Texte intégral
BRUNO DUVIC
Pierre MOSCOVICI, ministre de l'Economie et des Finances, est ce matin linvité de FRANCE INTER. Bonjour Monsieur.
PIERRE MOSCOVICI
Bonjour.
BRUNO DUVIC
Quelles suites concrètes vont être données au séminaire dhier sur la France de 2025 ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, dabord je crois que cétait un séminaire extrêmement utile, et même nécessaire, un pouvoir politique, en France, doit bien sûr traiter les urgences, et les urgences on les connaît, jimagine quon en parlera, cest le budget qui vient, cest la réforme des retraites, cest la reprise quil faut consolider, mais il faut aussi dessiner une ambition nationale, un projet collectif, restaurer la confiance, et restaurer la confiance ça passe par le sentiment dun avenir commun, et par le fait que nous affrontions ensemble un certain nombre de défis. Je pense au défi de la souveraineté de la France, souveraineté dans la mondialisation, souveraineté budgétaire, souveraineté économique. Lexcellence, comment nous pouvons être une nation qui porte un message et qui a aussi une utilité économique dans un univers qui change, puisque dans 10 ans, en 2025, il y aura 3 milliards dindividus qui représentent une classe moyenne dans le monde, et puis enfin lunité de la France. Et concrètement
BRUNO DUVIC
Ça cest les trois mots clés du président de la République.
PIERRE MOSCOVICI
Oui, mais ce sont des mots qui sont des mots forts. Vous savez, jai vu quil y avait, comme ça, des sarcasmes, il y a toujours des sarcasmes en France
BRUNO DUVIC
Justement pour y répondre, donnez-nous du concret, quels types de réformes est-ce que ça peut inspirer ce séminaire et ces mots clés que vous venez de citer ?
PIERRE MOSCOVICI
Dabord, ce quil faut bien comprendre, cest quil ny a pas de discontinuité entre 2025 et maintenant, ce nest pas jai lu que nous étions en train de dessiner la France en rose pas du tout. Nous sommes en train de montrer, cest ce que jai par exemple dans ma copie, comme on dit, ce que sont les risques daujourdhui, le risque dune Europe qui simmobilise, le risque dune France qui vieillit sans tirer les opportunités de ce vieillissement, le risque aussi dune stratégie macroéconomique qui soit mal calibrée, mais cest comment nous portons ce que nous faisons aujourdhui, les réformes du moment, la compétitivité, la réforme du marché du travail, lassainissement budgétaire, la réforme de lEducation nationale, linvestissement
BRUNO DUVIC
Donc cest prolonger ce qui existe déjà, ce nest pas forcément inspirer des réformes nouvelles ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, il y a une trajectoire, il y a un but, il y a un objectif, cest de faire une France plus forte, cest davoir un récit national, tous les grands pays ont un récit national. Prenez la Chine, elle veut accroître sa production, prenez la Russie, elle veut accroître son espace et retrouver une logique dempire, prenez lAllemagne il y a 10 ans, cétait ce quon appelait le « stentor deutschland », un site Allemagne. Moi jai proposé par exemple le plein emploi pour dans 10 ans
BRUNO DUVIC
Cest réaliste ?
PIERRE MOSCOVICI
Cest à la fois réaliste et nécessaire. Ce nest pas gagné, cest un combat, cest une bataille, cest une construction
BRUNO DUVIC
Parce que pour les gens qui nous écoutent ce matin, parler de plein emploi aujourdhui, et même à lhorizon 2025, ça semble surréaliste.
PIERRE MOSCOVICI
Je comprends, mais il ne faut pas que la France senferme dans une espèce de délectation morose, ou dauto-flagellation, la France est un grand pays, la France elle est sans doute aujourdhui dans le doute, elle est dans le pessimisme, mais elle doit avoir confiance dans ses forces. Et je reprends lexemple de lAllemagne, il y a 10 ans on disait lAllemagne est le malade de lEurope, aujourdhui il y a comme ça un doute sur la France, mais regardez ce que nous sommes. Par exemple en matière de croissance, au deuxième trimestre de cette année
BRUNO DUVIC
On va y venir.
