Texte intégral
Monsieur le Président,
Madame, Monsieur les députés,
Messieurs les sénateurs,
Monsieur le secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil immobilier de lEtat,
Voilà près de sept ans que le Conseil de limmobilier de lEtat (CIE) appuie, mais aussi aiguillonne de façon parfois vigoureuse lEtat, et tout particulièrement le Ministre chargé du Domaine, sur le chemin de la construction dune politique immobilière moderne et efficace. Sagissant dune politique largement née dune initiative parlementaire, il ny a pas lieu de sétonner que le CIE soit à la pointe de ce chantier de réforme, avec le concours bienvenu de professionnels qualifiés qui apportent un oeil différent, souvent très enrichissant, sur les problématiques auxquelles nous sommes confrontés et quils connaissent bien.
La remise de votre rapport est loccasion pour moi, et à travers moi pour lEtat-propriétaire que jai la charge dincarner, de tracer un bilan de la politique immobilière de lEtat telle quelle a été mise en oeuvre depuis les premières initiatives parlementaires en 2005-2006 ; mais aussi, et peut-être surtout, de tracer les grandes lignes de ce que je conçois comme une deuxième phase, un nouveau souffle de la politique immobilière.
Ce bilan nest pas médiocre, loin sen faut. Des progrès tout à fait significatifs ont été accomplis depuis lépoque, fort heureusement révolue mais pas si éloignée, où lEtat navait pour ainsi dire aucune vision stratégique, aucune ambition réformatrice, concernant son parc immobilier. Fort heureusement, la connaissance de ce parc est aujourdhui beaucoup plus précise quil y a quelques années, même si elle doit encore être améliorée.
Des priorités ont été définies, et une trajectoire pluriannuelle a été tracée, reposant sur la mise en place dun Etat propriétaire de plein exercice. Une démarche pédagogique et incitative a été initiée vis-à-vis des administrations utilisatrices : elle a incontestablement permis damorcer le mouvement, même si elle doit certainement évoluer aujourdhui afin de tenir compte de certains effets pervers résultant des choix initialement faits. Même si leurs rôles et leurs responsabilités respectifs doivent sans doute être clarifiés à certains égards, les acteurs sont en place : le Ministère du Budget, France Domaine et ses services déconcentrés, les responsables de la politique immobilière de lEtat (RPIE) et les préfets au plan local.
Les outils, sans doute perfectibles mais incontestablement utiles, ont été créés : outils de programmation stratégique avec les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) ; outils budgétaires avec le Compte dAffectation Spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de lEtat », le programme 309 destiné à lentretien lourd de limmobilier de lEtat, et dans une certaine mesure le programme 333 pour les dépenses immobilières courantes de léchelon déconcentré ; outils permettant la prise en compte du « prix » de limmobilier avec les loyers budgétaires, dans le cadre des conventions doccupation.
Certains résultats sont mesurables : sur la période 2007-2011, 525 264 m² de surface de bureaux occupées par lEtat ont été libérés dont la moitié du seul fait des ministères financiers. Plus de 4,7 Md de produits de cession ont été encaissés par lEtat entre 2005 et 2012.
Pour autant nous pouvons, nous devons mieux faire. Les objectifs annoncés, souvent ambitieux, demeurent parfois largement virtuels : je pense par exemple à lobjectif doptimisation des surfaces occupées dans les immeubles de bureaux. La surface utile nette par poste de travail, à 16m² par agent en moyenne fin 2012, demeure supérieure dun tiers à la cible de 12 m² sans compter que cette moyenne masque dimportants écarts, certaines administrations sapprochant plutôt des 20 m² ! Cest lun des intérêts indéniables du Document de Politique Transversale (DPT) annexé pour la première fois au PLF 2013, à votre insistance et à celle des parlementaires, que de permettre de mesurer les efforts réalisés et le chemin restant à parcourir par chaque administration. Les avis du CIE, quils soient spécifiques à telle administration ou telle agence ou quils portent sur des sujets plus larges tels que limmobilier des caisses du régime général de sécurité sociale, limmobilier des universités ou la mise en oeuvre des objectifs de performance énergétique, témoignent des progrès réalisés mais aussi de ceux qui restent à accomplir. Ces documents sont très utiles au pilotage de notre action, et je souhaite que des réponses formelles vous soient prochainement adressées sur les avis les plus structurants.
Des erreurs de stratégie, des faiblesses méthodologiques, ont pu être observées, auxquelles il nous faudra remédier. Le bilan du volet immobilier de la réforme de ladministration territoriale de lEtat (RéATE), marqué par linstallation des nouvelles directions départementales interministérielles (DDI), me semble particulièrement illustratif à cet égard. Il nest pas encore connu avec précision, certaines opérations étant encore en cours il sera bien sûr utile que le CIE se saisisse de ce dossier en temps voulu. A ce stade, il est néanmoins possible de tirer quelques premières conclusions, très instructives du point de vue de la politique immobilière :
- La RéATE a, comme dautres mesures prises en matière immobilière depuis 2006, permis dobtenir des résultats non-négligeables. Des opérations immobilières denvergure ont pu aujourdhui être réalisées, permettant ainsi à lEtat de libérer 546 sites et réduire les surfaces occupées denviron 200 000 m². En termes de loyers externes, ce sont environ 7 M annuels qui sont économisés par les différentes administrations, soit une économie de lordre de 6% sur le total des loyers externes à terme, les économies pourraient atteindre 8,5 M.
- Pour autant, un essoufflement du mouvement initial peut être observé. Un tiers des opérations restent à réaliser, comprenant notamment les plus complexes ou les plus sensibles qui nont pu être menées à bien jusquici. Les surfaces utilisées, au global et par poste de travail, nont à ce stade été réduites que de 10% au lieu de 15%. Alors que le bilan financier théorique de la RéATE faisait apparaître un bilan positif de plus de 60 M dans la programmation initiale (490 M de produits de cessions après contribution au désendettement, 430 M de dépenses de restructuration), léconomie générale du volet immobilier de la RéATE a beaucoup évolué et le bilan financier de cet exercice, qui reste incertain à ce jour, pourrait in fine se révéler déficitaire.
- La dégradation du bilan économique sexplique à la fois en recettes et en dépenses. Du point de vue des recettes, seules 45% des cessions prévues ont été encaissées, pour un montant total de 215 M. Si une partie de laffaiblissement sexplique par laccroissement de la part des produits de cession affectée au désendettement, décidée par le Parlement, une autre partie est la conséquence dune programmation trop optimiste. De même, en dépense, des surcoûts ont pu être constatés sur des opérations complexes. Certaines dépenses, non soutenables, ont dores et déjà dû être reprogrammées. Jen tire une conclusion : la nécessité dune plus grande professionnalisation, dune programmation plus fine et plus exigeante, en matière immobilière.
- Par ailleurs, lexclusion de certaines administrations, je pense à la Justice, à lEducation nationale, mais aussi à la Direction générale des Finances publiques (DGFiP), a limité dans certains cas les possibilités de mutualisation et de rationalisation, réduisant dautant le bénéfice global de la réforme une critique que le CIE a dores et déjà eu loccasion de formuler. Il y a à cela des motivations et des explications, qui ne sont pas nécessairement illégitimes. Pour autant, il faut en tirer les conclusions : les exceptions aux règles de la politique immobilière, les dérogations, les cloisonnements, vont à lencontre de lefficacité. La mutualisation doit être le principe, et ce principe doit sappliquer avec la plus grande extension.
Professionnalisation renforcée, mutualisation accrue : ces grands axes que je mapprête à développer sont, je le sais, ceux qui irriguent toute la réflexion du CIE, et nombre de ses recommandations. Son origine parlementaire, au sein de la Commission des finances et de sa mission dévaluation et de contrôle coprésidée par la majorité et lopposition, en témoigne : la politique immobilière nest pas un sujet de polémique partisane. Un consensus existe sur les défis à relever, et même, en grande partie, sur les solutions à mettre en oeuvre, et je minscris dans cette perspective, qui est aussi celle du CIE. Ce qui ne veut pas dire que sa mise en oeuvre soit aisée, car les résistances, les pesanteurs sont réelles, et linertie aurait tôt fait, faute de volonté politique, de sinstaller. Je tiens à être clair : si je souhaite réformer la politique immobilière pour lui donner un second souffle, un nouvel élan, il nest pas question de remettre en cause les acquis ni de faire demi-tour. Bien au contraire, il nous faut consolider les premiers résultats, comprendre les blocages qui ont pu voir le jour au cours de la première phase et les surmonter. En somme, je souhaite mappuyer sur ce qui fonctionne, identifier les échecs, et développer les outils de la politique immobilière de demain.
A la mutualisation et à la professionnalisation, jajouterai un troisième axe, auxquels vous serez sans doute également sensibles : dune simple politique support, la politique immobilière doit devenir un véritable vecteur des politiques publiques, qui à leur tour, peuvent servir de levier pour une utilisation plus rationnelle du patrimoine immobilier. Cest notamment lenjeu de la mobilisation du foncier public en faveur du logement.
1. Mutualisation et construction dune politique de limmobilier public
Le premier axe sur lequel je souhaite appuyer mon action pour donner à la politique immobilière une nouvelle impulsion, cest donc la mutualisation.
- La mutualisation doit être géographique. Le CIE laffirme dans son rapport, la Cour des comptes abonde dans le même sens : le département est une base trop étroite pour tirer pleinement partie des possibilités doptimisation et de regroupement au plan local. Je propose de retenir désormais léchelon régional comme territoire-clé de la politique immobilière : la région me paraît constituer le bon équilibre pour atteindre une masse critique tout en maintenant un lien fort avec le territoire et les réalités locales. La régionalisation est dores et déjà ébauchée dans les faits : le programme 309 est géré par les préfets de région, qui sont dailleurs responsables de la stratégie immobilière de lEtat localement. Par ailleurs, la loi du 16 janvier 2013 sur la mobilisation du foncier public en faveur du logement, sur laquelle je reviendrai, confie un rôle central au préfet de région. Je souhaite que cette régionalisation soit systématisée. Ainsi, le département avait été retenu pour la première génération de SPSI, et le travail de mise en cohérence au niveau régional navait souvent consisté quen une compilation et une validation en létat des SPSI locaux. La nouvelle génération de schémas pluriannuels, qui sera lancée dans les prochains mois, devra être pensée directement au niveau régional, puis validée et appuyée au niveau national.
- Le changement déchelon géographique devra être mieux reflété dans la répartition des moyens de la politique immobilière. Lorganisation territoriale de France Domaine est aujourdhui largement départementale, sappuyant sur les responsables de la politique immobilière de lEtat (RPIE) placés sous la double autorité du préfet de département et du directeur départemental des finances publiques (DDFiP), ainsi que sur les services locaux du domaine sous lautorité du DDFiP. Pour mieux prendre en compte limportance croissante de la région dans la politique immobilière de lEtat, jai demandé à France Domaine de lancer une réflexion sur les moyens de renforcer les fonctions domaniales en région, selon un schéma à déterminer. Une telle démarche servira par ailleurs lobjectif de professionnalisation : en matière dévaluation par exemple, la masse critique nest pas atteinte dans un certain nombre de départements dans lesquels il nest pas réalisé un nombre suffisant dopérations, notamment dopérations complexes permettant aux agents dexercer et de développer leurs compétences.
