCOVICI
Oui, enfin, parfois, il y a des affaires de secret fiscal et la justice est à l’oeuvre. Donc je ne vais pas me prononcer sur une situation. Parce que ce qui est en jeu, entre nous, ce n’est pas ce compte-là et ce n’est pas la raison pour laquelle nous faisons ça. C’est cette grande masse et c’est aussi le fait que la fraude fiscale, c’est un comportement qui est contraire à la morale, et c’est aussi un comportement qui est contraire à l’intérêt économique des Etats. Au moment où on parle de réduire les déficits…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jérôme CAHUZAC en prison, ce n’est pas impossible, puisque les sanctions seront alourdies. Je ne veux pas non plus, à chaque fois, non, mais ce n’est pas impossible ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, honnêtement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va oublier CAHUZAC !
PIERRE MOSCOVICI
Oui, oubliez-le, dans la mesure où il y a…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous, vous avez envie de l’oublier ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, pas du tout ! Mais il y a la justice qui travaille, il y a une enquête judiciaire, il y a une mise en examen. Donc franchement, vous savez, nous ne sommes pas là, pour faire la justice à la place de la justice.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors on est d’accord. Est-ce que vous êtes en train de préparer une accélération du retour en France, des exilés fiscaux.
PIERRE MOSCOVICI
Je ne dirais pas les choses comme ça !
JEAN-JACQUES BOURDIN
C’est ce que dit Bernard CAZENEUVE…
PIERRE MOSCOVICI
Non, ce que dit Bernard CAZENEUVE…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Accélérer le retour en France des exilés fiscaux et de leurs impôts !
PIERRE MOSCOVICI
Ce que dit Bernard CAZENEUVE, c’est que dès lors que quelqu’un est exilé fiscal, et on sait que c’est un problème, un problème, qui, je le dis au passage, contrairement à une idée reçue, ne s’est pas accélérée, ne s’est pas approfondie au cours des dernières années. C'est-à-dire qu’il y a un flux constant, il y a une érosion….
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, il n’y a pas plus de Français partant…
PIERRE MOSCOVICI
Des bases fiscales et évidemment pour tout Etat, l’objectif de voir les évadés fiscaux, les exilés fiscaux revenir en France est un objectif positif. Mais ce qu’a dit aussi, Bernard CAZENEUVE, et je le soutiens totalement dans cette démarche, c’est qu’il n’est pas question de mettre en place, des processus opaques….
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une amnistie fiscale ?
PIERRE MOSCOVICI
Une amnistie fiscale, des cellules de régularisation. Ce qu’il faut faire, c’est mettre en place des processus, des procédures de droit commun, qui permettent à celui qui pour des raisons X, Y ou Z, aurait choisi de s’exiler fiscalement, de revenir en France, avec une discussion avec le fisc, sur l’impôt dû. Voilà ce qui est possible. Sans encore une fois, déroger au droit commun.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que je suis exilé fiscal, je veux revenir en France…
PIERRE MOSCOVICI
Vous parlez avec le fisc.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je parle avec le fisc…
PIERRE MOSCOVICI
Et puis, vous voyez avec lui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On peut trouver un accord quoi !
PIERRE MOSCOVICI
Un accord dans le respect du droit, mon cher Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, dans le respect du droit.
PIERRE MOSCOVICI
Car il n’est pas question, je le répète, de procéder à je ne sais quelle amnistie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si je trouve un accord avec le fisc, je ne risque pas de sanctions pénales ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, ce sera, c’est une discussion qu’on met en place.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C’est ce que je comprends !
PIERRE MOSCOVICI
Attendez le projet de loi, mais c’est une discussion que l’on met en place. Par définition, si on…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire évidemment, si je trouve un accord avec le fisc, je ne vais pas être sanctionné pénalement ?
PIERRE MOSCOVICI
C’est bien l’idée, c’est l’idée de discuter.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Discuter avec tous les exilés fiscaux ?
PIERRE MOSCOVICI
Mais c’est l’idée de revenir, encore une fois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je paie ce que je dois…
PIERRE MOSCOVICI
Sans passe-droit, absolument ! Vous payez ce que vous devez et c’est le retour en France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je paie ce que je dois, mais je ne risque pas d’aller en prison.
PIERRE MOSCOVICI
Absolument !