PIERRE MOSCOVICI
Nous sommes les leaders en Europe, nous avons des capacités, nous sommes la cinquième économie du monde, nous sommes la deuxième en Europe, nous sommes une nation qui siège dans toutes les grandes institutions internationales, au Conseil de sécurité des Nations Unies en tant que membre permanent, nous avons larme atomique, nous sommes une nation écoutée. Alors, quand je dis plein emploi, ce que je dis cest que, si nous mobilisons nos forces, si nous sommes capables de dessiner une stratégie macroéconomique efficace, dont jai donné les ressorts, encore une fois la compétitivité, linnovation, linvestissement, et aussi la souveraineté budgétaire, le désendettement
BRUNO DUVIC
Mais ça ne veut pas dire quon sera à moins de 5% de chômage en 2025.
PIERRE MOSCOVICI
Ça veut dire que si nous le faisons, oui, et je crois que nous le pouvons. Prenons lexemple du facteur démographique que jévoquais
BRUNO DUVIC
Et après il faudra quon passe aux autres sujets.
PIERRE MOSCOVICI
Il y aura un tiers de Français qui auront plus de 60 ans, cest après 2035 que le nombre des actifs recommencera à croître, la France, elle, peut créer des emplois, va créer des emplois, mais ça, encore une fois, ce nest pas donné, cest construit, et cest pour ça quil y a la trajectoire, 2025, et il y a le lancement, cest ce que nous sommes en train de faire.
BRUNO DUVIC
Vous avez été choqué par la contribution de Manuel VALLS, la question du regroupement familial pourrait être revue, il faudra démontrer que lislam est compatible avec la démocratie ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, je nai pas été choqué, je trouve quon fait parfois de mauvais procès et quon se fait des mauvais procès. Vous savez, quand on est dans un séminaire comme ça, chacun sexprime librement et donne sa vérité, ses idées, on peut les partager ou non. Mais quand par exemple je lis que certains disent que Manuel VALLS aurait laissé planer un doute sur le fait que lislam soit compatible avec la République, pas du tout, ce quil a dit cest exactement le contraire. Il a dit « nous allons montrer, nous sommes en train de montrer », il y a une volonté, « que lislam est compatible avec la République. » Alors, nous ne faisons pas de faux procès. Et quand nous sommes entre nous, soyons capables aussi démettre des idées, ça sappelle un débat, on peut les partager ou ne pas les partager, mais non, Manuel VALLS a été extrêmement clair, cétait une volonté et pas un doute.
BRUNO DUVIC
+0,5% de croissance au printemps, vous lavez dit, du coup sur quelle hypothèse travaillez-vous en ce qui concerne la croissance 2013 et 2014 ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, on ma fait dire cet été des choses assez invraisemblables, comme quoi jaurais modifié les prévisions de croissance
BRUNO DUVIC
Cest loccasion de rétablir.
PIERRE MOSCOVICI
Eh bien je rétablis. Les prévisions de croissance on les établie au moment où on présente des projets finances, des projets de loi de finances. La loi de finances pour 2014 sera établie en septembre, donc je la présenterai
BRUNO DUVIC
Vous avez une petite idée quand même.
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, je vais dabord partir de deux choses. Un, le chiffre du deuxième trimestre 2013, que dit-il ? Il dit que la France est sortie de la récession, ça cest très clair. La récession cest quoi ? Cest deux trimestres
BRUNO DUVIC
Sortie durablement ?
PIERRE MOSCOVICI
Jy viens deux trimestres consécutifs de croissance négatifs. Nous avons eu ça, -0,2 et -0,2, à la fin 2012 et au début 2013. Là nous avons +0,5, donc sortie de récession. Jajoute que la sortie de récession elle nest pas seulement française, elle est aussi européenne, puisque la zone euro, enfin, ça faisait six trimestres consécutifs quelle était, elle, en croissance négative, a connu 0,3. La France est leader de ce mouvement
BRUNO DUVIC
LAllemagne est à 0,7, non ?
PIERRE MOSCOVICI
De ce mouvement avec lAllemagne, qui est à 0,7. Et ça, ça signifie quoi ? Un, que nous avons su stabiliser la zone euro, ce sont des efforts considérables, moi jy ai passé un temps fou depuis que je suis ministre de l'Economie et des Finances, mais je peux dire aujourdhui que cest vrai, nous sommes sortis de la crise de la zone euro, même sil reste de la crise économique, de léconomie réelle, dans la zone euro. Et puis il y a le rebond en France, consommation +0,4, production industrielle +0,9, reconstitution des socles, et tout ça, ça atteste dune confiance qui renaît. Alors, vous me demandez si ça va vers une reprise durable ? Oui, à condition que nous soyons capables collectivement, et là on refait le lien avec 2025, de développer cette confiance, de partager cette confiance.