- Permettez-moi den dire un peu plus sur les futurs schémas pluriannuels. Comme je lai indiqué, ils devront sinsérer dans une organisation régionalisée : il sagira donc de schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR), qui seront validés en y associant lensemble des acteurs autour du préfet de région. Ce nouveau mode opératoire, qui affecte la répartition actuelle des compétences, devra naturellement faire lobjet dune concertation avec le Ministère de lIntérieur, et le secrétariat général à la modernisation de laction publique (SGMAP) qui est en charge de la RéATE ce sera lune des facettes du processus de modernisation de laction publique (MAP) dans lequel sinscrit la réforme et sur lequel je reviendrai en conclusion. Mais leffort de mutualisation ne devra pas se limiter à la seule question de léchelon géographique. Jai demandé à France Domaine de réfléchir aux moyens dintégrer aux travaux non seulement lensemble des administrations déconcentrées sans exception, afin de dépasser le cadre de la seule RéATE comme ce fut le cas précédemment mais également, dans toute la mesure du possible, les opérateurs de lEtat. Les principales collectivités territoriales pourront également être consultées en vue de réfléchir à lopportunité dimplantations communes. Il sagit didentifier et dintégrer tous les projets et besoins de réinstallation, cest-à-dire toute « loffre » et toute la « demande » au sein de la sphère publique, afin de saisir lensemble des opportunités de regroupement et de rationalisation au regard des prévisions dévolution des effectifs et des missions.
- Cest encore le principe de mutualisation qui guide notre action concernant la mise en commun des moyens budgétaires. Le fonctionnement du programme 309, qui comprend les crédits dentretien lourd de limmobilier de lEtat, a récemment été amélioré en ce sens puisquà compter de cette année, les enveloppes régionales intègrent les crédits anciennement gérés séparément par la DGFiP, la Direction générale des Douanes et Droits indirects (DGDDI) et la Justice. Ce même principe sappliquera désormais également au financement des cités administratives. Alors que ces sites sont par nature interministériels, les dépenses dinvestissement et de gros entretien rénovation étaient financés au prorata des surfaces occupées, une solution complexe et incohérente avec le principe de lunicité de lEtat propriétaire. A compter de cette année, ces investissements sont financés sur lenveloppe mutualisée du CAS Gestion du patrimoine immobilier.
- Au-delà, le fonctionnement du CAS devra être réexaminé au regard de cette exigence de mutualisation. Se pose naturellement la question des dérogations dont bénéficient actuellement le Ministère de la Défense, ainsi que les cessions à létranger. Je signale à cet égard quune démarche de modernisation de laction publique vient dêtre lancée concernant lorganisation et le pilotage des réseaux à létranger, qui examinera notamment les possibilités de mutualisation en matière immobilière entre les différents réseaux (Quai dOrsay, Bercy, opérateurs). Mais au jour le jour, lenjeu me semble surtout, plus que le symbole des exceptions légales, de moderniser la gestion budgétaire sur le CAS pour permettre quune démarche plus stratégique de programmation des opérations aille de pair avec une mutualisation de la trésorerie disponible. Plutôt quune gestion en tuyaux dorgue, dans laquelle chaque administration se juge propriétaire de ses produits de cession et veut pouvoir en disposer à tout moment, je pense que nous devons évoluer vers une programmation des besoins prioritaires de lEtat, et lutilisation en conséquence des moyens disponibles. Cette gestion plus mutualisée des ressources évitera, je nen doute pas, certains cas de recours à des montages innovants qui peuvent faire peser des risques sur les finances de lEtat à long terme. Cette première approche ne doit pas conduire à éluder la question de lévolution de la part mutualisée des produits de cession. La gestion segmentée des produits de cession génère inévitablement des effets daubaine, en fonction de la qualité du parc occupé par tel ou tel ministère, et une utilisation potentiellement sous-optimale des ressources dégagées par les cessions. Si lintéressement des ministères aux produits de cession a pu se justifier dans une première phase pour permettre aux administrations de mesurer lintérêt qui sattache à la libération des sites et à la rationalisation du parc, il est peut-être souhaitable, désormais, que lEtat-propriétaire réaffirme que cet intérêt est avant tout collectif.
- En effet, la mutualisation nest quun instrument : elle ne sert les objectifs de la politique immobilière que dans la mesure où les moyens et les ressources ainsi mis en commun sont utilisés de façon plus efficace, plus rationnelle quils ne lauraient été dans un fonctionnement segmenté. Dans un monde de ressources rares, et le Ministre des Domaines qui est également le Ministre du Budget ne pourra prétendre quil en est autrement, ce sont lintérêt et lurgence des projets qui doivent primer. Ceci nécessite des outils de programmation et darbitrage appropriés jy reviendrai dans un moment mais également un travail de pédagogie auprès des responsables de Budgets Opérationnels de Programme (BOP), auxquels il sera demandé plus de précision et danticipation dans lexpression des besoins dentretien des immeubles, sur le programme 309. De même, concernant les cités administratives, la mutualisation du financement exigera des préfets, gestionnaires des cités, quils proposent une programmation des dépenses complète et hiérarchisée, afin déviter que des opérations exceptionnelles ne viennent, à lavenir, déstabiliser la soutenabilité de la programmation comme cétait jusquici trop régulièrement le cas.
- Laffirmation de lEtat propriétaire à travers la mutualisation devra prendre également une forme nouvelle si lon veut enfin dépasser le seul périmètre des immeubles de bureaux qui a constitué, et cétait logique dans un premier temps, le premier coeur de la politique immobilière. Le partage des bonnes pratiques permettra lextension des objectifs de la politique immobilière au-delà de limmobilier de bureau. Ceci ne signifie évidemment pas quil ny ait plus de progrès à faire sur ce segment du parc. Au contraire, les marges de manoeuvre restent importantes, comme en témoigne lécart encore significatif restant à combler avant datteindre la cible des 12m² de surface utile nette par poste. Jajoute même que la consolidation et le renforcement des acquis en la matière reste la priorité que jassigne à France Domaine pour les mois à venir. Pour autant, la première phase de la politique immobilière sest concentrée sur ces seuls immeubles, qui ne représentent quenviron 19 millions de m² sur une surface totale de près de 73 millions de m². Il me semble quil est temps dexaminer les pistes daction en direction de limmobilier dit « spécifique », en concertation avec les utilisateurs et les structures spécialisées : lagence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ) placée sous la tutelle du Ministère de la Justice et chargé de la conception et la gestion des grands projets immobiliers des services judiciaires et de ladministration pénitentiaire ; lopérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) placé sous la tutelle du Ministère de la Culture et de la Communication et spécialisé dans la maîtrise douvrage des équipements culturels ; la délégation à l'action foncière et immobilière (DAFI), service à compétence nationale du Ministère de lEcologie, du Développement durable et de l'Energie chargé de promouvoir des opérations daménagement durable et de construction de logements sur des terrains de lÉtat et de contribuer aux objectifs immobiliers du Grenelle. Il ne sagit pas de nier ou deffacer ce qui fait, précisément, la spécificité de ces biens, mis au service de la mission même qui y est exercée et qui se confondent souvent avec cette dernière (biens culturels, bases de défense, locaux spécifiques de la police ou de la gendarmerie, palais de justice ou universités). Mais ce qui est spécifique est rarement unique, et, comme le montre certains avis récents du CIE, il existe de bonnes, et parfois de moins bonnes, stratégies et opérations immobilières portant sur des biens spécifiques Je suis convaincu quil est possible de définir des stratégies et des critères de performance adaptés à ce patrimoine, en vue de lintégrer dans la réflexion densemble. Létude de compatibilité immobilière, désormais obligatoire pour les opérations reposant sur des partenariats public-privé, constitue pour France Domaine un bon point dentrée en la matière.
- La question de limmobilier spécifique nous invite à regarder au-delà de la sphère « Etat » au sens restreint : cest lébauche dune véritable politique de limmobilier public que je souhaite faire émerger dans cette nouvelle phase de la politique immobilière. En particulier les opérateurs devront, en matière immobilière, être effectivement soumis aux mêmes règles que celles que lEtat sapplique, comme nous lexigeons également en matière de crédits et de plafonds demploi. Je proposerai donc un plan daction à leur égard, en lien avec les tutelles et les instances de contrôle, visant à sassurer que lautonomie dont ils peuvent disposer ne les exonère pas de la participation à leffort commun de rationalisation au service du redressement des comptes : respect des ratios doccupation et des plafonds de loyer, efforts de mutualisation ou de libération de biens sous-utilisés. Le renouvellement des SPSI constituera, en ce qui les concerne, un enjeu tout à fait essentiel, qui devra permettre de dépasser lacquis de la première génération, tant en termes de programmation stratégique que de mise en oeuvre opérationnelle. Il sagit de lun des champs pour lesquels des marges de progrès importantes existent. Ne nous voilons pas la face : mené de façon précipitée à la fin de la précédente législature, lexercice de collecte des SPSI des opérateurs est resté largement formel et na pu être réellement exploité. Je souhaite quil soit une priorité de notre action. Au-delà des opérateurs, lensemble des administrations publiques sera encouragé et appuyé en vue dune meilleure gestion du parc : les efforts de lEtat doivent servir dexemple à tous en la matière. Je sais que le CIE est attaché à cette perspective : son travail de fond sur limmobilier des organismes du régime général de sécurité sociale ou celui des universités en témoigne, et servira naturellement de point dappui pour la réflexion quil nous faut mener. Cest dailleurs déjà le cas sagissant de la négociation, actuellement en cours, de la prochaine convention dobjectifs et de gestion de la Caisse nationale dallocations familiales. Une fois encore, linscription de la réflexion sur la politique immobilière dans le processus de la modernisation de laction publique visera précisément à assurer que lensemble des administrations publiques seront associées et concernées par les réformes proposées.
2. Professionnalisation de laction de lEtat en matière immobilière
Le second axe de redynamisation de la politique de limmobilier public est la professionnalisation de notre action, sur laquelle le CIE insiste fortement, à juste titre.
