Interview de M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, à RTL le 22 juillet 2013, sur le retour à l'ordre à Trappes (Yvelines) à la suite de la mise en garde à vue d'un homme s'étant opposé au contrôle d'identité de sa femme intégralement voilée.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

PHILIPPE CORBE
Bonjour, Manuel VALLS.
MANUEL VALLS
Bonjour.
PHILIPPE CORBE
Vous aviez lancé un appel au calme à destination des habitants de Trappes. Malgré tout, il y a eu à nouveau, une nouvelle nuit tendue, des policiers ont été visés par des pétards et de tirs de mortiers. Est-ce que la situation a été plus calme cette nuit, que les nuits précédente selon vous ?
MANUEL VALLS
Oui, elle a été, elle a été tendue en début de soirée. Mais j'avais demandé qu'un dispositif tout à fait exceptionnelle, avec la présence de nombreuses unités de CRS soit présent sur la ville, pour maintenir le calme. C'est ce que les habitants de Trappes et ils ont bien raison, attendent de l'Etat et ce calme a été maintenu, malgré les tensions que vous venez d'évoquer.
PHILIPPE CORBE
Pourquoi les policiers ont investi deux barres d'immeubles dans la nuit ? Et qu'est-ce qu'ils recherchaient exactement ?
MANUEL VALLS
Ils recherchent notamment ceux qui s'en prennent aux forces de l'ordre à travers un certain nombre de jets de projectiles ou de mortiers. Ces faits qui durent à Trappes, depuis 3 jours, sont tout à fait inacceptables et nécessitent une réponse, une très grande fermeté, appropriée, d'une très grande fermeté, de la part de l'Etat.
PHILIPPE CORBE
C'est-à-dire que vous cherchez encore d'autres personnes qui ont participé aux violences dans la première nuit entre vendredi et samedi, parce que pour l'instant, ils ne sont que 4 à avoir été interpellés, ils passeront en comparution immédiate ?
MANUEL VALLS
Il y a eu plusieurs interpellations, il y a des gardes à vue, il y a eu encore deux interpellations dans la circonscription d'Elancourt, cette nuit. Il ne peut pas y avoir d'impunité à l'égard de ceux qui s'en prennent, aux forces de l'ordre à des bâtiments publics. Un mur végétalisé d'un immeuble, a été brûlé, il y a deux jours, cela a nécessité l'évacuation des habitants. Les habitants de cette ville, leur maire en tête Guy MALANDAIN, demande qu'ils vivent en sécurité, en tranquillité. Nous sommes dans ces quartiers populaires qui connaissent déjà beaucoup d'autres difficultés, l'insécurité, la délinquance sont des injustices supplémentaires que l'on ne peut pas admettre là-bas, comme ailleurs.
PHILIPPE CORBE
Pourquoi ne pas instaurer un couvre-feu, pendant ces nuits tendues ?
MANUEL VALLS
Mais le couvre-feu concerne les mineurs, ne concerne pas les majeurs.
PHILIPPE CORBE
Ce sont essentiellement des majeurs là ?
MANUEL VALLS
Il y a beaucoup de majeurs, il peut y avoir des mineurs, mais en tout état de cause vous savez, dans ces moments difficiles, ce qui compte c'est la présence de la police, c'est cette présence rassurante, dissuasive et moi, je veux saluer encore une fois l'engagement, le travail, l'exemplarité des policiers.
PHILIPPE CORBE
Question très simple, Manuel VALLS, comment est-ce que vous qualifiez, ce qui s'est passé à Trappes, ces trois derniers jours ? Est-ce que ce sont des émeutes ?
MANUEL VALLS
Il y a en tout cas des violences urbaines qui peuvent effectivement virer à l'émeute, quand on s'en prend, ça a été le cas, les premières heures, il y a deux nuits, au commissariat, quand on cherche à l'assiéger. Quand on s'en prend aux policiers, oui, on peut parler évidemment de violences urbaines, elles sont encore une fois inacceptables.
PHILIPPE CORBE
Je souligne le mot « émeute » que vous venez d'employer. Parce que l'UMP vous accuse de minimiser, en tout cas, ce qui se passe depuis trois jours dans les Yvelines ? Et notamment de ne pas assumer le fait que ce sont des émeutes violentes comme en 2005 ?
