Déclaration de M. Pascal Canfin, ministre du développement, sur la lutte contre la malnutrition infantile dans le monde, à Paris le 14 mai 2013.

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Circonstance : Clôture de la première journée de la Conférence internationale contre la malnutrition infantile, à Paris le 14 mai 2013

Texte intégral

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale du Bénin,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Madame la Directrice exécutive adjointe de l’UNICEF,
Madame la Présidente de l’UNICEF France, chère Michèle Barsach,
Mesdames et messieurs,
Je suis heureux de me joindre à vous pour clôturer la première journée de cette conférence.
Je souhaite, au nom du gouvernement français, la bienvenue à tous les participants venus des quatre coins du monde pour cette importante réunion. Merci aux représentants de gouvernements et de Parlements africains d’avoir fait le déplacement, votre connaissance du terrain est précieuse.
Je voulais remercier les acteurs français. Tout particulièrement l’UNICEF France, et sa présidente (Michèle Barzach) pour avoir pris l’initiative de cette conférence. Je salue également les acteurs publics qui sont présents à cette conférence, notamment les experts de la Direction générale de la mondialisation du ministère des Affaires étrangères et ceux de l’Agence française de développement.
Je veux également saluer ici les acteurs de la société civile qui sont venu très nombreux, avec une mention toute particulière pour Action contre la faim qui a eu un rôle particulier pour le succès de cette conférence.
Comme vous avez eu l’occasion de l’évoquer aujourd’hui, la malnutrition est un drame qui a des conséquences très lourdes pour les pays en développement.
Faut-il rappeler les chiffres ?
52 millions d’enfants souffrent d’émaciation
165 millions d’enfants de moins de cinq ans sont atteints de retard de croissance.
Plus d’un enfant sur deux dans beaucoup de pays africains.
Un milliards d'individus sur la planète connaissent des difficultés pour se nourrir, alors que nous produisons chaque année largement de quoi nourrir 7 milliards de personnes.
Nous devons en permanence nous interroger sur les moyens de lutter contre cette réalité qu’on ne peut pas accepter. Nous n’avons pas le droit de nous résigner.
C’est pourquoi je vais vous présenter la stratégie de la France, pour lutter contre la malnutrition. C’est une stratégie globale dont je vais plus particulièrement développer quatre piliers : la réponse aux situations d’urgence, l’appui aux systèmes de santé, le développement des agricultures et la cohérence des politiques.
Le premier pilier, c’est l’urgence, pour répondre aux crises alimentaires. Notre outil pour cela c’est l’aide alimentaire.
Cette aide alimentaire, nous avons décidé de la sanctuariser dans notre budget. Il était hors de question de faire peser l’effort budgétaire sur le coeur de notre solidarité avec les plus pauvres.
Nous souhaitons axer les programmes financés dans ce cadre vers une meilleure prise en compte des aspects nutritionnels de l’aide alimentaire. Ainsi, en 2012, près de la moitié de nos financements a été affecté à la nutrition, soit près de 17 millions d’euros. Nous avons par exemple financé un programme d’appui nutritionnel pour des enfants souffrant de malnutrition ciblant également les femmes enceintes et allaitantes qui a touché plus de 150 000 personnes au Sahel.
Je suis le premier à le regretter, comme vous, cette action reste aujourd’hui trop peu visible, trop peu transparente, aussi sur le plan des résultats. Je m’engage donc à ce que nous améliorions la redevabilité de notre aide publique, y compris en matière de nutrition.
C’est une priorité qui dépasse la seule thématique de la nutrition. Cette traçabilité et cette transparence nous la devons aux contribuables. C’est une thématique qui a été beaucoup abordée pendant les assises françaises du développement et de la solidarité internationale. Nous allons y travailler dans le cadre de la préparation de la première loi d’orientation sur le développement, qui a été annoncée par le Président de la République.
Le deuxième pilier de notre action pour lutter contre la malnutrition c’est le soutien aux politiques sanitaires des pays du Sud.
La malnutrition aigüe sévère est une maladie. Elle doit donc être prise en charge par les systèmes de santé. Au Sahel, un enfant sur dix décède avant l’âge de 5 ans à cause de la malnutrition.
Pourtant les traitements existent et sont peu coûteux. Là encore, nous ne pouvons pas nous résigner.
C’est pourquoi la France s’est engagée, au-delà des alternances politiques, et contribue à l’initiative en faveur de la santé maternelle et infantile lancée par le G8 à Muskoka en 2010. La lutte contre la malnutrition figure bien entendu au nombre des priorités pour ces financements. Cet engagement nous le conserverons.
J’ai annoncé aujourd’hui une initiative qui permettra d’ouvrir l’accès aux soins à 2 millions d’enfants du Sahel grâce à la taxe française sur les transactions financières.
Cette initiative aura un impact direct sur la prise en charge de malnutrition, qui touche plus de 60% des enfants dans certaines régions du Sahel. C’est pour moi un grand motif de fierté de permettre à ces centaines de milliers d’enfants de bénéficier de soins gratuits, d’aller chercher 30 millions d’euros collectés sur les marchés financiers, pour les donner à ceux qui en ont le plus besoin.
