Interview de Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à RTL le 2 juillet 2013, sur les orientations budgétaires du ministère pour 2014 ("c'est un mauvais budget"), la taxe sur le diesel et le développement de l'usage de véhicules électriques.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

LAURENT BAZIN
Jean-Michel APHATIE, vous recevez donc ce matin la ministre de l'Ecologie et de l'Energie, Delphine BATHO.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Delphine BATHO.
DELPHINE BATHO
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
L'Assemblée nationale débat aujourd'hui des orientations budgétaires 2014, dans le projet de dépenses que lui présente le gouvernement. On remarque que votre budget, celui de l'Ecologie, décroche la palme du plus fort recul, - 7 % de crédits, pour ce qui concerne votre ministère, Delphine BATHO. François HOLLANDE disait en septembre dernier, qu'il ferait de la France, la Nation de l'excellence gouvernementale. Ça ne sera pas le cas, pourquoi ?
DELPHINE BATHO
D'abord, et c'est un peu vite dit, de dire que ça ne sera pas le cas, mais c'est vrai que c'est un mauvais budget, et moi je souhaite que dans les jours qui viennent, nous puissions faire la démonstration qu'effectivement la volonté de faire de la France la Nation de l'excellence environnementale, la transition énergétique, ne sont pas des variables d'ajustement, et que donc, certes, il y a des coupes et des restrictions budgétaires, mais il y a aussi d'autres moyens qui vont être mobilisés, au travers de la fiscalité environnementale, ou au travers des investissements d'avenir, je pense que c'est absolument nécessaire. Pourquoi ? Parce qu'on est dans un moment où les Français doutent, où on peut le dire, même, parce qu'il faut dire les choses telles qu'elles sont, il y a une déception à l'égard du gouvernement et il y a un doute sur notre volonté de changement. Or, cette question de l'écologie et de la transformation de notre modèle de développement économique, elle est cruciale, par rapport à la volonté de changer la société française, et je pense que dans le moment actuel, quand tout va mal, les Français ont besoin d'espoir, ils ont besoin de perspectives d'avenir, et donc c'est un chantier très important dans ce quinquennat.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vos propos sont assez forts, Delphine BATHO, il est très rare, exceptionnel, qu'un ministre dise « c'est un mauvais budget ».
DELPHINE BATHO
Oui, mais parce que je préfère dire la vérité, même si je pourrais tout-à-fait souligner le fait que cette baisse, elle est liée en partie à la baisse du budget des Transports…
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, des taxes…
DELPHINE BATHO
Voilà, qui va être…à laquelle la taxe poids lourds va se substituer.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il n'empêche que l'éclairage général n'est pas bon…
DELPHINE BATHO
Oui, et puis il y a un affichage qui n'est pas bon.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et en général, on ne le dit pas. Vous avez une forme de colère en vous qui vous fait dire ce matin que c'est un mauvais budget ?
DELPHINE BATHO
Non, pas de la colère, mais moi je suis une combattante, je suis déterminée, donc il y a une situation budgétaire qui est extrêmement difficile, il faut dire les choses telles qu'elles sont…
JEAN-MICHEL APHATIE
On le sait, oui, ça…
DELPHINE BATHO
Voilà. Maintenant il faudra apprécier la réalité de la question que vous posez, c'est-à-dire est-ce que c'est bien une priorité ? Est-ce que l'on a la capacité de passer du discours aux actes, sur l'ensemble ? C'est-à-dire aussi sur la capacité à mobiliser l'épargne, à mobiliser la fiscalité écologique et à mobiliser les investissements d'avenir.
JEAN-MICHEL APHATIE
Concrètement, vous espérez, Delphine BATHO, que dans le volet recettes, puisque là nous avons le volet dépenses, des arbitrages seront faits en faveur de l'écologie, et que notamment, un embryon de fiscalité écologique sera décidé pour 2014.
DELPHINE BATHO
Oui, tout-à-fait. Ce qui est important, c'est que la fiscalité écologique, ce n'est pas une fiscalité pour la fiscalité, c'est un instrument spécifique par rapport à un objectif qui est effectivement celui de soutenir un certain nombre d'évolutions, notamment dans les économies d'énergie, notamment d'investissements dans les énergies renouvelables, donc oui, ça fait partie effectivement des solutions.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y aura une taxe sur le diesel ?
DELPHINE BATHO
Ça va être discuté…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous l'espérez ?
DELPHINE BATHO
… dans les prochains jours, au sein du gouvernement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous le souhaitez ?
DELPHINE BATHO
Moi j'ai dit ce que j'avais à dire sur le diesel, c'est-à-dire…
JEAN-MICHEL APHATIE
Qui était quoi ?
DELPHINE BATHO
Eh bien il y a un problème de pollution, en particulier avec les vieux véhicules diesel, donc la question, si jamais nous amorçons un mouvement de convergence entre le diesel et l'essence, c'est : à quoi va être affecté le rendement de cette fiscalité ? Et moi je souhaite qu'il soit affecté au fait d'aider les gens à abandonner leurs vieux véhicules diesel, et à acheter une voiture propre et notamment des voitures électriques.