MANUEL VALLS
Depuis que je suis ministre de l'Intérieur, je ne minimise pas la violence dans la société. Il y a une contestation de l'autorité, souvent on s'en prend à celui ou à celle qui est dépositaire de cette autorité : le policier, le gendarme, le sapeur-pompier, l'agent du service public, l'enseignant, il y a une contestation de l'autorité qui concerne aussi la famille. Je ne minimise rien de la violence qui existe dans la société. Et au contraire, je veux et j'ai souhaité la transparence, sur par exemple, les statistiques de l'insécurité, de la délinquance. J'ai moi-même le 1er ou le2 janvier révélé alors qu'on les cachait depuis 3 ans, le nombre de voitures brûlées. Vous savez que depuis 2006, parce que la majorité précédente l'a souhaité, on a caché tous les ans 130 000 faits, 130 000 faits de délinquances. Parce qu'on a biaisé les statistiques de la délinquance. Donc moi, je veux la transparence, la vérité, je ne cache rien aux Français, et j'appelle émeute, violence urbaine des faits qui sont insupportables et qui méritent une réponse très forte de la police comme de la justice.
PHILIPPE CORBE
Vous dites émeute, violence urbaine, est-ce que vous diriez aussi violence communautaire ? Est-ce que c'est un problème entre policiers et une partie minoritaire, mais une partie des musulmans de France ?
MANUEL VALLS
Un responsable politique doit utiliser les mots appropriés qui désignent les faits. Ce qui est insupportable parfois, dans les mots d'un certain nombre de responsables politiques de l'opposition, vous avez rappelé les émeutes urbaines de 2005, qui ont concerné tous les pays. J'étais concerné, j'étais maire…
PHILIPPE CORBE
D'Evry.
MANUEL VALLS
D'Evry, je l'ai été pendant 11 ans, et nous avons fait face à ces violences. A l'époque, ce pouvoir, cette droite, avait connu ces émeutes urbaines. D'ailleurs l'opposition à l'époque, faisait partie, j'étais aussi député, nous avions tenu à chaque fois un discours d'une très grande responsabilité et donc je…
PHILIPPE CORBEI
Ils sont irresponsables aujourd'hui ?
MANUEL VALLS
Moi, je ne suis pas dans la polémique. J'ai en charge la sécurité des Français, c'est la mission que le président de la République et le Premier ministre m'ont confié et je ne veux pas polémiquer avec l'opposition. Mais je veux leur rappeler qu'ils sont aussi en partie responsables, de la situation que nous connaissons. Et chaque mot qui vise à faire l'amalgame entre des populations est insupportable. Je ne confonds pas les émeutiers de Trappes avec l'immense majorité des habitants de cette ville et des quartiers populaires. Je ne confonds pas des jeunes qui s'en prennent aux forces de l'ordre avec l'immense majorité de la jeunesse de ces quartiers qui a soif de réussite, d'emploi, de formation, et c'est le sens de la politique du gouvernement qui fait de l'école de l'emploi des jeunes, une priorité. Je ne confonds pas l'immense majorité de nos compatriotes et concitoyens musulmans qui sont aujourd'hui en train d'observer le ramadan, avec des groupes radicaux souvent liés aux salafistes et qui s'en prennent aux institutions de la République. Je ne confonds pas des musulmans qui observent leur rite avec des femmes entièrement voilées et je souhaite que la loi qui interdit la burqa, le voile intégral sur la voie publique s'applique, et c'est ce que nous faisons, j'ai voté cette loi, et je respecte de toute façon les lois de la République. Donc il y en a assez, de ces amalgames qui visent tout simplement à diviser et à mettre le feu dans notre société.
PHILIPPE CORBE
Alors Manuel VALLS on va revenir justement sur le fait, contrôle de police qui a tout déclenché, c'était jeudi soir. Deux versions s'opposent. D'un côté, celle des policiers qui affirment que le mari de la femme voilée a tenté d'étrangler un fonctionnaire de police. De l'autre côté, la version de la famille, qui affirme qu'un des policiers a attrapé la jeune femme par le voile, pour essayer de le lui arracher. Et voici le témoignage de la mère de la femme voilée, c'était sur RTL.
MERE DE LA FEMME VOILEE
Mon beau-fils a vu, il dit : tu ne touches pas ma femme. Ils ont mis des menottes. Le problème, c'est que beau-fils, il n'a pas agressé la police, il n'a pas essayé d'étrangler le policier, ce n'est pas vrai. Il n'a rien fait, il est innocent ! Pour moi, ce n'était pas un contrôle, c'était un genre de provocation quoi ! Un genre de menace.
PHILIPPE CORBE
Manuel VALLS vous n'avez vraiment aucun doute sur la version des policiers ?
