Déclaration de Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, sur les inégalités d'accès aux soins et à la santé, Garches le 6 juin 2013.

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Circonstance : Remise du rapport de Pascal Jacob sur le parcours de soins et de santé des personnes handicapées à Garches le 6 juin 2013

Texte intégral


La santé, c’est la vie. Rien n’est plus important, et par conséquent, rien n’est plus injuste que les inégalités face à la maladie, mais aussi que les inégalités d’accès aux soins et à la santé. Si les premières sont le fait du destin, il nous appartient de lutter avec acharnement contre les secondes.
Ces inégalités sont des inégalités territoriales. Tous les territoires ne sont pas également dotés quand il s’agit de se soigner ; certains sont de véritables déserts médicaux.
Ces inégalités sont des inégalités sociales. La maladie touche davantage les plus démunis, ceux dont le travail est pénible, ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir et d’offrir à leurs enfants la meilleure alimentation.
Ces inégalités sont aussi liées à l’âge. Vivre plus longtemps est certainement le marqueur du progrès d’une société. Mais cela pose des défis immenses, notamment pour que cette vie plus longue soit une vie en bonne santé.
Et ces inégalités sont aussi liées au handicap. Le handicap qui met mal à l’aise, le handicap qui fait détourner le regard. Et finalement, le handicap que l’on ne voit plus, alors qu’il est là et qu’il appelle une attention particulière, parfois un accompagnement particulier, pour que les personnes handicapées puissent être prises en charge « comme tout le monde ». C’est bien cela l’enjeu : tenir compte des situations particulières pour assurer l’égalité entre tous.
Actuellement, les personnes handicapées sont trop souvent oubliées des actions de prévention et de santé publique.
Parce que l’expression de leur douleur n’est pas habituelle, elle n’est pas entendue. Ou mal entendue, mal interprétée.
Parce que la spécificité de leur situation n’est pas prise en compte, ces personnes passent largement au travers des campagnes de prévention. Parce qu’elles sont écartées du marché de l’emploi, elles le sont aussi de la médecine du travail, subissant une sorte de double peine. Les difficultés à mener une vie ordinaire, dans l’école, dans l’entreprise, dans la cité, se traduisent par une prise en charge sanitaire qui n’est pas non plus ordinaire, qui n’est pas celle de tout un chacun.
Les personnes handicapées ont également plus de difficultés que les autres à bénéficier de soins courants : soins bucco-dentaires, gynécologie, ophtalmologie, orthodontie, etc…
Bien souvent, c’est à l’hôpital que ces soins, pourtant simples, doivent être réalisés. Et parfois en urgence, avec toutes les difficultés que cela engendre, pour les personnes handicapées, leur entourage et aussi le personnel soignant.
Au final, les personnes handicapées sont plus exposées que la population générale, non seulement du fait de leur handicap qui les prédispose à un risque plus élevé, mais également du fait d’une prise en charge insuffisante ou inadéquate.
Les raisons de cette situation sont multiples : la mauvaise accessibilité des lieux de soins ou la délicate coordination des intervenants entre secteurs médico-social et sanitaire sont deux écueils majeurs.
Les réticences des personnes handicapées elles- mêmes constituent parfois un obstacle.
Mais je crois que le cœur du problème, c’est la méconnaissance mutuelle.
Nous devons, tous, la société entière, nous familiariser avec cette différence qu’est le handicap. Et en particulier les professionnels de santé.
Nous le devons pour que plus aucune demande de soins ne soit refusée du seul fait du handicap. Nous le devons pour que plus aucune personne handicapée ne ressorte des urgences sans les soins dont elle a besoin. Et si possible pour qu’elle évite les urgences quand cela n’est pas indispensable. Nous le devons aux personnes handicapées dont la santé mérite d’être protégée au même titre que tout autre personne.
L’accès aux soins et à la santé des personnes handicapées est pour moi une priorité. Et une préoccupation partagée, comme en témoigne la présence aujourd’hui de la Ministre de la Santé.
Un sujet que nous avons d’ailleurs travaillé ensemble en vue du Comité Interministériel du Handicap que j’ai souhaité réactiver avec l’accord du Premier Ministre, alors qu’il n’avait jamais été réuni depuis sa création.
Ce sera un rendez-vous majeur pour les personnes handicapées et tous ceux qui les accompagnent. Un rendez-vous qui témoigne de l’implication collective de notre Gouvernement pour améliorer la prise en charge du handicap. Un rendez-vous qui traduit notre attachement à la solidarité vis-à-vis de nos concitoyens qui connaissent, temporairement ou durablement, une situation de vulnérabilité.
L’accès aux soins et à la santé est l’un des points qui sera abordé à l’occasion de ce Comité Interministériel. Nous le ferons avec la volonté ferme d’améliorer :
- l’accès aux soins courants en s’appuyant sur la réorganisation de l’offre de premier recours ;
- la prise en charge hospitalière des personnes handicapées en donnant aux établissements de santé les outils nécessaires à un accueil adapté ;
- l’accessibilité des lieux de soins grâce à des efforts d’organisation, d’information, et d’un meilleur accompagnement des professionnels de santé, on peut améliorer l’accueil des personnes handicapées et de leur famille ;
- l’accès à la prévention au plan individuel à travers l’amélioration du suivi médical et au plan collectif par l’adaptation des actions de santé publique ;
- les pratiques des professionnels de santé par une sensibilisation accrue au handicap lors de leur formation, le développement de la recherche et la diffusion de recommandations de bonnes pratiques ;
- la contribution du secteur médico-social à cet accès aux soins, grâce notamment à une coordination accrue avec le secteur sanitaire ;
- enfin ou plutôt, avant tout, notre connaissance du recours aux soins et du parcours des personnes handicapées.
Il est trop tôt pour que j’entre davantage dans le détail mais sachez que le cap est fixé et que des décisions seront prises à l’issue du CIH.
Ce travail s’appuie sur de nombreuses contributions : l’audition publique organisée par la HAS en 2008, les conclusions du groupe de travail « Accès aux soins » du CNCPH, les recommandations de l’ANESM… Et bien sûr le rapport qui nous est remis aujourd’hui mais sur lequel nous travaillons depuis près de 2 mois. Ce rapport est d’une grande richesse et couvre l’ensemble des sujets à travers plus d’une centaine de propositions.
Ce rapport est précieux car il part de la parole des principaux concernés : les personnes handicapées, les aidants et les professionnels. Il révèle les écarts entre leurs attentes et le système de santé actuel pour en proposer une amélioration.
La méthode est originale puisque elle repose autant sur l’écrit que sur l’image. Marisol Touraine et moi avions demandé un rapport : il est là, et en plus, il est accompagné de deux films : « si tu savais » que nous avons découvert le 15 janvier et maintenant « Si on voulait ».
Enfin, c’est une œuvre collective comme en témoigne votre présence aujourd’hui. Donc merci à tous.
Et merci en particulier à Pascal Jacob. J’ai déjà eu l’occasion de le faire plusieurs fois, en privé et en public, mais je tiens encore à vous dire toute mon estime pour le travail accompli.
Un travail qui participe à dessiner une société plus solidaire et plus soudée. Une société plus respectueuse des différences. Une société conforme à notre idéal républicain.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 7 juin 2013