BRUNO DUVIC
Et ça fait, en quoi, en 2013 une croissance à 0,1 et en 2014 une croissance autour de 1% ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, je vais vous donner premier chiffre cétait 0,5, deuxième chiffre cest 0,1, quest-ce que cest 0,1 ? Cest ce quon appelle
BRUNO DUVIC
0,1 pour cette année ?
PIERRE MOSCOVICI
Non non, cest lacquis de croissance. Lacquis de croissance cest le chiffre qui résulte déjà des deux premiers trimestres, et ce serait 0,1 si les deux derniers trimestres de lannée étaient à une croissance nulle. Donc disons que, voilà ce quest la base sur laquelle seront établies les prévisions, elles peuvent être meilleures, nous verrons ça. mais si vous voulez, moi ce que je veux souligner surtout, cest que, oui cest vrai, il y a eu ce rebond très important de lactivité et que, oui cest vrai, la France est en train damorcer la marche vers une reprise durable, et cest ce message-là que je veux moi diffuser. Ayons confiance dans notre pays, il le mérite, cest un grand pays, et ne soyons pas sans arrêt en train de douter ou de nous moquer de nous-mêmes. Nous sommes une force dans la mondialisation.
BRUNO DUVIC
Budget en Conseil des ministres le 25 septembre, 14 milliards déconomies, 10 à 12 milliards dimpôts, dont 6 véritablement nouveaux. Y aura-t-il un gel du barème de limpôt sur le revenu, Monsieur le ministre ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, non, je ne vais pas faire ça aujourdhui parce que les arbitrages fiscaux sont en train dêtre finalisés, parce que la loi de finances sera présentée en septembre 2013.
BRUNO DUVIC
Cest une piste de réflexion sérieuse ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, moi je ne veux pas me livrer à ce concours-là, ce que je veux dire cest que, dabord nous voulons faire un budget qui continue à se redresser, parce quil est important, je disais que la France retrouve sa souveraineté budgétaire, donc elle se désendette. Deuxièmement, nous voulons un budget qui se redresse à un rythme, et avec des modalités qui soient compatibles avec le retour de la croissance. Quand nous avons obtenu de la Commission Européenne quelle nous donne un délai de 2 ans pour revenir en deçà de 3% des déficits en termes de PIB, cest cela, cest la compatibilité avec la croissance, nous voulons un budget, du coup, qui soutienne la croissance. Et nous voulons un budget qui ait deux caractéristiques. Un, que leffort de redressement porte dabord sur des économies des dépenses publiques, je dis bien dabord, et nous avons inversé la proportion par rapport au budget 2013, nous allons inverser la proportion par rapport au budget 2013, en 2013 cétait deux tiers de fiscalité, un tiers déconomies, cette fois-ci ce sera au moins deux tiers déconomies, et un tiers, au maximum, de prélèvements. Et deuxième chose
BRUNO DUVIC
Economies sur le traitement des fonctionnaires et les effectifs de fonctionnaires ?
PIERRE MOSCOVICI
Deuxième chose, ce que je souhaite, cest que nous poursuivions la marche qui est la nôtre, vers la stabilisation des prélèvements obligatoires. Les prélèvements obligatoires ils ont crû de manière extrêmement forte pendant les cinq années où Nicolas SARKOZY était président, nous avons nous-mêmes dû faire un ajustement important en 2013, parce que nous étions en fort déficit, en 2014 nous décèlerons et en 2015 ce sera la stabilité des prélèvements obligatoires.
BRUNO DUVIC
Vous parliez de concours, à propos de ce budget, les personnes qui nous écoutent ont envie, quand même, davoir des détails nécessairement, cest aussi des informations et non pas un concours. Au-delà du gel du barème de limpôt sur le revenu, puisque vous parliez déconomies, elles porteront
PIERRE MOSCOVICI
Non non, je vous précise que je nai rien confirmé.
BRUNO DUVIC
Jai bien compris, oui oui.
