Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social, sur l'emploi des jeunes en Europe et la formation en alternance,Paris le 28 mai 2013.

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Circonstance : Forum Agenda 2020 du Conseil de l'Avenir de l'Europe à Paris le 28 mai 2013

Texte intégral


C’est le propre d’une manifestation comme celle-ci d’échanger des paroles, de confronter des idées, de formuler des visions, et je souhaite qu’elles soient audacieuses. Mais il faut que nous soyons capables, demain, d’autant d’audace dans nos actes que dans paroles.
C’est nécessaire. La situation est difficile en Europe. Nous avons connu la crise financière, puis la crise budgétaire, puis la crise économique. Et le prix de ces crises est terrible sur le plan humain dans beaucoup d’Etats de l’Union. Un chiffre nous revient sans cesse : 6 millions. C’est le nombre de jeunes européens au chômage. Dans certains pays, le taux de chômage des jeunes dépasse les 50%.
Nous savons tous que nous ne pouvons pas en rester là :
- Accepter ce gâchis d’énergies et de compétences qui nous prive d’un ressort de compétitivité et menace notre cohésion sociale.
- Se résigner au sacrifice d’une génération de jeunes européens.
Ce n’est pas possible, parce que cela heurte les valeurs de solidarité qui font la force de l’Europe, parce que cela affaiblit notre économie, et parce que cela mine – si nous n’y prenons pas garde- les fondations de notre démocratie.
Trois bonnes raisons – sociale, économique et politique – d’agir plus fortement et plus vite contre le chômage des jeunes dans notre continent.
Pour cela, combattre les déficits et maîtriser les dépenses publiques reste nécessaire mais ne suffit pas. Il faut maintenant autre chose : reprendre le chemin de la croissance et de l’emploi, apporter des solutions aux millions de chômeurs en Europe et particulièrement aux jeunes.
Nous en parlons souvent avec Ursula Von der Leyen, et nous allons prolonger ces échanges aujourd’hui avec nos collègues ministres de finances avec qui nous voulons partager cette priorité de l’emploi des jeunes. Nous avons ensemble signé un « non papier » pour une relance de l’Europe sociale partagé plus largement politiquement, notamment par les ministres socialistes et sociaux-démocrates européens. Nous en parlons avec nos partenaires européens, en particulier l’Italie, dont je salue la présence du ministre du travail ici parmi nous. J’en parle également avec les partenaires sociaux, en France, en franco-allemand comme avec la CES ou Business Europe. Très important ce dialogue social avec patronat et syndicats, qui souhaitent être impliqués concrètement dans l’élaboration des initiatives nouvelles que nous allons lancer.
Quelles nouvelles initiatives au niveau de l’Europe contre le chômage des jeunes, au-delà de ce que chacun de nos Etat met en oeuvre aujourd’hui ?
Des premiers jalons ont déjà été posés, il faut commencer par là. Je pense notamment à la Garantie en faveur de la jeunesse, dont l’objectif est que tous les jeunes de moins de 25 ans en Europe reçoivent une offre d’emploi de bonne qualité, un complément de formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois qui suivent leur sortie de l’enseignement initial ou une perte d’emploi. C’est déjà une ambition considérable, loin d’être réalisée aujourd’hui dans la plupart de nos Etats, et sa mise en oeuvre va mobiliser fortement les Services Publics de l’Emploi. En France nous avons une priorité qui nous mobilise beaucoup : c’est celle des jeunes sortis de l’école sans diplôme ni qualification et qui forment le noyau le plus « dur » du chômage des jeunes.
Nous pensons que le sujet est si important qu’il faut trouver les moyens de mettre en oeuvre de façon accélérée la « garantie pour la jeunesse ». Je pense notamment aux outils permettant de « rattraper » les jeunes en situation de décrochage, qui sont la cible de la garantie pour la jeunesse, mais qui doivent être repérés pour que cette garantie puisse s’appliquer et avoir un sens. Là aussi, le service public de l’emploi à un rôle majeur à jouer.
Nous voulons poser ensemble, sur la table de l’Europe, d’autres initiatives.
Trois axes font converger nos vues, que nous allons approfondir ensemble tout à l’heure et au long de ces prochaines semaines :
- La création d’une véritable Europe de l’alternance,
- Le financement des PME, vivier de création de nombreux emplois,
- L’appui à l’insertion des jeunes dans le monde du travail,
Première idée forte, Financer les PME, c’est-à-dire le tissu économique dans lequel se jouent les créations d’emplois. Trop de créateurs d’emplois se heurtent à l’impossibilité de pouvoir financer leur activité et donc d’embaucher. _ De nombreux outils existent déjà, tels des prêts potentiels à taux attractifs de la BEI. Je pense aussi aux 6 milliards de « l’initiative pour l’emploi des jeunes » décidés au Conseil européen en février. Ajoutons les fonds structurels européens pour encourager la création d’emplois dans les pays les plus affectés par le chômage. Mais la situation exige d’autres efforts et des mécanismes supplémentaires, comme une ligne spéciale de crédit pour stimuler la création d’emplois dans les petites entreprises que pourrait mettre en place la BEI.
Deuxième idée forte. Dans toute l’Europe l’alternance, est une voie de réussite. L’Allemagne le prouve depuis longtemps, la France est engagée trop modestement encore dans cette voie. Nous proposons de fixer des objectifs ambitieux d’alternants et d’inciter les entreprises à s’ouvrir ainsi aux jeunes, en 5 leur offrant un accès facilité au crédit (notamment à la Banque Européenne d’investissement). Cette ambition pour l’alternance est cohérente avec l’élargissement en cours du programme Erasmus aux apprentis : « l’Erasmus pour tous ». Elle pourrait aller de pair avec la mise en place de véritables guichets européens de l’apprentissage, chargés de faciliter la mobilité des jeunes apprentis en facilitant les conditions matérielles : transport, logement, formalités administratives, etc.
Plus l’alternance est développée, plus faible est le chômage des jeunes. Nous le savons, alors faisons. De plus, de la transmission des compétences, à la réponse concrète aux besoins des entreprises, en passant par une insertion plus facile dans l’emploi et des opportunités de promotion professionnelle, l’alternance est une voie d’avenir. Plus largement, donc, nous proposons d’aller vers un statut européen de l’apprenti.
Dernier axe, donner davantage les moyens aux jeunes de créer des entreprises. Nos jeunes en ont l’envie, la capacité. L’Europe doit se couvrir de pépinières qui donnent les moyens d’innover, de se développer, de mûrir un projet en trouvant un appui comptable, logistique, juridique, avant de se lancer « dans le grand bain » du marché. L’Europe peut devenir ce qui fait passer du rêve à la réalité ; et ce qui permet de s’insérer dans la réalité du monde économique en ayant les reins solides.
La mobilité est un véritable enjeu. Pour les étudiants, pour les apprentis, mais aussi pour les demandeurs d’emplois. A ce sujet, le réseau EURES existe et met en relation employeurs et demandeurs d’emplois dans toute l’Europe. Développons-les davantage !
Nous mettons ces pistes en discussion avec nos partenaires, avec les partenaires sociaux, afin de parvenir, d’ici le Conseil européen des 27 et 28 juin prochains [et le sommet du 3 juillet prochain à Berlin] à des propositions partagées et concrètes. Cette ambition est à portée de nos mains. A nous de créer l’étincelle, d’apporter les moyens utiles, et pour le reste, nous faisons confiance à nos jeunes pour déborder d’idées et de projets !
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 29 mai 2013