Interview de M. François Lamy, ministre de la ville, à I-Télé le 2 août 2013, sur les grandes lignes du projet de loi sur la ville, le dispositif des "emplois francs", les tensions entre la police et les jeunes des quartiers défavorisés et l'université d'été du PS.

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Média : Itélé

Texte intégral

JEAN-JEROME BERTOLUS
François LAMY, bonjour.
FRANÇOIS LAMY
Bonjour.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Dernier conseil des ministres. Vous présentez un projet de loi sur la ville qui vise à simplifier et à concentrer l'aide sur les quartiers difficiles. Mais avec quel critère ?
FRANÇOIS LAMY
Le critère qui va être retenu, c'est celui qui est issue de la concertation que nous avons entamé là, au mois d'octobre dernier, avec les élus et les responsables du monde associatif et c'est un critère unique. Donc objectif qui englobe la situation, c'est celui de la pauvreté. Lorsque vous avez dans tel ou tel quartier une concentration de citoyens qui sont à 11 000 euros, c'est 60 % du revenu médian national, lorsqu'ils sont nombreux, on retiendra ce quartier, comme étant un quartier prioritaire.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Mais c'est vrai que ça change un peu la donne, par exemple, le président de la République qui est ce soir à Auch, eh bien, il va y avoir un quartier qui va être aidé. On pense à Guéret par exemple, on n'a pas, on n'associe pas forcément, effectivement…
FRANÇOIS LAMY
C'est vrai que la politique de la ville avait oublié ces 30 dernières années, des villes moyennes en territoires ruraux qui sont des centres en même temps et qui ont des concentrations de pauvreté pas forcément en périphérie, des fois en centre-ville aussi. Et le rôle du ministère de la Ville c'est d'agir dans le milieu urbain et en même temps de lutter contre ces concentrations de pauvreté où qu'elle se trouve, qu'elle se trouve en périphérie ou qu'elle se trouve en centre-ville. La ville d'Amiens qui avait défrayé la chronique, par des violences urbaines l'an passé, on a déjà bien étudié la situation, on retrouve les trois quartiers d'Amiens, dans les simulations que l'on a faite, les trois quartiers difficiles et en on en a trouvé deux autres. Et là, en centre-ville, un autre qui avait été un petit peu oublié aussi des pouvoirs publics. Donc on va avoir à la fin de l'année, la carte la plus précise possible, des concentrations de pauvreté dans ce pays et donc du coup, le cadre…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Alors transparence, simplification, effectivement ça part d'un bon sentiment ou d'un bon réflexe, on a envie de dire. Mais en revanche, à l'arrivée, ça veut dire qu'il y avait à peu près quoi ? 2500 quartiers en France qui étaient aidés. Et à l'arrivée, quoi ! Aujourd'hui, vous allez concentrer les aides sur…
FRANÇOIS LAMY
Je pense qu'on sera autour de 1200 à 1300 quartiers, encore.
JEAN-JEROME BERTOLUS
C'est moitié moins quand même ?
FRANÇOIS LAMY
Oui, mais il faut savoir une chose, c'est qu'on a superposé les dispositifs depuis des années. Vous savez, en politique de la ville, on a toujours ajouté, on n'a jamais retiré. Jamais une ville n'est sortie de la politique de la ville. Alors que c'est quand même l'objectif ! Lorsqu'on mène une action publique dans ces quartiers en difficulté…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Depuis 30 ans, le problème du ministère de la Ville, c'était quoi ? 84 d'ailleurs ?
FRANÇOIS LAMY
C'était dans les années 90, c'était Michel DELEBARRE. Et depuis on a ajouté, donc il y avait 39 quartiers en 1977 et on en a mis 750 en 96 et puis on en a mis 2400 en 2006 et on les a superposés. Ce qui fait que vous avez des cartes, donc une action publique qui n'est absolument pas efficace. Les villes qui vont sortir, d'abord, elles seront accompagnées, elles pourront toujours contractualiser avec l'Etat pour mettre en oeuvre un certain nombre de politiques publiques. On constituera des territoires de veille pour voir, mais si finalement, elles sortent, ces quartiers sortent de la politique de la ville, c'est que l'action publique aura été efficace et que ça va mieux.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Vraiment efficace ? Parce qu'en même temps, par exemple, vous le savez les quartiers, ils ont voté plutôt François HOLLANDE, même assez massivement, et les habitants, vous les voyez, vous avez fait une centaine de déplacements, le président de la République aussi, ils ont l'impression d'avoir été un peu oubliés par la gauche, depuis un an quand même ? Est-ce que vous ne craignez pas effectivement, avec cette concentration des aides, que les quartiers qui ont voté à gauche hier, votent demain d'une manière différente, voire s'abstiennent aux municipales ?
FRANÇOIS LAMY
D'abord vous savez que dans ces quartiers, ces citoyens, la première chose qu'ils demandent, c'est de ne pas être montrés du doigt et à ne pas être stigmatisé, et donc le fait de leur dire : voilà, vous n'êtes plus un quartier prioritaire, une zone sensible, c'est ce qu'ils réclament. La deuxième chose, c'est que contrairement à une idée reçue, on a beaucoup agi déjà depuis un an. Regardez sur les emplois d'avenir, 30 %, c'est-à-dire 30 000 des 100 000 emplois d'avenir, sont réservés aux hommes des quartiers prioritaires, parce qu'on sait très bien qu'il y a…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Oui, mais ça patine un peu, on voit que c'est compliqué à mettre…
FRANÇOIS LAMY