PIERRE MOSCOVICI
Et que, encore une fois, les arbitrages seront rendus très prochainement.
BRUNO DUVIC
Le point dindice des fonctionnaires ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, mais, encore une fois, il ny a pas, aujourdhui, dinformation sur le budget 2014, ce budget il est en train dêtre finalisé, nous y travaillons avec Bernard CAZENEUVE, sous lautorité du président de la République et du Premier ministre, nous le faisons ardemment, nous le faisons aussi sereinement, et il y a un calendrier politique.
BRUNO DUVIC
Quelle réponse à ceux qui disent il y a trop dimpôts et qui sont très nombreux ? Ce nest pas seulement une partie de la droite, on recevait lautre jour sur FRANCE INTER deux économistes, un libéral, un économiste atterrés, qui tout deux tombaient daccord sur ce constat, il y a trop dimpôts en France disaient-ils, singulièrement en période de croissance faible.
PIERRE MOSCOVICI
Moi je suis très sensible à ce ras-le-bol fiscal que je ressens de la part de nos concitoyens, quils soient des ménages, des consommateurs, ou quils soient des entreprises, et ça nous lécoutons. Cest la raison pour laquelle, je le répète, dans le redressement nécessaire nous inverserons les proportions par rapport à 2013, entre les économies qui doivent être prioritaires et les prélèvements obligatoires qui doivent être aussi peu importants, aussi faibles que possible. Et puis, nous allons poursuivre cela, cest dailleurs ce que nous avons dit dès notre arrivée aux responsabilités, dans la loi de programmation des finances publiques, nous lavons redit dans le programme de stabilité, que nous avons fait voter, en direction de lUnion Européenne, les prélèvements obligatoires devront être stabilisés en 2015. Et donc
BRUNO DUVIC
On a atteint le seuil où au-delà ce ne serait plus supportable, et pour les consommateurs, et pour les entreprises ?
PIERRE MOSCOVICI
Je pense quil faut poursuivre cette voie-ci, quelle est très importante, et quelle est celle aussi qui permet le retour de la confiance justement, durable, parce que ça donne de la lisibilité, de la prévisibilité. Et je précise que, bien sûr, notre stratégie fiscale elle sera arrêtée avec une préoccupation qui est toujours la nôtre, qui est celle de la justice. La justice fiscale, la justice sociale, la justice aussi entre les types dentreprises.
BRUNO DUVIC
A propos dentreprises, le régime des autoentrepreneurs, ça cest demain en Conseil des ministres, il était question de baisser le seuil au-delà duquel, en deçà duquel ils bénéficient davantages fiscaux, le chiffre de 19 000 euros était cité, 19 000 euros de chiffre daffaires pour le service et lartisanat, ça a disparu, il ny aura plus de seuil ?
PIERRE MOSCOVICI
Ma collègue, Sylvia PINEL, présentera ce projet demain, en Conseil des ministres, et donc cest à elle de faire ce commentaire. Je dirais simplement que des décisions ont été rendues par le Premier ministre, cétait le 12 juin, qui confortent et réforment ce dispositif dautoentrepreneur, quon en connaît exactement les mécanismes, cest ça qui sera précisé demain, et jajoute que
BRUNO DUVIC
Ce qui semble indiquer que la notion de seuil a disparu, comme le disait LES ECHOS la semaine dernière.
PIERRE MOSCOVICI
Jajoute quune concertation sera menée par un député, monsieur Laurent GRANDGUILLAUME, justement pour permettre lharmonisation, à la fois fiscale, sociale, juridique, des dispositifs qui touchent les entrepreneurs individuels.
BRUNO DUVIC
Quel bilan vous dressez de ce régime des autoentrepreneurs ? 900 000 entreprises créées de cette manière depuis quil a été créé, je crois que cétait en 2008. Quel bilan vous en tirez ?
PIERRE MOSCOVICI
Cest un bilan qui montre que cest un régime nécessaire, qui a permis à beaucoup de poursuivre une activité, ou de se réinsérer sur le monde du travail, qui nécessitait aussi des réformes, une régulation, cest ça lesprit du gouvernement, ça na jamais été dy mettre fin.
BRUNO DUVIC
Pierre MOSCOVICI, ministre de l'Economie, invité de FRANCE INTER jusquà 8H50, toutes vos questions 01.45.24.7000 et franceinter.fr.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 août 2013
Pierre MOSCOVICI, ministre de l'Economie et des Finances, est ce matin linvité de FRANCE INTER. Bonjour Monsieur.