- Il sagit dabord de renforcer France Domaine en matière dévaluation, activité qui se situe au coeur de son métier traditionnel. Si la première phase de la politique immobilière a principalement reposé sur des outils nouveaux à forte coloration budgétaire (CAS, programme 309, loyers budgétaires ou conventions doccupation), France Domaine ne peut se désintéresser de son métier historique, qui demeure indispensable à la mise en oeuvre de notre action et à la réalisation des programmes de cession. Sans évaluation, pas de possibilité daffiner la connaissance du parc, connaissance pourtant indispensable à la définition dune stratégie cohérente et à lappréciation de son efficacité. Je tiens donc à ce que la DGFiP maintienne et même renforce, en interne, une capacité dévaluation de haut niveau et indépendante. Je nignore pas que près de 85% des 200 000 évaluations réalisées chaque année par France Domaine sont produites au profit de personnes publiques autres que lEtat, notamment les collectivités locales (55%). Il sagit évidemment dune charge lourde pour la DGFiP, qui pèse sur ses moyens. Pour autant, ce travail permet à la DGFiP de réaliser une masse critique dévaluations sur tout le territoire, ce qui lui permet de développer ses compétences, et de disposer de multiples références pertinentes à travers la France : laccomplissement de cette mission constitue donc pour lEtat un socle dexpertise sans équivalent, et participe ainsi de la professionnalisation de la fonction immobilière. Au-delà de cet argument technique, je considère que lévaluation des biens publics, y compris au profit des collectivités, doit par principe demeurer partie intégrante des missions du domaine. Dabord parce quil ne saurait être question de privatiser cette fonction, essentielle à la relation avec les collectivités locales.
Ensuite, parce quau moment où il est demandé à ces collectivités de contribuer au redressement des comptes publics, les transferts de charge ne peuvent senvisager quavec dinfinies précautions. Enfin, et peut-être surtout, parce que Bercy se doit dêtre le ministère de légalité devant les charges publiques : or les plus petites collectivités nauraient pas les moyens de recourir à des experts privés, alors que les principes dindivisibilité et dunité de la République commandent quune même politique dévaluation, de qualité constante, puisse être appliquée à travers le pays. La mission dévaluation doit ainsi contribuer à la maîtrise du foncier public, et à la politique daménagement du territoire.
Pour autant, la question de lévaluation nest pas close, bien au contraire : le maintien dune capacité dévaluation de premier ordre au sein de ladministration des domaines a pour corollaire nécessaire une professionnalisation exemplaire de cette fonction, afin den assurer pleinement la légitimité. Dabord, il pourrait être utile de concentrer la DGFiP sur les évaluations les plus pertinentes, pour lui éviter de se disperser : je pense notamment aux évaluations réalisées à titre informatif à la demande des collectivités, sans que la réglementation ne lexige. Les seuils réglementaires pourraient également être revus pour dispenser France Domaine des évaluations peu significatives. Afin de couper court aux suspicions de conflit dintérêt, une séparation fonctionnelle plus claire entre les évaluateurs agissant pour lEtat et ceux agissant pour les autres personnes publiques pourrait également être envisagée. Surtout, la qualité des évaluations peut être améliorée : si les critiques adressées à cet endroit me paraissent souvent exagérées, puisque lexpérience montre que les évaluations privées confirment le plus souvent les chiffres du domaine, il est toujours possible de progresser. La politique dévaluation doit notamment être harmonisée au plan national, en cohérence avec les principes dindivisibilité et dunité de la République que jinvoquais : les avis domaniaux, encore hétérogènes selon les départements dans la forme et même parfois dans les méthodes de travail, devront faire lobjet dune harmonisation qui garantirait lunicité de lapproche. En parallèle, les procédures doivent être unifiées grâce à la rédaction de guides fournissant aux évaluateurs des références communes et les sensibilisant aux points délicats de chaque type dévaluation. Je souhaite que la DGFiP, qui a déjà lexpérience de la certification sur certains métiers, étudie la possibilité dobtenir une labellisation des évaluateurs de France Domaine, ce qui constituerait une marque de reconnaissance de la qualité de ses évaluations. Laccès à une information plus complète et mieux partagée, la poursuite des efforts de formation, les échanges de compétences, de pratiques et de points de vue avec les évaluateurs privés, doivent également permettre de franchir une nouvelle étape. Un marché national sera très prochainement passé pour permettre le recours systématique à un avis extérieur sur les opérations significatives, atteignant le seuil de saisine de la commission de la transparence et de la qualité des opérations immobilières de l'Etat (CTQ) : ceci permettra à la fois de sécuriser les cessions, et de développer les compétences internes de la DGFiP.
- En effet, la professionnalisation doit également concerner les cessions : en clarifiant les procédures, en encadrant les cessions, lEtat sécurise ses opérations, mais de surcroît, augmente bien souvent le produit de cession quil en retire, permettant denvisager dans de meilleures conditions la substitution de sites de qualité aux immeubles inadaptés aux besoins, mal entretenus, non performants. Les cessions constituent en effet le préalable indispensable pour envisager la relocalisation des administrations dans des immeubles de meilleure qualité, offrant aux agents et aux usagers des conditions de travail et daccueil plus adaptées. Ouvrir le chantier de la professionnalisation des cessions est donc doublement indispensable. La CTQ et le CIE ont dores et déjà formulé des pistes intéressantes. Sur le plan réglementaire, la formalisation accrue des procédures dappel doffres doit permettre une complète transparence des opérations tout en renforçant lattractivité du marché. Des cessions à plusieurs tours, des cessions de portefeuille de biens, peuvent constituer des procédures adaptées selon les situations. Sur le plan contractuel, lEtat refuse généralement linsertion de conditions suspensives dans les cahiers des charges dappel doffres et dans les actes, Les risques, notamment ceux relatifs à lobtention du permis de construire, pèsent ainsi sur lacquéreur et non sur lEtat, mais le nombre de candidats et le prix de cession du bien sen trouvent fortement affectés. Je souhaite donc que lintroduction de conditions suspensives puisse être envisagée lorsque cest opportun, par exemple pour les cessions les plus importantes. De même, les clauses de complément de prix, adaptées en pourcentage et en durée aux enjeux financiers pour lEtat, permettent de mieux répartir les risques entre cédant et acquéreur, et de maximiser in fine le produit de cession. Enfin, des efforts techniques et commerciaux doivent également être faits en vue de développer la publicité et la qualité des appels doffres : support de présentation des biens, meilleur ciblage et meilleure information des acquéreurs potentiels par la mise à disposition dune documentation plus fournie et sur une durée plus longue, etc. La refonte récente du site internet des cessions domaniales y contribue dores et déjà de façon visible. Je souhaite que des contacts soient pris régulièrement avec des grands investisseurs, y compris étrangers, qui peuvent signaler leur intérêt pour des investissements de long terme en France. Ceci permettra de renforcer la concurrence, et de mieux valoriser les biens, quitte à prendre un peu plus de temps pour boucler les opérations : lexpérience montre que lEtat est souvent gagnant in fine.
- Le recours à des prestataires externes, que jenvisage en matière dévaluations, peut aussi se révéler utile dans dautres champs en vue de professionnaliser laction du service des domaines. La diversité et la technicité des compétences requises (processus de cessions, rédaction des actes juridiques de cession/acquisition/prise à bail, négociations, recherche de biens) peuvent nécessiter de se faire accompagner en tant que de besoin, en vue de favoriser les transferts de compétences, et pour mettre à disposition de France Domaine des expertises pointues quil na pas vocation à prendre en charge directement. Ainsi, pour les acquisitions et prises à bail les plus importantes, notamment en Ile-de-France et dans les grandes métropoles de province, lappui dun assistant à maîtrise douvrage spécialisé permet souvent de définir au mieux les besoins, et dorganiser une mise en concurrence optimale sur la base dun cahier des charges précis. Les baux franciliens les plus lourds, dont le montant annuel est supérieur à 500 000 , ont été renégociés récemment avec lappui de prestataires spécialisés travaillant en étroite collaboration avec la personne publique en charge du dossier : ce marché a permis à l'Etat de réaliser une économie de 28 M en année pleine sur 48 baux représentant initialement 117 M, soit un ratio déconomies de 23,4%. Cette démarche, qui vient compléter celle de la fixation des plafonds de loyers en Ile-de-France et dans les grandes métropoles régionales, est maintenant expérimentée en Rhône-Alpes, et pourrait être généralisée à lensemble du territoire. On le voit, il existe, en matière immobilière, dimportantes marges de manoeuvre pour réaliser des économies beaucoup plus aisées et moins douloureuses pour la personne publique que dans dautres champs de la dépense.
- Parmi les outils de professionnalisation, je noublie naturellement pas la question primordiale de linformatique, à laquelle le CIE, et particulièrement son Président, sont sensibles à fort juste titre. Je le sais, France Domaine ne dispose pas, aujourdhui, dun système dinformation performant et partagé avec les utilisateurs couvrant ses besoins fonctionnels. Si lhorizon doit être de disposer dun système intégré avec le référentiel comptable et financier de lEtat, et par conséquent avec linventaire physique du parc immobilier de lEtat qui figure dans Chorus, la mise en oeuvre de cette solution, complexe techniquement, peut prendre du temps. France Domaine a dores et déjà élaboré et déployé, hors de Chorus, plusieurs outils partagés avec les ministères permettant de satisfaire les besoins métier les plus urgents : outil de suivi des cessions (OSC), outil de suivi des audits énergétiques des immeubles (OCAPI). Cependant, dautres besoins doivent être couverts sans délai : je pense à la gestion des contrats afin de suivre efficacement les baux externes et la performance immobilière ; à la programmation immobilière ; à la gestion prévisionnelle des surfaces, en vue déliminer les vacances et dassortir loffre et la demande. Dès lors que ces fonctionnalités avancées de gestion de limmobilier sont indispensables à court terme, jai demandé à France Domaine et à l'agence pour l'informatique financière de l'Etat (AIFE) de travailler à ce chantier. Des solutions seront proposées très rapidement au Comité dOrientation Stratégique (COS) Chorus, qui permettront de ne pas retarder davantage la mise à disposition des outils indispensables à lamélioration de lefficacité de la politique immobilière.
- La professionnalisation doit viser à doter France Domaine dune capacité immobilière complète, à transformer cette administration, trop souvent perçue par les utilisateurs comme un « gendarme » immobilier, en un véritable centre de ressources et dexpertise de limmobilier public. Un changement culturel est nécessaire, tant du point de vue de lEtat-propriétaire que de celui des occupants : je souhaite que France Domaine conçoive sa mission, et soit reconnue par les utilisateurs, comme un propriétaire stratège fournissant aux administrations des conseils et des services à haute valeur ajoutée dans tous les métiers de limmobilier, en vue de les aider à utiliser le patrimoine de lEtat, à commencer par limmobilier de bureaux, de façon économe et rationnelle dans lintérêt des agents et des usagers. France Domaine ne dispose aujourdhui daucune compétence en matière de maîtrise douvrage publique, qui constitue pourtant lattribut naturel dun propriétaire. Cette compétence est aujourdhui exercée dans des conditions disparates par les différents ministères : la mutualisation interministérielle des crédits immobiliers ne sest pas accompagnée, à ce stade, dune mise en commun des compétences techniques en termes de suivi dopération et de maîtrise douvrage. Il y a là une opportunité de mutualisation, au service de la professionnalisation.