MANUEL VALLS
Il y a dans notre société, une suspicion généralisée, qui pèse sur la parole des policiers et il est temps d'y mettre un terme. Dans une démocratie comme la nôtre, les policiers sont là pour protéger les citoyens et pour faire respecter la loi. Et la loi interdisant le port du voile intégral, c'est une loi pour les femmes. Et cette loi qui interdit le voile intégral, elle doit s'appliquer. Ce n'est en rien une loi contre l'islam. C'est une loi pour les femmes, c'est une loi contre des pratiques qui n'ont rien à avoir avec nos traditions, et avec nos valeurs. Et là, en l'occurrence, les policiers ont fait parfaitement leur travail, ont accompli leur mission. Et je veux rappeler qu'ils ont été agressés par le compagnon de cette femme, et c'est la raison pour laquelle, il y a une procédure judiciaire à son encontre.
PHILIPPE CORBE
Justement cette agression, c'est donc le mari de cette femme voilée, le compagnon de cette femme voilée qui a tenté d'étrangler un policier, c'est la version des policiers.
MANUEL VALLS
C'est la version retenue par la justice.
PHILIPPE CORBE
C'est la version retenue par le Procureur. Pourquoi est-ce que cet homme, alors, qui avait été interpellé, a été relâché, placé sous contrôle judiciaire. S'il a vraiment tenté d'étrangler un policier ?
MANUEL VALLS
C'est la décision de la justice. Et moi, devant vous…
PHILIPPE CORBE
Vous le regrettez ?
MANUEL VALLS
C'est la décision de la justice. Moi, je souhaite que la justice soit très sévère à l'égard de ceux qui s'en prennent aux forces de l'ordre. Mais comme ministre de l'Intérieur…
PHILIPPE CORBE
Mais en même temps, elle ne l'est pas sévère…
MANUEL VALLS
Comme ministre de l'Intérieur, vous verrez, il y aura bien une décision de justice. Comme ministre de l'Intérieur, je m'interdis de porter tout commentaire, et toute critique à l'égard de la justice qui agit de manière indépendante. Je vous parlais d'affaiblissement de l'autorité et notamment de l'autorité de l'Etat, la majorité précédente, le président de la République précédent n'ont eu de cesse que de contester l'Etat et la justice, les corps intermédiaires. Nous au contraire, dans ce moment-là, parce que le président de la République le souhaite, nous souhaitons de l'apaisement, il faut donner des repères. Si le ministre de l'Intérieur critique des décisions de justice, alors même, c'est la parole de l'Etat qui est mise en cause.
PHILIPPE CORBE
Vous le rappeliez Manuel VALLS, lorsque vous étiez député d'opposition, vous aviez été, un de ceux en pointe sur cette question du voile, vous avez voté cette loi sur le voile. Et ceux qui doutaient à l'époque de l'efficacité de la loi, notamment les représentants des autres religions soulignaient le risque de provoquer, d'en écarter des situations inflammables, et on se demande en fait, a posteriori, s'ils n'avaient pas raison ?
MANUEL VALLS
Je ne le crois pas ! Je pense que la République, la laïcité doit vivre notamment dans ces quartiers. C'est des quartiers que je connais bien, où les gens sont en difficultés, ils connaissent le chômage, l'échec scolaire, davantage que dans d'autres quartiers. Même si je n'oublie pas la situation dans certaines villes moyennes de notre pays, dans les territoires ruraux où la crise aussi fait des dégâts tout à fait considérables. Mais dans ces quartiers aux origines diverses, au contraire, il y a une aspiration à vivre ensemble, à faire France, à se reconnaître dans l'histoire, dans la langue de la culture, de ce grand pays qu'est la France. Et d'une de ces valeurs, c'est la laïcité. Et l'autre valeur, c'est l'égalité homme/femme et la violence sur les femmes, le machisme, une forme de tradition se sont imposées trop souvent dans les quartiers, donc c'est une loi au contraire émancipatrice des femmes. Et moi, je souhaite qu'elle soit respectée et en même temps, parce qu'il ne faut pas confondre les choses, et je l'ai dit encore ces derniers jours à l'occasion de rupture des jeunes à la mosquée de Paris et la mosquée de Lyon, je souhaite qu'on respecte la deuxième religion de France, mais qu'il ne faut pas confondre avec le voile intégral qui n'a rien à voir avec l'islam de France.
PHILIPPE CORBE
Manuel VALLS vous restez sur RTL. On va vous offrir un café. Vous répondrez aux questions des auditeurs à 8 heures et quart. Appelez tout de suite, le 32.10 pour poser vos questions au ministre de l'Intérieur.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 juillet 2013