PIERRE MOSCOVICI
Bonjour.
BRUNO DUVIC
Quelles suites concrètes vont être données au séminaire dhier sur la France de 2025 ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, dabord je crois que cétait un séminaire extrêmement utile, et même nécessaire, un pouvoir politique, en France, doit bien sûr traiter les urgences, et les urgences on les connaît, jimagine quon en parlera, cest le budget qui vient, cest la réforme des retraites, cest la reprise quil faut consolider, mais il faut aussi dessiner une ambition nationale, un projet collectif, restaurer la confiance, et restaurer la confiance ça passe par le sentiment dun avenir commun, et par le fait que nous affrontions ensemble un certain nombre de défis. Je pense au défi de la souveraineté de la France, souveraineté dans la mondialisation, souveraineté budgétaire, souveraineté économique. Lexcellence, comment nous pouvons être une nation qui porte un message et qui a aussi une utilité économique dans un univers qui change, puisque dans 10 ans, en 2025, il y aura 3 milliards dindividus qui représentent une classe moyenne dans le monde, et puis enfin lunité de la France. Et concrètement
BRUNO DUVIC
Ça cest les trois mots clés du président de la République.
PIERRE MOSCOVICI
Oui, mais ce sont des mots qui sont des mots forts. Vous savez, jai vu quil y avait, comme ça, des sarcasmes, il y a toujours des sarcasmes en France
BRUNO DUVIC
Justement pour y répondre, donnez-nous du concret, quels types de réformes est-ce que ça peut inspirer ce séminaire et ces mots clés que vous venez de citer ?
PIERRE MOSCOVICI
Dabord, ce quil faut bien comprendre, cest quil ny a pas de discontinuité entre 2025 et maintenant, ce nest pas jai lu que nous étions en train de dessiner la France en rose pas du tout. Nous sommes en train de montrer, cest ce que jai par exemple dans ma copie, comme on dit, ce que sont les risques daujourdhui, le risque dune Europe qui simmobilise, le risque dune France qui vieillit sans tirer les opportunités de ce vieillissement, le risque aussi dune stratégie macroéconomique qui soit mal calibrée, mais cest comment nous portons ce que nous faisons aujourdhui, les réformes du moment, la compétitivité, la réforme du marché du travail, lassainissement budgétaire, la réforme de lEducation nationale, linvestissement
BRUNO DUVIC
Donc cest prolonger ce qui existe déjà, ce nest pas forcément inspirer des réformes nouvelles ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, il y a une trajectoire, il y a un but, il y a un objectif, cest de faire une France plus forte, cest davoir un récit national, tous les grands pays ont un récit national. Prenez la Chine, elle veut accroître sa production, prenez la Russie, elle veut accroître son espace et retrouver une logique dempire, prenez lAllemagne il y a 10 ans, cétait ce quon appelait le « stentor deutschland », un site Allemagne. Moi jai proposé par exemple le plein emploi pour dans 10 ans
BRUNO DUVIC
Cest réaliste ?
PIERRE MOSCOVICI
Cest à la fois réaliste et nécessaire. Ce nest pas gagné, cest un combat, cest une bataille, cest une construction
BRUNO DUVIC
Parce que pour les gens qui nous écoutent ce matin, parler de plein emploi aujourdhui, et même à lhorizon 2025, ça semble surréaliste.
PIERRE MOSCOVICI
Je comprends, mais il ne faut pas que la France senferme dans une espèce de délectation morose, ou dauto-flagellation, la France est un grand pays, la France elle est sans doute aujourdhui dans le doute, elle est dans le pessimisme, mais elle doit avoir confiance dans ses forces. Et je reprends lexemple de lAllemagne, il y a 10 ans on disait lAllemagne est le malade de lEurope, aujourdhui il y a comme ça un doute sur la France, mais regardez ce que nous sommes. Par exemple en matière de croissance, au deuxième trimestre de cette année
BRUNO DUVIC
On va y venir.