- Lamélioration du Document de Politique Transversale (DPT), que le CIE appelle de ses voeux, permettra également davancer dans ce sens : la 2e édition de ce DPT, qui sera présentée au Parlement dans le cadre du PLF 2014, doit permettre de recenser lensemble des emplois et des dépenses de personnel consacrés à la politique immobilière. Cet enrichissement permettra de mieux cartographier la fonction de maîtrise douvrage au sein de lEtat et de ses opérateurs, préalable indispensable à la définition de schémas de rationalisation et doptimisation de cette fonction. Au-delà, le DPT pourrait être renforcé sur dautres aspects, notamment la meilleure prise en compte de la question des opérateurs. Je partage avec le CIE lambition de faire de ce document, à terme, un véritable tableau de bord des fonctions « propriétaire » et « utilisateur ». Se posera naturellement la question des sanctions en cas de divergence persistante dune administration par rapport aux objectifs fixés. Lutilité et lefficacité des loyers budgétaires comme outil incitatif de rationalisation pourra être étudié dans ce cadre : je rappelle par exemple quun mécanisme de « surloyer » est prévu à compter de 2014, dans le cadre de la mise en oeuvre des premiers rendez-vous triennaux liés à la première série des conventions dutilisation signées en 2010, en cas de non-respect des engagements de performance immobilière.
- La professionnalisation des outils doit être mise au service dune professionnalisation de la prise de décision publique, qui doit désormais reposer sur une véritable analyse économique des projets immobiliers. Jattends de France Domaine quil forge une doctrine demploi sur les questions structurantes et récurrentes de limmobilier public afin déliminer la suspicion, parfois exprimée par les administrations occupantes, de « pilotage à vue » et de prise de décision en opportunité : larbitrage entre la cession et la conclusion dun bail emphytéotique, la réduction de lexposition à la conjoncture en ne cédant quau moment opportun et le développement de solution de portage, larbitrage entre le locatif et le domanial sur la base danalyses économique et de performance immobilière, lopportunité du recours aux montages financiers innovants Autant de chantiers qui devront être abordés dans la transparence, afin quun référentiel commun puisse être partagé avec les administrations. La question du rôle de la SOVAFIM, et notamment lopportunité de la conclusion dun accord-cadre de partenariat avec lEtat, sera analysée dans ce contexte. Les futurs schémas directeurs de limmobilier en région devront naturellement intégrer, eux aussi, cette nouvelle dimension, en sappuyant sur une grille danalyse de la rentabilité des scenarii envisagés et dévaluation des délais de retour sur investissement. Les dimensions relatives au respect des obligations en matière daccessibilité, de normes environnementales, ainsi que la contribution à la rationalisation immobilière et au développement de loffre de logement seront des critères essentiels.
3. Passer dune politique support à un vecteur de politiques publiques
Le troisième axe que je souhaite vous présenter, cest la transformation de la politique immobilière, qui reste aujourdhui considérée essentiellement comme une fonction support, en un véritable vecteur de politiques publiques. Cet axe fait directement écho à la première proposition de votre rapport.
- Le préalable à cette transformation est lémergence dun véritable Etat-propriétaire, encore en gestation à ce jour. La séparation entre le propriétaire et loccupant, pourtant au coeur de la première phase de la politique immobilière, nest pas encore pleinement acceptée par les utilisateurs. La capacité darbitrage du propriétaire, sur les sujets qui ne relèvent que de lui, doit être affirmée. Ceci ne signifie évidemment pas décider contre, ni même sans, les utilisateurs. En revanche, je souhaite que les chaînes de décision puissent être revues et simplifiées, et que les responsabilités respectives du propriétaire et de loccupant soient mieux comprises et intégrées par chacun. Cela implique sans doute de repenser larticulation des différents outils budgétaires, afin déviter que les dépenses immobilières ne soient imputées, au gré des circonstances, sur tel ou tel compte ou programme. Le DPT a permis de mesurer que le programme 309, programme mutualisé, ne représente que 17% des dépenses dentretien lourd de lEtat : il y a à cela des explications, notamment le fait que ce programme ne couvre que les dépenses liés à limmobilier de bureaux, mais cest également le signe dune affirmation imparfaite de lEtat-propriétaire unique, ne permettant pas dassurer un pilotage transversal de la nouvelle politique immobilière ni dincarner clairement la relation budgétaire entre propriétaire et occupant. Nous devrons donc réfléchir aux évolutions à apporter au pilotage et aux outils budgétaires, en vue dune plus grande lisibilité, simplicité et efficacité. Au-delà des moyens, cest la capacité darbitrage de lEtat-propriétaire qui doit être confirmée. La mise en place dune gouvernance rénovée, sans doute simplifiée, qui aurait notamment vocation à servir dinstance nationale dapprobation et de suivi des SDIR et à piloter lachèvement de la RéATE, permettrait de respecter les intérêts de chaque administration en local, de valider le caractère indispensable des besoins exprimés, et de prioriser les projets de manière équitable et pragmatique, sous limpulsion de France Domaine.
- A cet égard, jai pris note des propositions du CIE dautonomisation de France Domaine, sous forme de service à compétence nationale ou dagence. Si lorganisation actuelle du service des domaines doit pouvoir être améliorée et ses compétences renforcées, comme jai eu loccasion de vous le dire, une telle autonomisation me paraît prématurée : à lheure où la capacité darbitrage de lEtat propriétaire demande encore à être confirmée, et où les enjeux de la politique immobilière ne sont pas encore pleinement intégrés par les utilisateurs, il me semble que France Domaine doit pouvoir continuer à sappuyer, du moins à ce stade, sur lautorité du Ministre du Domaine et sur les synergies avec le réseau de la DGFiP. Jai la conviction que les administrations ne sont pas plus fortes lorsque les ministres sont plus faibles, bien au contraire. Pour autant, il est bien sûr nécessaire de garantir que cette situation ne conduise pas à des « conflits dintérêt », concernant une administration disposant dune présence immobilière importante. La récente mutualisation et régionalisation des crédits de la DGFiP sur le programme 309 démontre néanmoins que limpartialité peut et doit prévaloir.
- Dès lors que lEtat-propriétaire saffirme, il est en capacité, dans ses arbitrages, de mettre limmobilier au service des priorités politiques définies par le Gouvernement. Je pense en tout premier lieu à la mobilisation du foncier public en faveur du logement. Cette politique constitue naturellement une charge pour les finances de lEtat, et pour certains opérateurs, dès lors que les produits de cession sen trouveront affectés. Le bilan de la RéATE, en particulier, pourrait être négativement impacté à hauteur dune vingtaine de millions deuros. Pour autant, des consignes claires ont été données aux préfets : il ne saurait être question de refuser de flécher tel ou tel bien en faveur du logement au seul prétexte quil est intégré dans le plan de financement dun programme dinitiative local. Je les réunirai dans quelques jours à Bercy, pour leur rappeler limportance de cette politique et le rôle qui leur incombe dans sa mise en oeuvre. A mon sens, la mobilisation du foncier public constitue une opportunité majeure de contribuer à la priorité quest le logement, tout en confortant la politique immobilière de lEtat en accélérant les restructurations et labandon de sites inutiles ou sous-utilisés. Afin daller au-delà de lexercice annuel de programmation des cessions, jai demandé à France Domaine de préparer une enquête de grande échelle sollicitant les administrations pour lidentification de biens mobilisables pour le logement, mais également de biens cessibles de toute nature : les résultats de cette enquête devront être intégrés à la préparation des futurs SDIR. Si la politique immobilière doit être mise au service de la mobilisation du foncier public, cet élan de mobilisation peut et doit aussi servir de levier au renforcement de la performance immobilière.
- Porter des politiques publiques, cest également mobiliser limmobilier en faveur de lintégration des personnes en situation de handicap, et de la transition énergétique. Cest tout lenjeu de laccessibilité et de la performance énergétique des bâtiments publics, chantier complexe et sensible, particulièrement au regard de létat de nos finances publiques : je relève dailleurs que le précédent gouvernement, sil a affiché des objectifs particulièrement ambitieux, na pas jugé nécessaire damorcer sérieusement leur mise en oeuvre. Le CIE a eu loccasion de se prononcer sur ces questions, et un travail de fond a été amorcé par France Domaine afin de relever ces défis, dans un cadre budgétaire particulièrement contraint. Il nous faut aujourdhui prioriser les investissements : ces questions devront être pleinement intégrées dans la préparation des SDIR, et plus généralement, dans le cadre de lanalyse de chaque projet immobilier qui sera présenté à linstance darbitrage, afin de hiérarchiser les actions à mener en fonction des gains pour les usagers, du coût, et du retour sur investissement en ce qui concerne la performance énergétique, en sappuyant sur les compétences des services du Ministère de lEcologie, du Développement durable et de l'Energie. France Domaine sest dores et déjà rapproché de ce ministère afin de définir les modalités dintégration des critères environnementaux au sein des grilles préexistantes des dossiers de remploi (pour les dépenses financées à partir du CAS) et des avis domaniaux enrichis (obligatoires pour les opérations immobilières importantes). La connaissance du parc demeure encore très imparfaite malgré les 50 M mobilisés au titre du plan de relance de 2009 pour réaliser des audits ; elle pourra être améliorée, grâce notamment aux outils informatiques nouveaux, permettant une analyse plus fine des bâtiments : identification des sites sur lesquels des travaux damélioration seraient les plus efficaces, pression en faveur du délaissement des « points noirs » énergétiques. Le fort élan en faveur de ladministration dématérialisée (e-administration) fait écho à une autre suggestion du CIE. Enfin, je suis très sensible aux recommandations du CIE concernant la formation et la responsabilisation des utilisateurs, une piste insuffisamment mobilisée quoique susceptible daméliorer sensiblement la performance énergétique.
Conclusion
Mutualiser, professionnaliser, faire émerger une véritable politique publique : les chantiers sont nombreux et denses. Ils ne pourront être menés à bien quavec limplication de tous : celle de France Domaine et de Bercy, celle de lensemble des administrations dEtat, et au-delà, celle des agences, des agents, des usagers. Les premières pistes ébauchées devant vous seront donc intégrées à la démarche de modernisation de laction publique, avec lappui du SGMAP, afin de faire émerger un véritable consensus sur la nécessité et les exigences de la nouvelle phase de la politique immobilière.
Ce consensus est nécessaire, mais surtout, je le crois possible. Comme jai eu loccasion den donner quelques exemples, le champ de limmobilier recouvre de nombreuses pistes déconomies qui, pour certaines, ne représentent aucun sacrifice (je pense aux renégociations de baux), pour dautres, exigent un degré deffort au travers dune plus grande attention à des principes de bonne gestion immobilière mais permettent ainsi de préserver le coeur des missions des administrations.