JEAN-JACQUES BOURDIN
C’est ça ?
PIERRE MOSCOVICI
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La finalité, l’objectif ?
PIERRE MOSCOVICI
Absolument, l’idée, c’est bien de permettre le retour des exilés fiscaux, mais de le faire, je le répète encore une fois, parce que dans le passé, il y a eu ce qu’on appelait « les cellules de dégrisement » « les cellules de régularisation » etc. il n’est pas question, pas question pour nous, de faire un je ne sais quelle amnistie ou je ne sais quelle régularisation, qui serait opaque.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ça serait une amnistie déguisée quand même ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, non, non ! C’est une discussion.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, c’est une discussion fiscale. La lutte contre la fraude fiscale…
PIERRE MOSCOVICI
C’est un cadre de discussion fiscale. Pour faire en sorte, mais attendez, parce que je veux quand même insister, il faut comprendre la finalité. La finalité, ce n’est pas de faire un cadeau aux exilés fiscaux, c’est de faire en sorte que la France, redevienne une terre attractive sur le plan fiscal et que ce soit là où les Français paient leurs impôts. Et ça, c’est vertueux. Parce que à la fois, ça casse le mécanisme d’évasion fiscale, et en même temps ça permet des rentrées supplémentaires, pour le Trésor public et nous en avons besoin, vous savez que la meilleure façon de réduire les déficits, c’est d’augmenter la lutte contre la fraude fiscale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La lutte contre la fraude fiscale justement, réunion à Bruxelles. Alors l’idée c’est d’échanger des informations, entre pays et entre pays notamment qui accueillent ces exilés fiscaux, informations sur les données bancaires, le problème, c’est qu’il y a deux pays en Europe, Luxembourg et l’Autriche, le Luxembourg et l’Autriche, qui ne veulent pas qu’on touche trop au secret bancaire.
PIERRE MOSCOVICI
Alors vous permettez que je revienne un tout petit peu en amont. D’abord, ce problème, est un problème qui concerne la communauté internationale et qui est en train d’arriver très haut dans les préoccupations des Européens, des membres du G7, les principaux pays avancés, des membres du G20, les 20 plus grands pays de la planète. Et ce que je veux dire, ici, c’est qu’il faut être conscient qu’il y a quelque chose qui est en train de se passer en ce moment, qui est gigantesque et irrésistible. C'est-à-dire qu’il y a un mouvement, contre les paradis fiscaux, contre l’évasion fiscale, pour la transparence, contre le secret bancaire qui s’est levé et je vous dis ici, qu’il ne s’arrêtera pas, nonobstant telle ou telle difficulté…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que le Luxembourg et l’Autriche ne veulent pas, or il faut l’unanimité.
PIERRE MOSCOVICI
Laissez-moi vous dire de quoi il s’agit. D’abord, premier exemple, dans la loi bancaire, la réforme bancaire française, qui est en cours d’élaboration, que j’ai fait voter déjà en première lecture, qui sera votée en deuxième lecture, début juin. Il est dit que les banques françaises, devront fournir la liste de leurs implantations dans tous les pays, avec leurs activités, leurs effectifs, leurs revenus. Pourquoi ? Pour faire la transparence. Nous sommes le premier pays au monde, et ça permettra de voir, ce qui se passe, dans tel ou tel paradis fiscal. Deuxième exemple, le président de la République a dit que nous allions établir nous-mêmes, la liste des territoires non-coopératifs, donc ceux qui peuvent faire l’objet de paradis fiscaux, en fonction des critères de l’OCDE. Donc nous allons durcir ça. Nous allons avoir une attitude très ferme. Troisième exemple, à l’échelle internationale, nous sommes en train de passer, les Etats-Unis l’ont déjà fait, les Européens y travaillent, moi, je négocie avec mes partenaires allemands, italiens, espagnols, britanniques, polonais, un accord, sur ce qu’on appelle le FATCA, c'est-à-dire l’échange automatique de données, autrement dit, il ne s’agit plus de savoir : je demande à la Suisse, ou à tel ou tel pays qui me répond ou pas. Il s’agit de dire : voilà, tout le monde a droit aux données, sur les comptes bancaires à l’étranger. Et c’est ce que nous voulons faire à l’échelle de l’Europe. C’est de ça, dont il s’agit. Et dernier exemple, les trusts, vous savez ces compagnies qui sont des écrans. Il faut savoir qu’il y a derrière, donc la transparence. Et sur tous ces sujets-là, les pays du G7 et du G20, les plus grands pays de la planète, sont en train de dire : nous voulons faire un standard international. Et donc, il y a quelque chose, qui est en train de se passer. Et il faudra bien, je le dis, au passage que ces pays que vous évoquez, le Luxembourg et l’Autriche, eh bien, entrent dans le processus. Ce que je sais, c’est qu’ils sentent, aussi, qu’il y a quelque chose, à quoi, ils ne peuvent pas éviter. Il y a peut-être telle ou telle situation qu’ils veulent traiter. Ils ont telle ou telle spécificité économique, mais on y passera. Et ce sera au sujet du conseil européen de cette semaine. Et le président de la République portera ça avec beaucoup de force.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors j’ai une question qui me vient à l’esprit comme ça, Pierre MOSCOVICI…
PIERRE MOSCOVICI
Elle va être maline, je le sens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, pas maline. Mais pourquoi est-ce que la France est un paradis fiscal pour le Qatar ?