PIERRE MOSCOVICI
Nous sommes les leaders en Europe, nous avons des capacités, nous sommes la cinquième économie du monde, nous sommes la deuxième en Europe, nous sommes une nation qui siège dans toutes les grandes institutions internationales, au Conseil de sécurité des Nations Unies en tant que membre permanent, nous avons larme atomique, nous sommes une nation écoutée. Alors, quand je dis plein emploi, ce que je dis cest que, si nous mobilisons nos forces, si nous sommes capables de dessiner une stratégie macroéconomique efficace, dont jai donné les ressorts, encore une fois la compétitivité, linnovation, linvestissement, et aussi la souveraineté budgétaire, le désendettement
BRUNO DUVIC
Mais ça ne veut pas dire quon sera à moins de 5% de chômage en 2025.
PIERRE MOSCOVICI
Ça veut dire que si nous le faisons, oui, et je crois que nous le pouvons. Prenons lexemple du facteur démographique que jévoquais
BRUNO DUVIC
Et après il faudra quon passe aux autres sujets.
PIERRE MOSCOVICI
Il y aura un tiers de Français qui auront plus de 60 ans, cest après 2035 que le nombre des actifs recommencera à croître, la France, elle, peut créer des emplois, va créer des emplois, mais ça, encore une fois, ce nest pas donné, cest construit, et cest pour ça quil y a la trajectoire, 2025, et il y a le lancement, cest ce que nous sommes en train de faire.
BRUNO DUVIC
Vous avez été choqué par la contribution de Manuel VALLS, la question du regroupement familial pourrait être revue, il faudra démontrer que lislam est compatible avec la démocratie ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, je nai pas été choqué, je trouve quon fait parfois de mauvais procès et quon se fait des mauvais procès. Vous savez, quand on est dans un séminaire comme ça, chacun sexprime librement et donne sa vérité, ses idées, on peut les partager ou non. Mais quand par exemple je lis que certains disent que Manuel VALLS aurait laissé planer un doute sur le fait que lislam soit compatible avec la République, pas du tout, ce quil a dit cest exactement le contraire. Il a dit « nous allons montrer, nous sommes en train de montrer », il y a une volonté, « que lislam est compatible avec la République. » Alors, nous ne faisons pas de faux procès. Et quand nous sommes entre nous, soyons capables aussi démettre des idées, ça sappelle un débat, on peut les partager ou ne pas les partager, mais non, Manuel VALLS a été extrêmement clair, cétait une volonté et pas un doute.
BRUNO DUVIC
+0,5% de croissance au printemps, vous lavez dit, du coup sur quelle hypothèse travaillez-vous en ce qui concerne la croissance 2013 et 2014 ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, on ma fait dire cet été des choses assez invraisemblables, comme quoi jaurais modifié les prévisions de croissance
BRUNO DUVIC
Cest loccasion de rétablir.
PIERRE MOSCOVICI
Eh bien je rétablis. Les prévisions de croissance on les établie au moment où on présente des projets finances, des projets de loi de finances. La loi de finances pour 2014 sera établie en septembre, donc je la présenterai
BRUNO DUVIC
Vous avez une petite idée quand même.
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, je vais dabord partir de deux choses. Un, le chiffre du deuxième trimestre 2013, que dit-il ? Il dit que la France est sortie de la récession, ça cest très clair. La récession cest quoi ? Cest deux trimestres
BRUNO DUVIC
Sortie durablement ?
PIERRE MOSCOVICI
Jy viens deux trimestres consécutifs de croissance négatifs. Nous avons eu ça, -0,2 et -0,2, à la fin 2012 et au début 2013. Là nous avons +0,5, donc sortie de récession. Jajoute que la sortie de récession elle nest pas seulement française, elle est aussi européenne, puisque la zone euro, enfin, ça faisait six trimestres consécutifs quelle était, elle, en croissance négative, a connu 0,3. La France est leader de ce mouvement
BRUNO DUVIC
LAllemagne est à 0,7, non ?
PIERRE MOSCOVICI
De ce mouvement avec lAllemagne, qui est à 0,7. Et ça, ça signifie quoi ? Un, que nous avons su stabiliser la zone euro, ce sont des efforts considérables, moi jy ai passé un temps fou depuis que je suis ministre de l'Economie et des Finances, mais je peux dire aujourdhui que cest vrai, nous sommes sortis de la crise de la zone euro, même sil reste de la crise économique, de léconomie réelle, dans la zone euro. Et puis il y a le rebond en France, consommation +0,4, production industrielle +0,9, reconstitution des socles, et tout ça, ça atteste dune confiance qui renaît. Alors, vous me demandez si ça va vers une reprise durable ? Oui, à condition que nous soyons capables collectivement, et là on refait le lien avec 2025, de développer cette confiance, de partager cette confiance.