Je sais pouvoir compter sur limplication constante et vigilante du CIE pour faire aboutir ce projet.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 17 mai 2013
Madame, Monsieur les députés,
Messieurs les sénateurs,
Monsieur le secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil immobilier de lEtat,
Voilà près de sept ans que le Conseil de limmobilier de lEtat (CIE) appuie, mais aussi aiguillonne de façon parfois vigoureuse lEtat, et tout particulièrement le Ministre chargé du Domaine, sur le chemin de la construction dune politique immobilière moderne et efficace. Sagissant dune politique largement née dune initiative parlementaire, il ny a pas lieu de sétonner que le CIE soit à la pointe de ce chantier de réforme, avec le concours bienvenu de professionnels qualifiés qui apportent un oeil différent, souvent très enrichissant, sur les problématiques auxquelles nous sommes confrontés et quils connaissent bien.
La remise de votre rapport est loccasion pour moi, et à travers moi pour lEtat-propriétaire que jai la charge dincarner, de tracer un bilan de la politique immobilière de lEtat telle quelle a été mise en oeuvre depuis les premières initiatives parlementaires en 2005-2006 ; mais aussi, et peut-être surtout, de tracer les grandes lignes de ce que je conçois comme une deuxième phase, un nouveau souffle de la politique immobilière.
Ce bilan nest pas médiocre, loin sen faut. Des progrès tout à fait significatifs ont été accomplis depuis lépoque, fort heureusement révolue mais pas si éloignée, où lEtat navait pour ainsi dire aucune vision stratégique, aucune ambition réformatrice, concernant son parc immobilier. Fort heureusement, la connaissance de ce parc est aujourdhui beaucoup plus précise quil y a quelques années, même si elle doit encore être améliorée.
Des priorités ont été définies, et une trajectoire pluriannuelle a été tracée, reposant sur la mise en place dun Etat propriétaire de plein exercice. Une démarche pédagogique et incitative a été initiée vis-à-vis des administrations utilisatrices : elle a incontestablement permis damorcer le mouvement, même si elle doit certainement évoluer aujourdhui afin de tenir compte de certains effets pervers résultant des choix initialement faits. Même si leurs rôles et leurs responsabilités respectifs doivent sans doute être clarifiés à certains égards, les acteurs sont en place : le Ministère du Budget, France Domaine et ses services déconcentrés, les responsables de la politique immobilière de lEtat (RPIE) et les préfets au plan local.
Les outils, sans doute perfectibles mais incontestablement utiles, ont été créés : outils de programmation stratégique avec les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) ; outils budgétaires avec le Compte dAffectation Spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de lEtat », le programme 309 destiné à lentretien lourd de limmobilier de lEtat, et dans une certaine mesure le programme 333 pour les dépenses immobilières courantes de léchelon déconcentré ; outils permettant la prise en compte du « prix » de limmobilier avec les loyers budgétaires, dans le cadre des conventions doccupation.
Certains résultats sont mesurables : sur la période 2007-2011, 525 264 m² de surface de bureaux occupées par lEtat ont été libérés dont la moitié du seul fait des ministères financiers. Plus de 4,7 Md de produits de cession ont été encaissés par lEtat entre 2005 et 2012.
Pour autant nous pouvons, nous devons mieux faire. Les objectifs annoncés, souvent ambitieux, demeurent parfois largement virtuels : je pense par exemple à lobjectif doptimisation des surfaces occupées dans les immeubles de bureaux. La surface utile nette par poste de travail, à 16m² par agent en moyenne fin 2012, demeure supérieure dun tiers à la cible de 12 m² sans compter que cette moyenne masque dimportants écarts, certaines administrations sapprochant plutôt des 20 m² ! Cest lun des intérêts indéniables du Document de Politique Transversale (DPT) annexé pour la première fois au PLF 2013, à votre insistance et à celle des parlementaires, que de permettre de mesurer les efforts réalisés et le chemin restant à parcourir par chaque administration. Les avis du CIE, quils soient spécifiques à telle administration ou telle agence ou quils portent sur des sujets plus larges tels que limmobilier des caisses du régime général de sécurité sociale, limmobilier des universités ou la mise en oeuvre des objectifs de performance énergétique, témoignent des progrès réalisés mais aussi de ceux qui restent à accomplir. Ces documents sont très utiles au pilotage de notre action, et je souhaite que des réponses formelles vous soient prochainement adressées sur les avis les plus structurants.
Des erreurs de stratégie, des faiblesses méthodologiques, ont pu être observées, auxquelles il nous faudra remédier. Le bilan du volet immobilier de la réforme de ladministration territoriale de lEtat (RéATE), marqué par linstallation des nouvelles directions départementales interministérielles (DDI), me semble particulièrement illustratif à cet égard. Il nest pas encore connu avec précision, certaines opérations étant encore en cours il sera bien sûr utile que le CIE se saisisse de ce dossier en temps voulu. A ce stade, il est néanmoins possible de tirer quelques premières conclusions, très instructives du point de vue de la politique immobilière :
- La RéATE a, comme dautres mesures prises en matière immobilière depuis 2006, permis dobtenir des résultats non-négligeables. Des opérations immobilières denvergure ont pu aujourdhui être réalisées, permettant ainsi à lEtat de libérer 546 sites et réduire les surfaces occupées denviron 200 000 m². En termes de loyers externes, ce sont environ 7 M annuels qui sont économisés par les différentes administrations, soit une économie de lordre de 6% sur le total des loyers externes à terme, les économies pourraient atteindre 8,5 M.
- Pour autant, un essoufflement du mouvement initial peut être observé. Un tiers des opérations restent à réaliser, comprenant notamment les plus complexes ou les plus sensibles qui nont pu être menées à bien jusquici. Les surfaces utilisées, au global et par poste de travail, nont à ce stade été réduites que de 10% au lieu de 15%. Alors que le bilan financier théorique de la RéATE faisait apparaître un bilan positif de plus de 60 M dans la programmation initiale (490 M de produits de cessions après contribution au désendettement, 430 M de dépenses de restructuration), léconomie générale du volet immobilier de la RéATE a beaucoup évolué et le bilan financier de cet exercice, qui reste incertain à ce jour, pourrait in fine se révéler déficitaire.
- La dégradation du bilan économique sexplique à la fois en recettes et en dépenses. Du point de vue des recettes, seules 45% des cessions prévues ont été encaissées, pour un montant total de 215 M. Si une partie de laffaiblissement sexplique par laccroissement de la part des produits de cession affectée au désendettement, décidée par le Parlement, une autre partie est la conséquence dune programmation trop optimiste. De même, en dépense, des surcoûts ont pu être constatés sur des opérations complexes. Certaines dépenses, non soutenables, ont dores et déjà dû être reprogrammées. Jen tire une conclusion : la nécessité dune plus grande professionnalisation, dune programmation plus fine et plus exigeante, en matière immobilière.
- Par ailleurs, lexclusion de certaines administrations, je pense à la Justice, à lEducation nationale, mais aussi à la Direction générale des Finances publiques (DGFiP), a limité dans certains cas les possibilités de mutualisation et de rationalisation, réduisant dautant le bénéfice global de la réforme une critique que le CIE a dores et déjà eu loccasion de formuler. Il y a à cela des motivations et des explications, qui ne sont pas nécessairement illégitimes. Pour autant, il faut en tirer les conclusions : les exceptions aux règles de la politique immobilière, les dérogations, les cloisonnements, vont à lencontre de lefficacité. La mutualisation doit être le principe, et ce principe doit sappliquer avec la plus grande extension.
Professionnalisation renforcée, mutualisation accrue : ces grands axes que je mapprête à développer sont, je le sais, ceux qui irriguent toute la réflexion du CIE, et nombre de ses recommandations. Son origine parlementaire, au sein de la Commission des finances et de sa mission dévaluation et de contrôle coprésidée par la majorité et lopposition, en témoigne : la politique immobilière nest pas un sujet de polémique partisane. Un consensus existe sur les défis à relever, et même, en grande partie, sur les solutions à mettre en oeuvre, et je minscris dans cette perspective, qui est aussi celle du CIE. Ce qui ne veut pas dire que sa mise en oeuvre soit aisée, car les résistances, les pesanteurs sont réelles, et linertie aurait tôt fait, faute de volonté politique, de sinstaller. Je tiens à être clair : si je souhaite réformer la politique immobilière pour lui donner un second souffle, un nouvel élan, il nest pas question de remettre en cause les acquis ni de faire demi-tour. Bien au contraire, il nous faut consolider les premiers résultats, comprendre les blocages qui ont pu voir le jour au cours de la première phase et les surmonter. En somme, je souhaite mappuyer sur ce qui fonctionne, identifier les échecs, et développer les outils de la politique immobilière de demain.
A la mutualisation et à la professionnalisation, jajouterai un troisième axe, auxquels vous serez sans doute également sensibles : dune simple politique support, la politique immobilière doit devenir un véritable vecteur des politiques publiques, qui à leur tour, peuvent servir de levier pour une utilisation plus rationnelle du patrimoine immobilier. Cest notamment lenjeu de la mobilisation du foncier public en faveur du logement.
1. Mutualisation et construction dune politique de limmobilier public
Le premier axe sur lequel je souhaite appuyer mon action pour donner à la politique immobilière une nouvelle impulsion, cest donc la mutualisation.
- La mutualisation doit être géographique. Le CIE laffirme dans son rapport, la Cour des comptes abonde dans le même sens : le département est une base trop étroite pour tirer pleinement partie des possibilités doptimisation et de regroupement au plan local. Je propose de retenir désormais léchelon régional comme territoire-clé de la politique immobilière : la région me paraît constituer le bon équilibre pour atteindre une masse critique tout en maintenant un lien fort avec le territoire et les réalités locales. La régionalisation est dores et déjà ébauchée dans les faits : le programme 309 est géré par les préfets de région, qui sont dailleurs responsables de la stratégie immobilière de lEtat localement. Par ailleurs, la loi du 16 janvier 2013 sur la mobilisation du foncier public en faveur du logement, sur laquelle je reviendrai, confie un rôle central au préfet de région. Je souhaite que cette régionalisation soit systématisée. Ainsi, le département avait été retenu pour la première génération de SPSI, et le travail de mise en cohérence au niveau régional navait souvent consisté quen une compilation et une validation en létat des SPSI locaux. La nouvelle génération de schémas pluriannuels, qui sera lancée dans les prochains mois, devra être pensée directement au niveau régional, puis validée et appuyée au niveau national.
- Le changement déchelon géographique devra être mieux reflété dans la répartition des moyens de la politique immobilière. Lorganisation territoriale de France Domaine est aujourdhui largement départementale, sappuyant sur les responsables de la politique immobilière de lEtat (RPIE) placés sous la double autorité du préfet de département et du directeur départemental des finances publiques (DDFiP), ainsi que sur les services locaux du domaine sous lautorité du DDFiP. Pour mieux prendre en compte limportance croissante de la région dans la politique immobilière de lEtat, jai demandé à France Domaine de lancer une réflexion sur les moyens de renforcer les fonctions domaniales en région, selon un schéma à déterminer. Une telle démarche servira par ailleurs lobjectif de professionnalisation : en matière dévaluation par exemple, la masse critique nest pas atteinte dans un certain nombre de départements dans lesquels il nest pas réalisé un nombre suffisant dopérations, notamment dopérations complexes permettant aux agents dexercer et de développer leurs compétences.