PIERRE MOSCOVICI
Ce n’est pas un paradis fiscal pour le Qatar.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour les Qataris notamment, pour les investissements dans l’immobilier.
PIERRE MOSCOVICI
Vous savez ce que c’est qu’un paradis fiscal ? Un paradis fiscal, c’est un endroit où effectivement tout est défiscalisé et où il y a comme ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi, les investissements immobiliers du Qatar, ne sont pas soumis au régime fiscal des plus-values ?
PIERRE MOSCOVICI
Je vais vous dire quelque chose, Jean-Jacques BOURDIN. La France est un pays qui doit être un pays attractif. Nous ne cherchons pas à décourager les investissements des autres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais d’accord !
PIERRE MOSCOVICI
Nous avons besoin, nous avons besoin…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais tous les paradis fiscaux disent ça. Nous voulons être attractifs. Nous voulons attirer l’argent des autres.
PIERRE MOSCOVICI
Non, non, non, le paradis fiscal, ce n’est pas que ça. C’est aussi une zone dans laquelle le système bancaire traite de façon opaque… Nous ne sommes pas un paradis fiscal, en quoi que ce soit !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi est-ce que les investisseurs qataris ont des avantages que les autres n’ont pas ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, nous avons des traitements fiscaux qui peuvent être particuliers en fonction de telle ou telle situation, nous voulons attirer les investisseurs en France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez supprimé cette disposition fiscale ou pas ?
PIERRE MOSCOVICI
Non. Les investissements…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ? Signé par l’ancien président de la République ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, nous verrons dans le courant du projet de loi de finance que nous ferons sur les impôts. Mais je vous dis ici, que je ne renonce pas pour ma part, à faire en sorte, que les investissements étrangers en France trouvent toute leur place. Pourquoi ça ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je comprends pourquoi les Qataris adorent nos hôtels ?
PIERRE MOSCOVICI
Je vais vous dire une chose, ce n’est pas que les hôtels. Vous avez tout de même, des investissements dans des entreprises, et dans des grandes entreprises. Est-ce que vous savez qu’un tiers, un tiers, des emplois de l’industrie vient d’entreprises qui sont contrôlés par des investissements étrangers. Est-ce que vous savez, que 25 % de nos exportations industrielles viennent de ça. Et donc je ne condamne pas l’investissement étranger. Franchement, un pays qui se ferme dans la mondialisation, c’est un pays qui meurt.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes le patron à Bercy.
PIERRE MOSCOVICI
Je ne raisonne pas forcément comme ça. Je suis à ma place. Je suis ministre de l’Economie et des Finances.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes le patron à Bercy, quand même ! C’est vous le patron ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, il y a à Bercy, une structure…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, parce que Laurent FABIUS demande un patron à Bercy ?
