Déclaration de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, sur la prévention et l'information des malades dans le domaine de la santé publique , Paris le 5 juin 2013.

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Circonstance : Ouverture des 8èmes journées de la prévention de l'INPES à Paris le 5 juin 2013

Texte intégral


Je suis très heureuse d’ouvrir les 8èmes journées de la prévention organisées par l’INPES.
Ces journées réunissent chaque année de très nombreux professionnels de santé publique. Elles sont une occasion exceptionnelle pour partager vos travaux et vos expériences de terrain. Elles vous permettront aussi de promouvoir encore la recherche en prévention et en éducation pour la santé, tant en France que dans les pays francophones et étrangers.
Pour l’ensemble du monde de la santé, ces rencontres sont un moment important. Elles sont le rappel d’une exigence : celle que nous avons de progresser dans le domaine de la prévention.
Le modèle sanitaire français a été bâti autour d’une logique essentiellement curative. Il nous incombe désormais de faire émerger un équilibre nouveau, laissant une place plus grande aux actions préventives.
I/ Faire une place plus grande à la prévention, c’est la rendre plus efficace. Et commençons d’abord par reconnaître que les campagnes d’information en matière de santé rencontrent parfois des limites.
Celles destinées au grand public permettent d’éveiller les consciences, mais elles peinent encore à modifier les comportements à risque.
Je pense au tabagisme qui tue, en France, 73 000 personnes chaque année. Un jeune de 17 ans sur 3 fume régulièrement. 17% des femmes enceintes fument durant leur grossesse. Un fumeur sur deux mourra du tabac. Nous avons su combattre d’autres fléaux comme les accidents de la route par des campagnes de prévention qui ont marqué les esprits. C’est la même volonté qui doit guider notre action en santé.
Disons-le : les campagnes sont souvent trop générales et trop éloignées des préoccupations concrètes des personnes concernées.
Pour être pleinement efficace, la prévention doit donc être mieux ciblée. Elle ne peut pas être la même pour tous. Les messages et les actions doivent être adaptés pour s’adresser directement aux personnes concernées. C’est le sens du plan tabac que j’ai lancé la semaine dernière. Deux publics prioritaires ont été clairement identifiés : les femmes et les jeunes. Ainsi, avant l’été 2014, chaque paquet de cigarettes portera un logo « zéro tabac pendant la grossesse ». Dans le même temps, la nouvelle campagne de l’INPES visera en priorité les jeunes, qu’ils soient fumeurs ou non, ainsi que ceux ayant l’intention d’arrêter de fumer.
Par ailleurs, c’est sans doute dans le champ de la prévention que les inégalités sont le plus marquées. Malheureusement, elles sont encore plus flagrantes que pour l’accès aux soins. Elles continuent même de se creuser, alors que nous conduisons des programmes d’actions ambitieux.
La question de l’obésité chez les enfants nous le rappelle chaque jour. Les messages de prévention sont mieux connus dans les milieux aisés que dans ceux défavorisés. Ainsi, on constate, qu’en classe de CM2, les enfants d’ouvriers sont dix fois plus obèses que les enfants de cadres (Source, DREES, étude avril 2008).
II/ Face à ces constats, nous avons donc l’obligation d’investir dans la prévention en mettant en place de nouvelles stratégies.
1/ D’abord, nous ne pouvons plus douter de l’intérêt de la prévention.
Il y a maintenant suffisamment de littérature scientifique qui souligne sa pertinence et son impact concret sur la santé.
Dans certains pays, les actions efficaces ont été mises à disposition, en ligne, des décideurs et des acteurs de terrain. En France, l’INPES a également commencé un travail de transfert de connaissances vers les professionnels.
Sans attendre, il nous faut mettre en oeuvre ces actions en tenant compte des spécificités de l’organisation de notre système de soins. Ce sera tout l’enjeu de la nouvelle stratégie nationale de santé.
2/ Pour réussir, nous avons aussi besoin de priorités !
En matière de prévention, il nous faut donc construire nos stratégies au regard des grands enjeux de santé publique que nous fixons.
La lutte contre le cancer illustre bien cette idée. Elle est, comme l’a rappelé le président de la République, une priorité nationale. Dans ce domaine, notre champ d’action doit donc être le plus large possible. Il faut par exemple agir contre le tabagisme des jeunes : nous devons inciter ceux qui veulent commencer à ne pas le faire et favoriser le sevrage de ceux qui souhaitent arrêter. Il s’agit également de dépister les cancers le plus tôt possible, afin de les prendre en charge en amont, avec un meilleur pronostic. Nous devons ensuite éviter les rechutes, ou la progression, en assurant un suivi continu.
C’est donc l’ensemble de ces actions qui permet de prévenir efficacement. Chacun a une responsabilité et un rôle à jouer : les associations, les acteurs de l’éducation, les professionnels de santé. Dans la chaîne de la prévention, chaque maillon est décisif. La diversité des personnes que vous représentez est là pour en témoigner.
3/ Par ailleurs, il faut inscrire notre démarche dans le temps.
Une prévention efficace, ce n’est pas une prévention qui produit des résultats à court terme. Il faut du temps pour modifier les comportements, pour transformer les habitudes.
Dans un contexte économique difficile, nous nous efforcerons de ne pas sacrifier la prévention, au prétexte qu’elle ne produirait pas de résultats immédiats. Je sais d’ailleurs que vous présenterez après-demain un travail universitaire australien qui a permis de repérer 23 interventions dites « dominantes », c’est-à-dire qu’elles permettent de réaliser des économies. Je serai particulièrement attentive au compte-rendu de cette présentation.
4/ Enfin, il faut continuer de progresser dans le champ de la connaissance.
Nous devons poursuive l’effort de recherche en prévention.
Là encore, notre pays est très en retard. C’est pourquoi, il nous faut, dès maintenant, renforcer cet axe dans nos prochains programmes ou plans de santé publique. Ce sera d’ailleurs l’un des volets majeurs du futur plan cancer, annoncé par le président de la République.
L’Institut de Recherche en Santé Publique (IResP) lancera prochainement un appel à projets en prévention primaire. Je souhaite que ce mouvement puisse être poursuivi à l’avenir.
Il faut aussi que nous développions une approche économique de la prévention : la lutte contre les inégalités sociales doit en être l’objectif prioritaire. La santé et l’action sociale sont indissociables. Quand les programmes issus de tous ces secteurs sont coordonnés, les bénéfices sont multipliés. A nous de les évaluer. J’ai demandé à l’INPES de me faire des propositions sur cet important enjeu de l’économie de la prévention.
Enfin, il est primordial d’améliorer le transfert de connaissances entre les décideurs et les acteurs de terrain. Je pense en particulier aux ARS. Je souhaite que l’INPES poursuive les efforts qu’il a entrepris. Il faut que le décideur régional ou local, face à une demande de subvention, ou face à un projet d’intervention, puisse disposer des données grâce auxquelles il pourra prendre une décision éclairée.
Mesdames et messieurs,
Je sais que vos échanges, auxquels je serai très attentive, seront riches au cours de ces trois journées. Parce que la prévention est un enjeu majeur pour la santé d’aujourd’hui, et plus encore pour celle de demain. Je ne doute pas que vos contributions et vos travaux nous permettront de progresser dans nos stratégies, dans nos projets d’éducation pour la santé des jeunes, dans nos actions de communication et d’information. Je suis certaine aussi, qu’elles seront le moyen d’améliorer nos démarches d’évaluation pour faire face aux nombreux défis auxquels notre système de soins est confronté.
Je vous remercie.
Source www.inpes.sante.fr, le 18 juin 2013