Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, sur la portée du protocole d'accord du 8 mars sur l'égalité professionnelle femme homme dans la fonction publique, à Nantes le 22 mars 2013.

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Circonstance : Clôture du colloque sur l'égalité professionnelle dans la fonction publique, à l'occasion du 40ème anniversaire de l'IRA de Nantes, à Nantes (Loire-Atlantique) le 22 mars 2013

Texte intégral

Merci beaucoup Monsieur le Directeur pour ces paroles,
Je salue ici les présidents,
Monsieur le directeur général de la fonction publique que je vois de temps en temps,
Mesdames et Messieurs les directeurs d'instituts régionaux d'administration,
Mesdames et messieurs,
Je salue les élèves que j'ai rencontrés tout à l'heure,
Permettez-moi d'abord de vous remercier de votre accueil aujourd'hui dans cette belle école pour cette circonstance si particulière qu'est son 40ème anniversaire.
La création des IRA en 1972 a sans doute, sans aucun doute, marqué une étape dans la professionnalisation du corps des attachés d'administration.
Les générations qui ont été formées ici ont permis à l'ensemble de nos administrations, je le rappelais aux élèves tout à l'heure, aux stagiaires pardon, de relever des défis considérables : la décentralisation, la réforme de l'Etat, le tournant de l'administration numérique, la complexification du droit public sous l'effet de la montée en puissance du droit européen, de la jurisprudence constitutionnelle et du légitime souci de la protection des libertés publiques.
Tous ces défis ont demandé un effort considérable de technicité et de maîtrise juridique. Une capacité à se remettre en cause aussi, car peu de domaines ont autant évolué que l'administration publique depuis 40 ans.
C'est un hommage que je souhaite ici vous rendre aujourd'hui collectivement, parce que je sais à quel point vous le méritez.
La meilleure preuve de ce que j'avance, c'est le choix du thème de ce colloque.
Car - soyons francs -, à part vous, personne n'aurait pu prévoir que la négociation, engagée en septembre, aboutirait finalement en mars. Ni même que cet accord serait signé à Matignon en présence du Premier ministre, ancien maire de Nantes et qu'il soit si bien signé.
Lors de la Grande Conférence sociale de juillet dernier, nous avons, avec Jean-Marc Ayrault, effectivement proposé aux organisations syndicales et aux employeurs publics de conduire la première négociation du quinquennat dans la fonction publique sur le thème de l'égalité professionnelle.
C'est un choix politique qui a été fait, celui de faire de l'égalité entre les femmes et les hommes un levier de transformation de la fonction publique dans les cinq ans qui viennent avec pour objectif de combler le retard accumulé dans la fonction publique dont chacun a parfaitement conscience ici.
Dès le mois d'août, le Premier ministre a pris des mesures pour rééquilibrer la place des femmes dans les nominations au sein de l'encadrement supérieur des administrations publiques. Chaque ministre s'est vu ainsi demandé d'anticiper l'application de la loi du 12 mars 2012 et de mettre en place une politique volontariste de nomination des cadres, une sorte de match maintenant entre les ministères, donc entre les ministres.
Le premier bilan de ce fait a été présenté lors du Conseil des ministres du 24 janvier et il montre que l'ensemble des objectifs ont été atteints et même dépassés.
C'est donc un changement de fond qui s'engage aujourd'hui dans notre administration et nous l'intensifierons et nous l'élargirons dans les années à venir. J'en avise déjà les jeunes élèves et stagiaires de cette école, pour leur dire que tous les espoirs leur sont permis !
Mais cet effort demandait à être prolongé par une concertation de fond sur l'ensemble des trois versants de la fonction publique.
C'est pourquoi le Gouvernement a fait le choix d'ouvrir une négociation sur l'égalité professionnelle, pour mobiliser tous les partenaires sociaux de la fonction publique autour du même objectif.
C'est là donc la première fois que les partenaires sociaux de la fonction publique s'emparent de ce sujet de l'égalité femmes-hommes pour en faire un sujet de négociation et conclure un accord.
C'est la première fois que les représentants des collectivités locales et des établissements publics hospitaliers participaient directement à une négociation au sein de la fonction publique.