- Permettez-moi den dire un peu plus sur les futurs schémas pluriannuels. Comme je lai indiqué, ils devront sinsérer dans une organisation régionalisée : il sagira donc de schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR), qui seront validés en y associant lensemble des acteurs autour du préfet de région. Ce nouveau mode opératoire, qui affecte la répartition actuelle des compétences, devra naturellement faire lobjet dune concertation avec le Ministère de lIntérieur, et le secrétariat général à la modernisation de laction publique (SGMAP) qui est en charge de la RéATE ce sera lune des facettes du processus de modernisation de laction publique (MAP) dans lequel sinscrit la réforme et sur lequel je reviendrai en conclusion. Mais leffort de mutualisation ne devra pas se limiter à la seule question de léchelon géographique. Jai demandé à France Domaine de réfléchir aux moyens dintégrer aux travaux non seulement lensemble des administrations déconcentrées sans exception, afin de dépasser le cadre de la seule RéATE comme ce fut le cas précédemment mais également, dans toute la mesure du possible, les opérateurs de lEtat. Les principales collectivités territoriales pourront également être consultées en vue de réfléchir à lopportunité dimplantations communes. Il sagit didentifier et dintégrer tous les projets et besoins de réinstallation, cest-à-dire toute « loffre » et toute la « demande » au sein de la sphère publique, afin de saisir lensemble des opportunités de regroupement et de rationalisation au regard des prévisions dévolution des effectifs et des missions.
- Cest encore le principe de mutualisation qui guide notre action concernant la mise en commun des moyens budgétaires. Le fonctionnement du programme 309, qui comprend les crédits dentretien lourd de limmobilier de lEtat, a récemment été amélioré en ce sens puisquà compter de cette année, les enveloppes régionales intègrent les crédits anciennement gérés séparément par la DGFiP, la Direction générale des Douanes et Droits indirects (DGDDI) et la Justice. Ce même principe sappliquera désormais également au financement des cités administratives. Alors que ces sites sont par nature interministériels, les dépenses dinvestissement et de gros entretien rénovation étaient financés au prorata des surfaces occupées, une solution complexe et incohérente avec le principe de lunicité de lEtat propriétaire. A compter de cette année, ces investissements sont financés sur lenveloppe mutualisée du CAS Gestion du patrimoine immobilier.
- Au-delà, le fonctionnement du CAS devra être réexaminé au regard de cette exigence de mutualisation. Se pose naturellement la question des dérogations dont bénéficient actuellement le Ministère de la Défense, ainsi que les cessions à létranger. Je signale à cet égard quune démarche de modernisation de laction publique vient dêtre lancée concernant lorganisation et le pilotage des réseaux à létranger, qui examinera notamment les possibilités de mutualisation en matière immobilière entre les différents réseaux (Quai dOrsay, Bercy, opérateurs). Mais au jour le jour, lenjeu me semble surtout, plus que le symbole des exceptions légales, de moderniser la gestion budgétaire sur le CAS pour permettre quune démarche plus stratégique de programmation des opérations aille de pair avec une mutualisation de la trésorerie disponible. Plutôt quune gestion en tuyaux dorgue, dans laquelle chaque administration se juge propriétaire de ses produits de cession et veut pouvoir en disposer à tout moment, je pense que nous devons évoluer vers une programmation des besoins prioritaires de lEtat, et lutilisation en conséquence des moyens disponibles. Cette gestion plus mutualisée des ressources évitera, je nen doute pas, certains cas de recours à des montages innovants qui peuvent faire peser des risques sur les finances de lEtat à long terme. Cette première approche ne doit pas conduire à éluder la question de lévolution de la part mutualisée des produits de cession. La gestion segmentée des produits de cession génère inévitablement des effets daubaine, en fonction de la qualité du parc occupé par tel ou tel ministère, et une utilisation potentiellement sous-optimale des ressources dégagées par les cessions. Si lintéressement des ministères aux produits de cession a pu se justifier dans une première phase pour permettre aux administrations de mesurer lintérêt qui sattache à la libération des sites et à la rationalisation du parc, il est peut-être souhaitable, désormais, que lEtat-propriétaire réaffirme que cet intérêt est avant tout collectif.
- En effet, la mutualisation nest quun instrument : elle ne sert les objectifs de la politique immobilière que dans la mesure où les moyens et les ressources ainsi mis en commun sont utilisés de façon plus efficace, plus rationnelle quils ne lauraient été dans un fonctionnement segmenté. Dans un monde de ressources rares, et le Ministre des Domaines qui est également le Ministre du Budget ne pourra prétendre quil en est autrement, ce sont lintérêt et lurgence des projets qui doivent primer. Ceci nécessite des outils de programmation et darbitrage appropriés jy reviendrai dans un moment mais également un travail de pédagogie auprès des responsables de Budgets Opérationnels de Programme (BOP), auxquels il sera demandé plus de précision et danticipation dans lexpression des besoins dentretien des immeubles, sur le programme 309. De même, concernant les cités administratives, la mutualisation du financement exigera des préfets, gestionnaires des cités, quils proposent une programmation des dépenses complète et hiérarchisée, afin déviter que des opérations exceptionnelles ne viennent, à lavenir, déstabiliser la soutenabilité de la programmation comme cétait jusquici trop régulièrement le cas.
- Laffirmation de lEtat propriétaire à travers la mutualisation devra prendre également une forme nouvelle si lon veut enfin dépasser le seul périmètre des immeubles de bureaux qui a constitué, et cétait logique dans un premier temps, le premier coeur de la politique immobilière. Le partage des bonnes pratiques permettra lextension des objectifs de la politique immobilière au-delà de limmobilier de bureau. Ceci ne signifie évidemment pas quil ny ait plus de progrès à faire sur ce segment du parc. Au contraire, les marges de manoeuvre restent importantes, comme en témoigne lécart encore significatif restant à combler avant datteindre la cible des 12m² de surface utile nette par poste. Jajoute même que la consolidation et le renforcement des acquis en la matière reste la priorité que jassigne à France Domaine pour les mois à venir. Pour autant, la première phase de la politique immobilière sest concentrée sur ces seuls immeubles, qui ne représentent quenviron 19 millions de m² sur une surface totale de près de 73 millions de m². Il me semble quil est temps dexaminer les pistes daction en direction de limmobilier dit « spécifique », en concertation avec les utilisateurs et les structures spécialisées : lagence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ) placée sous la tutelle du Ministère de la Justice et chargé de la conception et la gestion des grands projets immobiliers des services judiciaires et de ladministration pénitentiaire ; lopérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) placé sous la tutelle du Ministère de la Culture et de la Communication et spécialisé dans la maîtrise douvrage des équipements culturels ; la délégation à l'action foncière et immobilière (DAFI), service à compétence nationale du Ministère de lEcologie, du Développement durable et de l'Energie chargé de promouvoir des opérations daménagement durable et de construction de logements sur des terrains de lÉtat et de contribuer aux objectifs immobiliers du Grenelle. Il ne sagit pas de nier ou deffacer ce qui fait, précisément, la spécificité de ces biens, mis au service de la mission même qui y est exercée et qui se confondent souvent avec cette dernière (biens culturels, bases de défense, locaux spécifiques de la police ou de la gendarmerie, palais de justice ou universités). Mais ce qui est spécifique est rarement unique, et, comme le montre certains avis récents du CIE, il existe de bonnes, et parfois de moins bonnes, stratégies et opérations immobilières portant sur des biens spécifiques Je suis convaincu quil est possible de définir des stratégies et des critères de performance adaptés à ce patrimoine, en vue de lintégrer dans la réflexion densemble. Létude de compatibilité immobilière, désormais obligatoire pour les opérations reposant sur des partenariats public-privé, constitue pour France Domaine un bon point dentrée en la matière.
- La question de limmobilier spécifique nous invite à regarder au-delà de la sphère « Etat » au sens restreint : cest lébauche dune véritable politique de limmobilier public que je souhaite faire émerger dans cette nouvelle phase de la politique immobilière. En particulier les opérateurs devront, en matière immobilière, être effectivement soumis aux mêmes règles que celles que lEtat sapplique, comme nous lexigeons également en matière de crédits et de plafonds demploi. Je proposerai donc un plan daction à leur égard, en lien avec les tutelles et les instances de contrôle, visant à sassurer que lautonomie dont ils peuvent disposer ne les exonère pas de la participation à leffort commun de rationalisation au service du redressement des comptes : respect des ratios doccupation et des plafonds de loyer, efforts de mutualisation ou de libération de biens sous-utilisés. Le renouvellement des SPSI constituera, en ce qui les concerne, un enjeu tout à fait essentiel, qui devra permettre de dépasser lacquis de la première génération, tant en termes de programmation stratégique que de mise en oeuvre opérationnelle. Il sagit de lun des champs pour lesquels des marges de progrès importantes existent. Ne nous voilons pas la face : mené de façon précipitée à la fin de la précédente législature, lexercice de collecte des SPSI des opérateurs est resté largement formel et na pu être réellement exploité. Je souhaite quil soit une priorité de notre action. Au-delà des opérateurs, lensemble des administrations publiques sera encouragé et appuyé en vue dune meilleure gestion du parc : les efforts de lEtat doivent servir dexemple à tous en la matière. Je sais que le CIE est attaché à cette perspective : son travail de fond sur limmobilier des organismes du régime général de sécurité sociale ou celui des universités en témoigne, et servira naturellement de point dappui pour la réflexion quil nous faut mener. Cest dailleurs déjà le cas sagissant de la négociation, actuellement en cours, de la prochaine convention dobjectifs et de gestion de la Caisse nationale dallocations familiales. Une fois encore, linscription de la réflexion sur la politique immobilière dans le processus de la modernisation de laction publique visera précisément à assurer que lensemble des administrations publiques seront associées et concernées par les réformes proposées.
2. Professionnalisation de laction de lEtat en matière immobilière
Le second axe de redynamisation de la politique de limmobilier public est la professionnalisation de notre action, sur laquelle le CIE insiste fortement, à juste titre.
