Texte intégral
Je suis très heureuse douvrir les 8èmes journées de la prévention organisées par lINPES.
Ces journées réunissent chaque année de très nombreux professionnels de santé publique. Elles sont une occasion exceptionnelle pour partager vos travaux et vos expériences de terrain. Elles vous permettront aussi de promouvoir encore la recherche en prévention et en éducation pour la santé, tant en France que dans les pays francophones et étrangers.
Pour lensemble du monde de la santé, ces rencontres sont un moment important. Elles sont le rappel dune exigence : celle que nous avons de progresser dans le domaine de la prévention.
Le modèle sanitaire français a été bâti autour dune logique essentiellement curative. Il nous incombe désormais de faire émerger un équilibre nouveau, laissant une place plus grande aux actions préventives.
I/ Faire une place plus grande à la prévention, cest la rendre plus efficace. Et commençons dabord par reconnaître que les campagnes dinformation en matière de santé rencontrent parfois des limites.
Celles destinées au grand public permettent déveiller les consciences, mais elles peinent encore à modifier les comportements à risque.
Je pense au tabagisme qui tue, en France, 73 000 personnes chaque année. Un jeune de 17 ans sur 3 fume régulièrement. 17% des femmes enceintes fument durant leur grossesse. Un fumeur sur deux mourra du tabac. Nous avons su combattre dautres fléaux comme les accidents de la route par des campagnes de prévention qui ont marqué les esprits. Cest la même volonté qui doit guider notre action en santé.
Disons-le : les campagnes sont souvent trop générales et trop éloignées des préoccupations concrètes des personnes concernées.
Pour être pleinement efficace, la prévention doit donc être mieux ciblée. Elle ne peut pas être la même pour tous. Les messages et les actions doivent être adaptés pour sadresser directement aux personnes concernées. Cest le sens du plan tabac que jai lancé la semaine dernière. Deux publics prioritaires ont été clairement identifiés : les femmes et les jeunes. Ainsi, avant lété 2014, chaque paquet de cigarettes portera un logo « zéro tabac pendant la grossesse ». Dans le même temps, la nouvelle campagne de lINPES visera en priorité les jeunes, quils soient fumeurs ou non, ainsi que ceux ayant lintention darrêter de fumer.
Par ailleurs, cest sans doute dans le champ de la prévention que les inégalités sont le plus marquées. Malheureusement, elles sont encore plus flagrantes que pour laccès aux soins. Elles continuent même de se creuser, alors que nous conduisons des programmes dactions ambitieux.
La question de lobésité chez les enfants nous le rappelle chaque jour. Les messages de prévention sont mieux connus dans les milieux aisés que dans ceux défavorisés. Ainsi, on constate, quen classe de CM2, les enfants douvriers sont dix fois plus obèses que les enfants de cadres (Source, DREES, étude avril 2008).
II/ Face à ces constats, nous avons donc lobligation dinvestir dans la prévention en mettant en place de nouvelles stratégies.
1/ Dabord, nous ne pouvons plus douter de lintérêt de la prévention.
Il y a maintenant suffisamment de littérature scientifique qui souligne sa pertinence et son impact concret sur la santé.
Dans certains pays, les actions efficaces ont été mises à disposition, en ligne, des décideurs et des acteurs de terrain. En France, lINPES a également commencé un travail de transfert de connaissances vers les professionnels.
Sans attendre, il nous faut mettre en oeuvre ces actions en tenant compte des spécificités de lorganisation de notre système de soins. Ce sera tout lenjeu de la nouvelle stratégie nationale de santé.
2/ Pour réussir, nous avons aussi besoin de priorités !
En matière de prévention, il nous faut donc construire nos stratégies au regard des grands enjeux de santé publique que nous fixons.
La lutte contre le cancer illustre bien cette idée. Elle est, comme la rappelé le président de la République, une priorité nationale. Dans ce domaine, notre champ daction doit donc être le plus large possible. Il faut par exemple agir contre le tabagisme des jeunes : nous devons inciter ceux qui veulent commencer à ne pas le faire et favoriser le sevrage de ceux qui souhaitent arrêter. Il sagit également de dépister les cancers le plus tôt possible, afin de les prendre en charge en amont, avec un meilleur pronostic. Nous devons ensuite éviter les rechutes, ou la progression, en assurant un suivi continu.
Cest donc lensemble de ces actions qui permet de prévenir efficacement. Chacun a une responsabilité et un rôle à jouer : les associations, les acteurs de léducation, les professionnels de santé. Dans la chaîne de la prévention, chaque maillon est décisif. La diversité des personnes que vous représentez est là pour en témoigner.
3/ Par ailleurs, il faut inscrire notre démarche dans le temps.
Une prévention efficace, ce nest pas une prévention qui produit des résultats à court terme. Il faut du temps pour modifier les comportements, pour transformer les habitudes.
Dans un contexte économique difficile, nous nous efforcerons de ne pas sacrifier la prévention, au prétexte quelle ne produirait pas de résultats immédiats. Je sais dailleurs que vous présenterez après-demain un travail universitaire australien qui a permis de repérer 23 interventions dites « dominantes », cest-à-dire quelles permettent de réaliser des économies. Je serai particulièrement attentive au compte-rendu de cette présentation.
4/ Enfin, il faut continuer de progresser dans le champ de la connaissance.
Nous devons poursuive leffort de recherche en prévention.
Là encore, notre pays est très en retard. Cest pourquoi, il nous faut, dès maintenant, renforcer cet axe dans nos prochains programmes ou plans de santé publique. Ce sera dailleurs lun des volets majeurs du futur plan cancer, annoncé par le président de la République.
LInstitut de Recherche en Santé Publique (IResP) lancera prochainement un appel à projets en prévention primaire. Je souhaite que ce mouvement puisse être poursuivi à lavenir.
Il faut aussi que nous développions une approche économique de la prévention : la lutte contre les inégalités sociales doit en être lobjectif prioritaire. La santé et laction sociale sont indissociables. Quand les programmes issus de tous ces secteurs sont coordonnés, les bénéfices sont multipliés. A nous de les évaluer. Jai demandé à lINPES de me faire des propositions sur cet important enjeu de léconomie de la prévention.
Enfin, il est primordial daméliorer le transfert de connaissances entre les décideurs et les acteurs de terrain. Je pense en particulier aux ARS. Je souhaite que lINPES poursuive les efforts quil a entrepris. Il faut que le décideur régional ou local, face à une demande de subvention, ou face à un projet dintervention, puisse disposer des données grâce auxquelles il pourra prendre une décision éclairée.
Mesdames et messieurs,
Je sais que vos échanges, auxquels je serai très attentive, seront riches au cours de ces trois journées. Parce que la prévention est un enjeu majeur pour la santé daujourdhui, et plus encore pour celle de demain. Je ne doute pas que vos contributions et vos travaux nous permettront de progresser dans nos stratégies, dans nos projets déducation pour la santé des jeunes, dans nos actions de communication et dinformation. Je suis certaine aussi, quelles seront le moyen daméliorer nos démarches dévaluation pour faire face aux nombreux défis auxquels notre système de soins est confronté.
Je vous remercie.
Source www.inpes.sante.fr, le 18 juin 2013