Interview de M. François Lamy, ministre de la ville, à RFI le 26 juin 2013, sur les lettres de cadrage pour le budget 2014, le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), prévoyant notamment l'encadrement des loyers, et le lancement d'un comité sur la reconnaissance de l'histoire et de la mémoire dans les quartiers populaires.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

FREDERIC RIVIERE
Les ministres ont reçu hier ce qu'on appelle leur lettre de cadrage, c'est-à-dire l'enveloppe budgétaire à ne pas dépasser. La tonalité générale, on le sait, depuis un moment déjà est un serrage de ceinture. Comment êtes-vous personnellement loti ?
FRANÇOIS LAMY
Ecoutez-moi je pourrais dire que la formule c'est que mon budget est préservé. C'est-à-dire qu'il y aura effectivement quelques baisses mais qui ne porteront pas sur ce qui est pour moi l'essentiel à savoir le soutien au monde associatif et aux actions de cohésion sociale qui sont menées par à la fois les associations et l'agence de cohésion sociale dans les quartiers. Donc le Premier ministre a tenu compte de ce que je lui ai dit, à savoir que dans une période de crise sociale comme celle que nous vivons il était majeur de poursuivre les actions qu'on mène à l'intérieur des quartiers populaires.
FREDERIC RIVIERE
On reviendra dans un instant sur votre action et notamment sur une initiative particulière que vous lancez aujourd'hui. Mais tout d'abord est-ce que c'est en parti à cause de la Commission européenne que l'on doit ainsi se serrer la ceinture comme certains semblent sous-entendre au gouvernement ?
FRANÇOIS LAMY
Non ce n'est pas à cause de la Commission européenne, c'est que tout simplement c'est que ce pays ne peut plus vivre à crédit. Et chaque français le sait bien. Quand on commence à financer par l'emprunt ses dépenses de fonctionnement on finit en surendettement. Et il y a une nécessité de redresser les comptes du pays sur des dépenses qui doivent être structurelles parce qu'effectivement il faut que ça puisse fonctionner dans la durée.
FREDERIC RIVIERE
Vous n'êtes pas d'accord avec votre ministre de tutelle, Cécile DUFLOT, quand elle dit lundi l'Europe est parfois comme un gendarme qui regarde les pays de haut.
FRANÇOIS LAMY
Ça c'est différent, c'est lorsque Cécile DUFLOT dit ça elle parle aussi de la vision que peut avoir, quand on dit l'Europe d'ailleurs il faut savoir de qui on parle, plutôt certains membres de la Commission dont monsieur BARROSO qui ont une vision à la fois très libérale du développement économique à l'intérieur de nos pays, qui vise uniquement à ne prendre que l'un des aspects à savoir celui du redressement des comptes publics sans tenir compte du fait qu'aussi il faut pouvoir soutenir la croissance, parce que sans la croissance il n'y a pas de recettes. Et donc on ne peut pas agir uniquement que sur ces dépenses. C'est ce que fait le gouvernement français actuellement. A la fois on agit sur les dépenses parce qu'il y a une nécessité de le faire compte tenu du déficit qu'on nous a laissé. Mais il faut agir aussi, c'est ce que va faire le Premier ministre prochainement avec le programme d'investissement de l'avenir parce qu'il y a besoin aussi de soutenir l'activité industrielle dans notre pays, de relancer un certain nombre de filières, et par là même de retrouver les recettes qui permettent tout d'un coup de redémarrer l'économie.
FREDERIC RIVIERE
Alors la ville et le logement tout ça c'est un ensemble cohérent, et la ministre justement, Cécile DUFLOT, ministre du Logement, présente aujourd'hui en Conseil des ministres son projet de loi sur le logement, la mesure phare c'est le plafonnement des loyers ou l'encadrement des loyers, pas plus de 20% au-dessus d'un loyer médian, c'est bien ça ?
FRANÇOIS LAMY
C'est ça.
FREDERIC RIVIERE
Est-ce que vous espérez vraiment que ça puisse détendre le marché, au fond faire baisser le prix des loyers ?
FRANÇOIS LAMY
Oui je pense que ça va le faire. D'ailleurs on a pu voir…
FREDERIC RIVIERE
Parce qu'on a atteint quand des sommets.