BRUNO DUVIC
Et ça fait, en quoi, en 2013 une croissance à 0,1 et en 2014 une croissance autour de 1% ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, je vais vous donner premier chiffre cétait 0,5, deuxième chiffre cest 0,1, quest-ce que cest 0,1 ? Cest ce quon appelle
BRUNO DUVIC
0,1 pour cette année ?
PIERRE MOSCOVICI
Non non, cest lacquis de croissance. Lacquis de croissance cest le chiffre qui résulte déjà des deux premiers trimestres, et ce serait 0,1 si les deux derniers trimestres de lannée étaient à une croissance nulle. Donc disons que, voilà ce quest la base sur laquelle seront établies les prévisions, elles peuvent être meilleures, nous verrons ça. mais si vous voulez, moi ce que je veux souligner surtout, cest que, oui cest vrai, il y a eu ce rebond très important de lactivité et que, oui cest vrai, la France est en train damorcer la marche vers une reprise durable, et cest ce message-là que je veux moi diffuser. Ayons confiance dans notre pays, il le mérite, cest un grand pays, et ne soyons pas sans arrêt en train de douter ou de nous moquer de nous-mêmes. Nous sommes une force dans la mondialisation.
BRUNO DUVIC
Budget en Conseil des ministres le 25 septembre, 14 milliards déconomies, 10 à 12 milliards dimpôts, dont 6 véritablement nouveaux. Y aura-t-il un gel du barème de limpôt sur le revenu, Monsieur le ministre ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, non, je ne vais pas faire ça aujourdhui parce que les arbitrages fiscaux sont en train dêtre finalisés, parce que la loi de finances sera présentée en septembre 2013.
BRUNO DUVIC
Cest une piste de réflexion sérieuse ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, moi je ne veux pas me livrer à ce concours-là, ce que je veux dire cest que, dabord nous voulons faire un budget qui continue à se redresser, parce quil est important, je disais que la France retrouve sa souveraineté budgétaire, donc elle se désendette. Deuxièmement, nous voulons un budget qui se redresse à un rythme, et avec des modalités qui soient compatibles avec le retour de la croissance. Quand nous avons obtenu de la Commission Européenne quelle nous donne un délai de 2 ans pour revenir en deçà de 3% des déficits en termes de PIB, cest cela, cest la compatibilité avec la croissance, nous voulons un budget, du coup, qui soutienne la croissance. Et nous voulons un budget qui ait deux caractéristiques. Un, que leffort de redressement porte dabord sur des économies des dépenses publiques, je dis bien dabord, et nous avons inversé la proportion par rapport au budget 2013, nous allons inverser la proportion par rapport au budget 2013, en 2013 cétait deux tiers de fiscalité, un tiers déconomies, cette fois-ci ce sera au moins deux tiers déconomies, et un tiers, au maximum, de prélèvements. Et deuxième chose
BRUNO DUVIC
Economies sur le traitement des fonctionnaires et les effectifs de fonctionnaires ?
PIERRE MOSCOVICI
Deuxième chose, ce que je souhaite, cest que nous poursuivions la marche qui est la nôtre, vers la stabilisation des prélèvements obligatoires. Les prélèvements obligatoires ils ont crû de manière extrêmement forte pendant les cinq années où Nicolas SARKOZY était président, nous avons nous-mêmes dû faire un ajustement important en 2013, parce que nous étions en fort déficit, en 2014 nous décèlerons et en 2015 ce sera la stabilité des prélèvements obligatoires.
BRUNO DUVIC
Vous parliez de concours, à propos de ce budget, les personnes qui nous écoutent ont envie, quand même, davoir des détails nécessairement, cest aussi des informations et non pas un concours. Au-delà du gel du barème de limpôt sur le revenu, puisque vous parliez déconomies, elles porteront
PIERRE MOSCOVICI
Non non, je vous précise que je nai rien confirmé.
BRUNO DUVIC
Jai bien compris, oui oui.
PIERRE MOSCOVICI
Et que, encore une fois, les arbitrages seront rendus très prochainement.