- Il sagit dabord de renforcer France Domaine en matière dévaluation, activité qui se situe au coeur de son métier traditionnel. Si la première phase de la politique immobilière a principalement reposé sur des outils nouveaux à forte coloration budgétaire (CAS, programme 309, loyers budgétaires ou conventions doccupation), France Domaine ne peut se désintéresser de son métier historique, qui demeure indispensable à la mise en oeuvre de notre action et à la réalisation des programmes de cession. Sans évaluation, pas de possibilité daffiner la connaissance du parc, connaissance pourtant indispensable à la définition dune stratégie cohérente et à lappréciation de son efficacité. Je tiens donc à ce que la DGFiP maintienne et même renforce, en interne, une capacité dévaluation de haut niveau et indépendante. Je nignore pas que près de 85% des 200 000 évaluations réalisées chaque année par France Domaine sont produites au profit de personnes publiques autres que lEtat, notamment les collectivités locales (55%). Il sagit évidemment dune charge lourde pour la DGFiP, qui pèse sur ses moyens. Pour autant, ce travail permet à la DGFiP de réaliser une masse critique dévaluations sur tout le territoire, ce qui lui permet de développer ses compétences, et de disposer de multiples références pertinentes à travers la France : laccomplissement de cette mission constitue donc pour lEtat un socle dexpertise sans équivalent, et participe ainsi de la professionnalisation de la fonction immobilière. Au-delà de cet argument technique, je considère que lévaluation des biens publics, y compris au profit des collectivités, doit par principe demeurer partie intégrante des missions du domaine. Dabord parce quil ne saurait être question de privatiser cette fonction, essentielle à la relation avec les collectivités locales.
Ensuite, parce quau moment où il est demandé à ces collectivités de contribuer au redressement des comptes publics, les transferts de charge ne peuvent senvisager quavec dinfinies précautions. Enfin, et peut-être surtout, parce que Bercy se doit dêtre le ministère de légalité devant les charges publiques : or les plus petites collectivités nauraient pas les moyens de recourir à des experts privés, alors que les principes dindivisibilité et dunité de la République commandent quune même politique dévaluation, de qualité constante, puisse être appliquée à travers le pays. La mission dévaluation doit ainsi contribuer à la maîtrise du foncier public, et à la politique daménagement du territoire.
Pour autant, la question de lévaluation nest pas close, bien au contraire : le maintien dune capacité dévaluation de premier ordre au sein de ladministration des domaines a pour corollaire nécessaire une professionnalisation exemplaire de cette fonction, afin den assurer pleinement la légitimité. Dabord, il pourrait être utile de concentrer la DGFiP sur les évaluations les plus pertinentes, pour lui éviter de se disperser : je pense notamment aux évaluations réalisées à titre informatif à la demande des collectivités, sans que la réglementation ne lexige. Les seuils réglementaires pourraient également être revus pour dispenser France Domaine des évaluations peu significatives. Afin de couper court aux suspicions de conflit dintérêt, une séparation fonctionnelle plus claire entre les évaluateurs agissant pour lEtat et ceux agissant pour les autres personnes publiques pourrait également être envisagée. Surtout, la qualité des évaluations peut être améliorée : si les critiques adressées à cet endroit me paraissent souvent exagérées, puisque lexpérience montre que les évaluations privées confirment le plus souvent les chiffres du domaine, il est toujours possible de progresser. La politique dévaluation doit notamment être harmonisée au plan national, en cohérence avec les principes dindivisibilité et dunité de la République que jinvoquais : les avis domaniaux, encore hétérogènes selon les départements dans la forme et même parfois dans les méthodes de travail, devront faire lobjet dune harmonisation qui garantirait lunicité de lapproche. En parallèle, les procédures doivent être unifiées grâce à la rédaction de guides fournissant aux évaluateurs des références communes et les sensibilisant aux points délicats de chaque type dévaluation. Je souhaite que la DGFiP, qui a déjà lexpérience de la certification sur certains métiers, étudie la possibilité dobtenir une labellisation des évaluateurs de France Domaine, ce qui constituerait une marque de reconnaissance de la qualité de ses évaluations. Laccès à une information plus complète et mieux partagée, la poursuite des efforts de formation, les échanges de compétences, de pratiques et de points de vue avec les évaluateurs privés, doivent également permettre de franchir une nouvelle étape. Un marché national sera très prochainement passé pour permettre le recours systématique à un avis extérieur sur les opérations significatives, atteignant le seuil de saisine de la commission de la transparence et de la qualité des opérations immobilières de l'Etat (CTQ) : ceci permettra à la fois de sécuriser les cessions, et de développer les compétences internes de la DGFiP.
- En effet, la professionnalisation doit également concerner les cessions : en clarifiant les procédures, en encadrant les cessions, lEtat sécurise ses opérations, mais de surcroît, augmente bien souvent le produit de cession quil en retire, permettant denvisager dans de meilleures conditions la substitution de sites de qualité aux immeubles inadaptés aux besoins, mal entretenus, non performants. Les cessions constituent en effet le préalable indispensable pour envisager la relocalisation des administrations dans des immeubles de meilleure qualité, offrant aux agents et aux usagers des conditions de travail et daccueil plus adaptées. Ouvrir le chantier de la professionnalisation des cessions est donc doublement indispensable. La CTQ et le CIE ont dores et déjà formulé des pistes intéressantes. Sur le plan réglementaire, la formalisation accrue des procédures dappel doffres doit permettre une complète transparence des opérations tout en renforçant lattractivité du marché. Des cessions à plusieurs tours, des cessions de portefeuille de biens, peuvent constituer des procédures adaptées selon les situations. Sur le plan contractuel, lEtat refuse généralement linsertion de conditions suspensives dans les cahiers des charges dappel doffres et dans les actes, Les risques, notamment ceux relatifs à lobtention du permis de construire, pèsent ainsi sur lacquéreur et non sur lEtat, mais le nombre de candidats et le prix de cession du bien sen trouvent fortement affectés. Je souhaite donc que lintroduction de conditions suspensives puisse être envisagée lorsque cest opportun, par exemple pour les cessions les plus importantes. De même, les clauses de complément de prix, adaptées en pourcentage et en durée aux enjeux financiers pour lEtat, permettent de mieux répartir les risques entre cédant et acquéreur, et de maximiser in fine le produit de cession. Enfin, des efforts techniques et commerciaux doivent également être faits en vue de développer la publicité et la qualité des appels doffres : support de présentation des biens, meilleur ciblage et meilleure information des acquéreurs potentiels par la mise à disposition dune documentation plus fournie et sur une durée plus longue, etc. La refonte récente du site internet des cessions domaniales y contribue dores et déjà de façon visible. Je souhaite que des contacts soient pris régulièrement avec des grands investisseurs, y compris étrangers, qui peuvent signaler leur intérêt pour des investissements de long terme en France. Ceci permettra de renforcer la concurrence, et de mieux valoriser les biens, quitte à prendre un peu plus de temps pour boucler les opérations : lexpérience montre que lEtat est souvent gagnant in fine.
- Le recours à des prestataires externes, que jenvisage en matière dévaluations, peut aussi se révéler utile dans dautres champs en vue de professionnaliser laction du service des domaines. La diversité et la technicité des compétences requises (processus de cessions, rédaction des actes juridiques de cession/acquisition/prise à bail, négociations, recherche de biens) peuvent nécessiter de se faire accompagner en tant que de besoin, en vue de favoriser les transferts de compétences, et pour mettre à disposition de France Domaine des expertises pointues quil na pas vocation à prendre en charge directement. Ainsi, pour les acquisitions et prises à bail les plus importantes, notamment en Ile-de-France et dans les grandes métropoles de province, lappui dun assistant à maîtrise douvrage spécialisé permet souvent de définir au mieux les besoins, et dorganiser une mise en concurrence optimale sur la base dun cahier des charges précis. Les baux franciliens les plus lourds, dont le montant annuel est supérieur à 500 000 , ont été renégociés récemment avec lappui de prestataires spécialisés travaillant en étroite collaboration avec la personne publique en charge du dossier : ce marché a permis à l'Etat de réaliser une économie de 28 M en année pleine sur 48 baux représentant initialement 117 M, soit un ratio déconomies de 23,4%. Cette démarche, qui vient compléter celle de la fixation des plafonds de loyers en Ile-de-France et dans les grandes métropoles régionales, est maintenant expérimentée en Rhône-Alpes, et pourrait être généralisée à lensemble du territoire. On le voit, il existe, en matière immobilière, dimportantes marges de manoeuvre pour réaliser des économies beaucoup plus aisées et moins douloureuses pour la personne publique que dans dautres champs de la dépense.
- Parmi les outils de professionnalisation, je noublie naturellement pas la question primordiale de linformatique, à laquelle le CIE, et particulièrement son Président, sont sensibles à fort juste titre. Je le sais, France Domaine ne dispose pas, aujourdhui, dun système dinformation performant et partagé avec les utilisateurs couvrant ses besoins fonctionnels. Si lhorizon doit être de disposer dun système intégré avec le référentiel comptable et financier de lEtat, et par conséquent avec linventaire physique du parc immobilier de lEtat qui figure dans Chorus, la mise en oeuvre de cette solution, complexe techniquement, peut prendre du temps. France Domaine a dores et déjà élaboré et déployé, hors de Chorus, plusieurs outils partagés avec les ministères permettant de satisfaire les besoins métier les plus urgents : outil de suivi des cessions (OSC), outil de suivi des audits énergétiques des immeubles (OCAPI). Cependant, dautres besoins doivent être couverts sans délai : je pense à la gestion des contrats afin de suivre efficacement les baux externes et la performance immobilière ; à la programmation immobilière ; à la gestion prévisionnelle des surfaces, en vue déliminer les vacances et dassortir loffre et la demande. Dès lors que ces fonctionnalités avancées de gestion de limmobilier sont indispensables à court terme, jai demandé à France Domaine et à l'agence pour l'informatique financière de l'Etat (AIFE) de travailler à ce chantier. Des solutions seront proposées très rapidement au Comité dOrientation Stratégique (COS) Chorus, qui permettront de ne pas retarder davantage la mise à disposition des outils indispensables à lamélioration de lefficacité de la politique immobilière.
- La professionnalisation doit viser à doter France Domaine dune capacité immobilière complète, à transformer cette administration, trop souvent perçue par les utilisateurs comme un « gendarme » immobilier, en un véritable centre de ressources et dexpertise de limmobilier public. Un changement culturel est nécessaire, tant du point de vue de lEtat-propriétaire que de celui des occupants : je souhaite que France Domaine conçoive sa mission, et soit reconnue par les utilisateurs, comme un propriétaire stratège fournissant aux administrations des conseils et des services à haute valeur ajoutée dans tous les métiers de limmobilier, en vue de les aider à utiliser le patrimoine de lEtat, à commencer par limmobilier de bureaux, de façon économe et rationnelle dans lintérêt des agents et des usagers. France Domaine ne dispose aujourdhui daucune compétence en matière de maîtrise douvrage publique, qui constitue pourtant lattribut naturel dun propriétaire. Cette compétence est aujourdhui exercée dans des conditions disparates par les différents ministères : la mutualisation interministérielle des crédits immobiliers ne sest pas accompagnée, à ce stade, dune mise en commun des compétences techniques en termes de suivi dopération et de maîtrise douvrage. Il y a là une opportunité de mutualisation, au service de la professionnalisation.