PIERRE MOSCOVICI
Cette question, elle a été traitée par le président de la République. Ce qu’il a dit, c’est qu’il avait choisi de mettre ensemble à Bercy, un certain nombre de talents, certains sont des ministres pleins, avec des portefeuilles importants, c’est mon cas, je suis ministre de l’Economie et des Finances, Arnaud MONTEBOURG est ministre plein, Sylvia PINEL et Nicole BRICQ sont des ministres plein. Et ce qu’il nous demande, et ce qu’il faut faire et dont moi, je suis le garant, avec les autres, c’est qu’il y ait une seule ligne, la sienne, que nous mettons en oeuvre la volonté du président de la République de faire en sorte que ce pays se redresse, que ce pays sorte de la crise, que ce pays soit fort en Europe. La question n’est pas de savoir, patron, pas patron, la question, c’est d’être efficace ensemble. Alors mettons nos talents, au service de cette cause, et mettons ces talents qui sont complémentaires, en phase. Faisons en sorte que ces complémentarités qui sont les nôtres, elles s’enrichissent, se fertilisent, c’est ça qu’il faut faire. Ne soyons pas dans telle ou telle logique, parce que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, à propos d’enrichissement…
PIERRE MOSCOVICI
Vous savez, le ministère des Finances, c’est un ministère énorme et qui a beaucoup changé au cours des dix dernières années, depuis l’époque où d’autres étaient ministres, par exemple…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Laurent FABIUS par exemple…
PIERRE MOSCOVICI
L’euro est arrivée, et la partie internationale, le président de la République l’a souligné d’ailleurs reconnaissant que j’y travaillais, eh bien, la partie internationale représente 35 à 40% du temps du ministre des Finances. C’est énorme…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, puisqu’on parle d’enrichissement…
PIERRE MOSCOVICI
Et c’est tellement important…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et il y a un ministre à Bercy qui pense qu’il faut rouvrir le débat sur les gaz de schiste, est-ce que vous êtes d’accord avec lui ? Il s’appelle Arnaud MONTEBOURG. Il dit : je suis favorable à l’expérimentation technologique sur notre territoire, je souhaite que les recherches soient menées par une compagnie nationale, vous êtes d’accord ou pas ?
PIERRE MOSCOVICI
Le président de la République s’est exprimé avec clarté sur le sujet…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous n’êtes pas d’accord avec Arnaud MONTEBOURG ?
PIERRE MOSCOVICI
Mais, je suis d’accord avec le président de la République, je veux dire, Arnaud MONTEBOURG…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que vous n’êtes pas d’accord avec… c’est Arnaud MONTEBOURG, il l’a dit hier !
PIERRE MOSCOVICI
Arnaud MONTEBOURG…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Là, en escaladant le Mont Beuvray !
PIERRE MOSCOVICI
Non, écoutez, moi, je suis désolé, je ne veux pas jouer à ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ce n’est pas jouer à ça ! Moi, je n’y peux rien, ce n’est pas moi qui le dis, c’est MONTEBOURG !
PIERRE MOSCOVICI
Non, Jean-Jacques BOURDIN, non, non, ce qu’il dit, le président de la République a donné la ligne, quelle est la ligne ? Il n’y aura pas d’exploitation de gaz de schiste en France…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on ne rouvre pas le débat ?
PIERRE MOSCOVICI
Tant qu’il n’y aura qu’une seule technologie, qui s’appelle la fracturation hydraulique, qui crée des dégâts à l’environnement, qui sont énormes. Personne, je dis bien personne, n’interdit la recherche, et ce que dit Arnaud MONTEBOURG, et ça n’est pas en contradiction avec ce que dit le président de la République, non, non, c’est que si d’autres technologies…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien, lui, il est favorable aux gaz de schiste, il l’a dit…
PIERRE MOSCOVICI
Mais, personne n’y est hostile, dès lors que la technologie serait une technologie non nuisible à l’environnement. Et donc si une autre technologie, et c’est ce que dit Arnaud MONTEBOURG, et je suis d’accord avec lui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, il dit : je veux ouvrir…
PIERRE MOSCOVICI
Non, non, non, non…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je suis favorable à l’expérimentation technologique sur notre territoire…
PIERRE MOSCOVICI
Non, et l’expérimentation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous aussi ?
PIERRE MOSCOVICI
L’expérimentation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous aussi ?