Pour la première fois, collectivités et établissements publics hospitaliers ont accepté de s'engager formellement dans un accord national avec l'Etat et les organisations syndicales.
Enfin -et c'est là un symbole fort pour tous les agents-, c'est la première fois dans l'histoire de la fonction publique qu'une négociation aboutit à un accord unanime de la totalité des organisations syndicales représentatives.
Quelles que soient la sensibilité et les priorités, chacun a pris ses responsabilités et a choisi de s'engager dans la négociation. Ce choix n'avait rien d'évident et l'issue des discussions, c'est pourquoi je trouve que vous avez eu beaucoup, en fait, d'anticipation, de sens de l'anticipation, l'issue des discussions n'avait effectivement absolument rien de garanti.
Pas moins de huit réunions ont été organisées depuis septembre 2012 entre les employeurs publics et les organisations syndicales de la fonction publique. Les échanges ont été nombreux, les revendications très précises. Mais chacun, à la fin, a fait le choix du compromis, avec la volonté de continuer à avancer comme nous l'avons constaté tout à l'heure avec Monsieur le Préfet de région en rencontrant les organisations syndicales en préfecture et les employeurs ensemble sur l'avenir de l'accord.
C'est cet accord que nous avons mis au coeur de nos débats en disant tout à l'heure aux personnes présentes que c'est sans doute un aboutissement, nous en sommes fiers, mais c'est surtout un point de départ et il constitue pour le Gouvernement et pour l'ensemble des partenaires sociaux un mandat pour agir et une responsabilité pour réussir.
L'enjeu est de taille, car en dépit d'un arsenal juridique déjà très complet depuis les lois Roudy et Génisson, la situation de la fonction publique reste très contrastée, sans doute tout au long de la journée, ceci a du être rappelé.
Les écarts en rémunération, c'est choquant, à fonction égale et à diplôme égal, restent très significatifs, même s'ils sont inférieurs à ceux du privé, ça ne nous satisfait pas.
Les règles d'avancement et de promotion dans les corps comportent encore trop d'obligations de mobilité qui ne sont pas justifiées et qui pénalisent les femmes aux dépens des hommes. Enfin, ce sont toujours les femmes qui, à 90%, ont recours aux congés parentaux, familiaux ou aux temps partiels, avec toutes les conséquences que cela implique sur leurs carrières et sur leurs rémunérations.
Tout cela présente un contexte général qui se veut égalitaire en droit, qui est irréprochable légalement, mais qui, de fait, accroît les inégalités entre les femmes et les hommes à chaque étape de la carrière.
Face à un tel constat, il ne suffisait pas de réaffirmer le devoir d'exemplarité de la fonction publique, il fallait donner aux organisations syndicales et à nos administrations les moyens d'engager une dynamique locale qui puisse changer à la fois le fonctionnement de nos administrations et les mentalités des responsables comme des agents.
C'est le sens de cet accord, qui va permettre d'engager à tous les niveaux un changement profond de notre fonction publique.
Dorénavant, toutes les concertations et négociations à venir dans la fonction publique devront, quel que soit leur niveau, prendre en compte les enjeux de l'égalité professionnelle dans le cadre d'une démarche intégrée.
Un rapport de situation comparée sera rendu obligatoire dans les trois versants et à tous les niveaux. Il permettra d'établir un diagnostic précis et servira de base objective au dialogue social que les administrations et l'ensemble des collectivités territoriales et des établissements hospitaliers devront mener.
Ce texte va ainsi conduire l'ensemble des responsables de la fonction publique à faire de l'égalité femmes-hommes une priorité à part entière de toutes les politiques de ressources humaines menées dans la fonction publique. Cette obligation leur sera évidemment rappelée par les représentants des personnels, qui s'engagent ici aussi à faire progresser la parité parmi leurs représentants élus et leurs candidats dès les prochaines élections de décembre 2014.
Parallèlement, le Gouvernement s'engage à revoir l'ensemble des dispositifs d'égalité salariale, d'avancement et de mobilité, de composition des jurys de recrutement ou encore d'accès à la formation afin de lever les obstacles qui pénalisent encore les femmes et nuisent à leur déroulement de carrière.
Un enjeu majeur à cet égard est de mieux articuler la vie professionnelle et la vie personnelle. C'est la raison pour laquelle une série de mesures a été négociée en ce sens.