FRANÇOIS LAMY
Bien sûr on a atteint des sommets ces dernières années, et de manière totalement artificielles. Il n'y a pas de raison objective à cette augmentation des loyers telle qu'on a pu la constater depuis des années. Donc il faut y mettre un frein, d'abord parce que c'est une façon aussi de redonner du pouvoir d'achat aux Français. Et puis il y a dans le projet de loi de Cécile DUFLOT effectivement cette mesure phare, mais il y en a beaucoup d'autres qui sont tout aussi importantes et qui touchent énormément de Français, je pense à l'ensemble du dispositif qui concerne les copropriétés dégradées. Vous savez qu'il y en a entre 500 et 700.000 dans ce pays, donc ça touche énormément de familles. Moi je les vois à la fois dans les centres villes et dans les quartiers populaires avec des copropriétés dont les locataires ou les propriétaires occupants se trouvent dans de très, très grandes difficultés. La plus connue c'est celle de Clichy-sous-Bois où il n'y a même plus d'ascenseur où les parties communes sont dévastées et où nous n'avions pas d'outils juridiques suffisants pour pouvoir lutter à la fois contre les marchands de sommeil d'un côté et d'autre part de se doter d'outils juridiques qui permettent aux collectivités et à l'Etat d'agir plus rapidement pour ces copropriétés dégradées. Pour moi c'est un élément majeur de ce projet.
FREDERIC RIVIERE
Alors pour votre part vous lancez aujourd'hui un comité sur la reconnaissance de l'histoire et de la mémoire dans les quartiers populaires. Alors de quoi s'agit-il, est-ce que c'est un nouveau machin ?
FRANÇOIS LAMY
Non, ce n'est pas…vous savez le ministre de la Ville c'est le ministre de la cohésion urbaine pour être plus clair. Il y a le travail que je mène sur l'emploi, sur l'éducation, sur le développement économique à l'intérieur du quartier, le travail que je mène avec Manuel VALLS sur les questions de sécurité dans les zones de sécurité prioritaire, tout ça est très, très important. Mais il y a un élément qui est aussi important c'est la reconnaissance des citoyens qui vivent à l'intérieur de ces quartiers, qui pour l'instant sont souvent montrés du doigt par les problèmes de trafic, par les actes de délinquance qui peuvent se produire dans ces quartiers, mais c'est une infime minorité. Ce n'est pas ceux que je rencontre quand je me déplace. Et il est important que pour ces quartiers se retrouvent mais pour que ces quartiers soient aussi reconnus et les habitants de ces quartiers soient reconnus par le territoire auquel ils appartiennent, leur ville, qu'on connaisse l'histoire du bâti, l'histoire de leurs habitants. L'histoire, pourquoi est-ce qu'on trouve effectivement dans les quartiers relevant de la politique de la Ville plus d'étrangers, que la moitié des habitants sont soit étrangers soit issu de l'immigration comme on le dit. Comment ça s'est fait ? Comment ça s'est créé ? Pourquoi ? Souvent certains sont arrivés pour des raisons économiques, d'autres pour des raisons je pense à une ville, j'ai découvert ça Amiens, 80% de la population est d'origine étrangère ou issue de l'immigration d'Amiens nord est harki. C'est le fruit d'une décision qui a été prise en mars 62 où tout d'un coup 1 000 harkis ont débarqué dans une nuit, on les a déplacés du Sud de la France vers Amiens, voilà et ils se sont installés là, il n'y avait pas le choix.
FREDERIC RIVIERE
Tout ça c'est une manière de revenir sur cette culture, sur cette histoire.
FRANÇOIS LAMY
Oui sur la culture et de faire comprendre aussi dans un moment de crise où on a envie de désigner des bouc-émissaires de dire que ceux-là ils ont participé à la fois à la prospérité de la France, ils l'ont construite, ils l'ont construite aussi et lui ont permis d'être libre. On va bientôt fêter la libération de la Corse, c'est les Goumiers Marocains qui étaient à l'offensive.
FREDERIC RIVIERE
Je voudrais qu'on dise un petit mot, il nous reste moins d'une minute, de Jérôme CAHUZAC qui sera aujourd'hui à l'Assemblée Nationale non pas comme député, mais entendu par la commission parlementaire sur le rôle de l'Etat, enfin sur ce que savait l'Etat dans cette affaire. Qu'est-ce que vous attendez vous de l'audition de Jérôme CAHUZAC aujourd'hui ?
FRANÇOIS LAMY
La vérité tout simplement.
FREDERIC RIVIERE
Oui mais c'est-à-dire ?
FRANÇOIS LAMY
La vérité, moi ce que je sais, ce que j'ai vu, on a tous été profondément choqués. D'abord qu'on ne confonde pas les sujets, celui qui a fait la faute, celui qui a fait la faute c'est Jérôme CAHUZAC. Après je crois que la commission d'enquête d'ailleurs quand on suit ces débats, découvrira que personne ne savait et qu'au contraire on a laissé, si on a su à un moment c'est parce qu'on a laissé la justice faire son travail.
FREDERIC RIVIERE
Et DSK sera entendu lui au Sénat sur l'évasion fiscale. C'est le retour des bannis aujourd'hui.
FRANÇOIS LAMY
Oui il faut croire.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 juin 2013