Oui, c'est plus compliqué dans ces quartiers parce qu'il y a un déficit de qualifications et de formations. On va continuer…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Les emplois francs par exemple, que vous avez lancés avec le président de la République, combien d'emploi franc ?
FRANÇOIS LAMY
Tout à fait ! On aura 10 000 emplois francs en 10 ans, mais c'est un dispositif très particulier.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Quand même, est-ce que c'est bien à la hauteur. La CGT parle d'une goutte d'eau par rapport au chômage des jeunes, dans le…
FRANÇOIS LAMY
La société n'a pas compris ce qu'était ce dispositif. C'est un dispositif complémentaire à celui des emplois d'avenir. C'est de lutter contre la stigmatisation à l'adresse, dont sont victimes tout particulièrement les jeunes diplômés, on fait des efforts, ils sont très nombreux et qui se heurtent tout d'un coup à une sorte de plafond de verre, qui fait que parce qu'ils habitent un quartier, eh bien…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Ou parce qu'ils se prénomment Ahmed.
FRANÇOIS LAMY
Voilà ! On ne retient pas leur CV, on l'écarte. Et quand j'ai lancé le dispositif emploi franc, là, le 1er juillet, les premières entreprises qui ont répondu, sont des entreprises plutôt citoyennes, qui finalement ont dit : oui, après tout, grâce à ce dispositif, on découvre que ces jeunes ont des CV qui sont plutôt intéressants pour notre entreprise et comme on est sur du CDI, donc un véritable avenir pour ces jeunes. Moi, je crois que c'est une action très positive.
JEAN-JEROME BERTOLUS
François LAMY, vous êtes retourné à Trappes, sans tambour, ni trompette. Quelques jours d'ailleurs après Manuel VALLS qui lui, avait amené toutes les caméras. Qu'est-ce que vous ont dit les habitants ? Est-ce qu'ils vous disent, qu'il y a toujours effectivement à Trappes ou ailleurs des tensions avec la police d'une manière quotidienne ?
FRANÇOIS LAMY
Oui, d'abord, ce qu'ont exprimé les habitants, et c'est surtout pour ça que je venais, c'est que là encore, ils avaient, ils étaient déçus parce que finalement, le visage qu'on avait montré de leur ville, pendant toutes ces violences n'étaient pas ce qu'ils vivaient eux-mêmes, c'est-à-dire une ville plutôt agréable, tranquille, où il y a eu une forte opération de rénovation urbaine. Et c'est d'abord ça qu'il voulait exprimer. Après, c'est vrai qu'ils ont expliqué aussi, qu'il avait des fois des tensions avec la police, entre surtout particulièrement une petite minorité de jeunes et la police, ça créait des difficultés…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Et vous regrettez par exemple, que le récépissé a été enterré par le ministre de l'Intérieur ? C'est-à-dire la possibilité pour…
FRANÇOIS LAMY
Moi, j'avais dit à l'époque que j'étais pour qu'on l'expérimente, l'arbitrage a été rendu et en même temps, je n'ai jamais considéré que c'était l'alpha et l'oméga qui permettaient de répondre à la situation des contrôles à répétition au faciès. Il y a le code de déontologie, qui va être réformé, il y a la réapparition du matricule. C'est ce qu'a promis le ministre de l'Intérieur. Moi, ce que je souhaite, c'est qu'on retrouve des relations saines, entre une partie de la population de ces quartiers et la police que dans le cadre de réunion régulière, de compte-rendu d'activités qu'on pourrait expérimenter tout particulièrement, dans les zones de sécurité prioritaire, petit à petit on retrouver des relations saines. Parce que pendant des années, la police n'a été mise qu'en situation d'intervention musclée, voilà, pour faire du chiffre et à l'arrivée en filament, cette police qui est réclamée par les habitants des quartiers populaires, moi, j'ai fait une grande enquête au mois de février. Les deux sujets qui ressortent c'est emploi et sécurité.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Très vite, deux questions pour terminer. A La Rochelle, est-ce que Martine AUBRY va s'exprimer ? Est-ce que vous qui êtes proche de Martine AUBRY, vous allez réunir en quelque sorte les amis de Martine AUBRY ?
FRANÇOIS LAMY
Oui, Martine AUBRY, vous lui poserez la question de savoir si elle a envie de s'exprimer. Elle sera présente à La Rochelle, bien entendu, parce que c'est le grand rendez-vous de la famille socialiste. Voilà ! Et puis, ceux qui l'ont suivi continueront, continuent à se voir pour être utiles à la gauche.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Donc vous allez vous réunir ?
FRANÇOIS LAMY
Et utiles au président de la République donc voilà, on se réunira certainement pour évoquer une question qui nous semble importante, c'est : comment on redonne du sens au progrès ? Voilà comment on redonne du sens à ce pays, et du coup, je pense que ça participera à l'exercice qui est mené par le gouvernement, sur la France en 2025.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Dernière question. Un sondage aujourd'hui pour LES ECHOS, montre que 70 % des Française pensent que la situation économique s'aggrave. Ils ont tort ?
FRANÇOIS LAMY
Vous savez, le président de la République l'a dit, la situation économique est difficile, c'est pour ça que tout le gouvernement se bat pour, à la fois pour l'emploi et pour la croissance, voilà, il y a quelques petites signes de frémissements, il faut les accompagner, c'est le rôle du gouvernement.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Merci, François LAMY. Et puis bon…
FRANÇOIS LAMY
Merci à vous.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Dernier conseil des ministres, avant peut-être des vacances studieuses.
FRANÇOIS LAMY
Oui, enfin, plutôt samedi, puisque je pars avec le président de la République demain à Houches.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 août 2013