Ainsi, tout agent pourra, de droit cette fois, prendre un congé de paternité, d'une durée de 11 jours, sans qu'il puisse être refusé par son employeur et je dis, en souriant, qu'il n'y aura plus de prétexte pour dire à son épouse : «je ne peux pas le prendre parce qu'il y a une obligation de service qui m'en empêche». Cette mesure permettra aux pères de s'impliquer, et ils le demandent, de s'impliquer davantage dans le partage des tâches qui suivent la naissance. De même les employeurs auront l'obligation de proposer aux agents demandant un congé familial la possibilité de disposer d'un accompagnement à leur retour et notamment pour la formation parce que c'est cela souvent leur anxiété, si je pars je peux retrouver un poste mais dans quelles conditions et avec quelle chance de pouvoir continuer à progresser.
Enfin, et ce n'est pas un des moindres aspects de cet accord, des mesures ont été prévues pour prévenir et prendre en charge les violences faites aux agents sur leur lieu de travail. Il faut lutter contre toute forme de harcèlement sexuel ou moral et le Gouvernement entend ainsi apporter une réponse forte à des situations souvent douloureuses qui déshonorent notre société. Cet accord nous engage donc tous. Il comporte des mesures qu'il nous reviendra collectivement de porter et de mettre en oeuvre. Il nous oblige vis-à-vis des fonctionnaires et de leurs familles comme de tous nos concitoyens, qui attendent que la puissance publique ouvre les yeux sur des inégalités qui persistent au sein de nos services publics et se montre à la hauteur des valeurs dont le service public est porteur.
C'est un symbole fort, c'est un symbole attendu par les agents qui montrera la détermination de tous à avancer vers une plus grande exemplarité de l'action publique.
Je compte donc sur l'ensemble des chefs de service et des cadres de nos administrations pour s'engager avec enthousiasme dans cette dynamique dans les mois et les années qui viennent.
C'est cette mobilisation que nous allons lancer à la fois au niveau national et à tous les échelons de nos administrations. Je suis heureuse que ce soit ici, à Nantes, que nous puissions donner ce signal, ouvrir ce beau qu'est la mise en oeuvre de tous les engagements qui ont été pris le 8 mars dernier.
Je disais tout à l'heure aux élèves stagiaires que je recevais, que je plains effectivement les hommes jeunes qui pensaient que tout serait facile. Ca va être un peu plus complexe, il faudra être à la fois plus compétent mais à eux qui me parlaient de la mauvaise image de la fonction publique, du moyen de lutter contre une sorte d'ambiance générale qui fait passer les fonctionnaires pour une charge, mais jamais comme une chance, je leur disais tout simplement que nous avions nous tous, là où nous sommes, à être exemplaire. Nous devons parler de la fonction publique, ne pas raser les murs, montrer que l'action publique est essentielle à la cohésion de notre société, que le redressement de la France ne se fera pas sans une action publique de qualité, que ce n'est pas la peine d'aller chercher toujours ailleurs, même si je vais rencontrer nos collègues suédois lundi, des modèles qui seraient extraordinairement porteurs et qui nous montreraient à quel point nous ne sommes pas très bons en France.
Moi j'ai envie de vous dire pour conclure cette journée sur l'inégalité professionnelle femmes/hommes mais parce que nous fêtons les 40 ans de cet établissement, j'ai envie de vous dire qu'au fond moi je suis très fière d'être la ministre de la fonction publique, donc de l'action publique et de sa modernisation, mais de sa modernité aussi.
Je pense qu'au fond si on veut redresser l'image de la fonction publique, il faut que nous puissions nous aller dire aussi ailleurs que notre modèle est un beau modèle, qu'il passe beaucoup de temps à réfléchir sur lui-même à sa modernisation, à son efficacité, aux compétences qui devront être celles d'une action publique du 21ème siècle dans les trois piliers de la fonction publique et que cet accord que nous avons signé à bas bruit pour une égalité femmes/hommes, c'est aussi une façon d'être moderne et de montrer à l'ensemble des citoyens et citoyennes français que la fonction publique a compris que la société c'est avant tout un équilibre.
Je vous remercie.
Source http://www.ira-nantes.fr, le 21 mai 2013