- Lamélioration du Document de Politique Transversale (DPT), que le CIE appelle de ses voeux, permettra également davancer dans ce sens : la 2e édition de ce DPT, qui sera présentée au Parlement dans le cadre du PLF 2014, doit permettre de recenser lensemble des emplois et des dépenses de personnel consacrés à la politique immobilière. Cet enrichissement permettra de mieux cartographier la fonction de maîtrise douvrage au sein de lEtat et de ses opérateurs, préalable indispensable à la définition de schémas de rationalisation et doptimisation de cette fonction. Au-delà, le DPT pourrait être renforcé sur dautres aspects, notamment la meilleure prise en compte de la question des opérateurs. Je partage avec le CIE lambition de faire de ce document, à terme, un véritable tableau de bord des fonctions « propriétaire » et « utilisateur ». Se posera naturellement la question des sanctions en cas de divergence persistante dune administration par rapport aux objectifs fixés. Lutilité et lefficacité des loyers budgétaires comme outil incitatif de rationalisation pourra être étudié dans ce cadre : je rappelle par exemple quun mécanisme de « surloyer » est prévu à compter de 2014, dans le cadre de la mise en oeuvre des premiers rendez-vous triennaux liés à la première série des conventions dutilisation signées en 2010, en cas de non-respect des engagements de performance immobilière.
- La professionnalisation des outils doit être mise au service dune professionnalisation de la prise de décision publique, qui doit désormais reposer sur une véritable analyse économique des projets immobiliers. Jattends de France Domaine quil forge une doctrine demploi sur les questions structurantes et récurrentes de limmobilier public afin déliminer la suspicion, parfois exprimée par les administrations occupantes, de « pilotage à vue » et de prise de décision en opportunité : larbitrage entre la cession et la conclusion dun bail emphytéotique, la réduction de lexposition à la conjoncture en ne cédant quau moment opportun et le développement de solution de portage, larbitrage entre le locatif et le domanial sur la base danalyses économique et de performance immobilière, lopportunité du recours aux montages financiers innovants Autant de chantiers qui devront être abordés dans la transparence, afin quun référentiel commun puisse être partagé avec les administrations. La question du rôle de la SOVAFIM, et notamment lopportunité de la conclusion dun accord-cadre de partenariat avec lEtat, sera analysée dans ce contexte. Les futurs schémas directeurs de limmobilier en région devront naturellement intégrer, eux aussi, cette nouvelle dimension, en sappuyant sur une grille danalyse de la rentabilité des scenarii envisagés et dévaluation des délais de retour sur investissement. Les dimensions relatives au respect des obligations en matière daccessibilité, de normes environnementales, ainsi que la contribution à la rationalisation immobilière et au développement de loffre de logement seront des critères essentiels.
3. Passer dune politique support à un vecteur de politiques publiques
Le troisième axe que je souhaite vous présenter, cest la transformation de la politique immobilière, qui reste aujourdhui considérée essentiellement comme une fonction support, en un véritable vecteur de politiques publiques. Cet axe fait directement écho à la première proposition de votre rapport.
- Le préalable à cette transformation est lémergence dun véritable Etat-propriétaire, encore en gestation à ce jour. La séparation entre le propriétaire et loccupant, pourtant au coeur de la première phase de la politique immobilière, nest pas encore pleinement acceptée par les utilisateurs. La capacité darbitrage du propriétaire, sur les sujets qui ne relèvent que de lui, doit être affirmée. Ceci ne signifie évidemment pas décider contre, ni même sans, les utilisateurs. En revanche, je souhaite que les chaînes de décision puissent être revues et simplifiées, et que les responsabilités respectives du propriétaire et de loccupant soient mieux comprises et intégrées par chacun. Cela implique sans doute de repenser larticulation des différents outils budgétaires, afin déviter que les dépenses immobilières ne soient imputées, au gré des circonstances, sur tel ou tel compte ou programme. Le DPT a permis de mesurer que le programme 309, programme mutualisé, ne représente que 17% des dépenses dentretien lourd de lEtat : il y a à cela des explications, notamment le fait que ce programme ne couvre que les dépenses liés à limmobilier de bureaux, mais cest également le signe dune affirmation imparfaite de lEtat-propriétaire unique, ne permettant pas dassurer un pilotage transversal de la nouvelle politique immobilière ni dincarner clairement la relation budgétaire entre propriétaire et occupant. Nous devrons donc réfléchir aux évolutions à apporter au pilotage et aux outils budgétaires, en vue dune plus grande lisibilité, simplicité et efficacité. Au-delà des moyens, cest la capacité darbitrage de lEtat-propriétaire qui doit être confirmée. La mise en place dune gouvernance rénovée, sans doute simplifiée, qui aurait notamment vocation à servir dinstance nationale dapprobation et de suivi des SDIR et à piloter lachèvement de la RéATE, permettrait de respecter les intérêts de chaque administration en local, de valider le caractère indispensable des besoins exprimés, et de prioriser les projets de manière équitable et pragmatique, sous limpulsion de France Domaine.
- A cet égard, jai pris note des propositions du CIE dautonomisation de France Domaine, sous forme de service à compétence nationale ou dagence. Si lorganisation actuelle du service des domaines doit pouvoir être améliorée et ses compétences renforcées, comme jai eu loccasion de vous le dire, une telle autonomisation me paraît prématurée : à lheure où la capacité darbitrage de lEtat propriétaire demande encore à être confirmée, et où les enjeux de la politique immobilière ne sont pas encore pleinement intégrés par les utilisateurs, il me semble que France Domaine doit pouvoir continuer à sappuyer, du moins à ce stade, sur lautorité du Ministre du Domaine et sur les synergies avec le réseau de la DGFiP. Jai la conviction que les administrations ne sont pas plus fortes lorsque les ministres sont plus faibles, bien au contraire. Pour autant, il est bien sûr nécessaire de garantir que cette situation ne conduise pas à des « conflits dintérêt », concernant une administration disposant dune présence immobilière importante. La récente mutualisation et régionalisation des crédits de la DGFiP sur le programme 309 démontre néanmoins que limpartialité peut et doit prévaloir.
- Dès lors que lEtat-propriétaire saffirme, il est en capacité, dans ses arbitrages, de mettre limmobilier au service des priorités politiques définies par le Gouvernement. Je pense en tout premier lieu à la mobilisation du foncier public en faveur du logement. Cette politique constitue naturellement une charge pour les finances de lEtat, et pour certains opérateurs, dès lors que les produits de cession sen trouveront affectés. Le bilan de la RéATE, en particulier, pourrait être négativement impacté à hauteur dune vingtaine de millions deuros. Pour autant, des consignes claires ont été données aux préfets : il ne saurait être question de refuser de flécher tel ou tel bien en faveur du logement au seul prétexte quil est intégré dans le plan de financement dun programme dinitiative local. Je les réunirai dans quelques jours à Bercy, pour leur rappeler limportance de cette politique et le rôle qui leur incombe dans sa mise en oeuvre. A mon sens, la mobilisation du foncier public constitue une opportunité majeure de contribuer à la priorité quest le logement, tout en confortant la politique immobilière de lEtat en accélérant les restructurations et labandon de sites inutiles ou sous-utilisés. Afin daller au-delà de lexercice annuel de programmation des cessions, jai demandé à France Domaine de préparer une enquête de grande échelle sollicitant les administrations pour lidentification de biens mobilisables pour le logement, mais également de biens cessibles de toute nature : les résultats de cette enquête devront être intégrés à la préparation des futurs SDIR. Si la politique immobilière doit être mise au service de la mobilisation du foncier public, cet élan de mobilisation peut et doit aussi servir de levier au renforcement de la performance immobilière.
- Porter des politiques publiques, cest également mobiliser limmobilier en faveur de lintégration des personnes en situation de handicap, et de la transition énergétique. Cest tout lenjeu de laccessibilité et de la performance énergétique des bâtiments publics, chantier complexe et sensible, particulièrement au regard de létat de nos finances publiques : je relève dailleurs que le précédent gouvernement, sil a affiché des objectifs particulièrement ambitieux, na pas jugé nécessaire damorcer sérieusement leur mise en oeuvre. Le CIE a eu loccasion de se prononcer sur ces questions, et un travail de fond a été amorcé par France Domaine afin de relever ces défis, dans un cadre budgétaire particulièrement contraint. Il nous faut aujourdhui prioriser les investissements : ces questions devront être pleinement intégrées dans la préparation des SDIR, et plus généralement, dans le cadre de lanalyse de chaque projet immobilier qui sera présenté à linstance darbitrage, afin de hiérarchiser les actions à mener en fonction des gains pour les usagers, du coût, et du retour sur investissement en ce qui concerne la performance énergétique, en sappuyant sur les compétences des services du Ministère de lEcologie, du Développement durable et de l'Energie. France Domaine sest dores et déjà rapproché de ce ministère afin de définir les modalités dintégration des critères environnementaux au sein des grilles préexistantes des dossiers de remploi (pour les dépenses financées à partir du CAS) et des avis domaniaux enrichis (obligatoires pour les opérations immobilières importantes). La connaissance du parc demeure encore très imparfaite malgré les 50 M mobilisés au titre du plan de relance de 2009 pour réaliser des audits ; elle pourra être améliorée, grâce notamment aux outils informatiques nouveaux, permettant une analyse plus fine des bâtiments : identification des sites sur lesquels des travaux damélioration seraient les plus efficaces, pression en faveur du délaissement des « points noirs » énergétiques. Le fort élan en faveur de ladministration dématérialisée (e-administration) fait écho à une autre suggestion du CIE. Enfin, je suis très sensible aux recommandations du CIE concernant la formation et la responsabilisation des utilisateurs, une piste insuffisamment mobilisée quoique susceptible daméliorer sensiblement la performance énergétique.
Conclusion
Mutualiser, professionnaliser, faire émerger une véritable politique publique : les chantiers sont nombreux et denses. Ils ne pourront être menés à bien quavec limplication de tous : celle de France Domaine et de Bercy, celle de lensemble des administrations dEtat, et au-delà, celle des agences, des agents, des usagers. Les premières pistes ébauchées devant vous seront donc intégrées à la démarche de modernisation de laction publique, avec lappui du SGMAP, afin de faire émerger un véritable consensus sur la nécessité et les exigences de la nouvelle phase de la politique immobilière.
Ce consensus est nécessaire, mais surtout, je le crois possible. Comme jai eu loccasion den donner quelques exemples, le champ de limmobilier recouvre de nombreuses pistes déconomies qui, pour certaines, ne représentent aucun sacrifice (je pense aux renégociations de baux), pour dautres, exigent un degré deffort au travers dune plus grande attention à des principes de bonne gestion immobilière mais permettent ainsi de préserver le coeur des missions des administrations.
Je sais pouvoir compter sur limplication constante et vigilante du CIE pour faire aboutir ce projet.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 17 mai 2013