BRUNO DUVIC
Le point dindice des fonctionnaires ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, mais, encore une fois, il ny a pas, aujourdhui, dinformation sur le budget 2014, ce budget il est en train dêtre finalisé, nous y travaillons avec Bernard CAZENEUVE, sous lautorité du président de la République et du Premier ministre, nous le faisons ardemment, nous le faisons aussi sereinement, et il y a un calendrier politique.
BRUNO DUVIC
Quelle réponse à ceux qui disent il y a trop dimpôts et qui sont très nombreux ? Ce nest pas seulement une partie de la droite, on recevait lautre jour sur FRANCE INTER deux économistes, un libéral, un économiste atterrés, qui tout deux tombaient daccord sur ce constat, il y a trop dimpôts en France disaient-ils, singulièrement en période de croissance faible.
PIERRE MOSCOVICI
Moi je suis très sensible à ce ras-le-bol fiscal que je ressens de la part de nos concitoyens, quils soient des ménages, des consommateurs, ou quils soient des entreprises, et ça nous lécoutons. Cest la raison pour laquelle, je le répète, dans le redressement nécessaire nous inverserons les proportions par rapport à 2013, entre les économies qui doivent être prioritaires et les prélèvements obligatoires qui doivent être aussi peu importants, aussi faibles que possible. Et puis, nous allons poursuivre cela, cest dailleurs ce que nous avons dit dès notre arrivée aux responsabilités, dans la loi de programmation des finances publiques, nous lavons redit dans le programme de stabilité, que nous avons fait voter, en direction de lUnion Européenne, les prélèvements obligatoires devront être stabilisés en 2015. Et donc
BRUNO DUVIC
On a atteint le seuil où au-delà ce ne serait plus supportable, et pour les consommateurs, et pour les entreprises ?
PIERRE MOSCOVICI
Je pense quil faut poursuivre cette voie-ci, quelle est très importante, et quelle est celle aussi qui permet le retour de la confiance justement, durable, parce que ça donne de la lisibilité, de la prévisibilité. Et je précise que, bien sûr, notre stratégie fiscale elle sera arrêtée avec une préoccupation qui est toujours la nôtre, qui est celle de la justice. La justice fiscale, la justice sociale, la justice aussi entre les types dentreprises.
BRUNO DUVIC
A propos dentreprises, le régime des autoentrepreneurs, ça cest demain en Conseil des ministres, il était question de baisser le seuil au-delà duquel, en deçà duquel ils bénéficient davantages fiscaux, le chiffre de 19 000 euros était cité, 19 000 euros de chiffre daffaires pour le service et lartisanat, ça a disparu, il ny aura plus de seuil ?
PIERRE MOSCOVICI
Ma collègue, Sylvia PINEL, présentera ce projet demain, en Conseil des ministres, et donc cest à elle de faire ce commentaire. Je dirais simplement que des décisions ont été rendues par le Premier ministre, cétait le 12 juin, qui confortent et réforment ce dispositif dautoentrepreneur, quon en connaît exactement les mécanismes, cest ça qui sera précisé demain, et jajoute que
BRUNO DUVIC
Ce qui semble indiquer que la notion de seuil a disparu, comme le disait LES ECHOS la semaine dernière.
PIERRE MOSCOVICI
Jajoute quune concertation sera menée par un député, monsieur Laurent GRANDGUILLAUME, justement pour permettre lharmonisation, à la fois fiscale, sociale, juridique, des dispositifs qui touchent les entrepreneurs individuels.
BRUNO DUVIC
Quel bilan vous dressez de ce régime des autoentrepreneurs ? 900 000 entreprises créées de cette manière depuis quil a été créé, je crois que cétait en 2008. Quel bilan vous en tirez ?
PIERRE MOSCOVICI
Cest un bilan qui montre que cest un régime nécessaire, qui a permis à beaucoup de poursuivre une activité, ou de se réinsérer sur le monde du travail, qui nécessitait aussi des réformes, une régulation, cest ça lesprit du gouvernement, ça na jamais été dy mettre fin.
BRUNO DUVIC
Pierre MOSCOVICI, ministre de l'Economie, invité de FRANCE INTER jusquà 8H50, toutes vos questions 01.45.24.7000 et franceinter.fr.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 août 2013