JEAN-MICHEL APHATIE
Une sorte de prime pour ceux qui voudraient, par exemple une voiture diesel de plus de 10 ans…
DELPHINE BATHO
Oui, une prime à la conversion, oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est ce que vous souhaitez obtenir dans les arbitrages qui vont arriver.
DELPHINE BATHO
Oui, je pense que c'est une condition d'acceptation et d'acceptabilité de la fiscalité environnementale, dans un moment qui est difficile pour les Français, qui est difficile pour le pouvoir d'achat, d'avoir la certitude que ces moyens budgétaires nouveaux, ces petites marges budgétaires sont consacrées intégralement à l'écologie.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez dit, dans votre première réponse, qui était un peu longue mais qui était intéressante, qu'il y avait de la déception et du doute par rapport à l'action gouvernementale. Vous pensez que le Premier ministre, s'il vous entend parler comme ça, il va être content ?
DELPHINE BATHO
Je pense qu'il entend aussi ce que disent les Français, et ce qui est important, c'est d'apporter des solutions, c'est de répondre à l'envie de changement qu'il y a dans le pays. Moi, sur les questions…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais qui tardent à se concrétiser.
DELPHINE BATHO
Que nous devons concrétiser, il faut dire que la situation n'est pas facile, et que nous devons certainement réaffirmer, sur les questions dont j'ai la charge, moi ce que je vois, c'est que la société française elle est en avance, elle est en attente. Dans le débat national sur la transition énergétique, dont se sont emparés beaucoup de collectivités territoriales, qui a lieu dans toutes les régions aujourd'hui, c'est ça que j'entends. Les énergies renouvelables qui sont plébiscitées, l'envie d'investir dans les économies d'énergie, donc, il faut accompagner ce mouvement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et en même temps, vous ne donnez pas l'exemple, Delphine BATHO, Ségolène ROYAL vous reproche de ne pas avoir acheté de véhicule électrique, « c'est dramatique – a-t-elle dit – de ne pas croire à la mutation écologique ».
DELPHINE BATHO
Alors, d'abord, c'est faux. Ensuite, honnêtement, je n'ai pas voulu répondre, pour la raison suivante : Ségolène ROYAL, je pense, souffre, après un certain nombre d'échecs, difficiles. Mais la limite de cette souffrance, je pense qu'il ne faut pas que l'individu l'emporte sur le collectif. La gauche, c'est un combat collectif, et une des leçons qu'il faut retenir des échecs que je rappelais, c'est que l'on ne réussit pas en tirant contre son camp ou en divisant.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et votre ministère n'a quand même pas acheté de voitures électriques.
DELPHINE BATHO
Si, bien sûr, nous avons plusieurs voitures électriques au ministère de l'Ecologie, nous avons même augmenté le bonus pour l'achat de voitures électriques de 40 %, je vais même financer le déploiement de 1 000 bornes de recharges de voitures électriques en région Poitou-Charentes, c'est un projet de la région Poitou-Charentes, donc vous voyez…
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle ne le savait peut-être pas.
DELPHINE BATHO
Si, je pense qu'elle le sait.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà, maintenant elle le saura.
DELPHINE BATHO
Je pense qu'elle le sait.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les auditeurs de RTL réagissent beaucoup ce matin à l'intervention de Bernard TAPIE, hier soir, sur FRANCE 2 : « Je suis victime d'un complot - a-t-il dit - qui vise en fait Nicolas SARKOZY ». Donc, s'il y a complot, c'est le gouvernement qui doit sans doute l'imaginer, le mettre en oeuvre ?
DELPHINE BATHO
Eh ben c'est vieux comme le monde.
JEAN-MICHEL APHATIE
Quoi ?
DELPHINE BATHO
La théorie du complot.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah, la théorie.
DELPHINE BATHO
La théorie du complot c'est vieux comme le monde, donc…
JEAN-MICHEL APHATIE
Là, il n'y a pas de complot ?
DELPHINE BATHO
… on avait un spectacle, hier soir, effectivement, à la télévision, dans lequel Bernard TAPIE était égal à lui-même et n'était pas convaincant, pour ce qui me concerne.
JEAN-MICHEL APHATIE
Delphine BATHO, qui est même venue en voiture électrique, je crois, ce matin, c'est ça, hein.
DELPHINE BATHO
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà. Etait l'invitée de RTL.
DELPHINE BATHO
Comme tous les jours.
LAURENT BAZIN
Pour faire mentir Ségolène ROYAL, peut-être.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonne journée.
LAURENT BAZIN
Merci beaucoup Delphine BATHO d'avoir été notre invitée. Bonne journée à vous, à demain Jean-Michel.
JEAN-MICHEL APHATIE
A demain.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 juillet 2013