PIERRE MOSCOVICI
Jean-Jacques BOURDIN, l’expérimentation technologique, ça veut dire la recherche, et donc tout le monde souhaite, s’il est possible, qu’il y ait un jour une technologie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
… La recherche sur notre territoire…
PIERRE MOSCOVICI
Voilà, une technologie qui ne soit pas une technologie invasive ou une technologique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais ça…
PIERRE MOSCOVICI
Oui, c’est de ça dont il s’agit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous croyez ?
PIERRE MOSCOVICI
Je le crois, j’en suis sûr…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous n’avez pas de différences avec MONTEBOURG sur ce sujet ?
PIERRE MOSCOVICI
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Euh, euh, bon, permettez-moi d’en douter un tout petit peu, mais bon, allez…
PIERRE MOSCOVICI
Et d’ailleurs, je vais vous dire, je ne souhaite pas, je veux que –…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon…
PIERRE MOSCOVICI
J’ai dit – que nos complémentarités soient fertiles, j’y travaillerai avec ardeur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moratoire sur l’augmentation des prix du tabac, c’est ce que demandent les buralistes.
PIERRE MOSCOVICI
Je ne vais pas vous dire ça maintenant, là, non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?
PIERRE MOSCOVICI
Ce sera traité dans le cadre du projet de loi de Finances.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, il n’y aura pas de moratoire donc ?
PIERRE MOSCOVICI
Ce sera traité dans le cadre du projet de loi de Finances…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Manifestation des buralistes demain…
PIERRE MOSCOVICI
Je n’ai pas d’annonce à faire sur ce sujet-là…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, aucune annonce à faire, donc moratoire, oui/non, on ne sait pas ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, non, on en discutera, ils auront une manifestation et ils auront des discussions…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, non, en tout cas. Et la baisse des Allocations familiales, en fonction des revenus, non ?
PIERRE MOSCOVICI
Mon cher Jean-Jacques BOURDIN, je ne vais pas improviser tout ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, vous n’avez rien à dire là-dessus, non plus ? Bon, rien à dire là-dessus ?
PIERRE MOSCOVICI
J’ai des tas de choses à dire, mais je ne vais pas le dire maintenant, parce que nous avons des processus aussi d’élaboration de nos lois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, vous en êtes où d’ailleurs sur cette loi de Finances prochaine ?
PIERRE MOSCOVICI
Eh bien, maintenant, Bernard CAZENEUVE, le ministre délégué au Budget, va recevoir les ministres dans ce qu’on appelle les conférences qui sont des conférences budgétaires, où on va ensuite sortir les lettres plafonds par ministère, je rappelle que ce que nous allons faire, et le président de la République a beaucoup insisté, on n’a pas parlé d’Europe, mais c’est faire en sorte, et c’est dommage de ne pas parler d’Europe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On a parlé d’Europe sur la fraude fiscale quand même !
PIERRE MOSCOVICI
Non, non, mais de l’Europe que nous voulons construire, c’est-à-dire, nous devons réduire nos déficits, nous le ferons à un rythme qui soit compatible avec la recherche de croissance. Nous avons obtenu d’avoir deux ans de plus pour cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, j’ai vu ça…
PIERRE MOSCOVICI
Mais ça passe aussi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec des contreparties…
PIERRE MOSCOVICI
Par la poursuite de la réduction des déficits dits structurels, c’est-à-dire ceux qui désendettent le pays, et donc par des économies sur les dépenses publiques…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Réduction des dépenses publiques…
PIERRE MOSCOVICI
Et donc il a été dit dans ce qu’on appelle la lettre de cadrage que nous ferions cinq milliards d’euros d’économies, qu’il y aura des économies sur les collectivités locales, il y aura une maîtrise des dépenses de Sécurité sociale, et donc Bernard CAZENEUVE va mener ces conférences budgétaires, il y aura des lettres plafonds, ensuite, nous ferons plutôt des rencontres budgétaires, il y aura aussi des rencontres fiscales, et donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et nous le saurons quand ?
PIERRE MOSCOVICI
Eh bien, comme toujours, c’est-à-dire la loi de Finances, c’est début octobre, mais il y aura dès cet été des annonces, c’est un travail qui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des annonces…
PIERRE MOSCOVICI
Et pour une raison simple, c’est qu’il y aura un débat d’orientation budgétaire qui se tiendra au Parlement aussi dans le mois qui vient, pour le mois prochain, début juillet…
source : Service d'information du gouvernement, le 22 mai 2013