Combattre la malnutrition implique non seulement des moyens supplémentaires, mais aussi de prendre en compte la réalité sociale des sociétés qui font face à cette problématique. Nous avons décidé de renforcer la place des femmes dans notre aide publique. C’est une question d’égalité, mais aussi d’efficacité : l’aide qui passe par les femmes a souvent de meilleurs résultats. C’est pourquoi nous allons donc revoir notre stratégie sur le rôle des femmes pour le développement.
L’émancipation économique des femmes, le respect et le renforcement de leurs droits, peut avoir un impact direct sur la malnutrition. On sait en effet que les mères utiliseront toujours en priorité les ressources dont elles disposent pour apporter à leurs enfants l’alimentation dont ils ont besoin.
Le troisième pilier de notre action, c’est la question agricole. Il faut en effet en revenir aux causes sous-jacentes de cette malnutrition. Parce que dans beaucoup de pays en développement, la majorité des pauvres sont encore des ruraux.
Nous venons d’adopter, il y a quelques jours la nouvelle stratégie de l’Agence française de développement pour la sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne. Cette stratégie consacre la priorité donnée à une agriculture familiale, durable et productive.
Une agriculture familiale, parce que c’est le modèle socialement, économiquement et écologiquement le plus efficace. C’est ce modèle familial qui a permis le développement de l’agriculture en Europe et en Asie.
Une agriculture durable, ensuite car l’agriculture de demain, devra être à la fois respectueuse des hommes et de l’environnement. Cette stratégie pose donc comme principe que les projets qui seront financés ne devront pas contribuer à la déforestation. Ils devront également respecter les directives volontaires sur la gestion foncières.
J’ai également demandé à l’Agence française de développement d’intégrer la thématique de la nutrition comme objectif transversal de ce nouveau cadre d’intervention sectoriel (CIS). Cela permettra de s’assurer que, à chaque fois qu’un programme peut aller davantage dans le sens de la lutte contre la malnutrition, ce soit le cas.
Au-delà, lutter contre la malnutrition, il faut nous attaquer à tout ce qui accroît l’insécurité alimentaire dans les pays en développement. C’est le quatrième pilier, celui de la cohérence des politiques. Je pense notamment à la régulation des marchés des produits agricoles et à la lutte contre le changement climatique. Ces thèmes pourraient apparaitre décalés, ils sont pourtant en phase avec les problématiques que vous soulevez aujourd’hui.
Le premier défi, c’est celui de la régulation financière. La volatilité des prix agricoles place des millions de personnes en insécurité alimentaire. Selon la FAO la dernière crise alimentaire a plongé dans la faim 200 millions de personnes de plus. La hausse des prix agricoles a conduit aux émeutes de la faim et obligé les populations à devoir choisir entre aller travailler et acheter des aliments.
Pour lutter contre cette spéculation, nous avons décidé d’interdire aux banques françaises d’acheter ou de vendre, pour leur propre compte, des produits qui spéculeraient sur les matières premières agricoles.
Mais il faut aller plus loin. D’où l’importance de soutenir, au niveau européen, l’introduction de règles ambitieuses pour encadrer les marchés de matières premières agricoles. C’est une directive qui s’appelle MIF et je vous invite à vos intéresser à cette question car le lien est direct entre cette spéculation financière et les crises alimentaires.
Le second défi, c’est celui de la lutte contre le changement climatique. Rappelez-vous du rapport de la Banque mondiale publié juste avant la conférence climat de Doha selon lequel le premier risques pour la pauvreté dans le monde c’est le risque climatique Le réchauffement climatique apparaît aujourd’hui comme une des menaces majeures pour les progrès réalisés ces dernières années en matière de mortalité infantile. Le Président de la République a proposé d’accueillir la COP 2015. Cela donne à la France une responsabilité particulière dans cette négociation.
Mesdames et messieurs
La malnutrition n’est pas une fatalité. Il est possible de faire reculer la malnutrition. Vous pouvez compter sur nous pour porter un objectif ambitieux de réduction de la pauvreté et d’éradication de la faim.
Nous sommes actuellement dans le début de la négociation sur l’agenda post 2015. La position de la France c’est de soutenir un agenda du développement qui intègre la durabilité et la lutte contre la pauvreté dans un agenda commun. Car quand les services produits par l’écosystème se réduisent, la pauvreté progresse. Il ne s’agit donc pas de mettre de côté les objectifs actuels, mais au contraire de les renforcer.
Notre position dans ce débat sur le poste 2015, c’est de nous fixer l’ambition d’éradiquer l’extrême pauvreté d’ici 2030.
Pour cela, nous devrons éradiquer la malnutrition. Cette ambition est immense. Elle est aujourd’hui à notre portée. Il est de notre responsabilité de réussir à la transformer en acte pour construire, demain, un monde libéré de la faim.
Je vous remercie.
Source http://www.conference-malnutrition-infantile.fr, le 18 juin 2013